Le Système d’Aristote/Chapitre XVII

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Texte établi par Léon RobinFélix Alcan (p. 297-314).

DIX-SEPTIÈME LEÇON


LA NATURE ET LE MOUVEMENT

La théorie des causes, puis celles de l’infini, de l’espace, du vide et du temps n’étaient encore que des préliminaires de la physique. Nous sommes maintenant en face du phénomène fondamental de la physique, le phénomène du changement, et de la cause primordiale et spécifique de ce phénomène, la nature. Nous étudierons donc dans cette leçon la nature et le changement.

Ainsi que son nom l’indique, la physique a pour objet propre la nature ; en d’autres termes, se proposant de connaître par les causes comme toute science, la cause à laquelle elle veut ramener, au moins en dernière analyse, les phénomènes qu’elle étudie, c’est la nature. Un phénomène physique aura reçu son explication la plus profonde quand on aura fait voir qu’il a sa source dans ce principe qu’on appelle la nature. Qu’est-ce donc que la nature ? Pour le dire en gros d’abord, la nature est un principe de mouvement et de repos.

La première question qu’il faut se poser, semble-t-il, après avoir ainsi indiqué d’une façon sommaire en quoi consiste la nature, c’est celle de savoir si la nature existe. Nous nous souvenons en effet qu’une science, selon Aristote, commence par une définition de mots et que cette science doit ensuite supposer ou établir d’une façon quelconque qu’une réalité répond à la définition proposée. La physique paraît donc avoir pour première tâche d’établir qu’il existe telle chose qu’une nature. Comme il n’y a pas de cause de mouvement sans mouvement, ni de mouvement sans mobile, la question se diviserait en deux : y a-t-il des choses en mouvement et, comme la cause de ce mouvement, une nature ? À la première partie de la question, Aristote répond en somme dans les chapitres 2 et 3 du premier livre de la Physique, et aussi dans tous les passages où il s’occupe des arguments de Zénon (VI, 2 et 9 ; VIII, 8). On sait qu’il réfute Zénon avec le plus grand soin au moyen de la distinction de l’infini en acte et de l’infini en puissance. Mais, au premier livre de la Physique, où il réfute aussi la doctrine éléatique de l’immobilité, il procède plus sommairement et il consacre plus de développement à l’examen de la doctrine de l’unité de l’être qu’à celle de l’immobilité. C’est que l’examen des thèses éléatiques ne lui paraît pas relever proprement de la physique. Tout en reconnaissant que l’étude de ces thèses a son intérêt[1] et qu’il peut arriver à leurs auteurs de soulever par accident des difficultés vraiment physiques, il estime que le physicien n’a pas à discuter longuement avec eux. Cela revient à dire que le physicien n’a pas à établir les principes de la physique. Pourtant on ne voit pas que, comme métaphysicien, Aristote se soit davantage préoccupé de les établir. La vérité est que l’existence d’êtres en mouvement lui paraît aller de soi. Il n’y a pas même besoin d’en apporter une démonstration indirecte en réfutant ceux qui le nient. Il existe des êtres en mouvement : l’induction, c’est-à-dire l’expérience, le prouve de la façon la plus manifeste (2, 185 a, 12-14). — Lorsque, au IIe livre de la Physique, Aristote arrive à la seconde partie de la question, à savoir l’existence de la nature sous le mouvement et les mobiles, il procède encore de la même façon. On n’a qu’à considérer ceux des êtres qui sont dits exister par nature, des animaux, des plantes, des corps simples : on constate de la manière la plus évidente que ces êtres présentent avec les autres une différence marquée qui est précisément de se mouvoir par eux-mêmes. Et Aristote conclut qu’on ferait preuve de faiblesse intellectuelle en demandant une démonstration de l’existence de la nature : aveugle qui ne la voit pas (1, 192 b, 12 et 193 a, 1-9). Sans doute il ne faut pas oublier qu’Aristote essaie ailleurs de faire sentir que, contrairement à la prétention de Démocrite, des mouvements toujours reçus du dehors et toujours dépourvus de cause interne sont en réalité des mouvements sans cause (Phys. VIII, 1 fin). Néanmoins on peut trouver qu’il passe un peu vite sur la réalité de la nature, c’est-à-dire sur la condamnation du mécanisme et l’affirmation du dynamisme ; car il ne s’agit de rien de moins. Mais, à y bien réfléchir, ce n’est pas une constatation des sens qui fonde l’existence de la nature dans le système d’Aristote ; c’est tout l’esprit de ce système. La nature ne se constaterait pas, qu’elle n’en serait pas moins incontestable, péripatétiquement parlant ; car tout autre principe du mouvement est inintelligible : c’est par elle seule que le mouvement peut être compris.

La question de l’existence de la nature ainsi réglée, il nous faut revenir à la notion de la nature et tâcher de l’approfondir. Ce n’est pas tout à fait sans raison que Zeller se plaint qu’Aristote ne nous donne pas assez d’explications lorsque nous voulons nous faire une idée précise de la nature[2]. Quoique la pensée d’Aristote reste peut-être moins vague que cette remarque donnerait à le croire, il est sur que Zeller signale justement plusieurs incertitudes et obscurités. Le mot de φύσις chez Aristote ne désigne pas seulement le principe de mouvement qui se trouve dans un objet concret limité, tel qu’un bloc d’airain ou une motte de terre, et, d’autre part, il ne désigne pas non plus le principe moteur d’une seule espèce d’objets. En d’autres termes il y a, ou il semble y avoir, une nature universelle et, d’autre part, plusieurs sortes de nature. Lorsque, au VIIIe livre de la Physique (1 déb.), Aristote dit que le mouvement éternel est comme une vie des êtres qui existent par nature (φύσει) ; lorsqu’il énonce la proposition fameuse que Dieu et la nature ne font rien en vain (De caelo, I, 4 fin) ou quand il écrit (Polit. I, 5, 1254 b, 27) que la nature veut faire des corps différents à l’homme libre et à l’esclave, assurément ce qu’il entend par nature, c’est une force partout répandue dans le monde, enveloppant tous les individus. Or la nature ainsi entendue est évidemment un pouvoir malaisé à définir. C’est presque une divinité ou une âme du monde, capable de toutes les tâches parce qu’elle n’est spécialement affectée à aucune, parce qu’elle n’est attachée à aucun être en particulier. Cependant, si Aristote admet une âme dans chaque sphère céleste, il est certain qu’il ne saurait admettre une âme du monde qui circulerait de corps en corps, au lieu de résider immuablement en un corps déterminé. Il ne faut donc pas chercher à interpréter dans un sens panthéistique la nature universelle d’Aristote. Il convient d’y voir surtout une métaphore. Toutefois, si c’est peu de chose de plus qu’une métaphore, c’est bien quelque chose de plus. Lorsqu’il s’agit d’un animal ou d’une plante, le principe interne de mouvement, qui d’ailleurs s’appelle exactement âme, et non pas nature, ce principe est individualisé par le corps, ou au moins comme le corps très déterminé où il a son siège. Quand, au contraire, il s’agit de la nature plus proprement dite, du principe de mouvement des corps inorganiques et par exemple des corps simples, on comprend que ce principe devienne quelque chose d’un peu flottant. Car une motte de terre n’a pas une individualité marquée et sa nature est, si l’on peut dire, un morceau de celle de toute la terre[3]. D’un autre côté, le mot nature désigne collectivement plusieurs espèces de principes moteurs. Lorsque, par exemple, Aristote écrit la proposition fameuse : οὐ πᾶσα ψυχὴ φύσις (De part. an. I, 1, 641 b, 9), ses paroles impliquent certainement que certaines âmes sont des moteurs comparables à la nature, objets, comme la nature au sens étroit, des études du physicien. C’est que peut-être bien y a-t-il quelque chose de commun, un genre commun aux divers principes moteurs immanents. Quoi qu’il en soit et à quelques rapprochements que nous devions être conduits tout à l’heure, il est certain que la nature, au sens technique où Aristote l’entend, n’est pas plus le principe moteur d’un être organisé qu’elle n’est un pouvoir sans siège défini.

Mais ce n’est pas tout que d’écarter ces incertitudes et ces obscurités un peu extérieures. Il y a autre chose à faire, et Aristote nous fournit d’autres précisions pour déterminer l’idée de nature. « La nature, dit Aristote, est un principe et une cause de mouvement et de repos pour la chose en quoi elle réside immédiatement et à titre d’attribut essentiel, et non pas accidentel, de cette chose[4] ». Un premier éclaircissement de cette définition va résulter pour nous d’un commentaire quasi littéral de ses divers éléments. — Tout d’abord, comment la nature est-elle un principe de repos en même temps que de mouvement ? La nature n’est quelquefois qu’un principe de mouvement : il y a en effet un élément, l’éther, qui circule sans cesse en vertu de sa nature. Lors donc qu’Aristote écrit que la nature est un principe de mouvement et de repos, il faut entendre : de mouvement ou de repos. Mais peu importe. Ce qui demande explication, c’est que le repos ait, aux yeux d’Aristote, besoin d’un principe. Ce n’est pas parce qu’il considère le repos comme un état d’équilibre entre des forces opposées. C’est pourtant parce que le repos participe en quelque façon du mouvement. Il ne faut pas confondre en effet le repos avec une immobilité quelconque. Ce qui n’est pas susceptible de mouvement est immobile, mais n’est pas en repos. Le repos est l’immobilité de ce qui pourrait être mû. Le repos est donc postérieur au mouvement[5]. En un mot il est la privation du mouvement, et, comme toute privation, il n’est pas une pure négation, mais une négation déterminée. C’est pourquoi le repos ne peut s’expliquer que par une certaine intervention du principe du mouvement. — Un second caractère de la nature, c’est d’être un principe de mouvement pour la chose en quoi elle réside, un principe interne ou immanent. C’est par là que la nature se distingue de l’art. Bien que l’art accomplisse des œuvres que ne fait pas la nature, il n’est cependant qu’une imitation de la nature (Phys. II, 8, 199 a, 15 et 2, 194 a, 21), et la chose artificielle se distingue de l’être naturel, précisément par cette infériorité qu’elle est figée et ne tend vers aucune destinée ultérieure, qu’elle est, en d’autres termes, privée de toute spontanéité : un manteau ou un lit ne renferme, comme tel, aucun principe qui le porte à changer ; si une chose artificielle tend à changer ce n’est pas en tant qu’elle est ce qu’elle est, c’est en tant que faite de terre, d’eau ou de quelque mixte (Phys. II, 1, 192 b, 15-20). Un médecin qui se guérit lui-même se rapproche de la nature en ce que le principe de son action est en lui (ibid. 8 fin). Nous allons voir pourtant qu’il n’atteint pas encore au degré de perfection de la nature ; mais enfin, pour autant que le principe de son action est interne et spontané, il est comparable à la nature. En résumé, pour comprendre le sens et la portée du caractère d’immanence qui appartient à la nature, il suffit de dire avec le livre Λ de la Métaphysique (3, 1070 a, 7) : « l’art est principe en une autre chose (ἀρχὴ ἐν ἄλλῳ), la nature est principe dans la chose même (ἀρχὴ ἐν αὐτῷ) ». — Nous venons d’indiquer qu’il manque encore quelque chose au médecin qui se guérit lui-même, pour être principe de son action comme la nature l’est des mouvements qu’elle imprime à l’être naturel. Ce qui manque au médecin qui se guérit lui-même, c’est de posséder le principe de son action en tant qu’il est le sujet qui subit et en qui se développe cette action. C’est par accident que l’agent et le sujet de la guérison se trouvent ici ne faire qu’un. La nature au contraire est dans le mobile en tant que ce mobile est ce qu’il est, c’est-à-dire un sujet apte à être mû, et réciproquement la nature, de même qu’elle est exigée par le mobile auquel elle est unie, exige ce mobile[6]. — Enfin la nature est dans son sujet immédiatement, en même temps qu’essentiellement. L’art de gouverner les navires, pourrait-on dire, n’est pas dans le navire comme une nature, non seulement parce qu’il n’appartient pas essentiellement au navire, mais encore parce qu’il est dans le navire grâce à un intermédiaire, à savoir le pilote. Un attribut immédiat n’est pas toujours d’ailleurs un attribut essentiel : par exemple une vertu dans une âme, ou une couleur dans la surface d’un corps. Mais réciproquement aussi un attribut essentiel n’est pas toujours un attribut immédiat. Par exemple l’égalité de la somme de ses angles à deux droits est un attribut essentiel de l’isocèle ; ce n’est pourtant pas un attribut immédiat, puisqu’il n’appartient à l’isocèle que par l’intermédiaire du triangle[7].

Le commentaire que nous venons de donner de chacun des termes contenus dans la définition de la nature a sûrement précisé pour nous le sens de cette définition. Cependant il nous reste encore un progrès à faire. Il s’agit, si l’on veut, de reprendre d’une manière moins littérale l’explication du caractère que possède la nature, d’être un attribut essentiel de son sujet, c’est-à-dire d’être contenue dans l’essence de ce sujet ou de contenir ce sujet dans son essence. C’est autour de ce caractère en effet que tourne l’importante et laborieuse discussion dans laquelle Aristote distingue, sans séparer ces deux aspects, la nature comme matière et la nature comme forme. C’est à peine si, de la double conception de la nature : la nature est matière, la nature est forme, Aristote prend la première à son compte, même en lui attribuant un rôle aussi subordonné qu’on voudra. Pour énoncer cette conception, il emploie les mots δοκεῖ, λέγεται (Phys. II, 1, 193 a, 9 et 28), et il ne donne expressément que deux arguments très faibles, empruntés l’un au sophiste Antiphon, l’autre aux Physiologues en général. Enfouissez un lit, avait dit Antiphon, et, s’il résulte de là quelque génération, ce sera du bois et non un lit qui naîtra. Donc ce qui est la nature, c’est ce qui est le plus loin de la forme, c’est ce qui persiste le plus à travers le changement, c’est la matière. Et les Physiologues étaient évidemment dans la même conviction, puisque ce qu’ils appelaient la nature de toutes choses, c’était le corps dans lequel se résolvent les autres (ibid. 193 a, 9-28). Il est visiblement facile d’objecter à Antiphon qu’il ne peut mettre une forme artificielle sur le même pied qu’une forme naturelle (ibid. 193 b, 8-12[8]). Et il est évident aussi qu’Aristote ne manque pas de bonnes raisons pour réfuter le matérialisme des Physiologues. Mais il y a bien autre chose à dire, du point de vue aristotélicien, en faveur de la conception de la nature comme matière. Puisque la nature est un principe de mouvement, il faut bien qu’elle s’applique à un mobile. C’est même là la raison profonde pour laquelle les objets sur lesquels porte la physique sont des corps et des corps concrets. En effet, un mobile est forcément quelque chose d’étendu ; cela résulte, comme nous le comprendrons tout à l’heure, de la notion du mouvement. De plus c’est un étendu d’une autre espèce que les lignes, les surfaces et les volumes mathématiques, précisément parce qu’on ne fait pas mouvoir des limites sans contenu[9]. Ce n’est pas tout : la nature n’est pas seulement dans le mobile ; elle est forcément un aspect de ce mobile. Car il n’y a point de mouvement sans mobilité, et, pour que la nature soit la cause suffisante en même temps que nécessaire du mouvement, il faut que la mobilité soit en elle, qu’il y ait en elle de la puissance, en un mot qu’elle ait, et même qu’elle soit de la matière. — D’autre part, bien entendu, comme Aristote se plaît à l’établir, la nature est forme. Le mouvement est la réalisation d’une forme, et c’est seulement quand une chose est informée qu’on reconnaît qu’elle est en possession de sa nature. L’analogie des choses artificielles peut ici être invoquée et témoigne d’une manière frappante : un lit n’est tel que quand il a reçu la forme du lit ; c’est cette forme qui le fait et qui l’a fait lit. De même c’est par leur forme que la chair et l’os sont devenus ce qu’ils sont. Le principe générateur, c’est le principe même qui caractérise et définit, c’est la forme. C’est l’homme qui engendre l’homme ; du moins, en tant que nature, c’est l’homme contenu à l’état de principe actif dans la semence {ibid. 193 a, 30 b, 12[10]). En conséquence le physicien, au lieu de s’interdire la recherche de la forme, fera de cette recherche au contraire le principal objet de ses spéculations (cf. par exemple Phys. II, 7). Mais, lorsqu’Aristote a énoncé toutes ces propositions anti-matérialistes et y a insisté, il est bien forcé de ne pas oublier qu’elles ont une contre-partie. Prise en elle-même, la forme est immobile comme le premier moteur : c’est un principe qui meut naturellement, mais qui n’est pas naturel (ibid. 7, 198 a, 35). Et en effet prendre la forme en elle-même, c’est la séparer. Et une forme séparée ne peut pas être une nature, puisqu’elle n’est plus immanente. — La nature est donc bien quelque chose d’ambigu entre la matière et la forme, et le dernier mot d’Aristote sur la nature est bien dans les lignes suivantes du 2e chapitre du livre II de la Physique (194 a, 12-15) : « La nature ayant donc deux sens, celui de forme et celui de matière, il faut l’étudier de la même manière que nous chercherions l’essence du camus, et, par conséquent, des objets de cette sorte ne sont ni sans matière, ni pourtant considérés sous leur aspect matériel[11] ».

De la nature, cause suprême des phénomènes naturels en tant qu’on ne s’élève pas au-dessus du monde jusqu’à l’objet de la philosophie première, passons à ces phénomènes eux-mêmes, ou du moins à ce qui est leur fond commun, c’est-à-dire au changement.

Les Éléates avaient nié radicalement toute espèce de changement par cette raison qu’un changement quelconque serait, disaient-ils, création de ce qui n’est pas, ou annihilation de ce qui est, et que l’être, puisqu’il est, ne saurait ni sortir du néant, ni y tomber. La première tache que rencontre Aristote est donc de faire voir que le changement est possible et comment il l’est. Aux Éléates, ou à ceux de leurs imitateurs qui niaient la légitimité de l’attribution, Aristote répondait en distinguant plusieurs sens ou plusieurs aspects de l’être, en divisant l’être en plusieurs genres ou catégories. C’est d’une manière tout à fait analogue qu’il établit la possibilité du changement en général. Il ne fait que transporter au temps, pour ainsi dire, la pluralité de l’être. De même que l’être a plusieurs aspects simultanés, il a successivement plusieurs degrés de réalité. Si les anciens avaient connu cette vérité, ils ne se seraient pas effrayés devant la raison invoquée par Parménide pour nier le devenir. Ils auraient répondu que, sans doute, rien ne peut provenir du non-être absolu ni s’y abîmer, mais que tout peut sortir de ce non-être relatif que sont la puissance et la matière ; car la puissance et la matière sont du non-être sans doute, en tant qu’elles ne sont pas la chose que le devenir doit appeler à l’acte, mais elles ne sont pas un néant ; elles sont de l’être en tant qu’elles sont déjà quelque chose d’autre que ce qui va naître et même en tant qu’elles sont déjà comme une promesse et une ébauche de ce qui va naître (Phys. I, 8, surtout le début du ch.).

Mais, ainsi présentée, en tant seulement qu’elle fournit une solution générale au problème du devenir, la doctrine aristotélicienne est loin de livrer tout son sens. Il s’agit de comprendre qu’elle ne se borne pas à remplacer la négation éléatique par une affirmation quelconque du changement, et que, tout au contraire, elle vise à instituer le changement dans toute la profondeur que cette notion possède. Pour cela, il faut voir comment la conception aristotélicienne s’oppose aux conceptions incomplètes du changement, et comment, aux négations partielles que ces conceptions impliquent, elle entreprend de substituer une affirmation pleine et entière. La négation absolue des Éléates n’avait été admise nulle part en dehors de leur école, mais on avait essayé par des conceptions bâtardes d’accommoder le changement avec la logique de Parménide. Les mécanistes, d’une part, et, de l’autre, quelques-uns des Socratiques, les Mégariques notamment, avaient adopté des conceptions de cette espèce. Selon les mécanistes, qu’il s’agisse d’Empédocle et d’Anaxagore ou bien de Démocrite, il n’y a rien de tel que ce qu’Aristote appellera l’altération : il n’y a, selon l’excellente formule d’Empédocle, que mélange et séparation d’éléments, en eux-mêmes immuables. Et, quant au mouvement local, sa nature est gravement atteinte, au moins dans l’Atomisme, par le fait que les mobiles sont des indivisibles qui ne peuvent se déplacer que tout d’une pièce. C’est précisément à bannir du changement la continuité, à le composer de limites sans intervalles, de κινήματα comme dit Aristote, que certains Socratiques, et notamment les Mégariques, se sont attachés. La doctrine des lignes insécables chez Xénocrate entraînait évidemment une doctrine discontinuiste du changement et Platon lui-même, le jour où il s’est mis le plus directement en face du problème, a répondu que le changement se faisait brusquement et sans transition dans l’instant[12]. Diodore Cronos ne fait qu’exprimer sous leur forme achevée de pareilles tendances quand il dit que jamais rien ne se meut et que le mouvement, à quelque moment qu’on l’observe, se présente toujours comme quelque chose de passé et d’accompli[13]. Les mécanistes et les Mégariques aboutissaient les uns et les autres à remplacer le changement par une succession d’états discontinus. Aristote estime que c’est là une négation détournée du changement, et, contre cette négation détournée et plus subtile, comme contre la négation directe et brutale des Éléates, il entreprend de rétablir le changement dans son intégrité. Si la doctrine qu’il professe à cet égard n’est pas nouvelle en ce sens qu’on peut dire qu’elle est déjà dans ceux des Physiologues qu’on qualifie de dynamistes, toujours est-il qu’Aristote est le premier qui ait analysé la notion du changement et qui, avant de l’admettre, en ait pris pleine conscience. Ce qu’il y a de plus essentiel dans le changement aux yeux d’Aristote, ce ne sont pas les deux contraires qui lui servent de limites, c’est l’intervalle de progrès qui s’étend entre ces deux limites, et cet intervalle est, selon lui, continu. Nous devons donc reprendre ces deux points, c’est-à-dire considérer dans le changement l’intervalle, puis la continuité de cet intervalle.

Le changement, disons-nous, n’est pas, d’après Aristote, une substitution d’un être ou d’un état à un autre : c’est un passage entre les deux extrêmes. Réduit à la pure idée d’un remplacement successif, il est clair en effet que le changement s’évanouit. En effet, changer c’est devenir autre ; ce n’est pas faire place à autre chose. En d’autres termes, le changement implique unité et liaison entre les deux limites qui le circonscrivent. Il faut, pour qu’il y ait changement au vrai sens du mot, qu’il y ait entre l’ancien état de choses et le nouveau une certaine communion. Cette communion se présente à Aristote sous un double aspect. Elle lui paraît supposer d’abord un rapport entre les deux limites, et ensuite un sujet unique sous les termes de ce rapport. Il faut d’abord un rapport entre les limites. En effet ces limites ne sont pas des termes quelconques : tout ne provient pas de tout. Bien loin de là : l’être déterminé auquel le changement aboutit est l’opposé d’un non-être déterminé. Les deux extrêmes sont des contraires dont l’un est une « privation » et l’autre une « habitude » ; bref ce sont des corrélatifs et, de ce chef, il y a entre eux une certaine communauté, la communauté du genre (Phys. I, 5, 188 a, 31-b, 26). Mais cette communauté, en tant qu’on la ramènerait à un pur rapport, ne suffit pas selon Aristote. Il faut la concréter en un sujet. D’abord, en effet, la privation n’est rien ; elle a donc besoin d’un support, de quelque chose qui existe déjà. Ce quelque chose de positif, en un sens c’est la puissance et, un peu plus concrètement parlant, la matière. Car la puissance d’une habitude est déjà cette habitude, puisqu’elle n’en est pas seulement la négation et qu’elle en est, de plus, la promesse. D’autre part, les contraires n’agissent pas l’un sur l’autre, ces pures limites se remplacent l’une l’autre : il faut quelque chose où elles se remplacent. Bien entendu, c’est en vain qu’on voudrait convaincre Aristote que le rapport des deux termes suffit par lui-même à constituer le sujet demandé. Cette conception idéaliste est étrangère à sa pensée et il donne à sa matière l’existence d’une chose en soi. Néanmoins, comme cette réalisation de la matière est pleine de difficultés, Aristote, en analysant aussi profondément qu’il l’a fait le problème du changement et en montrant avec raison que ce phénomène implique une communauté entre les deux extrêmes, Aristote pourrait bien avoir travaillé au profit de l’idéalisme. Cette idée de puissance, de chose incertaine et ambiguë, risque fort de ne pouvoir subsister ailleurs que dans l’esprit[14].

Quoi qu’il en soit, le changement, s’il existe, est avant tout un intervalle, un passage, un progrès. De plus ce progrès est continu. Au livre VI de la Physique, en même temps qu’il réfute les philosophes qui veulent composer le mouvement avec des κινήνατα, Aristote établit avec insistance que le mouvement est continu. Mais ce caractère de continuité s’affirme déjà avec beaucoup de relief dans la définition du mouvement telle qu’on la lit au ch. 1 du livre III de la Physique : « Le mouvement, dit-il, est l’acte de ce qui est en puissance en tant que cela est en puissance[15] ». La définition exprime d’abord excellemment le caractère d’indétermination, de fluctuation et de demi-réalité du changement[16]. Mais pourquoi le mouvement est-il ainsi quelque chose d’inachevé ? Sans doute c’est parce qu’il est un passage. C’est aussi parce que ce passage est continu et, partant, enveloppe l’infini. L’infinité le condamne à être une puissance qui ne peut pas avoir d’autre acte que de se développer comme puissance. De ce côté encore Aristote tend, malgré lui, vers l’idéalisme. Quelle que soit d’ailleurs la conclusion dernière qu’il faille donner à son analyse du changement, que ce phénomène comporte ou non une existence autre que mentale, toujours est-il qu’Aristote en a dégagé l’essence avec une pénétration et une logique parfaites. Le changement est bien le passage progressif et continu qu’il a dit.

Pour achever la théorie générale du changement dans ce qu’elle a de proprement physique, il ne nous reste plus qu’à exposer la division de ce phénomène en ses diverses espèces. Nous avons jusqu’ici employé comme synonymes les mots de changement et de mouvement et c’est là une manière de faire dont Aristote lui-même donne l’exemple[17]. Cependant, lorsque ces mots sont considérés dans leur usage vraiment technique, ils n’ont plus le même sens. Le mot de changement est un terme générique qui comprend le changement proprement dit et les différentes espèces de mouvement. Tandis que le mouvement se déroule toujours entre des contraires et, par conséquent, dans l’enceinte d’un même genre, le changement a lieu entre des termes bien plus radicalement opposés : il a lieu entre l’être et le néant. En d’autres termes, le changement porte sur la production ou la destruction d’une substance. Aristote l’appelle génération et corruption (γένεσις καὶ φθορά). Puisqu’il reste, à le prendre en général, dans les limites de l’être, et que d’autre part, considéré sous ses divers aspects, il se déroule à l’intérieur d’un genre, le mouvement se divise en espèces d’après la liste des catégories. Mais il n’y a pas mouvement dans chacune des catégories. Aristote montre en particulier qu’il n’y a pas mouvement dans la relation, ni dans l’agir et le pâtir (Phys. V, 2 déb.). Il n’y a pas mouvement dans l’agir et le pâtir, parce que cela reviendrait à dire qu’il y a mouvement du mouvement : ce qui, selon Aristote, est un non-sens. Pour ce qui est de la relation, elle ne comporte pas le mouvement, parce qu’on peut changer deux relatifs en opérant sur un seul d’entre eux. La raison donnée par Aristote est intéressante, puisqu’elle montre qu’il considère le mouvement comme une propriété du mobile, évitant de se placer jamais à ce que nous appelons le point de vue cinématique. Les catégories qui ne comportent pas le mouvement éliminées, il en reste trois dans lesquelles il peut s’opérer : la qualité, la quantité et le lieu. Le mouvement dans la quantité, c’est-à-dire l’accroissement et le décroissement (αὔξησις καὶ φθίσις) va d’une grandeur inférieure à la normale à la grandeur normale, ou inversement. C’est dire qu’il s’applique exclusivement, ou au moins le plus proprement, aux êtres organisés pour lesquels il y a une taille exigée par leur nature. Le mouvement dans la qualité, lequel se subdivise en autant d’espèces qu’il y a de qualités sensibles, va d’un contraire qualitatif à un autre, par exemple du noir au blanc, ou même du gris au blanc, ou à tout autre terme moins extrême que le blanc. Ce mouvement s’appelle l’altération (ἀλλοίωσις). Le mouvement selon le lieu va en général d’un endroit à un autre (πόθεν ποι) (Éth. Nic. X, 3, 1174 a, 30) et, plus spécialement, d’un des contraires à l’autre dans la catégorie du lieu : de l’arrière à l’avant, du droit au gauche, de haut au bas. Aristote, qui paraît inaugurer le mot comme tenue technique, lui donne le nom de translation (φορά[18]). Des trois sortes de mouvements la plus fondamentale est la translation ; car elle se retrouve sous tous les autres mouvements. Mais on se tromperait du tout au tout, si l’on pensait qu’Aristote réduit les deux autres mouvements à la translation. Elle ne fait que leur servir de condition et de base, et visiblement, dans la pensée d’Aristote, le plus important des mouvements est l’altération. Cela se comprend sans peine. Car, si le mouvement en général est bien pour lui ce que nous avons cru, il est clair que c’est dans l’altération que se trouve le type parfait du mouvement. C’est en elle qu’on assiste le mieux à l’actualisation progressive d’une forme qui n’était d’abord que puissance. Les trois sortes de mouvement, et peut-être même le changement, sont au reste susceptibles de se distinguer tous en mouvement naturel (κατὰ φύσιν) et mouvement forcé (βίᾳ, βίαιος). Le mouvement forcé est celui qui est contraire à la nature (παρὰ φύσιν). Quant au mouvement naturel, c’est celui qui a son principe dans la φύσις et par conséquent c’est le mouvement primordial[19].

La génération et la corruption concernent, avons-nous dit, les substances elles-mêmes, ou, comme dit Aristote, le changement va de sujet à non-sujet ou inversement. Si l’on prenait cette déclaration au pied de la lettre, si l’on pensait que les limites du changement proprement dit sont vraiment deux contradictoires, il s’ensuivrait que la doctrine d’Aristote serait trop étroite pour en rendre compte, et que le problème reparaîtrait qui avait effrayé ses prédécesseurs : comment quelque chose peut-il naître du néant ou s’y perdre ? Mais les déclarations expresses d’Aristote établissent qu’il n’y a jamais pour lui, bien qu’il emploie ces expressions, de génération ni de corruption absolues[20] : il n’y a jamais que passage d’une forme à l’autre de la matière. Ceci, il est vrai, soulève une autre difficulté, mais moins grave. La génération et la corruption se trouvent singulièrement rapprochées de l’altération, et il est difficile de distinguer entre le cas où une chose, pour parler le langage des commentateurs, devient αλλοῖον et celui où elle devient ἄλλο, c’est-à-dire une autre substance. Le seul recours est évidemment celui que suggère Simplicius[21], à savoir que la forme substantielle se compose de toutes les formes partielles que peuvent produire plusieurs altérations successives ou simultanées et que, quand les altérations sont toutes réunies, la forme substantielle se constitue alors comme leur tout, comme leur tout qui est à la fois elles toutes et plus qu’elles toutes. C’est d’ailleurs à peu près exactement ce que dit Aristote dans un passage intéressant du VIIe livre de la Physique, passage qui nous fait aussi mieux comprendre comment la translation, ainsi que nous le disions tout à l’heure, peut être à la base des autres mouvements sans les absorber en elle. Peu de textes décèlent aussi bien l’esprit indéfectiblement hiérarchique de la philosophie aristotélicienne : « Il est nécessaire peut-être, dit Aristote, que la génération se produise en conséquence de quelque altération, par exemple en conséquence d’une raréfaction ou d’une condensation, d’un échauffement ou d’un refroidissement de la matière. Mais, malgré cela, être engendré n’est pas être altéré, la génération n’est pas altération. » Et, quelques lignes plus bas, Aristote ajoute que la génération est, par rapport aux mouvements qui en sont les conditions nécessaires, comme le comble et la toiture de tuiles, qui achèvent une maison[22].

Telle est la partie purement physique de la théorie du mouvement en général et de la cause du mouvement d’après Aristote. Cette théorie est marquée d’un caractère dynamiste et vitaliste très prononcé. Nous avons même vu qu’elle tend à devenir, malgré elle, idéaliste. C’est le résultat naturel de l’effort qu’a fait Aristote pour aller dans toute cette théorie au plus profond et au plus réel. Mais il s’est trompé gravement en pensant que, pour établir dans ses droits ce plus profond et ce plus réel, il fallait sacrifier le mécanisme. Nulle part il ne donne à penser qu’il s’est avisé de l’idée de Leibnitz, à savoir qu’il faut conserver le mécanisme et qu’il suffit de le subordonner.


  1. Phys. I, 2, 185 a, 20 : ἔχει γὰρ φιλοσοφίαν ἡ σκέψις. Le mot φιλοσοφία a ici le sens de investigatio, tout à fait comme dans Pol. III, 12, 1282 b, 23 : cf. Bonitz, Ind. 820 b, 58.
  2. Voir Zeller, p. 386, en bas, à 389.
  3. Sur ces incertitudes de la signification du mot φύσις, cf. Bonitz, Ind. 836 a, 18.
  4. Phys. II, 1, 192 b, 20 : … οὔσης τῆς φύσεως ἀρχῆς τινὸς καὶ αἰτίας τοῦ κινεῖσθαι καὶ ἠρεμεῖν ἐν ᾧ ὑπάρχει πρώτως καθ’ αὑτὸ καὶ μὴ κατὰ συμβεβηκός. Cf. Zeller, p. 386, n. 6.
  5. Ibid. III, 2, 202 a, 4 : ᾧ γὰρ ἡ κίνησις ὑπάρχει, τούτου ἡ ἀκινησία ἠρεμία. VIII, 9, 265 a, 27 : … ἡ δὲ στάσις ἐφθαρμένη κίνησις.
  6. Phys. II, 1, 192 b, 22-36. Cf Thém. paraphr. Phys. 158, 25 sqq. Spengel.
  7. Voir Simplicius, Phys. 267, 23-32 Diels.
  8. Passage délicat, dans lequel il faut, à la ligne 11, supprimer le mot τέχνη, que Thémistius (163, 18 Sp.) et Philopon (209, 31 Vitelli) ne commentent pas, et qui est d’ailleurs absent du texte, tel que le cite Simplicius (P. 278, 30 D.). Le même commentateur a certainement lu (278, 11) les mots ὅτι γένοιτ’ ἄν… ξύλον (b, 10 sq.), que Prantl met h tort entre crochets sur la seule autorité du ms. E. Enfin, avec tous les mss. sauf E, il faut lire à la l. 12 γίνεται γὰρ, leçon confirmée expressément par Simplicius (277, 20), et non γίνεται γε.
  9. Voir Zeller, p. 384, n. 3 et p. 385, n. 1, 2, 3.
  10. De part. an. I, 1, 640 b, 28 : ἡ γὰρ κατὰ τὴν μορφὴν φύσις κυριωτέρα τῆς ὑλικῆς φύσεως.
  11. 194 a, 12 : ἐπεὶ δ’ ἡ φύσις διχῶς, τό τε εἶδος καὶ ἡ ὕλη, ὡς ἂν εἰ περὶ σιμότητος σκοποῖμεν τί ἐστιν, οὕτω θεωρητέον· ὥστ’ οὔτ’ ἄνευ ὕλης τὰ τοιαῦτα οὔτε κατὰ τὴν ὕλην.
  12. Parmén. 156 d e : … ἡ ἐξαίφνης αὕτη φύσις… μεταξὺ τῆς κινήσεώς τε καὶ στάσεως, ἐν χρόνῳ οὐδενὶ οὖσα, καὶ εἰς ταύτην δὴ καὶ ἐκ ταύτης τό τε κινούμενον μεταβάλλει ἐπὶ τὸ ἑστάναι καὶ τὸ ἑστὸς ἐπὶ τὸ κινεῖσθαι.
  13. Pour les mécanistes, voir De gen. et corr. I, 8, notamment 325 a, 23-34 et b, 34-326 a, 12. Pour la théorie de ceux qui composent les mouvements avec des κινήματα, voir Phys. VI, 1, 232 a, 6-10, 240 b, 30-241 a, 6.
  14. Sur la matière sujet du changement, voir principalement les textes suivants : 1o La privation n’a pas d’être, Phys. I, 9, 192 a, 3-6 : ἡμεῖς μὲν γὰρ ὕλην καὶ στέρησιν ἕτερόν φαμεν εἶναι, καὶ τούτων τὸ μὲν οὐκ ὂν εἶναι κατὰ συμβεβηκός, τὴν ὕλην, τὴν δὲ στέρησιν καθ’ αὑτήν, καὶ τὴν μὲν ἐγγὺς καὶ οὐσίαν πως, τὴν ὕλην, τὴν δὲ οὐδαμῶς. 2o 7, 190 b, 33 : ὑπ’ ἀλλήλων γὰρ πάσχειν τἀναντία ἀδύνατον. 3o Le couple des contraires suppose un sujet, 5, 189 a, 27-32 ; cf. 7, 190 b, 23-27.
  15. 204 a, 10 : … ἡ τοῦ δυνάμει ὄντος ἐντελέχεια, ᾗ τοιοῦτον, κίνησίς ἐστιν… b, 4 : … ἡ τοῦ δυνατοῦ, ᾗ δυνατόν, ἐντελέχεια φανερὸν ὅτι κίνησίς ἐστιν. Cf. Zeller, p. 351, n. 1 et 353, n. 1.
  16. Phys. III, 2, 201 b, 31 : … ἥ τε κίνησις ἐνέργεια μὲν τις εἶναί δοκεῖ, ἀτελὴς δέ.
  17. Voir dans Zeller, p. 352, n. 3, l’indication de divers textes où Aristote donne à κίνησις le sens de μεταβολή (p. ex. Phys. III, 1, 201 a, 9-19), ou bien emploie ces deux mots comme synonymes.
  18. Sur toute cette division des mouvements et sur le changement, voir Phys. V, 1 à partir de 224 b, 33 et ch. 2.
  19. Phys. IV, 8, 215 a, 1 : πρῶτον μὲν οὖν, ὅτι πᾶσα κίνησις ἢ βίᾳ ἢ κατὰ φύσιν. ἀνάγκη δὲ ἄν περ ᾖ βίαιος, εἶναι καὶ τὴν κατὰ φύσιν· ἡ μὲν γὰρ βίαιος παρὰ φύσιν, ἡ δὲ παρὰ φύσιν ὑστέρα τῆς κατὰ φύσιν. Cf. V, 6, 230 a, 29-31.
  20. De Gener. et corr. I, 3 ; cf. 2, déb. : ὅλως τε δὴ περὶ γενέσεως καὶ φθορᾶς τῆς ἁπλῆς λεκτέον…
  21. Phys. 282, 18-29 Diels : la génération et la corruption οὐ καθ’ αὑτὸ τοῦ εἴδους ἐστίν, ἀλλὰ κατὰ τὰς τοῦ εἴδους διαφοράς [pour le feu p. ex., la chaleur, la sécheresse, le mouvement vers le haut]. φθειρομένων γὰρ ἐκείνων ὑπ’ ἀλλήλων συμφθείρεται τὸ εἶδος, ὥσπερ καὶ συντρεχουσῶν ἐπιγίνεται.
  22. 3, 246 a, 6 : ἀλλὰ γίνεσθαι μὲν ἴσως ἕκαστον ἀναγκαῖον ἀλλοιουμένου τινός, οἷον τῆς ὕλης πυκνουμένης ἢ μανουμένης ἢ θερμαινομένης ἢ ψυχομένης, οὐ μέντοι τὰ γινόμενά γε ἀλλοιοῦται, οὐδ’ ἡ γένεσις αὐτῶν ἀλλοίωσίς ἐστιν. a, 17 : … οὐδὲ τὸ τῆς οἰκίας τελείωμα λέγομεν ἀλλοίωσιν (ἄτοπον γὰρ εἰ ὁ θριγκὸς καὶ ὁ κέραμος ἀλλοίωσις, ἢ εἰ θριγκουμένη καὶ κεραμουμένη ἀλλοιοῦται ἀλλὰ μὴ τελειοῦται ἡ οἰκία)…