Le Testament de Jean Meslier/Édition 1864/Chapitre 38

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Le Testament
Texte établi par Rudolf Charles MeijerLibrairie étrangère (Tome 2p. 86-109).
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XXXVIII.

Ne voïent-ils pas, ces aveugles Docteurs, que c’est ouvrir une porte large et spacieuse à toutes sortes d’idolâtries, que de vouloir adorer et faire adorer ainsi des images et des idoles de pâte, sous prétexte, que des Prêtres auroient le pouvoir de les consacrer et de les faire changer en Dieux, en prononçant seulement 4 paroles vaines et frivoles ? Tous les prêtres des idoles n’auroient-ils pas pû, et ne pouroient-ils pas encore maintenant, se vanter, d’avoir un semblable pouvoir ? S’il ne tenoit qu’à alléguer et à trouver d’aussi vains et d’aussi foibles prétextes, que ceux de nos Christicoles, pour s’attribuer un tel pouvoir, il seroit facile à tous les idolâtres d’en trouver, et même d’en trouver de plus spécieux et de plus vraisemblables. Il est dit dans les prétendus saints livres de nos Christicoles, que[1] Dieu confondoit la sagesse des sages et qu’il changeroit la sagesse du monde en folie. Mais qui que ce soit, qui ait dit ces paroles, on peut dire qu’elles se trouvent bien véritablement accomplies dans nos Christicoles Docteurs. Car leur sagesse[2] se trouve dans cette occasion-ci bien véritablement changée en folie, puisqu’ils ont la foiblesse et la bassesse, d’adorer de foibles petites idoles de pâte, et qu’ils sont si fous, que de croire avoir reçu d’un misérable fanatique la puissance de faire des Dieux.

Quand je vois ou que je me représente nos Docteurs et même un docteur angélique à leur tête, qui se prosternent tous très-humblement devant leurs petites idoles, ou images de pâte, et qu’ils disent dévotieusement, avec leur Docteur angélique : je vous adore dévotement, suprême Déité, qui êtes véritablement sous ces figures cachée, adoro te devote latens Deitas quoe sub his figuris vere latitas ou qu’ils chantent dévotement ces paroles : Tantum ergo sacramentum cernui…… etc, je trouve que c’est un spectacle tout-à-fait digne de risée et d’indignation tout ensemble. Je dis digne de risée, parceque tous ces beaux docteurs-là mériteroient bien effectivement d’être ris et moqués, de faire telle chose, mais il y a en même tems bien de quoi s’indigner, de voir que ceux-là-mêmes, qui devroient tirer les autres de l’errreur et les désabuser d’une si vaine et si folle superstition, sont ceux-là-mêmes, qui les enfonceroient tous les jours de plus en plus, s’ils pouvoient par leurs discours et par leurs exemples, et cela principalement afin d’en tirer pour eux d’autant plus de profit. Car il est bien sûr, que s’ils ne trouvoient point en cela leur profit et leur avantage, ils ne mettroient guères en peine d’entretenir, ni de faire valoir une si vaine et si odieuse superstition que celle-là, et s’il y en avoit quelques-uns parmi eux, qui fussent assez ignorans, ou assez sots, que de croire bonnement ce qu’ils en disent aux autres, je les trouverois certainement en cela plus dignes d’être attachés aux râteliers des ânes, et de manger des chardons avec eux, que d’être assis au rang des sages : encore ne voit-on pas que des ânes, ni des boeufs soient si sots que de se prosterner devant des idoles, et ainsi j’ose bien dire que tous ceux qui les adorent, se mettent en cela au dessous des ânes et des boeufs. Ô les insensés Galates ! Qui est ce qui a pu les aveugler jusqu’à ce point ? O insensati Galatœ ? Quis vos fascinavit ? Gal. 3. 1.

Ne voïent-ils pas aussi, ces habils et subtils Docteurs, ne voïent-ils pas que les mêmes raisons ou argumens, qui démontrent la vanité des Dieux ou des idoles de bois ou de pierre, d’or ou d’argent, que les Païens adoroient, démontrent pareillement et également la vanité des Dieux et des idoles de pâte et de farine, que nos Christicoles adorent ? Par quelle raison et par quel droit, par exemple, nos Christicoles Docteurs se moquent-ils de la vanité et de la fausseté des Dieux et des idoles des Païens ? N’est ce point-là cette raison claire et évidente et que ce ne sont que des ouvrages des mains des hommes, et que ce ne sont que des images muettes et insensibles, qui ont des yeux et qui ne voient point, qui ont des oreilles et qui n’entendent point, qui ont une bouche et qui ne parlent point, qui ont des mains et qui ne font rien, qui ont des piés et qui ne marchent point, et enfin qui ne sauroient faire aucun bien à ceux qui les révèrent, ni aucun mal à ceux qui les méprisent. C’est sur ce ferme et solide fondement de vérité, que tous les hommes sages et éclairés, que tous les prétendus St. Profètes, et que les Apôtres mêmes de Jésus-Christ, tout fanatiques qu’ils étoient, ont condamné l’idolâtrie et qu’ils ont rejeté avec mépris le culte superstitieux des idoles de bois et de pierre, aussi bien que le culte des idoles d’or ou d’argent, ou de quelqu’autre matière que ce pût être.

Voici comme les Prophètes en parlent. Les Dieux des nations, dit le Prophète Roi David[3], ne sont qu’or et argent et des ouvrages faits des mains des hommes. Ils ont, dit-il, des yeux et ne voïent point, des oreilles et n’entendent point, ils ont une bouche et ne parlent point ; ils ont des narines et ne flérent point, ils ont des mains et ne touchent rien, ils ont des piés et ne marchent point et ne rendent aucun son, ni aucune voix par le gosier. Que tous ceux qui les font, dit-il, leur deviennent semblables et tous ceux qui mettent leur confiance en eux. Similes illis fiant qui faciunt ea et omnes qui confidunt in eis. L’auteur du livre de la sagesse[4] apelle tous les idolâtres des insensés, d’autant, dit-il, qu’ils croïent que toutes les idoles des Nations sont des Dieux, quoiqu’ils ne puissent se servir de leurs yeux pour regarder, ni de leurs narines pour respirer l’air, ni de leurs oreilles pour entendre, ni des doigts de leurs mains pour toucher quelque chose, non plus que de leurs piés pour marcher. Misérables, dit-il, sont ceux qui ont apellés Dieux les ouvrages de leurs mains, l’or et l’argent mis en oeuvre par artifice, ou le bois et la pierre à qui ils auront donné quelque ressemblance d’homme ou d’animal, pour les adorer, puis les maintenir dans quelques lieux honorables, contre une muraille, à laquelle ils les attachent fortement avec du fer, de crainte qu’ils ne tombent, car ils ne sauroient se tenir fermes tous seuls et sans apuï, ni s’aider en aucune manière ; et nonobstant cela ils n’ont point de honte, dit-il, de se prosterner devant ces idoles ; ils n’en ont point de parler et de faire des voeux pour eux et pour leurs enfans, à des choses qui sont sans vie et sans âme ; ils n’ont point de honte de demander la santé à des choses mortelles et inanimées ; ils n’ont point de honte de demander un heureux voyage à celui qui ne sauroit marcher, ni faire un seul pas ; ils demandent force, adresse, industrie à celui qui n’a aucun sens ; ils consultent sur tout ce qu’ils doivent faire celui qui ne sauroit leur rendre aucune réponse ; et enfin ils invoquent et apellent a leur secours des choses qui sont entièrement inutiles. Maudit soit, dit le même auteur de la sagesse, maudit soit le bois et toute autre matière, dont les idoles sont faites, et maudits soient ceux qui les font, parceque le commencement de tous vices et de toute corruption vient, dit-il, de l’invention des idoles, et que le culte de ces malheureuses idoles, est l’origine, la source, le commencement et la cause de tous les maux et de toutes les méchancetés dont la terre est remplie[5]. Infandorum enim idolorum cultura omnis mali causa est initium et finis.

Voici comme le Prophète Jérémie parloit de la vanité de ces idoles, en écrivant à ceux de sa Nation, qui avoient été emmenés captifs, pour être conduits en Babylone, où il y avait quantité de ces idoles. Quand vous serez arrivés en Babylone, leur disoit-il, vous y verrez porter sur les épaules avec magnificence des Dieux d’or et d’argent, de pierres et de bois, qui inspirent aux peuples de la crainte et de la vénération pour eux. Gardez-vous bien, leur disoit-il, de devenir semblables à ces peuples idolâtres, et gardez-vous bien d’adorer ces Dieux, ni d’avoir pour eux aucune crainte, ni aucune dévotion, car ce ne sont, leur disoit-il, que de faux Dieux, leurs langues ont été polies par des ouvriers, elles sont dorées et argentées, mais ils ne sauroient parler ; ils ont des couronnes d’or sur la tête, mais les Prêtres les leur mettent et les leur ôtent quand ils veulent et eux ne sauroient se garder de la rouille, ni de la vermine. Ils sont quelques fois revêtus de pourpre et de soie, mais ne sauroient secouer la poussière de dessus leurs visages ; ils ont quelque fois un sceptre à la main, mais ils ne sauroient s’en servir, pour faire rendre justice à personne. Pareillement ils ont quelque fois une épée à la main, mais ne sauroient s’en servir pour se défendre contre les voleurs qui viendroient les dépouiller[6], d’où vous devez savoir qu’ils ne sont pas des Dieux, ainsi ne les craignez point, leur disoit ce Prophète ; on allume devant eux, continue-l’-il, quantité de chandelles, mais n’en voïent aucune (il en est de même des idoles de nos Christicoles, la même chose que dit ce Prophète, se voit dans les Églises) les chauve-souris, les hirondelles et les hiboux viennent se reposer sur leurs têtes et y font leur fiente et ils n’en sentent rien. Sachez donc, leur disoit-il, que ce ne sont point des Dieux et ne les craignez en aucune manière. On les porte, continue ce Prophète, on les porte sur les épaules, (il semble qu’il parle autant des idoles des Chrétiens, que des idoles mêmes des Païens) parcequ’ils ne sauroient marcher, s’ils tombent par terre, ils ne sauroient se relever, si on ne les redresse, ils ne sauroient se tenir debout, ni se mouvoir ; ils ne sauroient rien donner, ni rien ôter à personne, ils ne sauroient récompenser personne des services qu’on leur rend, ni punir les injures qu’on leur fait ; ils ne sauroient secourir la veuve, ni l’orphelin, ils sont comme des pierres brutes, que l’on tire des montagnes et comme des troncs de bois inutiles. Tous ces Dieux de bois ou de pierres, et tous ces Dieux d’or et d’argent, les plus viles bêtes de la terre, dit ce même Prophète, valent mieux qu’eux, parce qu’elles peuvent se réfugier sous quelque toit et dans quelque trou et qu’elles peuvent être utiles à quelque chose : mais ces Dieux de bois, dit-il, ces Dieux de pierre et ces Dieux d’or et d’argent ne peuvent être utiles à rien. Sachcz, sachez donc, conclut-il, qu’ils ne sont point des Dieux et ne les craignez en aucune manière. Unde sciatis quia non sunt Dii, ne ergo timueritis cos.

C’est pourquoi aussi il étoit très-expressement défendu dans la Loi des Juifs, sur laquelle néanmoins nos Christicoles fondent leur Religion et tous leurs principaux mistères, il y étoit expressement défendu non-seulement d’adorer ces Dieux d’or et d’argent, de bois ou de pierre ; mais il étoit aussi très-expressement défendu de faire aucune image taillée, ni aucune image de toutes les choses, qui sont dans le ciel, sur la terre ou dans la mer,[7] non facies tibi sculptile neque omnem similitudinem quoe est in coelo desuper et quoe est in terrâ deorsum vel eorum quoe sunl in aquis sub terrâ non adorabis ea neque coles[8] de peur, dit la Loi, que les hommes, venant à se laisser séduire par la ressemblance de quelque chose, qui seroit dans le ciel, sur la terre ou dans les eaux, ils ne les adorent comme des Divinités. Et l’Apôtre S. Paul,[9] parlant de ces insensés Docteurs idolâtres, ne dit-il pas qu’ils seront perdus dans la vanité de leur raisonnement, et que leur esprit insensé a été rempli de ténèbres, et qu’en se disant sages, ils sont devenus fous, en ce qu’ils ont, dit-il, transféré la gloire de Dieu incorruptible à la figure de l’homme corruptible, des oiseaux, des bêtes à 4 piés et des serpens. Et ailleurs il exhorte ses confrères de fuir l’idolâtrie[10] : fugite ab idolorum culturâ. Tous les Apôtres de Jésus-Christ défendoient unanimement l’idolâtrie et le culte des idoles. C’est-ce qu’ils défendoient mêmes aux Païens, qui embrassoient leur foi. Pour ce qui est, disoient-ils, de ceux d’entre les Gentils, qui ont reçu la foi, nous leur avons écrit de s’abstenir du culte des idoles et même des viandes, qui auroient été immolées aux idoles[11]. Que si ils leur défendoient ainsi le culte des idoles, qui sont de bois et de pierres, d’or et d’argent, ce n’étoit certainement pas pour leur proposer des idoles et des images de pâtes à adorer. Effectivement on ne voit point qu’ils les aïent adoré, ni qu’ils les aïent jamais voulu faire adorer, et quand ils les auroient voulu faire adorer, ce n’auroit été en eux qu’un surcroit de folie et d’extravagance, de défendre absolument le culte des idoles et de vouloir en même tems faire adorer de foibles petites images de pâte ; mais on ne voit point que leur folie soit venue jusques-là en ce point, et il est étonnant, qu’aujourd’hui même que le monde paroit si déniaisé et être revenu de tant d’autres erreurs grossières, il y ait cependant encore des hommes assez fous, pour vouloir se donner la peine de traverser les mers et d’aller au péril de leur vie dans les païs étrangers, sous prétexte de convertir, ou plutôt de pervertir, des peuples à leur fausse Religion. Il est étonnant que nos Missionnaires osent entreprendre de faire connoître à ces peuples étrangers, la vanité des idoles et des Dieux de bois et de pierre, d’or et d’argent, qu’ils adorent, et qu’ils osent en même tems leur proposer des idoles et des Dieux de pâtes et de farine à adorer, et il est étonnant que ces zélés Missionnaires et Ministres d’erreurs aïent pû, et qu’ils puissent encore persuader telles choses à des peuples, qui ont de la Raison, et qu’ils puissent leur faire quitter le culte des idoles d’or et d’argent, pour leur faire adorer de foibles petites images de pâte. Que ceci soit dit en passant.

Pareillement on ne voit point que Jésus-Christ lui-même ait jamais prétendu vouloir se faire adorer dans le pain, ni dans les images de pâtes, et quoiqu’il ait dit, qu’il étoit le Fils de Dieu, qu’il étoit le pain vivant, qui étoit descendu du ciel, que celui, qui le mangeroit, ne mourroit jamais, mais qu’il auroit la vie éternelle, et qu’il ait dit, que si on ne mangeoit sa chair, et que si on ne buvoit son sang, qu’on n’auroit point la vie en soi, il ne paroit point néanmoins qu’il ait jamais dit, qu’il étoit Dieu lui-même, ni qu’il falloit l’adorer comme Dieu, bien loin de cela, il s’apelloit souvent lui-même le Fils de l’homme ; et un certain quidam, lui aïant dit un jour[12] : Bon Maître, que faut-il que je fasse, pour avoir la vie éternelle ? il lui répondit : Pourquoi m’apellez-vous bon, puisqu’il n’y a que Dieu seul qui soit bon. Il ne se croïoit donc pas Dieu, et ne prétendoit pas qu’on le crut Dieu, ni qu’on l’apellât Dieu, puisqu’il n’aprouvoit pas même qu’on l’apellât simplement bon. Et après sa prétendue résurrection, voulant disparoître entièrement d’avec ses Apôtres, il dit à une femme, qu’il rencontra : Allez dire[13] à mes frères, que je m’en vais monter à mon Père et à votre Père, à mon Dieu et à votre Dieu. Il paroit encore assez manifestement par-là, qu’il ne se croïoit pas Dieu, puisqu’il reconnoissoit avoir un même Dieu, et un même Dieu pour père, avec ses Apôtres. D’ailleurs il disoit lui-même aussi qu’il étoit descendu du ciel, non pour faire sa volonté, mais pour faire la volonté de Dieu, son Père, qui l’avoit envoïé, et qui étoit plus grand que lui[14]. Cela étant, il ne se croïoit donc pas Dieu, puisqu’il disoit que son Père étoit plus grand que lui, et qu’il ne prétendoit pas faire sa volonté, mais celle de Dieu ; et s’il ne se croïoit pas Dieu, il n’y a point d’aparence, qu’il auroit voulu se faire adorer dans sa personne et par conséquent encore moins dans du pain, ni dans de foibles petites images de pâte. Et ce que confirme d’autant plus cette pensée, c’est qu’il aprouvoit la Loi, qui défend de faire ni d’adorer aucune image. Il dit expressement qu’il étoit venu, non pour détruire cette loi, ni pour la violer, mais pour l’accomplir. Si donc il étoit venu pour l’accomplir, ce n’étoit donc pas pour vouloir introduire des idoles, ni des images de pâte, pour s’y faire adorer, puisque cette loi le défendoit si expressement et si rigoureusement,[15] que ceux, qui adoroient les idoles, ou qui les auroient voulu faire adorer, n’auroient rien moins mérité que la mort. D’ailleurs Jésus-Christ lui-même recommandoit encore aux peuples de faire et d’observer soigneusement ce que leurs Docteurs, les Scribes et les Phariséens leur diroient et leur enseigneroient de faire, conformément à cette loi. Car ils leur enseignoient, conformément à cette Loi, qu’il ne falloit pas adorer des idoles, ni faire aucune image pour les adorer. Et Jésus-Christ lui-même recommandoit aux peuples d’observer fidèlement cette Loi et qu’il falloit même l’observer jusqu’au plus petit trait et jusqu’au plus petit point, disant que[16] celui, qui violeroit un de ses moindres préceptes, seroit le moindre dans le Roïaume des cieux, Jota unum aut unus apex non praeteribit a lege donec omnia fiant. Cela étant, il n’y a donc point d’aparence, qu’il auroit voulu lui-même leur faire faire, ce que leur loi et ce que leurs docteurs leur auroient expressément défendu de faire, et par conséquent il n’y a point d’aparence, qu’il ait pensé à vouloir se faire adorer dans des idoles, ni dans des images de pâte ; car ç’auroit été comme s’il leur auroit voulu faire faire, ce qu’il leur auroit d’ailleurs recommandé expressément de ne point faire. C’est à quoi, ce semble, nos idolâtres Christicoles Romains devroient faire un peu plus d’attention qu’ils ne font.

À quoi, si on ajoute qu’il est dit dans les Prophètes, que les idoles seroient quelques jours entièrement détruites et que ce seroit particulièrement à la venue du Messie, que cette prétendue prophétie auroit son accomplissement, il n’y a certainement aucun lieu de penser, que ce Messie auroit voulu multiplier les idoles, au lieu de les abolir. Et il les auroit cependant multiplié, en ajoutant de nouvelles idoles de pâte et de farine aux idoles de bois et de pierre et aux idoles d’or et d’argent, que les hommes adoroient déjà, au lieu qu’il auroit dû les détruire entièrement. Nos docteurs savent bien tout cela, ils voient bien la force et l’évidence de tous ces argumens-là et de tous ces raisonnemens-là : car s’ils ne la voïoient point, ils ne seroient que des ignorans, et s’ils la voïent, ils sont manifestement des prévaricateurs de la Loi, qui tiennent injustement la vérité captive et qui changent la vérité en mensonge : Veritatem in injustitiä detinent…… commutaverunt veritatem Dei in mendacium, comme dit leur S. Paul[17], puisque contre tant de si forts, de si clairs et de si convaincans témoignages de vérité, ils veulent maintenir et soutenir des erreurs et des idolâtries, si contraires à la Loi, qu’ils aprouvent et qu’ils reconnoissent comme avoir été véritablement donnée de Dieu, et qui sont si contraires au bon sens et aux lumières de la droite raison ; car enfin il faut que nos Docteurs reconnoissent la force ou la foiblesse, la certitude ou l’incertitude de cet argument-ci, de tous les Prophètes et de toutes les personnes sages, contre l’idolâtrie des Païens. Voici leur argument et leur raisonnement.

Tous les simulacres et idoles des Païens ne sont que bois, que pierre, or ou argent, et ne sont que des ouvrages faits des mains des hommes ; donc, concluent-ils, ce ne sont point des Dieux. Cet argument-là ou ce raisonnement-là est fort ou il est foible, il conclut certainement vrai ou il ne conclut pas certainement vrai. Pareillement celui-ci : les simulacres ou les idoles des Païens n’ont ni vie, ni sentiment, ni mouvernent, et ne sauroient faire ni bien, ni mal à personne, donc ce ne sont pas des Dieux. Pareillement encore celui-ci : les simulacres ou idoles des Païens ont des yeux et ne voïent point, ils ont des oreilles et n’entendent point, une bouche et ne sauroient parler, des mains et ne sauroient rien faire, des piés et ne sauroient marcher, donc ce ne sont point des Dieux. Ces argumens-là, dis-je et ces raisonnemens-là et tout autre semblable, que l’on pouroit faire sur ce sujet, sont forts ou ils sont foibles, ils concluent vrai, ou ils ne concluent pas vrai ; il faut que nos Deichristicoles reconnoissent l’un ou l’autre. S’ils osent taxer de faiblesse et d’incertitude ces raisonnemens et ces argumens-là de leurs Prophètes, il faut donc 1o. qu’ils taxent en même tems de foiblesse et d’incertitude tous les plus forts et les plus convaincans raisonnemens des hommes : car il est constant que la raison naturelle et humaine n’en peut fournir de plus forts, ni de plus convaincans sur ce sujèt.

Or, taxer de faiblesse et d’incertitude les plus forts et les plus convaincans raisonnemens des hommes, c’est en quelque façon détruire la raison même, ou au moins, c’est détruire entièrement toute certitude et toute assurance de vérité, et par conséquent, c’est détruire aussi toute certitude et toute assurance de vérité en matière de Foi et de Religion, aussi bien qu’en toute autre matière de science, ce que nos Christicoles ne voudroient pas dire, puisqu’ils prétendent que la vérité de leur Religion est plus certaine que toute autre vérité, et qu’ils ne pouroient prétendre telle chose, s’ils ne suposeroient qu’il y a de la certitude dans les raisonnemens humains. En second lieu, s’ils taxent de foiblesse ou d’incertitude les susdits argumens et raisonnemens des Prophètes et de toutes les personnes bien sensées, il faut aussi qu’ils taxent en même tems tous les Prophètes et toutes les personnes sensées d’ignorance ou de faute de jugement : car c’est ignorance et c’est manquer de jugement, que de croire être bien fondé en raison, lorsque l’on n’est pas bien fondé ; c’est ignorance et c’est manque de jugement, que de prendre des raisonnemens et des argumens foibles et incertains pour des raisonnemens et des argumens les plus forts, les plus sûrs et les plus convaincans qui puissent être. Or les Prophètes et toutes les personnes les plus sensées, en raisonnant comme ils ont fait, contre l’idolâtrie des Païens, ont cru être bien fondés en raison, et ils ont cru démontrer clairement la vanité des idoles et la fausseté des Dieux des Païens, par les plus forts, par les plus assurés et par les plus convaincans témoignages de vérité, que l’on puisse donner sur ce sujèt ; de sorte que si leurs argumens et leurs raisonnemens sur ce sujèt se trouvent faibles et incertains, c’étoit en eux ignorance et faute de jugement de les produire, comme ils ont fait, pour des raisonnemens et pour des argumens si sûrs et si convaincans ; et comme nos Christicoles prétendent encore que ces Prophètes parloient alors par inspiration de Dieu même, il s’en suivroit encore de-là, que Dieu lui-même ne leur auroit inspiré que des raisonnemenset des argumens foibles et incertains, et qu’il n’auroit peut-être même pû leur en inspirer de plus forts, ni de plus convaincans : car s’il avoit pû leur en inspirer de plus forts et de plus convaincans, il n’auroit sans doute point manqué de les leur inspirer ; et comme Dieu ne leur en a point inspiré d’autres, il y auroit lieu de dire et de penser, qu’il n’auroit effectivement pû leur inspirer que des argumens foibles et incertains, et c’est néanmoins ce que nos Christicoles n’oseroient dire : il faut donc, malgré eux, qu’ils reconnoissent la force et la certitude des susdits raisonnemens et des susdits argumens de leurs Prophètes, contre l’idolâtrie des Païens et contre la fausseté de leurs Dieux, et s’ils en reconnoissent la force et la certitude, il faut nécessairement aussi, qu’ils reconnoissent, que ces mêmes argumens et que ces mêmes raisonnemens-là concluent également, avec autant de force et avec autant d’évidence, contre eux-mêmes et contre leurs idolâtries, que contre les Païens et contre leurs idolâtries et il faut qu’ils reconnoissent, que ces mêmes argumens-là démontrent également la vanité de leurs idoles et la fausseté de leurs Dieux de pâte et de farine, comme ils démontrent la vanité des idoles des Païens, la fausseté de leurs Dieux de bois et de pierre et de leurs Dieux d’or et d’argent. Et la raison évidente de cela est, que les idoles ou les Dieux de pâte et de farine sont également les ouvrages des mains des hommes, comme le sont les Dieux de bois et de pierre et les Dieux d’or et d’argent. Et quand nos Deichristicoles feroient ou formeroient à leurs Dieux de pâte des yeux et des oreilles, des narines et une bouche, des mains et des piés, ils leur seroient aussi inutiles, qu’ils le sont aux Dieux de bois et de pierre et aux Dieux d’or et d’argent : car ils ne verroient point par leurs yeux et n’entendroient point par leurs oreilles, ils ne respireroient point par leurs narines, et ne parleroient point par leur bouche, et ils ne feroient rien par leurs mains et ne marcheroient point par leurs piés, non plus que les Dieux de bois et de pierre et que les Dieux d’or et d’argent, dont ces Prophètes parloient, et ainsi il est évident, que les Dieux de pâte que nos Deichristicoles Romains adorent, ne sont point à cet égard de meilleure condition, que ne sont les Dieux des Païens. Et il n’y auroient point d’idolâtres, qui, en se prosternant devant ces idoles de plâtre ou de pierre, d’or ou d’argent, de cuivre ou d’airain, ne prétendroient pouvoir dire, aussi bien que le Docteur Angélique : je vous adore dévotement, suprême Déité, qui êtes véritablement sous ces figures cachée, adoro te devote latens Deitas, quae sub his figuris vere latitas. Ce qui tend manifestement à justifier toutes sortes d’idolâtries.

Mais on pouroit dire, que sous quelqu’autre considération les idoles Païens seroient de meilleure condition et qu’elles seroient préférables à celles des Chrétiens, non seulement parcequ’elles sont plus fermes et plus solides en elles-mêmes qu’elles sont aussi de plus riche et de plus précieuse matière, mais aussi parcequ’elles sont d’une forme, d’une grandeur, et d’une figure plus noble et plus avantageuse, que celle des Chrétiens. Car les idoles des Païens, étant d’une forme, d’une grandeur et d’une figure majestueuse, comme celle par exemple de cette grande statue d’or, dont j’ai ci-devant parlé, ou d’une figure monstrueuse et hideuse, comme quelques autres que les mêmes Païens adorent, elles peuvent par leur forme et figure inspirer des sentimens de crainte ou de respect, au moins dans le coeur et dans l’esprit des ignorans et des simples. Mais les idoles des Chrétiens Romains, n’étant que de foibles et vils petites images de pâte, elles ne peuvent d’elles-mêmes inspirer à leurs adorateurs aucun sentiment de crainte, ni de vénération ; elles ne peuvent résister, pour ainsi dire, deux momens à la pluie, ni au vent, et les moindres bêtes de la terre sont capables de les manger. C’est pourquoi aussi il faut que les Prêtres les tiennent continuellement et fort soigneusement renfermées dans des boëtes, de peur, comme j’ai dit, que le vent ne les emporte, ou que les rats et les souris ne les mangent ; en quoi il est manifeste que nos idolâtres Christicoles sont beaucoup plus fous, plus ridicules et plus insensés que les Païens, qui adorent les idoles de bois et de pierre, ou des idoles d’or ou d’argent ; de sorte que si les susdits raisonnemens et argumens des Prophètes devoient faire manifestement voir aux Païens la vanité et la fausseté de leurs Dieux de bois et de pierre, et de leurs Dieux d’or et d’argent, à plus forte raison devroient-ils faire voir à nos idolâtres Christicoles la vanité et la fausseté de leurs Dieux de pâte ; et ils devroient bien avoir honte d’adorer, comme ils font, des Dieux, qui fondroient incontinent à la pluïe, qui se laisseroient incontinent emporter par le vent, et qui se laisseroient incontinent manger par les rats et par les souris.

Que nos idolâtres Deichristicoles ne prétendent pas éluder ici la force de cet argument, en distinguant et en séparant, comme ils voudroient faire, la substance qu’ils ne prétendent pas dire ici, pour couvrir leur honte, que ce n’est point le pain, ni la pâte, qu’ils adorent dans leur prétendu sacrement, que le pain, ni la pâte n’y sont plus, qu’il n’en reste seulement que les accidens, c’est-à-dire les espèces et aparences visibles, mais que toute leur substance est changée au corps et au sang de leur Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, et par conséquent qu’ils ne sont point idolâtres, comme les Païens, qui n’adorent que des images ou des statuës de bois ou de pierres, ou d’or et d’argent et non pas le véritable Dieu ; qu’ils ne prétendent pas, dis-je, alléguer de si vains raisonnemens, pour tâcher de couvrir la hont de leurs idolâtries ; car il est évident, que s’il ne tenoit qu’à dire, comme ils font, que la substance du pain et du vin seroit changée au corps et au sang de leur Christ, et que son âme et sa divinité seroient par concomitance dans ce prétendu saint sacrement, il seroit aussi facile à tous les idolâtres Païens, de dire que la substance du bois en de la pierre et que la substance de l’or ou de l’argent des images et des statuës, qu’ils adorent, seroit véritablement changée au corps et au sang, à l’âme et à la divinité de leur Dieu Jupiter par exemple, ou à la divinité de leur Dieu Mars, de leur Dieu Mercure, de leur Dieu Apollon, de leur Dieu Esculape… etc. et à la Divinité de leur Déesse Cibelle, de leur Déesse Junon, de leur Déesse Cérès, de leur Déesse Minerve, de leur Déesse Diane ou de leur Déesse Vénus… ou même dire, s’ils vouloient, que leurs Divinités se trouveroient véritablement dans leurs images, ou dans leurs statuës, conjointement avec la substance du bois et de la pierre et avec la substance de l’or et de l’argent, dont elles seroient composées, et par conséquent qu’ils ne seroient point idolâtres.

Si les Païens prétendoient justifier par-là le culte de leurs idoles (et il faut bien, en effèt, que ce soit par cette ou autre semblable raison, qu’ils se portent à adorer leurs idoles, car il n’est pas à croire que leur intention soit d’adorer seulement du bois ou de la pierre dans leurs idoles ; mais ils prétendent, sans doute, adorer quelque Divinité, qu’ils croïent résider d’une façon toute particulière dans le bois, dans la pierre, dans l’or ou dans l’argent, dont leurs idoles sont composées) si, dis-je, ces Païens prétendoient justifier par-là le culte de leurs idoles, nos Christicoles ne laisseroient pas pour cela que de les blâmer et les condamner, et même de se moquer d’eux et de leur prétendue croïance. Qu’ils se reconnoissent donc eux-mêmes dignes de blâme, dignes de condamnation et dignes de honte et de confusion, puisqu’ils disent et font eux-mêmes, ce qu’ils jugent être dignes de condamnation et de confusion dans les autres. Si, par exemple, les Prêtres de l’idole de Bel, dont il est parlé dans le prophète Daniel, eussent eu l’adresse, l’avisement ou l’industrie, de savoir distinguer, comme font nos Christicoles, la substance des accidents, et de dire que leur Dieu Bel mangeoit seulement la substance de toute cette grande quantité de pain, de viande et de vin, qu’on lui donnoit tous les jours, et qu’il leur laissoit à eux, à leurs femmes et à leurs enfans seulement les accidens à manger, et qu’on les eut cru sur leur parole, dans une si belle et si subtile doctrine, ils n’auroient eu que faire, de manger en cachette ce que l’on présentoit à cette idole ; ils auroient pu se repaitre agréablement eux, leurs femmes et leurs enfans, des bons restes de leur Dieu, et cela à la vûe de tout le monde, sans courir aucun risque ; ils auroient certainement bien mieux joué leur jeu et bien mieux couvert leurs tromperies et n’auroient pas eu la confusion d’être surpris en fraude, comme ils furent, et n’auroient pas eu le déplaisir, d’en porter si tragiquement la peine. Il y a aparence, qu’on ne s’étoit pas encore avisé en ce tems-là d’un si beau secrèt, pour tromper impunément les hommes.

Mais comme ce prétendu beau secret, n’est qu’une invention et une fiction chimérique de l’esprit humain, et que cette fiction ne tend manifestement, qu’à justifier toutes sortes d’idolâtrie et à donner lieu à toute autre semblable imposture, et qu’il n’y a point d’imposteur, qui ne pouroit se prévaloir d’une telle ou autre semblable fiction, si on y avoit égard, et même s’en prévaloir aussi avantageusement et avec autant d’assurance, que celui, qui diroit la vérité ; et que cette fiction chimérique anéantiroit entièrement toute la force de la preuve de l’argument, ou du raisonnement, que faisoient les Prophètes, pour démontrer la vanité et la fausseté des Dieux des Païens, et la vanité du culte de ieurs idoles (lequel argument est néanmoins le plus fort, le plus convaincant et le plus démonstratif, que l’on puisse faire sur tel sujet) il n’est nullement croïable, qu’un Dieu tout-puissant, qui seroit infiniment bon, infiniment sage, voudroit par telle voïe, ou par telle manière se faire adorer des hommes, puisque ce seroit manifestement vouloir les induire en erreur, et leur donner lieu de l’adorer également dans le bois et dans la pierre, ou dans le plâtre, et dans l’or et dans l’argent, ou, si on veut, sous les accidens, ou aparences visibles de ces sortes de choses, comme de l’adorer dans le pain et dans le vin, puisqu’on ne peut nier, dans le sentiment même de nos Christicoles, que Dieu ne pouroit également se mettre et se cacher dans le bois et dans la pierre, dans le plâtre, ou dans l’or, ou dans l’argent, et dans toute autre chose que ce puisse être, comme il se mettroit et se cacheroit dans le pain et dans le vin, ou sous leurs accidens et aparences visibles.

Or, suivant le témoignage des susdits Prophètes, que nos Christicoles ne sauroient recuser, Dieu auroit clairement et manifestement témoigné, qu’il ne vouloit pas se faire adorer, ni qu’on l’adorât dans le bois, ni dans la pierre, ni dans l’or, ni dans l’argent, ni dans aucune autre chose semblable, ni même sous aucune forme ou figure, ni sous aucune image de ce qu’il y auroit dans le ciel, ou sur la terre et dans les eaux. Tout cela est évident, par les témoignages mêmes que nos Christicoles ne sauroient recuser, donc il n’est pas croïable ; on ne doit pas même croire, qu’il auroit jamais voulu se faire adorer dans le pain, ni sous aucune image de pâte, puisqu’il seroit expressément défendu, de l’adorer sous aucune forme ou figure. Et c’est pour cette même raison, que l’on ne doit pas croire non plus, qu’il auroit jamais voulu s’incarner et se faire homme, ni prendre en aucune manière la forme ou figure d’homme, puis qu’il défendoit, ou qu’il auroit expressément défendu de l’adorer sous aucune forme ou figure.

C’est pourquoi l’Apôtre S. Paul regardoit comme fous et comme insensés, ceux qui changeroient, disoit-il, la gloire de Dieu incorruptible en la figure de l’homme corruptible, ou en la figure des oiseaux, et des bêtes à quatre piés, et disoit,[18] qu’ils changeroient la vérité de Dieu en mensonge — Committaverunt veritatem Dei in mendacium. Et comme, suivant le témoignage de cette même loi, prétendue divine, Dieu défendoit, ou auroit expressément défendu, et même sous peine de mort, de manger du sang et de la chair humaine, il n’est pas croïable, que ce même Dieu, dans le Christ, auroit véritablement voulu donner sa chair à manger et son sang à boire aux hommes, puisqu’il auroit voulu auparavant si expressément et si rigoureusement défendre de manger le sang, et qu’il auroit ordonné d’observer à tout jamais cette loi[19] carnem cun sanguine non comedetis, sanguinem universae carnis non comedetis ;[20] quicumque comederit illum interibit, anima quoe ederit sanguinem peribit de populis suis[21]. Hoc solum cave ne sanguinem comedas[22]. Et cet autre : Mandavit in aeternam testamentum suum[23]. Legitimum sempiternum erit vobis in cunctis generationibus vestris[24]. Tous ces témoignages et tous ces raisonnemens-là sont clairs et évidens, et montrent manifestement que la Religion Chrétienne est fausse, et qu’elle enseigne des erreurs et même des erreurs plus ridicules et plus absurdes, que celles qui étoient dans le paganisme. À quoi, si on ajoute que toutes ces idolâtries-là des Dieux de pâte et de farine ne sont fondeés, comme j’ai dit, que sur quelques paroles vaines et équivoques d’un misérable et malheureux fanatique, il y aura lieu de s’étonner encore plus, qu’une telle idolâtrie ce soit pû établir et se maintenir, comme elle fait parmi des peuples, où il y a tant de gens d’esprit et éclairés. Or, que les susdites paroles soient équivoques, nos Christicoles eux-mêmes le font assez manifestement voir, puisqu’ils n’ont encore pû eux-mêmes s’accorder entr’eux, sur le sens des susdites paroles de leur divin Christ, et que les uns leur donnent un sens contraire à celui que les autres prétendent leur donner, et que Jésus-Christ lui-même a suffisamment déclaré à ses Disciples, qu’il les entendoit d’un autre sens qu’eux, lorsqu’il leur dit à cette occasion, que les paroles qu’il leur disoit, étoient esprit et vie, c’est-à-dire qu’ils devoient les entendre en un sens spirituel et figuré, et non pas dans le sens propre des paroles mêmes, comme ils les entendoient. D’ailleurs on sait, que sa coutume étoit de parler toujours en paraboles, qui sont des discours obscurs et figurés, et par conséquent aussi des discours équivoques, qui peuvent se prendre en divers sens.




  1. Adducit consiliarios in stultum finem et judices in stuporem. Job. 12. 17. Periit enim sapientia a sapientibus ejus. Isaie 29. 14.
  2. 1 Cor. 1. 20.
  3. Psalm. 113. 15 (115. 4.)
  4. Sap. 13. 10.
  5. Sap. 14. 12.
  6. Baruch 6.
  7. Exod. 20. 4.
  8. Deut. 4. 16 — 19. Voiez aussi Deut. 4. 15. 16. 17.
  9. Rom. 1; 21.
  10. 1 Cor. 10. 14.
  11. Act. 15. 29 et 21. 25.
  12. Luc. 18. 19.
  13. Joan. 20. 17.
  14. Natu major me est. Joan. 14. 28.
  15. Deut. 13. 9.
  16. Math. 5. 18.
  17. Rom. 18. 25.
  18. Rom. 1 : 23
  19. Gen. 9. 4.
  20. Levit. 17. 14.
  21. Ibid. 7. 27.
  22. Peut. 12. 23.
  23. Psalm. 111. 9.  et Gen. 17. 7.
  24. Levit. 23. 31.