Le Testament de Jean Meslier/Édition 1864/Chapitre 8

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Texte établi par Rudolf Charles MeijerLibrairie étrangère (Tome 1p. 49-62).
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VIII.
Origine de l’idolatrie.

On dit que le premier inventeur de ces fausses Divinités fut un nommé Ninus, fils de Belm, premier Roi des Assiriens, (environ le tems de la naissance d’Isaac, vers l’an du monde selon les Hébreux 2101) qui, après la mort de son Père, lui érigea une idole, qui prit peu après le nom de Jupiter, et qu’il voulut qu’elle fut adorée de tous comme un Dieu. De-là, dit-on, sont provenus toutes les idolatries qui se sont répanduës dans le monde. Cécrops, premier Roi des Athéniens fut ensuite le premier qui invoqua ce Jupiter, ordonnant de lui faire des sacrifices dans ses États, et ainsi il fut auteur de toutes les autres idolatries qui y furent depuis reçues. Janus, qui étoit un très ancien Roi d’Italie, fut, selon Macrobe, le prémier, qui y dédia des temples aux Dieux, et qui leur fit offrir des Sacrifices ; et comme il étoit le prémier qui avait donné la connoissance des Dieux à ses peuples, il fut pareillement après sa mort reconnu d’eux et adoré comme Dieu, de telle façon que les hommes ne sacrifioient jamais à d’autres Dieux, qu’ils n’invoquassent prémiérement ce Janus. Les auteurs mêmes que nos Christicoles apellent saints et sacrés, parlent à peu près de la même maniere touchant l’invention et l’origine de toutes ces fausses Divinités, et non seulement ils en attribuent l’invention et l’origine aux Hommes, mais ils disent même que l’origine et l’invention de toutes ces fausses Divinités sont la cause, la source et l’origine de toutes les méchancetés qui se sont répandues dans le monde, car il est dit dans leur Livre de la Genese[1] que ce fut un nommé Enos, fils de Seth et petit-fils du prémier Homme, Adam selon eux, qui commença à invoquer le nom de Dieu, iste cœpit invocare nomen Domini. Et dans leur Livre de la Sagesse, il est dit expressément que l’invention et que le culte des idoles ou des fausses Divinités est l’origine, la source, le commencement, et la fin de tous les maux qui sont dans le monde : infandorum enim idolorum cultura omnis mali causa est et initium et finis[2].

Voici comme les mêmes prétendus saints et sacrés livres parlent de l’invocation de ces fausses Divinités et de leur commencement. Un Père, marque l’Auteur du Livre de la Sagesse[3], se trouvant extrêmement affligé de la mort précipitée de son fils, fit faire son image pour tacher de se consoler de sa perte, en regardant cette image qu’il ne consideroit d’abord que comme l’image d’un fils bien aimé, que la mort lui avait enlevé ; mais s’étant peu après laissé aveugler par un excès d’amour envers ce fils et envers l’image et le portrait qu’il en avoit fait tailler, il commença à regarder et adorer comme un Dieu ce qu’il ne regardoit auparavant que comme l’image d’un homme mort, ordonna à ses domestiques de l’honorer, de lui offrir des sacrifices, et enfin de lui rendre des honneurs divins[4]. Cette mauvaise pratique s’étant ensuite communiquée et répandue partout ailleurs, passa bientôt en coûtume, l’erreur particulière devint bientôt une erreur publique, et enfin cette coutume passa si bien en forme de loi, qu’elle s’est confirmée et autorisée par les commandemens des Princes et des Tyrans, qui obligèrent leurs sujèts sous de rigoureuses peines d’adorer les statuës de ceux qu’ils mettoient au rang des Dieux. Cette idolatrie, disent les mêmes Livres[5], s’étendit si loin que les peuples éloignés du Prince, se faisoient aporter son image, se consolant de son absence par la présence de sa statue à laquelle ils rendoient les mêmes honneurs et les mêmes adorations qu’ils auroient fait à leur Prince, s’il eut été présent. La vanité et l’adresse des Peintres et des Sculpteurs, continuent les mêmes Livres,[6] ne contribua pas peu au progrès de cette détestable idolatrie : car comme ils travailloient à l’envi les uns des autres, pour faire de belles figures, la beauté de leur travail attira à leurs ouvrages l’admiration et l’adoration des foibles et des ignorans, de sorte que les peuples, dont il est facile d’abuser la simplicité, se laissèrent aisément séduire par la beauté de l’ouvrage, s’imaginant qu’une telle statue ne pouvoit être que la représentation d’un Dieu, et pensoient que celui qu’ils n’avoient estimé que comme un Homme jusqu’alors, devoit être adoré et servi comme un Dieu. Voilà, disent ces saints et sacrés Livres de nos Christicoles même, comme l’idolatrie, qui est la honte et l’oprobre de la Raison humaine, est culte dans le monde par l’intérêt des Ouvriers, par la flatterie des Sujèts, et par la vanité des Princes et des Rois, qui ne peuvent retenir leur autorité dans de justes bornes, ont donné le nom à des idoles de Pierre ou de Bois, d’Or ou d’Argent, à l’honneur desquelles idoles ils célèbrent des Fêtes pleines d’extravagance et de folie, et auxquelles ils offroient des sacrifices pleins d’inhumanités en leur immolant cruellement leurs propres Enfans, et apelloient paix l’ignorance où ils étoient quoiqu’elle les rend et plus misérables et plus malheureux que n’auroit pû faire une méchante guerre, tot et tanta mala pacem apellant[7]. Enfin disent les mêmes Livres de la Sagesse, le culte et l’adoration de ces détestables idoles est la cause, le commencement, le progrès et le comble de tous les vices et de toutes sortes de méchancetés : infandorum enim idolorum cultura omnis mali causa est et initium et finis[8].

Tous ces temoignages que je viens de raporter nous font clairement voir non seulement que toutes les Religions, qui sont ou qui ont été dans le monde, ne sont et n’ont jamais été que des inventions humaines ; mais ils nous font encore clairement voir que toutes les Divinités que l’on y adore ne sont que de la fabrique et de l’invention des Hommes, et que c’est de l’adoration même de ces fausses Divinités que procédent tous les grands maux de la vie : omnis mali causa est et initium et finis. Et ce qui confirme d’autant plus cette vérité, c’est que l’on ne voit nulle part qu’aucune Divinité se soit publiquement et manifestement montrée aux Hommes, ni qu’aucune Divinité leur ait publiquement et manifestement donné par elle-même aucune loi, ni fait aucun précepte. « Regardez, dit le Sr Montagne[9], le Registre que la Philosophie a tenu deux mille ans et plus des Affaires célestes : les Dieux, dit-il, n’ont jamais agi, n’ont parlé que par l’Homme et même par quelques Hommes particuliers ; encore n’était-ce qu’en secrèt et comme en cachète ; et le plus souvent même ce n’étoit que la nuit par imagination et en songe ; » comme il est clairement marqué dans les Livres mêmes de Moïse, reçus et aprouvés par nos Christicoles[10]. Voici comme ils y font parler leurs Dieux : s’il y a quelqu’un qui soit prophète entre vous, leur dit-il, je lui aparoitrai en vision ou je lui parlerai en songe. Ce fut effectivement ainsi qu’il est dit qu’il apella Samuel[11] et qu’il lui parla ; c’est ainsi qu’il est marqué qu’il aparut et a parlé à plusieurs autres, si on en veut croire nos Déicoles et nos Christicoles qui chantent dans une de leurs solemnités ces paroles qu’ils tirent de leur Livre de la Sagesse ; » Pendant la nuit lorsque tout est dans le silence, votre Parole, Seigneur, se fait entendre du plus haut des cieux. Cum quietum silentium contineret omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet omnipotens Sermo tuus de cœlo a regalibus sedibus prosilivit, venit »[12].

Mais si c’étoit véritablement des Dieux qui parlassent ainsi aux Hommes, comme on voudroit le leur faire accroire, pourquoi affecteroient-ils de se cacher toujours ainsi en leur parlant, et pourquoi au contraire ne manifesteroient-ils pas plutot partout leur gloire, leur Puissance, leur sagesse et leur suprême autorité ; s’ils parlent, ce n’est, du moins ce ne doit être, que pour se faire entendre, et s’ils veulent donner des loix, des préceptes et des ordonnances aux Hommes ce ne doit être que pour les faire suivre et observer, et pour cela auront-ils si besoin de l’organe et du ministere des Hommes, qu’ils ne sauroient s’en passer ? Ne sauroient-ils parler ni se faire entendre par eux-mêmes à tous les Hommes ? Ne sauroient-ils publier leurs loix et les faire observer immédiatement par eux-mêmes ? Si cela est, c’est déjà une marque certaine de leur faiblesse et de leur impuissance, puisqu’ils ne sauroient se passer du secours des Hommes en ce qui les regarde, et si c’est qu’ils ne veulent, ou qu’ils ne daignent pas se montrer ni parler manifestement et publiquement aux Hommes, c’est vouloir leur donner tout sujèt de défiance, c’est vouloir leur donner sujèt de douter de la vérité de leurs paroles ; car toutes ces prétendues visions et revelations nocturnes dont les Déicoles se flattent sont certainement trop suspectes et trop sujètes à illusion pour qu’on y ajoute beaucoup de foi, et il n’est nullement probable ni croïable que les Dieux qui seroient parfaitement bons et parfaitement sages, voudroient jamais se servir d’une voie si suspecte que celle-là pour faire connoitre leurs volontés aux Hommes, et non seulement ce serait leur donner lieu de douter de la vérité de leurs paroles, mais ce seroit même leur vouloir donner aussi tout sujèt de douter de la vérité de leur existance, et leur donner sujèt de croire qu’ils ne sont nullement eux-mêmes : car il n’est nullement croïable que s’il y avoit véritablement des Dieux, ils voudroient souffrir que des imposteurs abusassent de leurs noms et de leur autorité pour tromper si impunément les Hommes. D’ailleurs s’il ne tenoit qu’à quelques simples particuliers de dire que Dieu leur est aparu en songe ou en secrèt, et qu’il leur auroit parlé et qu’il leur auroit révélé en secrèt tels ou tels mistères et qu’il leur auroit donné en secrèt telles ou telles loix et ordonnances, s’il ne tenoit, dis-je, qu’à quelque particulier de dire cela, et même de suposer encore s’il falloit quelques prétendus miracles pour qu’ils soïent crus sur leur parole, il est clair et évident qu’il n’y auroit point d’imposteur qui n’en pouroit faire autant en leur faveur, et qui ne pouroit dire avec autant d’assurance les uns que les autres qu’ils auroient eu des visions et des révélations du Ciel, que Dieu leur auroit parlé et qu’il leur auroit révélé tout ce qu’ils voudroient faire accroire aux autres. Ainsi ceux qui prétendent avoir eu des révélations secrètes des mistères, des loix, des ordonnances ou des volontés de Dieu ou des Dieux, si on veut, ne sont nullement croïables dans leur dire, et ils ne méritent pas d’être écoutés dans ce qu’ils en disent, parce qu’il n’est pas croïable, comme j’ai dit, que des Dieux qui seroient parfaitement bons et parfaitement sages comme on les supose, voudroient jamais se servir d’une voïe si trompeuse et si suspecte que celle-là pour faire connoitre leurs volontés aux Hommes.

Mais, comment donc, dira-t’-on, comment est-ce que tant d’erreurs et tant d’impostures ont pû s’étendre si généralement par tout le monde et comment ont-ils pû se maintenir si longtems et si fortement dans l’esprit des Hommes ? Il y auroit effectivement bien lieu de s’en étonner pour ceux qui ne savent juger des choses humaines que par l’extérieur, et qui ne voïent point tous les ressorts cachez qui les font mouvoir ; mais pour ceux qui savent en juger autrement et qui regardent les choses de près, qui voïent jouer les ressorts de la fine politique des Hommes et qui connoissent les ruses et les artifices dont les imposteurs sont capables de se servir pour venir à bout de leur dessein, ce n’est plus pour eux un sujèt d’étonnement. Ils sont revenus de toutes leurs finesses et de toutes leurs subtilités. Ils savent d’un côté ce que l’orgueil et l’ambition sont capables de faire dans l’esprit des Hommes. Ils savent d’un autre côté que les Grands de la Terre trouvent toujours assez de flateurs qui par des laches complaisances approuvent tout ce qu’ils font et tout ce qu’ils ont dessein de faire ; ils savent encore que les imposteurs et les Hypocrites emploïent toutes sortes de ruses et d’artifices pour parvenir à leurs fins, et enfin ils savent que les peuples étant foibles et ignorans, ils ne sauroient voir ni découvrir par eux-mêmes les ruses et les artifices dont on se sert pour les tromper, et qu’ils ne sauroient résister contre la Puissance des Grands qui les font plier comme ils veulent sous le poids de leur autorité et c’est justement par ce moïen-là, c’est-à-dire par l’autorité des Grands, par les laches complaisances des Flateurs, par les ruses et les artifices des imposteurs, et par l’ignorance et la foiblesse des Peuples, que toutes les erreurs, toutes les idolatries et toutes les superstitions se sont répanduës sur la Terre, et c’est par ce même moïen-là qu’ils s’y maintiennent et qu’ils s’y fortifient encore tous les jours.

Mais rien ne prête plus beau jour à l’imposture et aux progrès qu’elle fait dans le monde que cette avide curiosité que les peuples ont ordinairement d’entendre parler des choses extraordinaires et prodigieuses, et cette grande facilité qu’ils ont de les croire : car comme on voit qu’ils prennent plaisir à en entendre parler, qu’ils les écoutent avec étonnement et avec admiration et qu’ils regardent toutes ces choses comme des vérités bien constantes, les hipocrites de leur côté et les imposteurs du leur prennent plaisir à leur forger des fables et à leur en conter tant qu’ils veulent. Voici comme le Sr de Montagne[13] parle de ceci : » Le vrai champ et le sujèt de l’imposture, dit-il, sont les choses inconnuës : d’autant qu’en prémier lieu l’étrangeté même donne crédit ; et puis n’étant point sujètes à nos discours ordinaires, elles nous ôtent les moïens de les combattre. À cette cause, dit Platon, est-il bien plus aisé de satisfaire, parlant de la nature des Dieux, que de la nature des Hommes ; parce que l’ignorance des auditeurs prête une belle et large carrière, et toute liberté au maniment d’une matière cachée. Il advient de là qu’il n’est rien cru si fermement que ce qu’on sait le moins, ni gens si assurés que ceux qui nous content des fables. Et quoique la varieté et discordance continuelle des Evénemens les rejette de coin en coin et d’Orient en Occident, ils ne laissent de suivre pourtant leur brisée et du même craïon peindre le blanc et le noir. Y a-t’-il, dit il, opinion si bizarre[14] (je laisse à part la grossière imposture des Religions de quoi tant de grandes nations et tant de suffisans personnages se sont vûs enivrés) y a-t’-il, dit-il, opinion si bizare et si étrange que la coûtume et imposture n’ait planté et établi par loix es régions que bon lui a semblé[15]. J’estime, continue-t’il, qu’il ne tombe en l’imagination humaine aucune fantaisie si forcenée qui ne rencontre l’exemple de quelque usage public et par conséquent que notre raison n’étaïe et ne fonde sur quelque aparence de raison ou sur des pretendus miracles, car les miracles, dit-il, sont selon l’ignorance en quoi nous sommes, des choses de la nature et non pas selon l’être de la nature même. En effet, il n’y a point eu d’opinion si fausse et si erronée qu’elle puisse être, qui n’ait trouvé des fauteurs, ni de pratique si extravagante qui n’ait été autorisée[16] : celle des augures est de cette condition ; et la raison de cela est que la vérité et le mensonge ont leur visage conforme, le port, le goût et les allures pareilles, nous les regardons de même oeil[17]… d’où vient que la plûpart des hommes aiment à mentir et qu’ils ne se contentent pas de débiter des mensonges, mais sont bien aises aussi d’en entendre et triomphent quand on les entretient de choses qui ne sont que sornettes, ou qu’ils en content eux-mêmes. C’est qu’ils y trouvent leur profit.

« Plusieurs et même de très grands personnages ne se plaisent pas seulement à tromper les autres, mais à se tromper aussi eux-mêmes ; ce qui me donne de l’étonnement mêlé de quelque indignation, dit Lucien ; car pour ne rien dire des Poëtes qui ne disent presque que des fables, n’avons nous pas, dit-il, des Historiens comme Ctesias, Herodote et plusieurs autres qui non contens d’abuser ceux de leur siècle, ont voulu encore consigner leurs fables à la Posterité, mais peut-on, dit-il, souffrir dans les Poëtes mêmes que Saturne chatre son Père, que Venus soit engendrée de l’écume de la Mer, que Promethée soit attaché à une Croix sur le mont Caucase où il est exposé à un Aigle qui lui ronge continuellement le foïe, que les Geans fassent la guerre aux Dieux, sans parler de leurs tragedies, des Enfers, et de diverses métamorphoses de Jupiter, et infinies autres sotises, outre ce qu’ils disent des chimeres, des gorgones, des Cyclopes et autres semblables reveries pour faire peur aux petits enfans. Encore passe, dit-il, pour les Poëtes et les anciens Historiens qui n’avoient rien de meilleur en ce tems-là à nous débiter ; mais que peut-on dire ou penser des nations entiéres, comme les Candiots lorsqu’ils montrent la sépulture de Jupiter et les Athéniens quand ils disent qu’Ericton et leurs prédécesseurs naquirent de la Terre, comme si c’étoient des choux, encore faudroit-il les semer. Les Thebains, dit-il, sont encore plus extravagans lorsqu’ils se font venir des dents d’un serpent : cependant ceux qui parmi eux ne croïent pas ces choses et autres telles impertinences, passent pour impies, comme s’ils s’attaquoient aux Dieux et qu’ils doutassent de leur pouvoir ; tant le mensonge a trouvé de croïance parmi les Hommes. Pour moi, dit le même Lucien, je le pardonne aux villes qui le font pour rendre leur origine plus auguste ; mais de voir, dit-il, des Philosophes qui travaillent à la recherche de la vérité, se plaire à conter et à entendre conter des Fables de cette nature, comme si c’étoient des vérités infaillibles, c’est ce que je ne puis comprendre et que je trouve tout à fait ridicule et insuportable ; car je viens, dit-il, tout présentement de Thebes, où j’ai oui tant de fadaises, que j’ai été contraint de sortir, ne pouvant souffrir ceux qui les débitoient, ni ceux qui prenoient plaisir à les entendre. »

Au commencement de l’Eglise Chrétienne les Enchanteurs et les Heretiques la troubloient beaucoup par diverses impostures, dit l’Auteur des Chroniques ; il seroit trop long de rapporter ici quantité d’autres semblables témoignages. Ce que je viens de vous dire suffit pour vous faire clairement voir que toutes les Religions ne sont que des inventions humaines et par conséquent que tout ce qu’elles nous enseignent et nous obligent de croire comme surnaturel et divin n’est qu’erreur, mensonge, illusion et imposture ; des erreurs dans ceux qui croïent trop légérement des choses qui ne sont point et qui ne furent jamais, ou qui sont autrement qu’ils ne les croïent ; des illusions dans ceux qui s’imaginent voir et entendre des choses qui ne sont point ; des mensonges dans ceux qui parlent de ces sortes de choses contre leur propre science et connoissance, et enfin des impostures dans ceux qui les inventent et qui les débitent, afin d’en imposer et d’en faire accroire aux autres, ce qui est certainement et si évidemment vrai que nos idolatres Déicoles et nos Christicoles eux-mêmes n’en sauroient disconvenir, c’est pourquoi aussi ils avouent chacun de leur part d’un commun consentement que ce n’est effectivement qu’erreur, illusion, tromperie et imposture dans toute autre religion que la leur ; cela étant, voilà déjà comme vous voïez, bien certainement la plus grande partie des Religions reconnues pour fausses. Il ne s’agit donc plus maintenant que de savoir si dans un si grand nombre de fausses sectes et de fausses Religions qu’il y a dans le monde, il y en a au moins quelques-unes qui soient véritables ou que l’on puisse assurer plus véritable que les autres et être véritablement d’institution divine.


  1. Genese 4. 26.
  2. Sap. 14. 27.
  3. Sap 14. 27.
  4. 16.
  5. 17.
  6. 18.
  7. Sap. 14. 22.
  8. ibid. 14, 27.
  9. Essai pag. 501 liv. 2. Ch. 12.
  10. Num. 12. v. 6.
  11. Reg. III. 3. 10.
  12. au Dimanche de l’Oct. de la Nativité de J. C. Sap. 18. 15.
  13. Ess. de Montagne Liv. 1. Ch. 31. pag. 182
  14. ibid. pag. 78.
  15. Ess. de Montagne. Liv. I, Ch. 31, pag. 79.
  16. Recueil des Confer : Tom. 5, pag. 375.
  17. Ess. de Montagne 1036.