Le Théâtre d’hier/Eugène Labiche/L’observation

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IV

L’OBSERVATION


Doit-on le dire… ?

Qu’avec tout ce brio Labiche est un maître inférieur ? Je ne dis pas cela, puisqu’il a mis en œuvre une fantaisie qui nous désopile la rate. Que dans cette production considérable (au point que l’éditeur n’a eu ni le loisir ni le courage de tout réunir en volumes), on ne trouverait pas un type véritablement vrai, d’une vérité un peu plus profonde et intérieure ? Je ne dis pas cela, puisqu’on me renverrait sur-le-champ, avec quelque mépris, à M. Perrichon.

Mais je dis que c’est gâter l’admiration due à Labiche que la vouloir pousser trop avant ; qu’à être plus ambitieux pour lui qu’il ne le fut lui-même, on fait pièce à sa mémoire ; qu’il ne faut pas tirer le cordonnier de la chaussure, « ne sutor ultra crepidam », ni demander à Labiche des « idées philosophiques et d’une belle force », comme on l’a écrit sans rire, ni même sonder avec trop d’insistance le peintre de caractères.

 En revenant de Cadix,
 Nous étions dix ;
 En arrivant à Melun,
 Nous étions un…

Ils sont cent, deux cents, que sais-je ? Et ils sont un, les bonshommes de Labiche. Ils sont un, qui font du tapage comme cent et deux cents : empiégés dans les réseaux assez lâches d’une douce petite morale bourgeoise et peu exigeante, parmi les embarras et quiproquos d’une cérémonie civile, assez indifférente de soi, qui est le mariage, à tous les degrés, aux deux périodes, avant et après. Ils sont un, et ils n’ont guère qu’une idée : jamais Aristote ne fut à ce point satisfait.

Pourquoi demander à Labiche les vues profondes d’un Augier ? Il attrape des traits de mœurs, qui sont en même temps des traits de caractère, au petit bonheur. L’observation y est souriante, et superficielle ; quant à la psychologie, il la faut chercher ailleurs, s’il vous plaît. Il se danse là une sarabande autour du mariage, qu’on se garde bien d’envisager en ses conséquences graves : la petite oie et les petits popismes suffisent. C’est la kermesse de la comédie sociale, à grand renfort de ridicules postures et de joyeux propos ; et du bon sens, à satiété, exempt de déclamation autant que de prétentieuse satire.

Avant le mariage, c’est la diplomatique gaucherie des parents, qui s’étale dans le Point de mire, le Choix d’un gendre, la Station Champbaudet, la Poudre aux yeux, v’lan dans les yeux ! Ce sont les premières entrevues, où personne ne se doute de rien, savez-vous, mais où chacun s’observe et se guette, en tapinois ; et les insidieuses adresses et la tactique transparente des mères ; c’est la chasse aux écus, et les demandes bredouillées par manière d’excuses, et les ruptures inattendues, et les obstacles à claire-voie dont nos mœurs longtemps perfectionnées ont empêtré l’amour légitime : des scènes de mœurs, toujours, des scènes rencontrées et drolatiques, d’une malice peu agressive, et qui égratigne légèrement. Et aussi, c’est le ramage féminin, dont les sous-entendus éclatent aux yeux, dont la grimace et les mômeries, encore un coup, sont mises au jour avec quelque outrance, et de la gaité, à souhait. Mais je cherche une mère qui ait une passion, un caractère, parmi ces finaudes ou tracassières perruches, un travers même un peu plus significatif que l’esprit grincheux de Mme Perrichon, quand elle n’a pas pris son café. Je cherche un type féminin, où l’auteur ait « gratté le salsifis ». Je ne découvre qu’une atmosphère bourgeoise, avec tous les ridicules de surface qui apparaissent avec le bout du nez et que chacun porte sur soi comme une enseigne : des entours plaisants, et point de dessous, et à la bonne heure. Qu’on me parle de la bonne humeur qui y règne : d’accord ; mais pour Dieu, laissons la philosophie et la profondeur ! Rappelez-vous une jolie scène de la Poudre aux yeux, la discussion du budget d’un futur ménage, entre belles-mamans.

« Dès demain, nous leur chercherons un appartement. » — « Un entresol ? » — « Oh ! c’est bien bas un entresol. » — « Un second ? » — « C’est bien haut, un second. » — « Alors, un premier ?… C’est une affaire de cinq à six mille francs. » — « Mettons dix mille francs… Appartement, toilette, voiture, un petit cocher, six, douze, dix-huit, vingt-quatre… Total vingt-quatre mille francs… Cela me parait bien… » — « Ce n’est pas trop. (À part). Ils doivent donner une forte dot. »

Voilà qui est bien vu et bien venu : cette émulation de la vanité est de bonne bourgeoisie, et le mot de la fin peut passer pour un trait de mœurs, par-dessus le marché. Qu’on me dise si dans cette scène et dans les voisines, apparaît un caractère, si la psychologie de Mme Malingear en est plus complexe et pénétrante, parce que la bonne dame vérifie le livre de sa cuisinière, et si une mère, qui marie sa fille, n’a point de soucis plus intimes, de travers moins extérieurs, de passion moins banale, moins commune à toute sa classe, ou sa caste, comme il vous plaira, et qui donneraient proprement une âme à cette estimable et presque anonyme ménagère. Je cherche une mère, et je n’en trouve qu’une, qui s’est faite homme par aventure : M. de Vancouver, le papa de son Isménie. Et pareillement, il n’y a dans toute cette œuvre qu’une petite fille, qui voudrait bien se marier, qui sait la grammaire, qui pratique le piano, le même piano bourgeois, d’occasion, et qui en « joue » suffisamment, trop suffisamment pour mon goût. Avant le mariage, c’est le triomphe de l’unité.

La diversité n’est qu’apparente, après. Amants et maris vivent, en bon accord, sur un même fonds d’une morale, qui n’est ni désolante ni triste, mais édifiante au contraire, et fertile en conséquences agréables et soudaines ; et ainsi, comme il sied à une famille unie et de belle santé, ils se ressemblent cordialement. Aux différentes étapes de la vie, quel que soit leur état civil, ils sont les représentants sur terre de cette maxime réparatrice : « Le plus heureux des trois n’est pas celui qu’on pense », les prédicateurs attitrés d’un nouveau Testament, dont je cite l’essentiel verset :

« …Ils ne sont pas à plaindre, les maris… Oui, je sais qu’il y a le petit inconvénient… Mais puisqu’ils l’ignorent ! À part cela, de quoi se plaignent-ils ? Nous les soignons, nous les dorlotons, nous les mijotons. Ils sont gras, roses, frais, gais, superbes… tandis que nous, les amoureux, nous sommes maigres, jaloux, craintifs, tremblants… »

Vous voyez de reste qu’ils différent seulement par le physique. Et encore, est-ce bien dit ? Tous sont gras, roses, frais, ou en voie de le devenir. Le serein, l’épanoui Marjavel, le plus heureux de tous, est le maître du chœur, de ce chœur de maris, et d’amants, qui sont de seconds maris, ou des maris en apprentissage, des maris de demain pleins de déférence pour ceux d’aujourd’hui : Roméos apprivoisés et enrégimentés, succédanés de Marjavel. En vérité, je ne sais pourquoi les tribulations de M. Ernest m’apparaissent comme les petites misères, les épreuves préliminaires d’un noviciat, dont j’entrevois la fin. Ou plutôt, j’en crois distinguer la raison avec assurance : au fond, même morale, même physionomie, à la réserve du tour de taille ; tous maris, tous bourgeois, tous frères et un peu siamois, tous Célimare dans les moelles. Ils le sont, le furent, ou le seront. Il l’est.

De ces ressemblantes ébauches est sortie un jour, je ne dis point par hasard, la vivante figure de M. Perrichon, le carrossier, le bourgeois, le Marjavel honoraire, le Célimare in partibus, et aussi le Tartarin du Marais. C’est le chef-d’œuvre de Labiche ; cela ne fait pas question. Mais, dussé-je passer pour myope, je ne résiste pas à l’envie d’écrire que celui-ci encore, qui est un type d’une réalité amusante, a plus de physionomie que de caractère. Je m’explique. Mettons tout de suite à part, si vous y consentez, cette trouvaille du double sauvetage, et des contraires effets que l’auteur en a tirés. Reconnaissons une tentative d’analyse pénétrante, et même une vérité assez générale pour dépasser de beaucoup le type que Labiche dressait en pied. Il en jaillit des mots de nature ; il en naît des scènes supérieurement enlevées, de la meilleure comédie. Il le faut proclamer sans détour, l’occasion étant presque unique.

Est-ce à dire que tous les traits soient de même valeur, et marquent une observation aussi profonde avec une égale et sûre continuité d’analyse ? N’est-il pas manifeste, malgré le plaisir incessant qu’on éprouve, que le Perrichon des deux premiers actes est autrement étudié et fouillé que celui des deux autres ? Au début, nous sommes, cette fois, en présence d’un personnage complexe : importante naïveté, bonhomie décorative, un certain goût des phrases sonores, et l’héréditaire abaissement aux petits détails, les sentences de M. Homais et la minutie d’un caissier fidèle, les brusques élans et les sages retours de M. Prudhomme, les timides audaces et l’héroïsme précautionné, et, brochant sur le tout, une avidité d’être quelqu’un parce qu’on possède quelque chose, tout cela constitue les éléments d’un caractère analysé, ordonné, animé. Dès le troisième acte, l’observateur se fatigue et appelle la fantaisie à la rescousse. À présent les événements s’accumulent, les scènes se pressent, les effets scéniques abondent, les traits s’accusent, et l’on voit poindre la caricature. J’aime la prudence avisée qui tâche à dépister la douane ; mais pourquoi la scène de provocation et d’excuses ? Est-ce que ceci est de la même venue et témoigne d’une égale mesure ? À faire de ce brave homme un lâche, est-ce qu’on n’essaie pas de nous donner le change, en riant ? Et je crois entendre ici le rire qui égaie la Commode de Victorine ; j’ai rencontré ce commandant matamore quelque part ; c’est un bretteur de vaudeville. L’invention du fait-divers, inséré dans les feuilles publiques, ne me déplait point ; je goûte cette innocente réclamé, et je songe aux géniaux épigones de M. Perrichon ; mais pour le tableau, qui doit représenter le Mont-Blanc et Lui, Lui et le Mont-Blanc, heu ! c’est trop. Le stratagème est ingénieux et drôle ; mais pour vrai, c’est une autre affaire. La charge s’est substituée à l’observation.

Un peu plus tôt, un peu plus tard, c’est toujours elle qui prend le dessus chez Labiche : et cela vient justement de ce qu’il voit gros, de ce qu’il observe en surface, de ce qu’il n’est jamais à court ni de verve, ni de gaité, ni d’esprit, mais de matière psychologique et d’étude intérieure. Et cette pénurie, ou cette insouciance, se montre davantage aux pièces dont l’idée première semblait plus sérieuse ou plus ambitieuse ; dès qu’il touche aux nuances et aux sentiments délicats, il a la main lourde, et s’échappe promptement dans la sentimentalité de mélodrame : témoin quelques tirades des Petits oiseaux. Les demi-tons lui sont interdits, parce que, décidément, il n’a pas l’accès, des âmes.

Il y aurait quelque inconvenance à insister, après trente ans passés, sur l’indiscutable échec de Moi, si cette comédie psychologique ne faisait paraître combien Labiche est rebelle à la psychologie. Si jamais œuvre fut destinée à être une peinture de caractères, c’est assurément celle-là, dont l’égoïsme est le sujet et l’unique ressort. On a dit que la majesté de la Comédie française avait « amorti ses qualités natives ». J’estime que c’était un tour aimable pour dire que le talent des comédiens n’a pu glisser dans la pièce la qualité indispensable, qui en était absente. Elle est lourde, bien qu’habilement construite ; ennuyeuse, encore que pleine d’esprit ; elle contient des scènes déjà vues, ne fût-ce que dans Molière, d’une imitation presque gauche, et d’autres scènes, qui sont de premier ordre ; elle est constellée de mots heureux, que la charge gâte à tout moment. Mais surtout, dès que l’auteur s’applique à l’étude de ce sentiment subtil et humain, qui est l’égoïsme, il nous donne le plus fâcheux régal de mauvais goût et de coq-à-l’âne inconscient. Il faut citer, même avec quelque ennui de mettre en pleine lumière l’erreur ou l’impuissance d’un homme, d’ailleurs si étonnamment doué. Qu’est-ce que l’égoïsme ? Qu’est-ce que le moi ? Lisez, disciples de Stendhal, et soyez édifiés…

« C’est un composé de tous les organes qui peuvent m’apporter une jouissance… C’est ma bouche, quand elle savoure une truffe moelleuse, mes yeux, lorsqu’ils se reposent sur une jolie femme, mon oreille, quand elle m’apporte l’écho d’une musique digestive et peu savante… Le cœur n’est pas de la maison… C’est un invité, un noble étranger, qu’il est impossible de jeter à la porte, malheureusement… mais qu’il faut rigoureusement surveiller, sans quoi il nous ôte le pain de la bouche, et jette, par toutes les fenêtres, notre argenterie aux passants (que de métaphores ! et ce n’est pas tout). » — « Alors, si je vous comprends bien, vous faites de l’homme, de l’individu, une espèce de fort blindé et cuirassé (oh ! oh !) sur la porte duquel vous écrivez : Moi, moi seul ! Eh bien ! nous autres marins, c’est d’un autre œil que nous voyons les choses. Vous dites : moi ; nous disons : nous. De tous nos organes — je prends votre mot (nous n’y tenions pas absolument), celui que nous estimons le plus, c’est le cœur !… Et ce n’est pas un hôte que nous surveillons (bon ! il prend aussi l’image), mais un maître auquel nous sommes fiers d’obéir (tremolo à l’orchestre, — crescendo)… C’est ce maître qui nous enseigne la religion du dévouement, qui nous dit que Dieu ne nous a créés faibles que pour nous forcer à nous rapprocher, à nous aimer, à nous secourir… Les sauvages, les sauvages eux-mêmes (une page des Incas ? ou le supplément au Voyage de Bougainville ?) ont la conscience de cette solidarité humaine… Oui, jugez-en !… C’est au milieu d’eux que nous avons été débarqués, mon cher malade et moi… Accueillis d’abord avec défiance (comme dans tous les hôpitaux), quand ils virent que l’un de nous souffrait, poussés par la sainte loi de la compassion, ils s’approchèrent, ils vinrent à nous, ils nous ouvrirent leurs cabanes… Lorsque plus tard, enfin, je voulus remercier le chef de cette petite tribu (parabole du cacique !), il me répondit : « L’homme se doit à l’homme ; autrefois, nous vivions isolés, et nous dormions sous le ciel. Un jour, l’un de nous voulut se bâtir une cabine. Il abattit un chêne ; quand le chêne fut à terre, il s’aperçut qu’il était trop faible pour le soulever ; un autre homme passa ; il l’appela, et lui dit : « Aide-moi à porter mon arbre ; je porterai le tien… »

Et c’est tout justement la différence de l’égoïsme et du socialisme. Cette page vous donne-t-elle bien du regret, que Labiche n’ait pas cédé plus souvent à la tentation d’élever son genre ?

Elle explique, au moins, les inégalités qui firent tomber la pièce. À cette comédie de caractères ce sont les caractères qui manquent le plus. Faut-il redire que plusieurs scènes y sont enlevées de main de maître, et notamment celle qu’Émile Augier signale dans sa préface ; et que les mots abondent, drus et de forte sève ? Mais scènes et mots ne sauraient, en cette occurrence, remplacer l’analyse défaillante et le dessin incorrect des personnages. Une peinture solide ne consiste pas seulement en des touches successives et multipliées. Il y faut encore une ordonnance pénétrante, et une certaine unité secrète, qu’on chercherait vainement ici. L’égoïsme de Dutrécy se manifeste par des signes de valeur très différente. Pour nous donner une idée de l’égoïsme, on commence par une définition de la douche et du massage. Psychologie de l’hygiène. Puis c’est un homme d’affaires, à la piste d’une occasion superbe. Jean Giraud vous dira que les affaires sont les affaires, et qu’il n’y faut point mêler le sentiment. Psychologie à côté. Voulez-vous de l’invraisemblable et de la charge ? On en a mis aussi. Dutrécy apprend qu’on lui ramène sa nièce : il avait oublié qu’il en eût une. Psychologie du distrait. Son neveu revient d’Amérique : avant de l’embrasser, il demande au brave enfant s’il rapporte des cigares. Psychologie du fumeur. La Porcheraie hésite entre deux invitations. Il compare les menus. Psychologie du gourmand. Et toujours psychologie à côté, ou alentour, et qui s’en tient à l’écorce, qu’il faudrait une fois entamer. Les traits s’accumulent, mais n’enfoncent point. Il n’est pas jusqu’à l’amoureuse illusion, à laquelle Dutrécy s’abandonne finalement, qui ne soit à peine indiquée et de médiocre intérêt. À l’origine, elle est assez finement notée, parce qu’il suffit encore d’un tableau d’intérieur, d’un jeu de scène, et d’un certain tour d’esprit pour la définir. « Et comment ce mal vous est-il survenu ? » — « Je n’en sais rien… En la regardant ranger les armoires… Elle a fait mettre mon linge et mes habits en état… » Toute la deuxième scène du IIe acte est écrite sur ce ton délié et comique. Mais d’amour, de lutte, point. Un véritable égoïste, qui n’est plus un chérubin, aurait des hésitations, des reculs, des transports aussitôt réprimés, et tout de suite renouvelés par l’inclination invincible et obstinée. Du moment que Dutrécy, un égoïste de contrefaçon, ou d’allures seulement, a bifurqué sur cette voie, il s’y engage sans barguigner : c’est une belle cure à l’honneur de l’Amour. Il est vrai qu’il suffira d’un médecin spirituel et d’une ordonnance fallacieuse pour que son Moi bifurque derechef, et s’oriente de nouveau, et revienne à cet égoïsme, dont il avait pensé guérir, sans trop de peine. Changement à vue : nous parlerons une autre fois, si vous voulez bien, des mérites de l’analyse.

Notez d’ailleurs que tout le monde évolue ici avec la même désinvolture, l’oncle et le neveu, pareillement amoureux de la petite fille, et soudainement détachés d’elle, parce qu’elle a les yeux gris, et non pas bleus, d’aventure. Demandez à Molière si Harpagon a des passions aussi malléables, et à M. Alexandre Dumas fils, si Giraud s’embarque de léger dans les hasards du cœur. Et demandez encore à l’un et à l’autre si l’égoïsme même, qui est le substratum de toutes les passions, ainsi dépouillé, et dénudé et réduit à sa plus simple expression, n’est pas un sentiment trop abstrait pour fournir le sujet d’une pièce en cinq actes et le développement d’une peinture de caractères qui veut d’abord être circonscrite et précisée pour être observée avec quelque puissance. L’avare, l’amoureux, le don Juan, le misanthrope même représentent tous des variétés de l’égoïsme ; seulement, quand un observateur, psychologue et philosophe, entreprend de mettre l’un ou l’autre à la scène, il commence par marquer profondément la différence de l’égoïste, qui est un avare, et de celui qui s’abandonne à la misanthropie. Et s’il lui venait une idée de grande envergure, à savoir que l’absolue vérité et la parfaite franchise sont des contre-sens ici-bas, il écrirait une œuvre moins amusante, peut-être, mais plus humaine et fouillée que le Misanthrope et l’Auvergnat, qui passe, depuis des années, pour la quintessence, non pas de la fantaisie, mais de la philosophie expérimentale ou de la métaphysique transcendante de Labiche.


V

La conclusion ?

« Un homme ne doit cesser de rire que lorsqu’il a perdu ses dents. » — En vertu de cette maxime, et dans cette exacte mesure, Labiche est un maître, et son œuvre un spécifique.