Le Tour de France d’un petit Parisien/3/18

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Librairie illustrée (p. 736-744).

XVIII

Le guet-apens.

Méloir fêté, cajolé, abreuvé avant son départ, garda le silence sur la présence de Jacob Risler et de l’Allemand à Annecy ; mais il fut plus d’une fois vivement intrigué, les jours d’après, en constatant furtivement à diverses reprises que l’Anglais et ses jeunes maîtres étaient suivis par les deux hommes, d’Annecy à Belleville, de Belleville à Sallanches, de Sallanches aux Ouches et des Ouches à Chamonix.

Dans cette dernière localité, il parut au Breton que Jacob et son compagnon les épiaient tout en se cachant. Au milieu des excursions que l’on faisait journellement dans la vallée ou sur les pentes qui l’enferment, au Brévent, à l’Aiguillette, à la Montagne de fer, Méloir, jetant des regards inquiets en arrière, avait aperçu plusieurs fois les deux hommes aux allures mystérieuses. L’Allemand semblait diriger Risler, le conseiller, autant que Méloir en pouvait juger, car ils ne se montraient guère.

Ils devaient loger à Chamonix ou dans un des nombreux hameaux du voisinage. Fallait-il parler d’eux au neveu malgré la défense de l’oncle ? se demandait le Breton. Quel danger, après tout, pouvait-il y avoir ? À eux quatre n’étaient-ils pas de force à faire face à ces deux gaillards-là, à supposer qu’ils eussent quelque envie de les molester ?

Comme Méloir avait promis le verre en main, il se crut engagé et ne souffla mot de ce qui s’était passé à Annecy, et pas davantage des craintes plus ou moins fondées conçues depuis. Au surplus, dans les dernières excursions le Breton n’avait plus rien observé de suspect et se tranquillisait.

La vallée de Chamonix conserve son aspect riant jusqu’aux premiers jours (page 742).
Il gisait le front ouvert (voir texte).

de la mauvaise saison. Ce chef-lieu de canton possédant plus de 2,000 habitants, se réduit en réalité à un carrefour entre l’hôtel de l’Union, situé sur une place d’un côté de l’Arve, et l’église à deux cents pas sur l’autre bord de ce cours d’eau. C’est à Chamonix qu’est le bureau des guides. Une quantité de hameaux longent la vallée au fond de laquelle passe le chemin, bordé de petites palissades.

Nos voyageurs avaient pénétré dans cette vallée par le défilé que l’on suit en venant de Sallanches. C’est de cette petite ville que l’on commence à voir les développements grandioses du géant des Alpes, masqué longtemps par les hauteurs qui encadrent et resserrent la route. Nos touristes jouirent de la surprise de l’apercevoir pour la première fois caché dans les nuages qui ne laissaient visible que sa cime. Ils ne pouvaient croire que cette masse aérienne placée si haut fût autre chose qu’une de ces nuées blanches qui s’amoncellent parfois au-dessus des sommets les plus élevés. Il fallut pour les désabuser que les nuages se dispersassent, déchirés par le vent de l’aube, laissant alors à découvert la large et solide base qui unit à la terre cette cime qui se perd dans l’azur.

De Sallanches à Chamonix, ils remontèrent le cours torrentueux de l’Arve, « aux écailles d’argent », dont les crues subites ont plus d’une fois ravagé les rives, et emporté la chaussée que suit le voyageur, chaussée ménagée au milieu des éboulis, des débris amenés par les débâcles des roches primitives, avec l’Arve resserrée en un passage étroit et profond, et dont on voit blanchir l’écume à travers les troncs des sapins qui hérissent la ravine d’un côté, faisant face à la roche noire taillée presque à pic, teinte çà et là de couleurs métalliques, et portant de place en place rangés en étages, de grands sapins d’un vert mouillé dont la ramure conique se montrait légèrement saupoudrée de neige.

Chamonix est en quelque sorte la première station du Mont-Blanc, massif colossal qui, malgré sa faible étendue relative, est un monde de neiges et de glaces ! Il est frangé de toutes parts de ces fleuves solidifiés, qui, de ses cirques, descendent lentement au loin dans les ravins.

C’est le glacier de Taconnaz, celui des Bossons qui lui fait face : leur éclat azuré vient se mêler au vert vif des pacages ; l’un et l’autre s’étendent sur des hauteurs voisines du sommet principal ; derrière leurs accumulations de glace se dressent les Grands-Mulets, les Roches-Rouges, les Petits-Mulets, formant un escalier gigantesque. C’est la mer de Glace etle glacier des Bois qui le termine au nord-ouest, près du hameau des Bois : ils ont la forme d’un large fleuve, et se meuvent avec une rapidité moyenne de cent mètres par an. Ce sont les glaciers du Géant et de l’Argentière. C’est le glacier de Talèfre, très au large dans une enceinte formée de pics de granit extrêmement élevés. Au centre de ce glacier un rocher uni demeure comme une île au milieu des neiges et des glaces. Il est de forme à peu près circulaire et, circonstance très singulière, les frimas semblent le respecter. À la fin d’août il est couvert d’un beau gazon et d’une grande variété de jolies fleurs des Alpes. On l’appelle le Courtil, d’un mot qui signifie jardin.

Ces glaciers d’un blanc qui aveugle, séparés par de grandes forêts, couronnés par des rocs de granit d’une hauteur surprenante qui sont taillés en obélisques, présentent un des plus grands et des plus émouvants spectacles qu’il soit possible de contempler.

Les plus considérables de ces glaciers du Mont-Blanc ont leur pente relativement douce vers l’occident, vers la vallée de Chamonix. Du côté du sud, l’énorme masse de granit est séparée des massifs de la Savoie par le col du Petit-Saint-Bernard et le col Bonhomme, ouvert à plus de 2,300 mètres au-dessous de son dôme suprême ; du côté de la Suisse, ses contreforts s’abaissent vers la profonde fissure où coule le Rhône ; à l’orient, ses escarpements rapides et ses glaciers fort inclinés plongent vers l’Italie.

Heureux, pensait Jean, ceux à qui il est permis de se lancer dans ces océans de glace, d’escalader ces falaises de glace, ces promontoires de glace et de parvenir dans les régions éthérées, jusqu’à l’endroit où Dieu a posé la main sur le granit en disant : « Tu ne monteras pas plus haut ! » Jean eut donné plusieurs années de sa vie pour accomplir une ascension au Mont-Blanc. Il dut se borner à se faire raconter les ascensions célèbres ; il y en a eu de périlleuses ; mais ce n’est pas là ce qui eût pu refroidir son ardeur ! Il se fit dépeindre les magnificences du tableau qui se déroule aux yeux des élus, et les émotions éprouvées par eux en embrassant d’un coup d’œil circulaire une si vaste partie du globe : les hauteurs effacées du Jura, des Vosges et du Vivarais, tout le midi de la France avec un relief diminué ; Lyon, le Rhône semblable à un ruisseau dans une prairie desséchée, toute la vallée de l’Isère, assez rapprochée, par suite plus verte, l’obélisque isolé du Mont-Viso, les Alpes maritimes.

Et en se détournant de la France, tout le nord de l’Italie, les plaines de la Lombardie, Milan ressemblant à un village poudreux, l’Adriatique. Sur un autre plan, les Alpes tyroliennes, les crêtes neigeuses des montagnes de la Carinthie et de la Carniole, les Apennins, et beaucoup plus près le Saint-Gothard, les hautes pyramides de l’Altens, du Munch, de la Jungfrau, la tête altière du Mont-Cervin, les pics nombreux du Rosa. Aux pieds du Mont-Blanc s’affaissait le Saint-Bernard, se creusait la vallée d’Aoste, s’échancrait le lac de Genève. Au-dessus de tout un ciel d’un bleu très foncé.

C’était un rêve que Jean devait abandonner. Au reste ce qu’il lui était donné de voir n’était nullement à dédaigner ; il dévorait le Mont-Blanc en détail.

Après une excursion aux cascades et au glacier des Pèlerins, sir William décida qu’on verrait la mer de Glace en passant par le Montanvers. C’était une promenade de six à sept heures, dont deux et demie pour atteindre le haut du Montanvers, à près de deux mille mètres d’altitude.

Ils partirent un matin aussitôt après leur lever et, sans emmener de guide se contentant de leurs bâtons alpestres à pointe de fer.

Arrivés à l’endroit où, l’été, le Montanvers étale sa jolie pelouse, ils rassasièrent leurs regards du spectacle des hauteurs qui les séparaient du Mont-Blanc et des glaciers qui remplissent leurs intervalles. Le Mont-Blanc dominait tout superbement.

Sir William voulut qu’on se dirigeât ensuite vers la mer de Glace. Ils descendirent tous par un sentier rapide encombré de neige, où les mélèzes, aux troncs desquels ils se retenaient, servaient à ralentir leur course. Ils allaient pénétrer dans la mer de Glace et déjà, les inégalités qui semblaient d’en haut n’être que des ondulations arrondies d’une mer subitement figée, leur apparaissaient telles qu’elles sont : des ondes hautes comme des collines, des creux profonds comme des vallées. Ils se faisaient une joie de voir les curieux accidents du glacier, ses larges et profondes crevasses, ses cavernes, regrettant de n’être pas en été pour admirer les lacs remplis de la plus belle eau enfermée dans une cuvette aux parois transparentes, les ruisseaux qui coulent alors dans les canaux de glace, et forment des cascades qui écrasent leur écume dans des abîmes de glace, — blanc sur blanc.

Cependant Jacob et Hans avaient suivi de près le baronnet et ses amis. Par un froid de plusieurs degrés au-dessous de zéro ce n’était pourtant pas là une promenade des plus agréables. Évidemment ces deux hommes agissaient avec un dessein inavouable, et ils cherchaient l’occasion de le mettre à exécution.

Hans Meister avait persuadé Risler de terminer leur vie de pérégrinations et d’aventures en dérobant au gentleman anglais, si riche et si ridicule, son portefeuille trop garni et, par la même occasion, de distribuer à droite et à gauche du personnage grotesque quelques horions à tous, sans oublier ce coquin de neveu si tenace et qui s’obstinait à se trouver toujours sur leur chemin ! Il est vrai qu’ils seraient reconnus et par le maudit Jean, et par le Breton ; mais qu’importait après tout ? La force et l’adresse n’étaient-elles pas de leur côté ? En s’y prenant bien, on pouvait mettre l’étranger et les siens hors d’état de se plaindre en temps opportun ; la frontière suisse n’était pas si éloignée…

— Mais je ne voudrais tuer personne, avait objecté Jacob Risler.

— Tarteiffle ! Qui vous parle de tuer ? Ce n’est ici qu’une bonne farce. comme nous en faisions dans le Cantal…

Hans Meister reprochait à son ancien compère sa timidité nouvelle. Il le stimulait, l’excitait contre son neveu ; il déclarait se charger du plus lourd de la besogne, et prendre à son compte ce qui surviendrait de plus grave. Et c’est dans ces dispositions qu’ils s’étaient mis en campagne ce matin-là, Jacob hésitant toujours un peu…

L’Anglais descendit un escarpement. Il enfonçait dans la neige tombée la veille. Un moment, il se trouva assez éloigné de Maurice et de Jean, mais non hors de leur vue. Méloir était avec ces derniers, lorsque soudain, levant les yeux, il aperçut tout en haut du talus de glace, l’Allemand qui s’avançait avec précaution, avec des mouvements sinistres, des allures de bête fauve ; il n’hésita pas à le désigner à ses jeunes maîtres ; mais avant que Jean eût pu réfléchir à ce qu’avait d’étrange celte apparition en ce lieu, l’attention do tous se porta sur un homme grand et fort qui venait de surgir de derrière un pan de granit, assez près de sir William.

Jean étonné, effrayé même, n’en pouvait croire ses yeux, lorsque Méloir lui dit :

— De sûr et de vrai que c’est votre oncle, ce gros-là !

Comment et pourquoi Jacob Risler se trouvait-il au milieu de ce glacier ? se demandait Jean. Et cette silhouette noire, là-haut, qui ne pouvait être, — il n’en fallait plus douter, — un autre que Hans Meister ? Que signifiaient donc les agissements de ces deux hommes capables de tout ?

Le baronnet voyait sans aucune crainte Jacob se diriger vers lui.

— Vô êtes une guide ? lui cria-t-il.

Une guide ! Jacob souriait dédaigneux et ironique. Il examinait l’étranger, étudiait l’ampleur de sa poitrine, semblait s’assurer que le portefeuille s’y trouvait, mesurait la distance qui le séparait du touriste, sondait la profondeur de l’escarpement où il pouvait le pousser après l’avoir dépouillé dans une courte lutte. Voilà où en était arrivé Jacob Risler, grâce aux suggestions de Hans.

Tout à coup, il s’aperçut que son compère lui jouait un tour de sa façon : il s’efforçait à l’aide de son pic de détacher, de briser à sa base un glaçon qui s’ébranlait déjà, près de rouler comme une avalanche destinée à emporter l’Anglais jusqu’au fond d’une crevasse du glacier. Celui-ci mort ou blessé, pensait Hans, il devenait facile de lui enlever ses billets de banque. Le misérable venait en aide à son complice par trop hésitant…

Jacob Risler poussa un cri, — terrible de menace pour Hans, rempli d’angoisse pour le baronnet en péril, et d’horreur pour le crime qu’on lui faisait commettre malgré lui. Et il courut vers l’Anglais, il le saisit à bras-le-corps, non pour le voler mais pour le sauver ; il l’entraîna hors de la ligne que le projectile de glace commençait à suivre ; il le poussa, le fit asseoir malgré lui ; mais lui-même, perdant l’équilibre, il alla rouler à une cinquantaine de pieds au-dessous, pêle-mêle avec les débris du bloc que l’Allemand avait fait tomber.

Maurice se disposait à rejoindre le père de miss Kate, qui était encore tout, ému du danger qu’il venait de courir, et épouvanté d’avoir vu disparaître la guide.

— La avalanche ! répétait-il terrifié ; la avalanche ! ôh yes ! bôcoup d’argent pour la guide. Véné Maurice.

Dans le haut de l’escarpement Hans Meister n’était plus visible. Jean et Méloir descendirent aussi vite qu’il était possible vers Risler blessé, mort peut-être. Quand ils furent auprès de lui, il virent la neige teinte de son sang. Il gisait le front ouvert, respirant toutefois, et laissant échapper des plaintes.

— Je vous disais bien que c’était votre oncle Jacob ! s’écria Méloir. J’en aurais juré sur mon baptême, et je ne dis point tout ce que je pense, oh dame, non !

Risler ouvrit les yeux, reconnut Jean agenouillé près de lui et dit :

— Jean, mon garçon, je suis puni. Mais quel être maudit que ce Hans ! Toujours sur mon chemin, toujours retrouvé partout… pour m’amener là… où je vais mourir.

— Non, vous ne mourrez pas, mon oncle ! dit Jean avec force. Il comprenait que Jacob pour ne pas s’associer à un meurtre s’était sacrifié sans hésitation, ce qui était fort louable, étant connu son caractère.

Le baronnet arriva à son tour, suivi de Maurice.

— Où est-elle cette guide qui m’avé sauvé la vie ? dit-il. Une autre fois je prené toujours les guides. S’il été blessé je vais donner à loui bôcoup pour se soigner ; s’il été mort je donné tout de même pour faire enterrer loui…

— Il n’est que blessé, et pas dangereusement je l’espère, dit Jean.

— Alors, je été heureuse bien bôcoup ; cette guide il avé fait oune chose grand !

Le baronnet tenait à la main son portefeuille rebondi.

Jacob, entr’ouvrant les yeux, vit le portefeuille ; il eut un regard de convoitise, suivi d’un éblouissement : tout son sang afflua au cerveau : mais comme si ç’eut été sa dernière mauvaise pensée, il repoussa doucement le portefeuille, refusant le présent des billets que l’Anglais voulait lui donner.

— Je n’en suis pas digne, murmura-t-il. Jean me comprendra. Il est mon parent… mon héritier.

— Alors, je remetté à vô, Jean, les petites billets, fit sir William, passablement étonné.

Jean remercia, refusa, et dit à Maurice penché vers lui :

— Le baronnet croit à l’avalanche… Reconnaissez-vous dans ce blessé l’homme que je vous ai montré à Limoges ? Il n’y a pas d’avalanche : il y a eu un guet-apens, et c’est moi que Jacob Risler poursuit de sa haine. Sir William a failli payer pour moi.

Le blessé entendit ces derniers mots et, faisant un effort, il réussit à s’emparer de la main de Jean, toujours agenouillé. Il pressa cette main, et sur son visage se répandit l’expression d’une contrition profonde.

Maurice prit la parole.

— On ne peut pas laisser ce malheureux sans secours, dit-il. Si nous envoyions Méloir à Chamonix demander du monde pour le transporter ?

— Respect de vous, not’e maître, je ne veux point vous désobéir, et je vas y aller, mais il n’y a jamais eu vilain lieuve ni biau loup.

— Que veux-tu dire, Méloir ?

— Que je ne serais point bien aise de rencontrer ce particulier qu’était tout en haut de la côte au moment de l’éboulis. J’aimerais encore mieux les chiens enragés de Moulins que cet Allemand qui louche des deux yeux, le vilain singe…

— Aurais-tu peur, Méloir ?

— Oh ! que nenni, note’maître. Je n’ai pas peur d’un chrétien et Flohic, le failli merle, ne me ferait reculer brin ni miette. Mais je ne voudrais point me crocher d’avec ce païen-là, faut dire la vérité !

Pendant que le Breton manifestait sa crainte d’une mauvaise rencontre, Jacob se souleva un peu. Le baronnet lui versa quelques gouttes de cognac qu’il but avec plaisir, tandis que Maurice disposait une compresse autour de son front.

— Vous êtes bien honnêtes tous, dit le blessé ; et il ajouta d’une voix affaiblie : C’est bien beau l’honnêteté !

— Bien plus honnête, vô, observa le baronnet, puisque vous avez sauvé moâ de cette avalanche. Je voulé écrire tute suite à milady et à mon fille Kate que cette avalanche a guéri moâ du spleen… et que je voulé ritorner. Vô, master Maurice, et vô, la petite Jean, je souis voire ami toujours ; je n’avé pas d’autre chose que je pouvé dire à vô.

Méloir allait se mettre en route vers Chamonix.

— Il me semble, dit le blessé, que… avec un peu d’aide… en m’appuyant sur Jean… je pourrais marcher.

On essaya, et Méloir pour ne pas aller seul du côté où l’Allemand aux regards louches avait disparu, fit des-prodiges pour ramener le blessé — Jean et Maurice aidant — jusqu’à l’endroit du Montanvers où il n’y avait plus qu’à descendre dans la vallée.

Quelques braves gens rencontrés près du hameau des Bois, offrirent leur assistance et, deux par deux, se relayant, ils transportèrent Jacob jusqu’à l’hôtel du baronnet ; non sans émouvoir toute une population de gens honnêtes, sérieux et charitables. Les hommes accouraient — ramassés, pleins de nerf et de vigueur, — croyant à l’une de ces catastrophes qui viennent périodiquement attrister Chamonix ; les jeunes filles ne se montraient pas moins empressées et sensibles ; — belles avec un teint animé, des yeux profonds et purs, un visage grave. Elles portaient un petit bonnet rond de soie noire, enjolivé de tulle, en arrière sur le chignon, un fichu de soie au cou ; un haut bavolet enveloppait leur poitrine ; leurs jupes courtes étaient rouges ou bleues.

En se voyant l’objet de tant de soins, de tant d’attentions, Jacob Risler comprit que ce n’était pas à Chamonix qu’il mourrait.