Le Tour de la France par deux enfants/112
Le soir même nos trois amis, après avoir rendu visite au vieux sabotier Étienne et à sa femme, repartirent pour la France. Ils avaient résolu d’aller retrouver Guillaume, en passant par Paris pour y recevoir les fonds de l’oncle Frantz.
André et Julien étaient ravis de passer par Paris. — Nous n’y resterons pas longtemps, dit l’oncle Frantz ; néanmoins je profiterai de notre passage pour vous faire connaître un peu la capitale de notre chère France.
Cette fois on avait pris trois places dans le chemin de fer.
On arriva le lendemain à cinq heures du matin. Après avoir installé ses malles dans une chambre voisine de la gare, on revêtit ses habits neufs, on mangea un morceau de pain et de fromage d’un grand appétit et l’on se mit en route.
Les magasins commençaient à s’ouvrir, les omnibus se mettaient en mouvement ; Julien s’émerveillait de voir tant de monde aller et venir.
Cependant il ne tarda pas à trouver que les rues de Paris étaient bien longues et que ses petites jambes n’avaient jamais été à pareille épreuve.
— Sais-tu, lui dit André, comme on parcourait l’interminable rue de Rivoli, qui s’étend depuis la place de la Concorde jusqu’au delà de l’Hôtel-de-Ville, sais-tu quelle longueur feraient toutes les rues de Paris si elles étaient à la suite les unes des autres.
— Oh ! point du tout, dit Julien ; André, dis-le-moi vite si tu le sais.
— Eh bien, elles feraient une rue longue de neuf cents kilomètres, c’est-à-dire plus longue que le chemin de Paris à Marseille ; et un homme qui accomplirait à pied quarante kilomètres par jour mettrait vingt-cinq jours pour parcourir cette rue.
— Oh ! dit Julien, faut-il qu’il y ait des rues dans ce Paris !.. Est-ce qu’on les éclaire toutes quand vient le soir ?
— Certainement, dit l’oncle Frantz ; ce n’est plus comme autrefois, où les rues du vieux Paris n’étaient point éclairées. Chaque soir trente mille becs de gaz s’allument, les magasins s’illuminent et toutes les voitures passent avec des lanternes brillantes.
— Cela doit faire un bel éclairage, s’écria Julien en sautant pour tâcher d’oublier qu’il était fatigué ; je vais être content de voir cela. Tout de même, il faut de bonnes jambes aux Parisiens, car il y a joliment à marcher pour aller d’un bout de leur ville à l’autre.
— Les voitures les aident, petit Julien, dit Frantz. Vois tous ces omnibus qui s’entre-croisent dans les rues. Moyennant 15 centimes on te fera monter sur le haut et tu seras traîné pendant une heure d’un point de Paris à l’autre.
— Oh ! comme c’est bien inventé, cela ! dit l’enfant. Je vois que tout le monde en profite pour aller à ses affaires, car les omnibus sont remplis de voyageurs. Tiens, s’écria-t-il, voici une voiture pleine de facteurs avec leurs boîtes aux lettres devant eux.
— Tous les facteurs sont conduits en voiture vers les quartiers différents qu’ils ont à desservir, dit l’oncle Frantz ; sans cela leurs jambes n’y suffiraient pas, et les lettres mettraient trop de temps à arriver.
Tout en causant on parvint enfin à la maison du banquier, non loin des Halles centrales. L’oncle Frantz entra chez le banquier et y reçut l’assurance que le lendemain matin il toucherait les 6,500 francs qui lui étaient dus. Tranquilles sur ce point, nos trois amis reprirent leur promenade.