Le Tour de la France par deux enfants/116
Les trois visiteurs montèrent sur le haut d’un omnibus, et la lourde voiture partit au trot, les emportant tout le long des quais animés qui bordent la Seine. Julien et André ouvraient leurs yeux tout grands pour tout voir.
Après une demi-heure, l’omnibus s’arrêta devant la grille d’un vaste parc, et nos trois amis entrèrent sous les arbres qui entrecroisent leurs branches au-dessus des allées.
Là, bien des gens allaient et venaient, mais c’était surtout vers la droite qu’on voyait une grande foule et ce fut par là que l’oncle Frantz mena Julien.
Ils arrivèrent devant des espèces de grandes cages grillées, derrière lesquelles on voyait s’agiter des bêtes féroces. Dans la plus grande, c’était un lion d’Afrique à la crinière brune qui tournait avec impatience autour de sa cage et bâillait en face de la foule. À côté de lui, dans d’autres cages, d’autres lions, les uns dormant, les autres couchés sur le dos : l’un d’eux, le plus jeune, était en train de s’amuser avec une grosse boule de bois qu’on laisse toujours dans la cage des lions ; il la roulait comme un jeune chat fait d’une pelote de fil ; il la lançait, puis bondissait après et la rattrapait. Et tout le monde de rire, y compris Julien.
— Si on ne dirait pas un gros chat ! s’écria-t-il.
— C’est que les lions sont en effet des carnassiers de la race des chats, dit l’oncle Frantz. Mais ce sont des chats avec lesquels il ne ferait pas trop bon jouer ; même sans vouloir vous faire du mal, il suffirait d’un coup de la queue de ce lion pour vous terrasser, et du petit bout de sa griffe pour vous enlever un morceau de chair.
— Mais, dit Julien, ils doivent bien s’ennuyer d’être toute la journée enfermés dans ces cages. Il faut que les barreaux soient bien solides pour qu’ils ne puissent les briser.
— Ne t’inquiète pas, Julien, dit l’oncle en souriant, ce sont de bons barreaux de fer sur lesquels ni leurs dents ni leurs ongles ne peuvent rien.
Et on continua la promenade. À côté, c’était le tigre royal qui est presque aussi grand que le lion, mais bien plus féroce. Il tournait avec une inquiétude fiévreuse tout autour des barreaux, en regardant les yeux à demi ouverts, d’un air hypocrite.
Plus loin, c’étaient les panthères et le jaguar accroupi comme pour faire un bond. À quelque distance on entendait des rires, et la foule se pressait devant une grande et haute cage en forme de rotonde.
— Oh ! dit Julien, qu’est-ce qu’il y a là ?
C’étaient les singes. Il y en avait une grande quantité réunis, et tout cela courait, gesticulait, criait en se disputant. À l’intérieur se trouvaient des barreaux et une sorte d’arbre : le long des branches les singes montaient et descendaient, se lançant en l’air et s’accrochant aux branches tantôt avec leurs mains, tantôt avec leur queue. L’un d’eux, s’attachant ainsi à l’arbre avec sa queue comme avec une corde, se balançait au bout. D’autres singes venaient près du grillage pour recevoir des mains des spectateurs les friandises qu’on voulait bien leur donner.
— Quel malheur que je n’aie rien sur moi ! dit Julien en retournant ses poches.
André chercha dans les siennes et y trouva un morceau de pain qu’il s’empressa d’offrir à un jeune singe. Mais celui-ci, après l’avoir pris, fit la grimace et le laissa tomber.
— Voyez-vous ! dit l’oncle Frantz ; c’est qu’ils sont habitués à recevoir des pierres de sucre, et d’autres choses meilleures que du pain sec. Et puis ils n’ont pas grand appétit, sans cela ils trouveraient bien le pain bon.