Le Trombinoscope/Napoléon

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NAPOLÉON, joseph-charles-paul bonaparte, prince français et général (???…!!!…???) de division, est né le 9 septembre 1822, de l’ex-roi Jérôme et de la princesse de Wurtemberg. — La légende prétend qu’il devait venir au monde la veille de sa naissance, c’est-à-dire le 8 ; m’ais qu’ayant entendu un grand orage ; qu’il prit pour une violente canonnade, il préféra retarder son entrée. On voit que, tout jeune, il possédait ces principes solides qu’il devait plus tard appliquer avec tant de persévérance. — Le prince Napoléon n’est que le second fils du roi Jérôme ; fidèle à sa règle de conduite, déjà il s’obstinait à ne pas vouloir passer le premier. — Les premières années de sa vie s’écoulèrent comme les premières années de la vie de tout le monde : à faire toutes sortes de confidences intimes à ses fonds de culotte ; la seule chose qui le distingua du commun des mortels, c’est qu’il ne s’en déshabitua pas complétement. — Jusqu’en 1845 il voyagea beaucoup. À cette époque il obtint du ministre Guizot l’autorisation de séjourner à Paris ; il s’y fixa et prit le nom de comte de Montfort. Sous le nom de l’héroïque paladin, il put circuler librement, personne ne le reconnut. — Le 24 juin 1848, le prince Napoléon accourut tout chaud à l’hôtel-de-ville ; nous ajouterions bien que le combat était terminé ; mais ce serait un pléonasme. — Il se porta candidat à la Constituante par une profession de foi si républicaine, que celle du père Raspail, à côté, parut trempée dans de la pommade de concombre. — À peine élu, il vota, en vrai démocrate, avec la droite, l’expédition d’Italie destinée à étayer le pape et le maintien de la peine de mort. — Nommé le 10 février 1849 ministre plénipotentiaire à Madrid, il fut presqu’aussitôt révoqué pour avoir quitté son poste précipitamment une nuit qu’il avait entendu craquer un meuble dans sa chambre à coucher. — À la suite du coup d’État, il se retira dans la vie privée ; mais lors de la restauration de l’empire, il fut désigné pour l’emploi de prince du sang qu’il accepta après s’être informé si c’était dangereux. — Il fut fait grand’croix de la légion, à titre d’avances sur les services qu’il pourrait rendre par la suite, et nommé, sans avoir encore servi dans l’armée, au grade de général de division. — Beaucoup de gens s’étonnèrent qu’on lui donnât un avancement aussi rapide avant qu’il n’eût fait ses preuves comme militaire ; nous pensons que l’Empereur fit bien, car c’eût été bien plus difficile après. — En Crimée, il commanda une division d’infanterie ; est-il nécessaire d’ajouter : de réserve ? — La chronique prétend que ce ne fut pas lui qui prit Malakoff ; mais elle ajoute cependant, si l’on en croit la collection du Tintamarre de cette époque, que pendant cette campagne il fit autant que s’il eût eu vaincu. — Peu de temps après la faiblesse de sa santé (voir son portrait qui est en tête) le fit appeler à Paris ; il quitta… ou plutôt, on l’arracha de son commandement, et Napoléon III, qui ne voulait pas le frapper trop cruellement dans ses goûts belliqueux, lui confia… la présidence de la commission impériale de l’exposition universelle. — En 1857 il entreprit une expédition dans les mers du Nord et renonça définitivement à porter des bretelles qui lui faisaient perdre beaucoup trop de temps depuis une maladie, peu dangereuse, mais très-gênante, qu’il avait gagnée en assistant aux batailles de l’Alma et d’Inkermann. — Du 24 juin 1858 au 8 mars 1859, il fut mis à la tête du ministère de l’Algérie et des colonies ; c’est pendant cette période qu’il épousa la princesse Clotilde-Marie-Thérèse de Savoie, fille du roi Victor-Emmanuel. Vapereau, qui n’a pas son pareil comme potinier, prétend que cette union fut déterminée par des intérêts politiques réciproques de la France et du Piémont ; nous sommes tout disposé à l’admettre, ne fût-ce que pour faire excuser la princesse Clotilde. — Pendant les guerres d’Italie et de Prusse, qui suivirent son hymen, le prince ne joua aucun rôle et se borna à observer les événements avec une rare énergie ; il en eut même trois enfants ; deux garçons et une fille. — Cette dernière fut frappée, encore au berceau, d’un cruel accident : on ne sait quel ami de la maison proposa, et fit accepter pour elle, le nom de Lœtitia.

Au Sénat, le prince Napoléon se fit une assez grande réputation comme orateur. — Il prononça plusieurs discours à sensation, l’un entr’autres, le 22 février 1861, où il menait le pouvoir temporel du pape par un petit chemin vicinal qui ne devait pas avoir été réparé depuis Pharamond. — Nos lecteurs voudront bien se souvenir, à cet égard, qu’en 1848 le prince avait voté l’expédition de Rome ; mais, à cette époque, il n’avait pas de beau-père à placer. — Ces discours incendiaires déplurent à Napoléon III, qui en désavoua bruyamment les tendances, et le prince Napoléon donna sa démission de membre du conseil de régence ; le cours des fleuves n’en remonta pas. — Sa disgrâce fut courte et l’on vit bientôt le prince revenir bourdonner autour du pouvoir dans l’intention bien évidente de se poser dessus aussitôt que possible ; quelques bruits circulèrent même annonçant sa prochaine régence, mais s’éteignirent aussitôt.

En 1869, le prince présida la commission chargée de publier la correspondance de Napoléon Ier ; jusque-là, cette commission avait tout publié sans altération de texte ni coupures ; le prince arrêta les frais et décida qu’il serait à l’avenir fait un choix intelligent des documents au point de vue de « l’intérêt dynastique et national. » Cette façon cascadeuse de travailler pour l’histoire n’échappera à personne, car si l’intérêt dynastique commande de ne pas tout dire, l’intérêt national exige que l’on ne cache rien ; c’était presque aussi difficile à mettre d’accord que deux comédiennes qui jouent dans la même pièce. — Quand éclata la révolution du 4 septembre, le prince Napoléon n’était plus à Paris ; il aurait pu y demeurer sans danger, l’idée ne serait venue à personne qu’il y fût resté. — Quand il vit les princes d’Orléans accourir combattre pour leur patrie écrasée ; le prince Napoléon s’écria dans un accès d’enthousiasme : Moi aussi… il faut que je fasse quelque chose pour mon pays !… Alors, ne consultant que son courage, il attendit que nos malheurs fussent consommés et écrivit à Jules Favre une lettre indignée sous le titre : Qu’avez-vous fait de la France ? M. Jules-Favre, très-occupé à ce moment, ne pensa pas à lui répondre : Qu’est-ce que ça vous fait ?… Est-ce que je vous demande le compte de vos garde-robes ?…

Au physique, le prince Napoléon est celui de toute la bande qui ressemble le plus à Napoléon ier ; on croit que c’est là-dessus qu’il compte. — Il a une tendance à la constipation ; mais il connaissait son tempéramment et se soignait lui-même : une pièce militaire du cirque qu’il allait voir jouer, quand il souffrait, suffisait pour lui tenir, pendant trois mois, le corps libre jusqu’à la licence. — Il a un véritable culte pour les armes de combat, dont il possède une superbe collection qu’il augmente chaque jour, en vue de se battre avec le duc de Montpensier après lequel il court depuis onze ans. — On a prétendu en Crimée qu’au fort d’une bataille s’il s’apercevait que sa montre avançait, il lui résistait impitoyablement — chaque jour cependant, il avance… en âge ; mais c’est bien malgré, et, il est persuadé qu’il commet une imprudence.

Août 1871

NOTICE COMPLÉMENTAIRE

DATES À REMPLIR
PAR LES COLLECTIONNEURS DU TROMBINOSCOPE

Le prince Napoléon se fait élire de nouveau député par la Corse le.......... 18.. — Il achète le.......... 18.. une superbe propriété à la Celle-Saint-Cloud et y va plusieurs fois par jour. — Il continue à courir après le duc de Montpensier, manque de le rencontrer en avril 18.., un matin qu’il a été mal renseigné sur l’itinéraire du duc. — Tente un coup-d’État le.......... 18.. pour monter sur le trône, — est arrêté le.......... 18.., est relâché faute de preuves, le.......... 18.. et même les jours suivants. — Meurt le.......... 19.. étouffé par ses draps qu’il avait ramenés sur sa tête pour ne pas voir, dans l’obscurité, la silhouette blanche de sa chemise qu’il avait pendue en se couchant à l’espagnolette de la fenêtre.