Le Vieillard des tombeaux/29
CHAPITRE XXIX.
la reconnaissance.
La cavalcade qui venait de quitter le château de Tillietudlem, après avoir passé les derniers postes des insurgés, fit halte pour quelques minutes dans la petite ville de Bothwell, afin de prendre quelques légers rafraîchissements, si nécessaires à des personnes qui venaient de supporter une si dure privation, après quoi on se remit en route pour Édimbourg. On pourrait croire que, pendant le voyage, lord Evandale se rapprocha de miss Édith aussi souvent qu’il lui fut possible ; mais, après avoir salué et pris toutes les précautions imaginables pour que rien ne lui manquât, il se tint à l’arrière-garde avec le major Bellenden, paraissant confier le soin d’accompagner cette aimable personne à un des cavaliers whigs, dont un grand manteau, et un large chapeau surmonté d’une plume qui lui pendait jusque sur la figure, cachaient la tournure et les traits. Ce cavalier marcha en silence, pendant plus de deux milles, à côté de miss Bellenden ; enfin il lui dit d’une voix basse et tremblante.
« Miss Bellenden doit avoir des amis partout où elle est connue, même parmi ceux dont elle désapprouve maintenant la conduite. Est-il quelque chose qu’ils puissent faire pour lui montrer leur respect, et le regret qu’ils ont des souffrances qu’elle éprouve ? — Qu’ils apprennent, répliqua Édith, à respecter les lois, à épargner le sang innocent ; qu’ils rentrent dans le devoir envers leur souverain, et je leur pardonne tout ce que j’ai souffert, et dix fois plus encore. — Vous supposez donc impossible qu’il existe dans nos rangs, des hommes qui aient sincèrement à cœur le bien du pays, et qui soient persuadés qu’ils remplissent un devoir envers leur patrie ? — Il pourrait être imprudent, livrée comme je le suis à votre discrétion, de répondre à cette question. — Non, non, je vous le jure sur l’honneur d’un soldat ! — J’ai été habituée à la franchise dès ma naissance, répondit Édith, et si je dois parler, je ne vous cacherai pas mes véritables sentiments. Dieu seul peut juger les cœurs ; les hommes sont réduits à apprécier les intentions par les actes. La trahison, le meurtre par l’épée ou le gibet, l’oppression d’une famille comme la nôtre, qui n’avait pris les armes que pour défendre le gouvernement établi et ses propriétés, ce sont là des actes qui doivent déshonorer tous ceux qui y ont pris part, de quelques spécieux prétextes qu’ils les couvrent. — L’horreur de la guerre civile, reprit le cavalier, les misères qu’elle entraîne après elle, pèsent sur la tête de ceux qui, par une oppression illégale, ont réduit des hommes à prendre les armes pour assurer les droits qu’ils tiennent de la nature. — C’est affirmer ce qu’il faudrait prouver, répliqua Édith. Chaque parti prétend avoir raison au fond, et le crime retombe sur ceux qui ont tiré l’épée les premiers. C’est ainsi que, dans une rixe, la loi condamne ceux qui les premiers ont eu recours à la violence. — Hélas ! répondit le cavalier, si notre justification reposait sur ce principe, il nous serait facile de montrer que nous avons souffert avec une patience presque au-dessus des forces de l’humanité, avant d’opposer à l’oppression une résistance ouverte ! Mais je m’aperçois, » continua-t-il avec un profond soupir, « qu’il est inutile de plaider devant miss Bellenden une cause qu’elle a déjà condamnée, autant peut-être par aversion contre la personne que contre les principes de ceux qui y sont attachés. — Pardonnez-moi, répondit Édith : j’ai exprimé fièrement mon opinion sur les principes des insurgés ; quant à leurs personnes, je ne les connais point à une seule exception près. — Et cette exception, reprit le cavalier, a influé sur votre opinion relativement à tout leur parti. — Loin de là, répliqua Édith ; il est… au moins jadis je le croyais… un de ces hommes avec lesquels bien peu sauraient soutenir la comparaison… il a, il paraissait au moins avoir des talents naturels, une fidélité inviolable, une loyauté à toute épreuve, une ardente sensibilité… Puis-je approuver une rébellion qui a fait qu’un homme né pour orner, illustrer et défendre sa patrie, soit devenu le compagnon d’obscurs et ignorants fanatiques, de bavards hypocrites, le chef de paysans grossiers, le frère d’armes de bandits, d’assassins de grande route ? Si jamais vous rencontrez dans votre camp un homme tel que celui que je dépeins, dites-lui qu’Édith Bellenden a versé plus de larmes sur la tache imprimée à son caractère, sur ses espérances détruites, sur le déshonneur qu’il a imprimé à son nom, que sur les malheurs de sa propre maison ; qu’elle a moins souffert de la famine qui a creusé ses joues, terni ses yeux, que du serrement de cœur qu’elle ressentait en songeant à qui elle devait, tous ces maux. »
En parlant ainsi, elle tourna vers son compagnon un visage dont les joues amaigries attestaient la réalité de ses souffrances, bien qu’il fût animé en cet instant par la chaleur avec laquelle elle parlait. Le cavalier porta soudainement la main à son front, comme un homme frappé d’une douleur subite ; il la passa rapidement sur son visage, et enfonça davantage sur ses yeux le chapeau qui ombrageait sa figure. Ce mouvement et les sentiments qui l’avaient causé n’échappèrent point à Édith, et elle ne les remarqua pas sans émotion.
« Et pourtant, dit-elle, si celui dont je parle paraissait trop affligé de l’opinion peut-être sévère de… d’une ancienne amie, dites-lui qu’un repentir sincère peut tenir lieu de l’innocence ; que, bien qu’il soit tombé d’une hauteur à laquelle il ne lui sera pas facile de remonter, qu’il ait causé de grands maux par l’autorité de son exemple, il pourra toujours, jusqu’à un certain point, réparer le mal dont il est l’auteur. — Et de quelle manière ? » demanda le cavalier, toujours d’une voix basse et étouffée. — « En employant tous ses efforts pour rendre les bienfaits de la paix à ses infortunés compatriotes, et engager les rebelles abusés à déposer les armes : en épargnant le sang, il pourra expier celui qui a déjà été répandu. Celui qui travaillera avec le plus de zèle à accomplir ce grand dessein méritera le mieux la reconnaissance de ce siècle, et un nom glorieux dans les siècles à venir. — Dans une telle paix, « dit son compagnon d’une voix ferme, « miss Bellenden ne voudrait pas, je pense, que les intérêts du peuple fussent sacrifiés sans réserve à ceux de la couronne ? — Je ne suis qu’une jeune fille, répliqua la jeune lady, il me conviendrait mal de traiter un tel sujet ; mais puisque je suis allée si loin, j’ajouterai, sans hésiter, que je voudrais une paix qui assurât le repos à tous les partis, qui mît les sujets à l’abri du brigandage militaire, que je déteste autant que les moyens maintenant employés pour y résister. — Miss Bellenden, » répondit Henri Morton en levant la tête et reprenant son ton de voix naturel, « celui qui a perdu la place qu’il occupait dans votre estime a cependant trop de fierté pour plaider sa cause comme un criminel, et, persuadé qu’il ne peut plus espérer de vous l’intérêt qu’on accorde à un ami, il garderait le silence sur vos sévères reproches, s’il ne pouvait en appeler à l’honorable témoignage de lord Evandale. Lord Evandale vous dira que ses plus ardents désirs, que tous ses efforts tendent, en ce moment même, à obtenir une paix telle que le plus loyal sujet du roi pourrait la souhaiter. »
En parlant ainsi, il la salua avec dignité. Bien que le langage d’Édith fît voir qu’elle savait à qui elle parlait, elle ne s’était probablement pas attendue à ce qu’il se justifiât avec tant de chaleur. Elle lui rendit son salut d’un air embarrassé et en gardant le silence. Morton tourna bride et alla se placer à la tête de sa petite troupe, qui marchait à peu de distance du major et de lord Evandale.
« Henri Morton ! » s’écria le major en l’apercevant. — « Lui-même, répondit-il ; Henri Morton désespéré d’avoir encouru la disgrâce du major Bellenden et de sa famille. Il s’en remet à lord Evandale, » continua-t-il en se tournant vers le jeune seigneur et en lui faisant un salut, « du soin de détromper ses amis sur sa conduite et sur la pureté de ses intentions. Adieu, major : je vous quitte, mon escorte ne vous est plus nécessaire. Que le bonheur vous accompagne, vous et les vôtres ! Puissions-nous nous rencontrer dans des temps plus tranquilles et plus heureux ! — Croyez-moi, monsieur Morton, dit lord Evandale, votre confiance n’est pas mal placée. Je m’efforcerai de m’acquitter des éminents services que j’ai reçus de vous, en présentant votre caractère sous son véritable jour devant les yeux du major Bellenden et de tous ceux dont l’estime vous est chère. — Je n’attendais pas moins de votre générosité, milord, » répondit Morton.
Il appela alors les gens de sa suite, et se dirigea le long de la bruyère dans la direction d’Hamilton. On voyait leurs plumets ondoyer et leurs casques d’acier reluire aux rayons du soleil levant. Cuddie Headrigg, seul, resta un instant en arrière pour dire un tendre adieu à Jenny Dennison, qui, pendant son double voyage, avait su reprendre son empire sur le cœur sensible de son ancien amant. Un ou deux arbres voilèrent plutôt qu’ils ne cachèrent leur tête-à-tête pendant qu’ils avaient arrêté leurs chevaux pour se dire adieu.
« Adieu donc, Jenny, » dit Cuddie en poussant bruyamment son haleine, pour essayer peut-être de produire un soupir qui ne fut qu’une espèce de gémissement. Pensez quelquefois au pauvre Cuddie, un honnête garçon qui vous aime. Jenny, y penserez-vous de temps en temps ? — Sans doute ; chaque fois que je mangerai de la soupe, » répondit la malicieuse suivante, incapable de retenir sa repartie et le sourire qui l’accompagnait.
Cuddie se vengea comme ont coutume de faire les amants villageois et comme Jenny s’y attendait probablement. Il passa le bras autour du cou de sa maîtresse, lui donna un tendre baiser. Puis, détournant son cheval, il se hâta de rejoindre son maître.
« Ce drôle a le diable au corps, » dit Jenny Dennison en rajustant son bonnet ; « il a deux fois autant de malice que Tom Holliday, après tout. Me voilà, milady, me voilà !… Ciel ! ayez pitié de nous ! j’espère que la vieille lady ne nous a pas vus ! — Jenny, » dit lady Marguerite, « le jeune homme qui commandait l’escorte n’est-il pas le même que celui qui a été capitaine du Perroquet et qui ensuite fut prisonnier à Tillietudlem le matin de l’arrivée de Claverhouse ? »
Charmée que l’enquête ne se dirigeât point sur ce qui la concernait, Jenny jeta un regard sur sa maîtresse pour tâcher de découvrir si elle devait dire ou non la vérité. Mais n’apercevant aucun signe qui pût la guider, elle suivit l’instinct naturel à la suivante d’une dame, et mentit.
« Je ne crois pas que ce soit lui, milady, » répondit-elle avec autant d’assurance que si elle eût répété son catéchisme. « C’était un petit homme brun. — Il faut que vous soyez aveugle, Jenny, dit le major ; Henri Morton est grand et bien fait ; il a le teint blanc ; et c’est lui-même qui vient de nous quitter. — J’avais autre chose à faire que de passer mon temps à le regarder, » répondit Jenny en secouant la tête ; « blond ou brun, que m’importe ? — N’est-ce pas un grand bonheur, dit lady Marguerite, que nous soyons hors des mains de ce furieux et sanguinaire fanatique ? — Vous vous trompez, madame, reprit lord Evandale ; monsieur Morton ne doit être qualifié ainsi par personne, et par nous moins que par qui que ce soit. Si je vis en ce moment, si vous êtes en sûreté sous la protection de vos amis, au lieu d’être prisonnière d’un véritable fanatique et d’un homme sanguinaire, c’est uniquement au zèle, à l’activité, à l’humanité de ce jeune homme que vous le devez. »
Il fit alors un récit détaillé des événements déjà connus du lecteur, faisant valoir les services que leur avait rendus Morton, s’arrêtant avec complaisance sur le danger auquel il s’exposait dans cette circonstance, comme s’il avait été son frère, et non son rival.
« Je serais plus qu’ingrat, dit-il, si je ne rendais pas toute la justice qu’il mérite à un homme qui m’a deux fois sauvé la vie. — Je suis très disposé à bien penser d’Henri Morton, milord, répliqua le major Bellenden. J’avoue qu’il s’est noblement conduit envers vous et envers nous. Mais je ne puis juger avec autant d’indulgence que vous la conduite qu’il tient en ce moment. — Considérez, reprit lord Evandale, qu’il a été poussé par la nécessité ; et je dois ajouter que ses principes, s’ils ne sont pas entièrement conformes aux miens, sont pourtant de nature à commander le respect. Claverhouse, dont le tact pour se connaître en hommes ne sera contesté par personne, a découvert en lui le germe de grands talents ; mais il a jugé avec prévention et trop de sévérité ses principes et ses intentions. — Vous avez appris bien vite à apprécier ces grandes qualités, milord, reprit le major Bellenden. Moi qui le connais depuis son enfance, j’aurais, avant cette affaire, vanté ses bons principes et son bon caractère ; mais quant à ses talents… — Probablement, major, qu’ils étaient cachés, répondit le généreux lord Evandale, et à M. Morton lui-même, jusqu’à l’heure où les circonstances les ont mis au grand jour. Si je les ai reconnus, c’est que nos entretiens ont roulé sur des sujets importants et élevés, Il travaille maintenant à mettre fin à la rébellion, et les conditions qu’il a proposées sont tellement modérées, que je ne manquerai pas de les appuyer avec chaleur. — Et avez-vous l’espérance, dit lady Marguerite, de réussir dans une entreprise si difficile ? — Je l’aurais, madame, si tous les presbytériens étaient aussi modérés que M. Morton, et tous les royalistes aussi désintéressés que le major Bellenden. Mais tels sont le fanatisme et la violente irritation des deux partis, que cette guerre civile ne pourra se terminer que par le secours du glaive. »
On croira aisément qu’Édith écoutait cette conversation avec le plus vif intérêt. Elle regrettait d’avoir parlé à son amant avec tant d’injustice et de légèreté ; mais au fond du cœur, elle était joyeuse et fière de ce que son caractère, au jugement même de son généreux rival, était tel que son propre cœur le lui avait représenté.
« Les guerres civiles et les préjugés domestiques, se dit-elle, m’obligeront peut-être d’arracher son souvenir de mon cœur ; mais c’est une véritable consolation pour moi de savoir qu’il est encore digne de la place qu’il y a si long-temps occupée. »
Pendant qu’Édith revenait ainsi de ses injustes préventions, son amant arrivait au camp des insurgés près d’Hamilton : il y trouva tout en confusion. Des avis certains avaient annoncé que l’armée royale, ayant reçu d’Angleterre de nombreux renforts, allait entrer en campagne. La renommée exagérait le nombre, le bon équipement et la discipline de ces troupes, et répandait de tous côtés des détails bien capables d’abattre le courage des insurgés. L’espèce de protection qu’ils pouvaient attendre de Montmouth devait vraisemblablement être contre-balancée par ceux avec qui il partageait le commandement. Son lieutenant-général, le célèbre Thomas Dalzell, avait servi en Russie, pays alors plongé dans la barbarie ; et il était aussi redouté par sa cruauté et par le peu de cas qu’il faisait de la vie des hommes, que par son attachement au roi et sa valeur indomptable. Il était en second sous Montmouth, et la cavalerie était commandée par Claverhouse, qui brûlait de venger la mort de son neveu et sa défaite à Drumclog. À tous ces rapports on ajoutait la plus formidable description des forces de l’artillerie et de la cavalerie qui appuyaient l’armée royale prête à entrer en campagne[1].
Des corps considérables, composés de clans des Highlands, qui, pour le langage, la religion et les mœurs, n’avaient aucun rapport avec les insurgés, avaient été sommés de joindre l’armée royale, sous leurs différents chefs, et ces Amorites ou Philistins, comme les appelaient les insurgés, accouraient au carnage comme des aigles. Tout homme en état de marcher ou de monter à cheval avait reçu l’ordre de prendre les armes ; ce qui peut faire penser que l’intention de la cour était d’imposer de fortes amendes ou de confisquer les biens de ceux que leurs principes empêcheraient de se ranger sous l’étendard royal, bien que la prudence les tînt éloignés de celui des presbytériens insurgés. En un mot, tous ces bruits tendaient à augmenter la crainte de ces derniers en leur faisant croire que la vengeance du roi n’avait été différée que pour les atteindre avec plus de violence et de certitude.
Morton s’efforça de rassurer les esprits de la multitude, en leur représentant que ces rapports étaient probablement exagérés, et en leur faisant remarquer la force de leur position, défendue par une rivière qu’on ne pouvait passer que sur un pont long et étroit. Il rappela à leur souvenir la victoire qu’ils venaient de remporter sur Claverhouse, quoiqu’ils fussent peu nombreux, moins bien disciplinés, et moins bien armés. Il leur montra que le terrain qu’ils occupaient, par les ondulations et les bouquets de bois dont il était parsemé, offrait, s’il était courageusement défendu, une excellente protection contre l’artillerie et même contre la cavalerie, et qu’au fond leur salut dépendait de leur valeur et de leur intrépidité.
Mais pendant que Morton s’efforçait ainsi de ranimer le courage des simples soldats, il se prévalait auprès des chefs de ces bruits décourageants pour leur faire sentir la nécessité de proposer un arrangement sous des conditions modérées, tandis qu’ils étaient à la tête d’une armée encore formidable et qui n’avait essuyé aucun échec. Il leur représenta que, dans la position où se trouvaient leurs partisans, on ne pouvait guère espérer qu’ils combattissent avec avantage contre les forces régulières et bien disciplinées du duc de Montmouth ; et que s’il leur arrivait, comme on devait le craindre, d’essuyer une défaite, l’insurrection, bien loin d’avoir été utile au pays, serait un prétexte pour l’opprimer plus durement encore.
Pressés par ces arguments, et sentant qu’il était aussi dangereux de rester assemblés que de congédier leurs troupes, la plupart des chefs avouèrent que si les conditions transmises par lord Evandale au duc de Montmouth étaient obtenues, le but pour lequel ils avaient pris les armes serait en grande partie atteint. Ils donnèrent donc leur adhésion à ces propositions, et convinrent d’appuyer les remontrances présentées par Henri Morton. D’un autre côté, quelques chefs, et certains hommes dont l’influence sur le peuple était beaucoup plus grande que celle de personnages en apparence plus considérables, regardaient tout traité de paix qui n’avait pas pour base la ligue solennelle et le Covenant de 1640, comme entièrement illusoire et sans force, comme impie et hérétique. Ils faisaient partager leurs sentiments à la multitude imprévoyante et qui n’avait rien à perdre, en persuadant à beaucoup de gens que ces timides conseillers qui parlaient de paix, sans y mettre pour condition l’expulsion de la famille royale, et la déclaration que l’Église serait affranchie de toute autorité temporelle, devaient être regardés comme des traîtres qui ne cherchaient qu’un spécieux prétexte pour abandonner leurs frères d’armes. Ces opinions contradictoires étaient soutenues avec chaleur dans chaque tente de l’armée insurgée, ou plutôt dans les luttes violentes, et la division qui régnait dans cette armée était un présage trop sûr du sort qui l’attendait.
- ↑ Une muse caméronienne s’éveilla dans cette funèbre occasion, et raconta la revue
des forces royales dans des vers presque aussi mélancoliques que le sujet ; les voici :
« Ils marchèrent à l’est à travers la ville de Lithgow, pour recruter leur armée, et ils envoyèrent dans tout le nord pour qu’on vînt à pied et à cheval.
« Montrose vint, et Athole aussi, et beaucoup avec eux, et tous les Amorites des hautes terres, autant qu’on n’en avait jamais vu.
« Le lowdian mallisha (la milice du Lothian) vint avec ses habits bleus ; cinq cents hommes de Londres vinrent habillés de rouge.
« Quand ils furent tous bien pourvus d’armes et de munitions, alors ils s’avancèrent avec des intentions plus cruelles. »
Les royalistes célébrèrent leur victoire dans des stances qui n’ont pas moins de mérite. Un peut voir des modèles de ces chants populaires dans la curieuse Collection des poésies fugitives écossaises, principalement parmi celles du dix-septième siècle, imprimées par MM. Laing, à Édimbourg.