Le Voyage dans la Lune/2

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ACTE DEUXIÈME



CINQUIÈME TABLEAU


LA LUNE
Au lever du rideau, symphonie douce. — On aperçoit la lune environnée de nuages et occupant tout le cadre de la scène. — Des voix mystérieuses se font entendre. — La lune s’éclaire peu à peu et semble se rapprocher. — On y aperçoit des taches, puis des clochers bizarres, des monuments étranges ; d’abord confusément, puis d’une façon de plus en plus distincte. — Enfin le cercle qu’elle forme au milieu du théâtre s’écarte complètement et fait place au tableau suivant.




SIXIÈME TABLEAU


L’ARRIVÉE
Une ville dans la lune. Pays bizarre, architecture étrange.
À gauche une construction qui doit s’écrouler à un moment donné.




Scène PREMIÈRE

DEUX SÉLÉNITES, Peuple.
Au lever du rideau, la scène est vide, le jour commence à paraître. — Musique. — Deux Sélénites arrivent et observent le ciel avec inquiétude.
PREMIER SÉLÉNITE.

Oh !

AUTRE SÉLÉNITE, arrivant.

Ah !

Peu à peu, hommes et femmes entrent de tous côtés, tous les yeux fixés vers le même point du firmament. Ils paraissent consternés.
CHŒUR.

C’est un point noir,
Et pour le voir
Il n’est pas besoin de lunettes.
Ah ! ce point noir,
De désespoir
Va nous faire perdre la tête !

PREMIER SÉLÉNITE.

C’est inouï !

LITELLA.

Le mal a encore fait des progrès depuis hier.

DEUXIÈME SÉLÉNITE.

Je crois bien ; ce n’était d’abord qu’un tout petit point noir et maintenant c’est une montagne qui va tomber sur nous et nous réduire en poussière.

MICROMA.

Nous sommes perdus !

LITELLA.

C’est la fin de la lune !

TOUS.

C’est la fin de la lune !


Scène II

Les Mêmes, COSMOS, CACTUS.
COSMOS.

Vous êtes tous des imbéciles !…

TOUS.

Le roi !…

COSMOS.

Oui, votre roi Cosmos qui n’est pas content de vous.

CACTUS.

Pas content du tout.

COSMOS.

Comment ! parce qu’un petit point se montre à l’horizon, la lune entière est à l’envers ! Depuis hier, dans cette ville seulement, il y a eu trois cent neuf cas de folie et sept cent quarante-neuf suicides… Est-ce que c’est une vie je vous le demande ?… une pareille pusillanimité me navre. Elle me navre, moi et mon excellent conseiller intime et ami, Cactus. (À Cactus.) Réponds franchement, est-ce que tu n’es pas navré ?

CACTUS.

Navré.

COSMOS.

Vous voyez, je n’ai pas opéré de pression.

DEUXIÈME SÉLÉNITE.

Pourtant il y a bien de quoi avoir peur.

LITELLA.

Je crois bien !

PREMIER SÉLÉNITE.

Et dire que c’est à ces gueux d’habitants de la terre que nous devons ça.

TOUS.

Comment ?

PREMIER SÉLÉNITE

Dame, je me suis laissé dire que ce point noir que nous voyons à l’horizon est tout simplement un fragment de la boule terrestre qu’ils ont détaché dans le but de nous exterminer tous.

TOUS.

Oh !

COSMOS.

Quand je vous le disais que vous êtes tous des imbéciles. Comme s’il était permis d’ignorer que la terre n’a pas d’habitants. Et cela, pour une raison bien simple… (Cherchant dans ses poches.) Où est ma carte de la terre ? Il faut vous dire que depuis plusieurs jours, j’ai étudié tout ce que nos savants les plus illustres ont écrit sur la terre… (Cherchant toujours.) J’ai compulsé, comparé. (À Cactus.) Où diable ai-je fourré ma carte ? (Cactus qui la porte sous son bras, la lui tend gravement.) Ah ! merci ! (Il déploie la carte. Les cinq parties du monde y sont représentées sous des formes étranges et fausses.) La voilà, la terre… Je la connais à présent comme si j’y avais été. Eh bien, il suffit d’y jeter un coup d’œil pour se faire une conviction, qui est maintenant celle de tous les hommes de science : c’est que la terre est complètement inhabitable.

PREMIER SÉLÉNITE.

Pourquoi cela ?

COSMOS, haussant les épaules.

Pourquoi cela ? pour une raison bien simple, c’est qu’elle est totalement dénuée d’atmosphère. La science a décidé et je suis certain que tel est aussi l’avis de mon excellent conseiller intime et ami Cactus. (À Cactus.) Cactus, réponds franchement, est-ce ton avis ?

CACTUS.

C’est mon avis !

COSMOS.

Vous voyez je n’ai pas opéré de pression…

À ce moment on entend un sifflement épouvantable. Le ciel s’obscurcit.

TOUS, avec un cri.

Ah !

COSMOS.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

Le bruit redouble, de nouveaux Sélénites accourent.


MORCEAU D’ENSEMBLE
CHŒUR.

Ah ! grand Dieu !
Sauve qui peut !
Que chacun et que chacune,
Sans perdre un moment,
S’enfuie à l’instant :
C’est la fin de la lune !
Sauve qui peut !

COSMOS, à la foule.

Quel est ce tintamarre ?
Pourquoi trembler ainsi ?

CACTUS, même jeu.

Ah ! pourquoi trembler ainsi ?

COSMOS, à part.

La peur de moi s’empare
Et j’en suis tout transi !

CACTUS, même jeu.

J’en suis transi !

COSMOS, à la foule.

Un danger vous menace,
J’en veux avoir ma part.

CACTUS, même jeu.

Nous voulons notre part !

COSMOS, avec énergie

Eh bien, vidons la place,
Nous reviendrons plus tard !

CACTUS, même jeu.

Beaucoup plus tard.

REPRISE

Ah ! grand dieu !
Sauve qui peut !

Sortie générale.

Scène III

CAPRICE, VLAN, MICROSCOPE,
puis COSMOS, CACTUS et Les Habitants.
Musique à l’orchestre. La maison de gauche achève de s’effondrer. Le jour revient, et sur les ruines de la maison on aperçoit l’obus. Une petite lucarne s’ouvre et la tête de Vlan paraît.
VLAN, après avoir regardé autour de lui.

Je crois que nous y sommes.

Il sort de l’obus.
MICROSCOPE, se montrant.

Nous y sommes ?…

VLAN.

Oui !… la lune !… tous les voyageurs descendent de voiture ! (Appelant.) Caprice !

CAPRICE, se montrant.

Père !…

VLAN.

Descends !… nous y sommes…

Caprice sort de l’obus.
MICROSCOPE.

Comment !… Nous sommes dans la lune ! Eh bien ! par exemple, c’est assez curieux.

VLAN, à Microscope.

As-tu le parapluie ?

MICROSCOPE.

Oui !…

VLAN.

Alors nous sommes au complet. Ah ! mes enfants, quel voyage !

CAPRICE.

Quel charmant voyage !

RONDEAU

Dans un obus qui fend l’air,
Nous marchons un train d’enfer
Emportés loin de la terre,
Au milieu du vaste éther.
Et tous les trois cheminant de concert,
Sans qu’aucun en ait souffert,
Droit vers le monde lunaire
Nous filons comme l’éclair.
Ah ! comme cela va faire
Du tort aux chemins de fer !

TOUS TROIS.

Ah ! comme cela va faire
Du tort aux chemins de fer !
Droit vers le monde lunaire
On marche un train d’enfer !

CAPRICE.

Plus de gare
Où dans la bagarre
On est renversé,
Pressé.
Plus de bruit, de tintamarre,
On n’est plus serré,
Poussé !
Plus de misères, plus d’anicroche,
Plus de danger qu’en chemin
On accroche ou l’on décroche
Par hasard un autre train.
Plus de tapage,

Plus de guichets
Où l’on enrage,
Pour des billets
Plus d’employés,
Plus de paquets,
Plus de bagage
Qu’on foule aux pieds !

TOUS TROIS.

Ah ! comme cela va faire
Du tort aux chemins de fer !
Etc.

CAPRICE.

Dans l’espace,
On a de la place,
Partout on passe,
Sans que l’on fasse
Jamais un choc
Contre le roc.
Jamais le moindre petit choc

TOUS TROIS.

Dans l’espace
Etc.

CAPRICE.

Cela supprime
Les accidents :
Déraillements,
Renfoncements,
Étouffements,
Éboulements,
Effondrements,
Tamponnements,
Écrasements !
Cela supprime
Tous les accidents.

ENSEMBLE.

Ah ! comme cela va faire
Du tort aux chemins de fer !
Droit vers le monde lunaire
On marche un train d’enfer !

VLAN.

Voyons, il s’agit maintenant de nous orienter.

MICROSCOPE.

Ah ! voici le hic.

VLAN.

Ça je m’en charge.

CAPRICE.

Vraiment ?

VLAN.

Oh ! je ne suis pas embarrassé… Voyons… où est ma carte de la lune ? Vous comprenez bien que depuis que nous sommes en route, je n’ai pas perdu mon temps, j’ai lu tout ce que les savants les plus illustres ont écrit sur la planète que nous allons visiter. J’ai comparé, compulsé, et tel que vous me voyez, je connais la lune comme ma poche.

CAPRICE.

Toi, papa ?

VLAN.

Oui, moi.

CAPRICE.

Eh bien, dans quel quartier sommes-nous ?

VLAN.

Ici ?… Attends… (Ouvrant sa carte.) Nous devons être dans la partie australe de la lune.

CAPRICE.

C’est-à-dire ?

VLAN.

C’est-à-dire dans le large espace que circonscrivent au nord la mer des Nuées, au sud l’océan des Tempêtes et le lac de la Mort.

MICROSCOPE.

Diable !

VLAN.

Ah ! dame, mes enfants, il ne faut pas nous attendre à quelque chose de bien gai. N’oublions pas que nous foulons aux pieds une planète désolée et refroidie.

MICROSCOPE.

Mais alors, comment ferons-nous pour nous nourrir ?

VLAN.

Eh bien, nous avons des provisions.

MICROSCOPE.

Des provisions ! Ah ça ! est-ce que nous n’avons pas mangé en route ? D’abord, plus de viande.

VLAN.

Eh bien, nous mangerons des légumes.

MICROSCOPE.

Oh ! les légumes… il ne reste qu’un sac de haricots secs.

VLAN.

Eh bien, nous mangerons des fruits.

MICROSCOPE.

Oh ! les fruits, il ne faut pas y compter.

VLAN.

Comment ? Les oranges ?

MICROSCOPE.

Mangées !

VLAN.

Les prunes ?

MICROSCOPE.

Mangées également… nous n’avons plus que des pommes.

VLAN.

Eh bien ! nous voilà gentils !… c’est la famine… Nous n’avons qu’à nous dévorer les uns les autres… on commencera par toi.

MICROSCOPE.

Ah ! permettez…

CAPRICE, qui a regardé pendant ce temps autour de lui.

Mais, papa, ça n’a pas l’air si désolé que tu le disais, ici… nous sommes dans une ville.

VLAN.

Une ville !… impossible ! La lune n’est pas habitée. Et cela pour une raison bien simple, c’est qu’elle est totalement dénuée d’atmosphère. La science a décidé et quand je vous dis qu’il n’y a pas d’habitants dans la lune, c’est qu’il ne peut pas y en avoir !

Pendant ce temps Cosmos, Cactus et les Sélénites sont revenus peu à peu et les entourent en les contemplant avec curiosité. — Musique de scène comique.
CAPRICE, les apercevant.

Ah !

MICROSCOPE, même jeu.

Oh !

VLAN.

Quoi ? (Apercevant les Sélénites.) Il y en a !

Moment de silence pendant lequel les habitants de la lune examinent avec méfiance les habitants de la terre et réciproquement.
MICROSCOPE, bas.

Ils ont de mauvaises figures. (Cosmos fait un pas vers lui. Microscope recule en poussant un cri.) Ah !

Cosmos effrayé recule également.
COSMOS, bas à Cactus.

Qu’est-ce que ces gens-là ?

CACTUS.

Connais pas !

VLAN.

Il s’agit de leur parler.

COSMOS, de son côté.

Je vais les aborder.

VLAN, allant à lui.

Habitants de la lune…

COSMOS, avec éclat.

Silence !

Soubresaut général.
MICROSCOPE, bas.

Il n’a pas l’air commode.

COSMOS, d’un air terrible.

Savez-vous bien devant qui vous êtes ?

CAPRICE.

Non.

COSMOS.

Vous êtes devant le souverain du royaume lunaire, le grand, l’illustre, le majestueux Cosmos, et on ne fait pas de phrases avec lui.

LE PEUPLE.

Bravo ! Bravo !

COSMOS.

Quelle est cette singulière façon d’entrer dans un pays ? Vous avez démoli deux maisons qui n’étaient pas encore expropriées. Répondez, pourquoi ?

LE PEUPLE, furieux.

Oui, pourquoi ?

CAPRICE.

Écoutez donc, quand on vient de si loin on ne regarde pas trop où on met le pied.

COSMOS.

Et d’où venez-vous, s’il vous plait ?

VLAN.

Puissant monarque, nous arrivons d’un petit endroit dont vous avez peut-être entendu parler, et qui s’appelle la terre.

COSMOS et LE PEUPLE.

La terre !…

Grognement de la foule.
MICROSCOPE, bas.

Nous produisons notre effet.

COSMOS, se retournant vers Cactus

Tu as entendu !… (Cactus sourit dédaigneusement. Cosmos revient à Vlan.) Il me semble pourtant que je n’ai pas l’air d’un imbécile ?

VLAN, vivement.

Je n’ai jamais dit le contraire.

COSMOS.

Alors pourquoi me racontez-vous des histoires à dormir debout ?… comme si nous ne savions pas aussi bien que vous que la terre n’est pas habitée ?

VLAN.

Ah ! bien, elle est bonne, celle-là ! Puisqu’on vous dit que nous en venons, mon brave homme.

COSMOS.

Vous en venez… laissez-moi donc tranquille. Et comment ?

VLAN.

Comment ?… en canon.

COSMOS.

En canon !

MICROSCOPE.

Oui, en canon… l’invention est de moi… (Montrant l’obus.) Tenez, voilà la voiture.

COSMOS, examinant l’obus avec curiosité.

Ah ! c’est curieux… Alors ce petit point noir que nous apercevions depuis quatre jours dans le ciel, c’était vous…

MICROSCOPE.

Parfaitement.

COSMOS.

Ah ! ah !

MICROSCOPE, à Vlan.

Ça va bien.

COSMOS, à Cactus.

Dis donc, le petit point noir, c’était eux.

CACTUS.

C’était eux.

COSMOS.

Très bien, très bien !

VLAN.

Ah ! vous croyez à présent ?

COSMOS.

Parfaitement.

VLAN, avec triomphe.

Ah !

COSMOS, d’une voix forte.

Qu’on empoigne ces gens-là !

LES HABITANTS.

Bravo ! bravo !

Des gardes se sont approchés et ont mis la main sur l’épaule de Vlan et de Microscope.
VLAN.

Comment, nous empoigner ?

CAPRICE.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

COSMOS.

Ah ! c’est vous mes gaillards, qui nous avez causé cette jolie émotion.

VLAN.

Nous…

COSMOS.

C’est vous qui vous permettez de venir de la terre quand la science a décidé que la terre ne devait pas être habitée… Eh bien, mes bons amis vous allez voir !… Allons, mon bon peuple ! allons, mes braves, avançons.

À ce moment on entend une fanfare.
Tout le monde s’arrête.
TOUS.

La Reine.


Scène IV.

Les Mêmes, POPOTTE, FANTASIA,
suite composée de Six Pages et Six Suivantes.
POPOTTE.

Eh bien ! eh bien ! quel est ce tintamarre ?

FANTASIA.

Qu’y a-t-il donc ?

MICROSCOPE.

Des femmes, nous sommes sauvés, je vais leur parler.

VLAN.

Non, pas toi… Caprice…

CAPRICE, s’approchant de Fantasia.

Mademoiselle !… (La regardant avec un grand cri et portant subitement la main à son cœur comme frappé par un choc.) Ah !

MICROSCOPE, même jeu avec Popotte.

Oh !

CAPRICE.

La princesse ! qu’elle est jolie !…

MICROSCOPE.

Et la reine ! qu’elle est belle !

FANTASIA.

Qu’est-ce que c’est que ces gens-là ?

POPOTTE.

Oh ! les bonnes têtes !

COSMOS.

Ne faites pas attention… ce n’est rien, ce sont des vagabonds, des gens sans aveu, qui viennent de la terre.

POPOTTE, se reculant avec effroi.

De la terre !

FANTASIA, craintive.

Ah ! mon Dieu ! est-ce qu’ils mordent ?

COSMOS.

Je ne crois pas, mais il ne faut pas s’y fier.

VLAN.

Comment !

POPOTTE.

C’est vrai, ils n’ont pas l’air bon.

FANTASIA.

Pourtant, le petit ne paraît pas méchant.

CAPRICE, à Fantasia

Oh ! non, mademoiselle, je ne suis pas méchant.

POPOTTE.

Et qu’est-ce que vous allez en faire ?

COSMOS.

Les enfermer d’abord… ensuite…

CACTUS.

Ensuite… (Avec un cri féroce.) Ah ! ah ! ah !

VLAN.

Celui-là ne parle pas souvent, mais il trouve le moyen de vous dire des choses bien désagréables.

FANTASIA.

Oh ! les pauvres gens !

CAPRICE, à part.

Elle s’intéresse à nous.

COSMOS.

Ne vas-tu pas les plaindre, à présent ?

FANTASIA.

Mais certainement.


COUPLETS
I

Tu devais, le jour de ma fête,
Tu sais, tu me l’avais promis,
M’offrir quelque joyau de prix
Et même une belle toilette.
Eh bien, papa, j’ai réfléchi,
J’y renonce, mais à la place,
De ces pauvres gens que voici
Je viens te demander la grâce.

Ah ! mon papa !
Mon cher papa !
Voyons ! fais-moi ce plaisir-là !
Sois bon, petit papa !
Fais-moi ce plaisir-là !

II

Jusqu’à présent, jamais ta fille
Ne t’a fait faire du tourment,
Tu dois en être bien content,
Car chacun dit qu’elle est gentille…
N’est-il pas juste qu’en retour
Ce que je veux, on me le donne ?
Papa, sois gentil à ton tour,
Laisse-toi toucher et pardonne.

Ah ! mon papa !
Mon cher papa !
Etc.

CAPRICE, transporté de joie.

Oh ! qu’elle est gentille !

FANTASIA.

Eh bien, papa ?

COSMOS, à Cactus.

Leur faire grâce, qu’en dis-tu, Cactus ?

CACTUS, après avoir réfléchi.

Dame ! tout de même.

VLAN et MICROSCOPE.

Ah ! sauvés ! sauvés !

CAPRICE.

Sauvés et grâce à elle !

MICROSCOPE, électrisé se jetant dans les bras de Vlan.

Ô Vlan ! ô mon roi !

COSMOS.

Son roi !… qu’est-ce que vous dites ?

MICROSCOPE.

Je dis : Ô Vlan ! ô mon roi !

Il se jette de nouveau dans les bras de Vlan.
COSMOS, à Vlan.

Vous êtes roi, vous ?

VLAN.

Certainement… je n’en ai peut-être pas l’air, mais je le suis. Et voilà mon fils Caprice avec mon grand savant Microscope.

MICROSCOPE, saluant.

J’ai bien l’honneur.

COSMOS.

Allons donc… vous êtes roi… Prouvez-le.

VLAN.

À l’instant !… Microscope, passe-moi le parapluie. (Microscope le lui passe.) Tenez, voici mon sceptre monté sur soie… En voyage, c’est très commode quand il pleut…

Il pousse un ressort, le parapluie devient un sceptre.
COSMOS.

Un collègue… Pourquoi ne le disiez-vous pas ?

VLAN.

Vous ne me laissiez pas placer un mot.

COSMOS.

Touchez là.

VLAN.

Avec plaisir.

CACTUS, à Microscope en lui touchant la main.

Voulez-vous permettre.

MICROSCOPE

Comment donc !… (Ils se serrent la main.) Mais vous parlez bien peu.

CACTUS.

Je réfléchis.

VLAN, tirant une tabatière.

Dites donc, maintenant que la glace est rompue, voulez-vous une prise de tabac ?

COSMOS.

Une prise de tabac. (À part.) Je ne sais pas ce que c’est, mais n’ayons pas l’air. (Haut.) Volontiers. (Il prend une prise de tabac et la met dans sa bouche. — Poussant un cri.) Ah !

Il jette le tabac.
VLAN.

Qu’est-ce que vous faites ? Il renverse tout mon tabac. Mais ça ne se mange pas !

COSMOS.

Dame ! je croyais.

VLAN.

Sont-ils arriérés dans la lune ! (Pendant ce temps un pied de tabac est sorti du sol et pousse à vue d’œil.) Ah ! qu’est-ce que c’est que cela ?

COSMOS.

C’est votre tabac qui pousse.

VLAN.

Comment, mon tabac ?

COSMOS.

Eh bien ! oui. Votre tabac qui vient de tomber, il pousse, c’est l’effet de la végétation.

VLAN.

Comment, si vite ?

COSMOS.

Mais certainement. Tout pousse instantanément.

CACTUS.

À la minute !

VLAN.

Vraiment ? Alors on sème…

COSMOS.

Et on récolte tout de suite après.

VLAN.

Étrange !

MICROSCOPE.

Inouï !

VLAN.

Mais voyez donc : la plante, la fleur. (Tirant un cigare de la plante.) et le fruit… (À caprice.) Qu’est-ce que tu dis de ça ?…

CAPRICE, qui était en contemplation devant Fantasia, sortant de son rêve.

Moi, je trouve ça très curieux, très… (À part.) Qu’elle est gentille !

MICROSCOPE, regardant Popotte.

La splendide créature !

FANTASIA, à Popotte.

Qu’est-ce qu’il a donc à m’examiner comme ça, le petit étranger ?

POPOTTE.

Eh bien ! et le vieux !… Il me fait des yeux…

COSMOS, à Vlan.

Et maintenant, mon cher collègue, il faut que je rentre, les affaires me réclament. Il va sans dire que vous venez avec moi. Tant que vous serez ici, vous serez mes hôtes.

CAPRICE, à part.

Quelle chance ! je pourrai la voir, lui parler…

VLAN, à Cosmos.

Vous savez, quand vous viendrez sur terre, à charge de revanche…

COSMOS.

Holà ! qu’on m’amène ma monture.

On amène un dromadaire sur lequel monte Cosmos. — Cortège. — Sortie.

CHŒUR.

Salut à notre bon roi,
Au grand Cosmos notre père,
Qui tient sous sa puissante loi
La lune toute entière !

Changement à vue.




SEPTIÈME TABLEAU


LE PALAIS DE VERRE
Une salle du palais de Cosmos. — Tous les murs sont en verre, de façon à laisser voir de l’extérieur tout ce qui se passe dans le palais. — Cette salle donne au fond sur la voie publique. — À droite et à gauche, portes communiquant avec le reste du palais. — Les portes et les cloisons sont également en verre.




Scène PREMIÈRE

MICROSCOPE, seul.
Je me dépêche d’arriver devant… j’ai besoin d’être seul pour causer un peu avec cette pauvre Cascadine… qui est restée sur terre. Elle doit être dans une inquiétude, la chère enfant ; aussi j’ai hâte de la rassurer, de lui donner de mes nouvelles. (Au public.) Oui, de mes nouvelles, voilà comme je suis, moi… Comment je vais faire ?… vous allez voir… J’ai emporté avec moi un appareil de mon invention, un petit télégraphe de poche à l’aide duquel nous pourrons correspondre. Voilà le fil, il est attaché à l’obus ; il a quatre-vingt-seize mille lieues de long et aboutit directement chez moi… vous voyez, c’est d’un simple… Seulement pas un mot à Vlan… Voyons, rédigeons ma dépêche. (Il tire son appareil et fait manœuvrer le cadran.) « Cascadine, artiste. Arrivé bon port Lune. — Pas d’accidents. — M’aimes-tu ? — Comment va tante ? — Réponse payée. — Microscope. » Maintenant Vlan peut arriver. Il était temps, le voici !

Scène II

COSMOS, VLAN, CACTUS, puis MICROSCOPE
COSMOS, entrant avec Vlan.

Donnez-vous la peine d’entrer. C’est ici la grande salle du conseil.

VLAN, regardant autour de lui.

Il me semble que la reine et la princesse Fantasia nous ont quittés ?

COSMOS.

Oh ! certainement ! les femmes ne mettent jamais les pieds ici.

VLAN.

Ça ne m’étonne pas alors que Caprice ne soit pas avec nous.

COSMOS.

Cette salle est réservée aux affaires sérieuses.

CACTUS.

Et embêtantes.

COSMOS, à Vlan.

Tout à l’heure, mon cher collègue, vous allez assister à mon conseil. Mais comme nous avons encore quelques instants devant nous, si vous voulez bien, nous allons causer un peu (Cactus leur offre des sièges. Ils s’assoient.) Alors vous êtes roi ? Ça doit bien vous ennuyer.

VLAN.

Mais non, c’est très amusant.

COSMOS.

Alors ce n’est donc pas un mauvais métier chez vous ?

VLAN.

Mais pas mauvais du tout.

COSMOS.

Eh bien, vous avez de la chance. Ici, c’est bien ennuyeux.

CACTUS.

C’est d’un dur !

VLAN.

Alors, pourquoi l’êtes-vous ?

COSMOS.

J’ai été forcé.

VLAN.

Comment forcé ?

COSMOS.

Oui, quand le trône est vacant, comme personne n’en voudrait, on choisit au hasard, parmi les habitants dix des plus riches et des plus lourds.

VLAN.

Alors vous avez été élu au poids ?

COSMOS.

Oui, je pesais deux cent quatre-vingts, j’ai été pincé.

CACTUS.

Je l’ai échappé de trente-cinq grammes.

VLAN.

L’emploi est donc bien mauvais ?

COSMOS.

C’est-à-dire que je ne connais rien de plus pénible… jamais un instant de liberté, je pioche du matin au soir. Impossible de prendre un instant de repos… Voyez les murs de mon palais.

MICROSCOPE.

Ah ! mais !… ils sont en verre !

VLAN.

Bonté du ciel ! je n’avais pas remarqué.

MICROSCOPE.

Ça doit être gênant.

COSMOS.

Parbleu ! à tout instant, les passants s’arrêtent pour me surveiller et s’assurer que je ne perds pas mon temps. Tenez.

Depuis un instant, quelques passants regardent à travers le vitrage du fond.
CAPRICE.

En effet, j’en aperçois quelques-uns.

VLAN.

Et en voilà d’autres.

D’autres habitants viennent se joindre aux premiers. Murmures.
MICROSCOPE, prêtant l’oreille.

Hein ?

COSMOS.

Oui, vous entendez ?… ils grognent parce qu’ils trouvent que je flâne.

CACTUS.

C’est l’opposition.

VLAN.

Il parait qu’il y en a partout.

Nouveaux murmures.
COSMOS.

Vite, Cactus, il faut nous mettre au travail… Qu’on fasse entrer mes conseillers !

Mouvement de satisfaction dans la foule.


Scène III

Les Mêmes, LES CONSEILLERS.
Les conseillers entrent portant de petites tables qu’ils placent au milieu du théâtre. Ils ont des manches de lustrines aux bras.
COSMOS.

Allons, messieurs mes conseillers, vite à la besogne. (Ils se sont assis autour de leurs tables.) Expédions d’abord les affaires du jour. (Ils ont tous pris des plumes et écrivent fiévreusement, Cosmos feuillette une liasse de papiers.) Ah ! voici quelque chose de très pressé.

Il se met aussi à écrire.
VLAN.

Que faites-vous donc là ?

COSMOS.

Une expédition, je copie en double un arrêté d’hier.

VLAN.

Comment vous copiez !… Mais alors que font vos employés.

COSMOS.

Nos employés… Nous n’en avons pas.

VLAN, levant les bras au ciel.

Ils n’ont pas d’employés !

MICROSCOPE.

Eh bien, ce n’est pas comme chez nous. Pour une place, il y a toujours au moins un titulaire et un suppléant.

VLAN.

Le titulaire qui n’a généralement rien à faire.

MICROSCOPE.

Et le suppléant qui est chargé de l’aider.

Grognement au dehors.
COSMOS.

Là ! les entendez-vous ? ils grognent encore… (Il se remet fiévreusement au travail, puis se lève, un papier à la main.) Que vois-je ? (Avec sévérité.) Monsieur l’intendant chargé de mes finances, approchez, s’il vous plait ? Le conseiller se lève tout confus et vient à lui.

VLAN, bas à Microscope.

Je parie qu’il n’est pas en règle, celui-là.

COSMOS.

Le compte que vous me présentez est inexact, monsieur…

VLAN, bas.

Là ! qu’est-ce que je disais ?

LE CONSEILLER, très-troublé.

Mais…

COSMOS.

Je vous dis que ce compte-là n’est pas exact ! Comment se fait-il que vous ayez en caisse plus d’argent que vous n’en avez reçu ?

VLAN et MICROSCOPE.

Hein ?

LE CONSEILLER, balbutiant.

Dame, je…

COSMOS.

Dame, je… dame, je… je vois ce que c’est ; malheureux que vous êtes ! Vous aurez encore remis de l’argent de votre poche dans mes coffres.

LE CONSEILLER.

Mais…

CACTUS.

C’est scandaleux !

COSMOS.

Oui, c’est scandaleux ! un homme qui a de la famille !… Vous finirez par mettre tous les vôtres sur la paille. (Murmures.) Le peuple murmure et il a raison… Mais un pareil scandale ne peut durer… Monsieur Capultos, approchez. (À l’intendant.) Rendez-moi la clef de ma caisse, vous n’en êtes plus digne. (À Capultos.) Prenez-la, vous, et ne suivez pas l’exemple de votre prédécesseur, ne remettez jamais d’argent dans mes coffres.

VLAN.

Oh ! je crois qu’avec celui-là il peut être tranquille. Il a une figure rassurante…

COSMOS, à l’intendant.

Allez !

CACTUS.

Il ne l’a pas volé.

MICROSCOPE, se tournant vers Vlan, après un temps.

Hein ?

VLAN.

Renversant ! il faut venir dans la lune pour voir ça.

COSMOS, qui s’est remis à sa table.

Ah ! après cette exécution pénible, il est doux d’avoir à décerner une récompense… Qu’on fasse entrer le lauréat du dernier concours de poésie.

Entre un grand jeune homme chevelu tout chamarré de décorations.
MICROSCOPE.

Oh ! Ce plastron !

VLAN.

Si jeune !

COSMOS.

J’ai lu vos vers, jeune homme… ils m’ont fait plaisir… Venez recevoir la juste récompense de votre beau talent.

Le jeune homme s’approche, Cosmos lui enlève une décoration.
LE JEUNE HOMME, avec effusion.

Oh ! merci, grand roi !

On applaudit.
CACTUS, au moment où il s’en va.

Jeune homme !

Il lui serre la main, le jeune homme sort.
VLAN.

Oh !

MICROSCOPE.

Vous appelez ça le récompenser ?

COSMOS.

Certainement.

VLAN.

Mais vous venez de lui ôter…

COSMOS.

Eh bien, oui.

VLAN.

Je ne comprends pas.

COSMOS.

C’est pourtant bien simple. Ici, en naissant, on a toutes les décorations de la lune. À mesure qu’on fait une action d’éclat, on vous enlève une décoration. Quand comme moi on arrive à ne plus en avoir du tout, cela vous distingue des autres et on jouit de la considération générale.

CACTUS.

Moi, j’en ai plus qu’une et je la cache.

MICROSCOPE, riant.

Oh ! ça, par exemple !

VLAN.

Ça ne réussirait pas sur terre.

CAPRICE.

Et pourtant, ce n’est pas déjà si bête, mais ça ne réussirait pas. (On entend une sonnerie.) Oh !…

COSMOS.

Ah ! voilà le signal de la récréation.

MICROSCOPE, qui s’est levé vivement.

Mais non, c’est…

TOUS.

Quoi ?

MICROSCOPE.

Rien, rien ! vous avez raison. (À part.) C’est mon appareil électrique ; la réponse à ma dépêche… motus !

COSMOS.

La séance est levée, nous pouvons nous retirer. Allons messieurs.

Sortie. — Changement à vue.




HUITIÈME TABLEAU


LES GALERIES DE NACRE
Une autre salle du palais. — Murs en nacre de toutes couleurs, meuble formés par des coquillages, avec supports en nacre. — Vases en nacre et, au fond, deux rideaux à droite et à gauche, lesquels doivent s’écarter à la fin du tableau.




Scène PREMIÈRE

MICROSCOPE, puis CAPRICE
CAPRICE.

Voilà une heure que je me promène inutilement dans le palais. Ah ! si je pouvais retrouver cette délicieuse petite princesse que je n’ai entrevue qu’un moment et que j’aime déjà comme un fou… Voyons…

Il cherche.
MICROSCOPE.

Enfin seul !… je suis seul… je vais pouvoir prendre connaissance de la réponse de Cascadine. Cher ange !… où l’ai-je fourrée ? (Il cherche dans ses poches.) Ah ! la voici… Lisons… (À ce moment, Caprice le heurte.) Le prince !

CAPRICE.

Microscope !

MICROSCOPE, à part.

Quel ennui !

CAPRICE, de même.

Quelle contrariété !

MICROSCOPE.

Je vous dérange ?

CAPRICE.

Du tout, c’est moi, au contraire… Tu lisais quelque chose… continue donc.

MICROSCOPE.

Comment, vous permettez ?

CAPRICE.

Fais donc, fais donc… (À part.) Pendant ce temps je vais faire le guet.

Il cherche de nouveau.
MICROSCOPE.

Tant pis, je grille de lire. (Lisant.) « Mon bon lapin » Ah ! « T’aime plus encore qu’avant » — Comment alors ? « Tante malade. » Ça, ça m’est égal. « Envoie argent. » Déjà !… ah ! elle m’ennuie ! Enfin, je vais télégraphier à mon banquier.

Il sort. — À ce moment Caprice revient par le fond et se croise avec Fantasia qui arrive de droite.

Scène II

CAPRICE, FANTASIA
CAPRICE.

Fantasia !

FANTASIA.

Tiens, le jeune homme de la terre.

CAPRICE.

Enfin, me voilà seul avec elle… (Il s’approche et la regarde.) Dieu ! qu’elle est jolie !…

FANTASIA.

Mais, monsieur, qu’avez-vous donc à me considérer ainsi ?

CAPRICE.

Vous voulez le savoir ?

FANTASIA.

Mais certainement.

CAPRICE.

Eh bien !…

MADRIGAL
I

Je regarde vos jolis yeux,
Votre main si douce et si blanche,
Votre cou souple et gracieux
Qui vers moi s’incline et se penche ;
Je regarde ce bras charmant,
Je regarde ces lèvres roses,
Et je me dis en vous voyant,
Je me dis tout bas bien des choses.

Je me dis : Ah ! si j’osais !
Elle est si mignonne
Que Dieu me pardonne,
Si j’osais… si j’osais !
Oui, mais voilà… je n’oserai jamais !

II

Je regarde ce pied coquet
Et cette taille si bien prise,
Ce fin corsage qui promet
Plus d’une enivrante surprise ;
Je regarde ce qui se voit,
Je regarde ce qu’on devine,
Et tout bas je me dis, ma foi,
Voyant cette gentille mine ;

Je me dis : Ah ! si j’osais !…
Etc.

FANTASIA, à part.

Il est gentil.

CAPRICE.

Ah ! mademoiselle !

FANTASIA.

Quoi donc ?

CAPRICE.

Vous me promettez de m’écouter ?

FANTASIA.

Mais certainement… est-il drôle !… Quand on me parle, j’écoute toujours.

CAPRICE.

Et vous ne vous fâcherez pas ?

FANTASIA.

Mais non !

CAPRICE, à part.

Elle n’a pas l’air de s’effaroucher… Je me risque.

FANTASIA.

Allez donc, qu’est-ce que vous voulez me dire ?

CAPRICE.

Eh bien ! je voulais vous dire que vous êtes si jolie, si charmante, que je n’ai pas pu vous apercevoir sans me sentir attiré vers vous de toutes les forces de mon âme.

FANTASIA, étonnée.

Ah ! mon Dieu !

CAPRICE.

Depuis ce temps, je n’ai plus soif, je n’ai plus faim.

FANTASIA.

Pauvre jeune homme !

CAPRICE, à part.

Elle me plaint !… achevons (Haut.) Enfin, charmante Fantasia, que pourrais-je vous dire ? Je vous adore, vous m’avez charmé et je dépose mon amour à vos petits pieds.

FANTASIA.

Votre amour ?

CAPRICE.

Oui, mon amour. On dirait que vous ne comprenez pas.

FANTASIA.

Mais non, monsieur, je ne vous comprends pas.

CAPRICE.

Comment ! vous n’avez jamais entendu parler d’amour ?

FANTASIA.

Jamais.

CAPRICE.

Mais ce n’est pas possible !

FANTASIA.

Je vous assure.

CAPRICE.

Allons donc ! mais l’amour est partout. Quand on ne vous en parle pas on le devine…

FANTASIA.

Eh bien, monsieur, je ne l’ai pas deviné du tout. Si vous voulez me dire ce que c’est…

CAPRICE.

Mais certainement que je vais vous le dire, ce que c’est l’amour !… Mais l’amour, c’est… attendez, il y a mille manières de l’expliquer… Ainsi, par exemple, vous me suivez bien ? L’amour, c’est…

FANTASIA.

C’est ?

CAPRICE.

C’est l’amour.

FANTASIA, riant.

Ah ! ah ! ah ! vous voyez, vous ne pouvez pas me le dire vous-même. (Riant.) Mais c’est vous qui ne savez rien, mon petit ami !… Et c’est pour ça que vous me faites perdre mon temps ! On n’est pas fort sur la terre !

Elle sort en riant aux éclats.

Scène III

CAPRICE seul, puis VLAN et MICROSCOPE.
CAPRICE.

Ah ça ! voyons… voyons… qu’est-ce qu’elle dit ? Est-ce que vraiment dans la lune ?… Oh ! ce serait trop fort !

VLAN, entrant.

Ah ! te voilà, enfin !… Il y a une heure que je te cherche !

CAPRICE.

Ah ! papa, si tu savais !

VLAN.

Eh bien, qu’as-tu ? Qu’est-il donc encore arrivé ?

CAPRICE.

Ah ! Papa, la petite princesse ?

VLAN.

Eh bien ?

CAPRICE.

Je l’aime ! je la veux !…

VLAN.

Tu la veux !… tu m’ennuies… cela ne me regarde pas… Certainement, la bêtise d’un père est immense, mais elle a des limites… J’ai tout fait pour toi : tout ce que tu as voulu, je te l’ai donné. Tu m’as fait quitter mon royaume, mes sujets. Tu as voulu la lune, je t’ai donné la lune !… en voilà assez. Fais-lui la cour à ta princesse.

CAPRICE.

Mais elle ne peut pas m’aimer !… L’amour n’existe pas dans la lune.

VLAN.

Qu’est-ce que tu dis ? Tu entends, Microscope, il dit que l’amour n’existe pas.

MICROSCOPE, riant.

Patron, je me roule !

VLAN.

Nous nous roulons !

CAPRICE.

Vous riez ! vous riez ! quand vous me voyez furieux.

VLAN, riant.

Aussi ce que tu nous dis est si invraisemblable.

MICROSCOPE.

C’est plus fort que nous !

CAPRICE.

Ah ! c’est comme cela ! ah ! vous vous moquez de moi ! Eh bien ! vous avez tort, parce que c’est sérieux, très sérieux.

VLAN.

Mais…

CAPRICE.

La première femme que j’aime !… Ah ! vous verrez ce que je vais faire.

VLAN.

Caprice !

CAPRICE, sortant.

Vous verrez ! laissez-moi !


Scène IV

VLAN, MICROSCOPE, puis COSMOS et CACTUS.
VLAN.

Où va-t-il ?… (Courant après lui.) Caprice !

MICROSCOPE.

Il est loin !

VLAN.

Pauvre gamin ! il n’était pas content !… Aussi c’est une absurdité que la raison humaine se refuse à admettre, et je ne l’admets pas.

MICROSCOPE.

Moi non plus !…

COSMOS, qui s’est approché suivi de Cactus.

Qu’est-ce que vous n’admettez pas ?

VLAN.

Savez-vous ce que mon fils vient de me dire ? — Que dans la lune on ne sait pas ce que c’est que l’amour ?

COSMOS, mystérieusement.

Chut !

CACTUS, de même.

Silence !

COSMOS.

C’est parfaitement exact, heureusement…

VLAN.

Comment ?…

COSMOS.

J’en ai entendu parler par des savants. Il parait que c’est un mal horrible.

CACTUS.

Épouvantable !

VLAN, MICROSCOPE, protestant.

Oh !

COSMOS.

On en a observé dans le pays un ou deux cas, il y a très longtemps. Des gens qui s’étaient mis dans un courant d’air, à ce qu’on m’a dit… mais comme on s’en est débarrassé séance tenante, le mal n’a pas eu le temps de se répandre, et jamais il n’a reparu depuis…

CACTUS.

Jamais !

MICROSCOPE, bas.

Ils veulent nous faire poser.

VLAN, bas.

Ils tombent mal ! (Haut.) Eh bien ! Et la population ?

COSMOS.

Comment ?

VLAN.

La lune est peuplée, n’est-ce pas ?

COSMOS.

Évidemment.

VLAN, aux autres.

Je le tiens (À Cosmos.) Ainsi, vous, vous avez eu un père ?

COSMOS.

Oui !

CACTUS.

Et moi aussi.

VLAN.

Une mère aussi peut-être ?

COSMOS.

Oui.

CACTUS.

Et moi aussi.

VLAN.

Ah ! Eh bien ?

COSMOS.

Eh bien ! qu’est-ce que ça prouve ?

VLAN.

Ça prouve tout.

COSMOS.

Comment ça ?… On m’a fait venir de là-bas comme les autres.

VLAN.

De là-bas ?

COSMOS.

Oui, du pays des enfants.

VLAN.

Du pays des enfants ! qu’est-ce que c’est que ça ?

COSMOS.

C’est un pays qui se trouve très loin, très loin, au-delà des mers et où viennent au monde tous les futurs habitants de la lune.

VLAN.

Tous ?

COSMOS.

Tous !

VLAN.

Alors, vous autres…

COSMOS.

Nous autres, nous ne nous en occupons pas autrement. Il y a là-bas de pauvres gens dont c’est la spécialité.

MICROSCOPE.

Alors, quand vous désirez avoir un fils ou une fille, vous n’avez qu’à faire ce voyage ?

COSMOS.

Pas même… nous ne nous dérangeons pas… Deux fois par an, on nous amène les moutards ici, sur de grands vaisseaux. Chacun se rend sur le port, on fait son choix et, le lendemain, on donne aux parents et amis un grand dîner de réjouissance.

MICROSCOPE.

Et voilà tout ?

COSMOS.

Oui.

CACTUS.

Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ?

VLAN.

Rien… C’est très ingénieux. (À Microscope, bas.) Mais c’est égal, on aura beau dire, pour ma part, j’aime encore mieux notre vieille routine…

MICROSCOPE, à Cosmos.

Eh bien alors, les femmes ? Si l’amour n’existe pas, pourquoi y en a-t-il dans la lune ?

COSMOS.

Pourquoi ? Mais elles nous sont indispensables. Les unes s’occupent des soins du ménage : elles cousent, raccommodent, et cætera… ce sont des femmes utiles. Les autres sont des objets d’art qui ornent notre maison de leur jeunesse et de leur beauté… Ainsi, par exemple, la reine Popotte, que vous avez vue, femme utile ; la princesse Fantasia, femme de luxe !

VLAN.

Et c’est tout ?

COSMOS.

Mais oui.

CACTUS.

Il y a donc autre chose ?…

VLAN.

Non ! non !… (Bas à Microscope.) Eh bien ils sont d’un arriéré…

COSMOS.
Du reste, vous allez voir toutes les dames du palais, elles vont venir dans un instant pour le dîner… Et même, à propos de dîner, il doit être l’heure. (Appelant.) Popotte ! Popotte !

Scène V

Les Mêmes, POPOTTE, puis FLAMMA, ASPHODÈLE, PHŒBÉ, NÉBULEUSE, AZURINE, ADJA, CASSIOPÉ, STELLA, ZAKIEL, MICROMA, FRITTA, MÉDINETTE, HESPÉRIE, URANIE, HYPERBA, etc.
POPOTTE, arrivant.

Me voici, mon ami.

MICROSCOPE.

Qu’elle est belle, la reine ! Ah ! si elle avait pu me comprendre ! (La lutinant.) si vous aviez pu me comprendre !…

POPOTTE, étonnée.

Monsieur !…

MICROSCOPE.

J’aurais résilié avec Cascadine.

COSMOS, à Popotte

Le dîner est prêt ?

POPOTTE.

Oui… et tous vos invités sont là.

VLAN.

Vos invités, c’est donc un grand dîner ?

COSMOS.

Mais certainement… en votre honneur… Et il y aura après une petite fête dans le parc.

VLAN.

Ah ! très bien !

POPOTTE, à Microscope

Pour le dîner, nous avons une purée d’araignées et un plat de mouches rôties.

COSMOS et CACTUS, avec joie.

Oh !

MICROSCOPE.

Des mouches !…

COSMOS.

C’est délicieux !

CACTUS.

C’est ça qui nous engraisse.

VLAN.

Eh bien, si ça vous est égal, je vous demanderai la permission d’apporter mon plat ?

COSMOS.

Ne vous gênez pas… (Éclats de rire dans la coulisse.) Tenez, qu’est-ce que je vous disais ? Voici toutes les dames du palais. Êtes-vous connaisseur ?

VLAN.

Je crois bien.

MICROSCOPE.

Connaisseur et amateur !

COSMOS.

Eh bien, vous m’en direz des nouvelles.

Entrée des dames du palais.


MORCEAU D’ENSEMBLE
FLAMMA.

Ne jamais rien faire
Du soir au matin,
Défaire et refaire
Un nœud de satin :
Telle est l’existence,
Pleine d’innocence,
Que l’on mène ici :
Que c’est gentil !

TOUTES.

Ne jamais rien faire,
Etc.

FLAMMA.

À notre toilette
Passer tout le temps,
Parer notre tête
Des fleurs du printemps,

Sourire avec grâce,
En baissant les yeux,
Mirer dans la glace
Nos cheveux soyeux.

ADJA.

Sur notre visage
Étendre le fard
Et du maquillage
Bien apprendre l’art,
Choisir des dentelles
Ou bien des bijoux
Et pour être belle
Lutter entre nous :

REPRISE

Ne jamais rien faire
Etc.

COSMOS, à Vlan, sur un mouvement de danse qui s’accentue de plus en plus.

Voyez donc, voyez comme on rit, comme on danse,
C’est un éternel tra la la !

POPOTTE.

Tous les jours, oui, ça recommence,
Et tous les jours c’est comme ça.

MICROSCOPE.

Ça vous picote dans les jambes,
Chacun dit la même chanson.

VLAN.

Les vieilles deviennent ingambes
Et tous dansent à l’unisson.

LES FEMMES.

En avant joyeux quadrilles !
En avant joyeux élans !

D’AUTRES.

Les bras autour des belles filles
Et le bonnet à tous les vents (Bis.)

TOUS.

En avant !
En avant !

REPRISE GÉNÉRALE

Ne jamais rien faire
Du soir au matin,
Etc.

COSMOS.

Allons, à table, mes amis,
Car nous sommes servis !

CHŒUR.

À table ! à table !
Rions ! chantons !
Sort délectable !
Mangeons, buvons !
À table ! à table !

Sortie générale en dansant.


Changement à vue.




NEUVIÈME TABLEAU


LE PARC




Scène PREMIÈRE

CAPRICE, seul.
Il entre les mains derrière le dos, le chapeau baissé sur les yeux, et fait plusieurs fois le tour du théâtre dans un état de grande surexcitation.

Eh bien ! il va joliment être attrapé, papa… Ah ! il s’est moqué de moi !… Eh bien, je lui prouverai que j’ai du caractère ! je vais me tuer, là !… Et puis, après tout, j’en ai assez de la vie… Ça n’est pas si drôle !… Rien ne me réussit !… Pour une fois que je suis amoureux, il faut que je tombe sur une femme incapable de m’aimer… Allons, allons, finissons-en !… oui, mais comment vais-je me tuer ? me brûler la cervelle ?… oui… mais ça me défigurerait ! Me noyer ?… Brrr… Et puis, il faudrait une rivière… Je crois que ce qu’il y a de mieux, c’est de me pendre… Ça me portera peut-être bonheur ! (Il fait un nœud à son mouchoir, et s’arrête subitement.) Tiens ! oh ! c’est singulier… J’ai faim ! Ça ne m’étonne pas, je n’ai rien pris depuis ce matin… Ah ! mais c’est grave ! Faut-il me pendre avant de manger ? Ou manger avant de me pendre ?… Bah ! mangeons d’abord, c’est plus sûr… il doit rester quelques provisions dans mon sac de voyage. (Il l’ouvre.) Du pain et des pommes… c’est maigre… Bah ! quand on a de l’appétit !

Il s’assied et mange.

Scène II

CAPRICE, FANTASIA.
FANTASIA, qui est entrée sans être vue de Caprice.

Ah ! le voilà !

CAPRICE.

Ciel ! Fantasia !

FANTASIA.

Eh bien ! monsieur, mais on vous cherche partout. Pourquoi n’êtes-vous pas venu dîner ?

CAPRICE, la bouche pleine.

Oh ! je souffre trop pour pouvoir manger.

FANTASIA, riant.

Ça se voit. — Tiens, qu’est-ce que vous tenez donc là ?…

CAPRICE.

Ça ?

FANTASIA.

Oui !

CAPRICE.

C’est une pomme.

FANTASIA.

Une pomme ? Qu’est-ce que c’est que ça, une pomme ?

CAPRICE.

Allons, bon ! vous ne savez pas ce que c’est qu’une pomme, à présent ?

FANTASIA.

Mais non !

CAPRICE.

Mais vous ne savez donc rien de rien ! C’est un fruit qui vient de la terre.

FANTASIA.

Un fruit qui se mange ?

CAPRICE, mordant à même la pomme.

Vous voyez.

FANTASIA.

Tiens c’est gentil… ça doit être bon ! oh ! je meurs d’envie d’y goûter.

CAPRICE.

Dame ! si le cœur vous en dit.

Il lui tend la pomme.
FANTASIA, mordant la pomme à belles dents.

Oh ! oui… c’est bon ! c’est bon ! c’est bon !

CAPRICE.

Elle y prend goût.

FANTASIA, poussant un cri.

Ah !

CAPRICE.

Quoi donc ?

DUO
FANTASIA, portant la main à son cœur.

Mon Dieu, qu’ai-je ressenti-là ?
Un coup, un choc, une secousse !
Mon cœur…

CAPRICE.

Mon cœur… Votre cœur…

FANTASIA.

Mon cœur… Votre cœur… Comme il bat.

CAPRICE.

Il bat !

FANTASIA.

Il bat !Il bat ! Il se trémousse.

CAPRICE.

Il se trémousse !

FANTASIA.

C’est votre vilain fruit !

Elle le jette avec colère.
CAPRICE.

C’est votre vilain fruit ! Ô ciel ! est-il possible !

FANTASIA.

Mon cœur devient sensible !

CAPRICE, à part.

Eh quoi ! Se pourrait-il donc faire
Que la pomme ici maintenant
Ait retrouvé le don charmant
Qu’elle eut autrefois sur la terre ?…

FANTASIA.

Ô l’étrange mystère
Qui se produit en moi !
Je me sens plus légère
Et sans savoir pourquoi !
D’où vient donc ce changement-là ?

CAPRICE.

De l’amour !

FANTASIA.

De l’amour !Je suis amoureuse !
Pourquoi ?

CAPRICE.

Pourquoi ? Curieuse !

FANTASIA.

Pourquoi ? Pourquoi cela ?

CAPRICE.

Vous venez de mordre à la pomme !

FANTASIA.

À la pomme !

CAPRICE.

Vous venez de mordre à la pomme !

FANTASIA.

Ah ! parle, car je puis t’entendre,
Enfin, mes yeux s’ouvrent au jour,
Maintenant, je puis te comprendre,
Car je connais l’amour !

CAPRICE.

Oui ! tu peux enfin m’entendre
Et tes yeux s’ouvrent au jour,
Ton cœur a pu me comprendre,
Car il a connu l’amour !

FANTASIA.

Je connais l’amour !

CAPRICE.

Tu connais l’amour !
Ah !

ENSEMBLE.

La pomme, la pomme,
C’est bien bon, vraiment,
De croquer la pomme,
Ah ! quel fruit charmant !

CAPRICE.

Ô doux fruit de la terre !

FANTASIA.

Ô divine lumière !

CAPRICE.

Adorable mystère !

FANTASIA.

Délicieux tourment !

ENSEMBLE.

Ah ! ah !
La pomme, la pomme !
Etc.

Musique douce. — La scène s’obscurcit.
FANTASIA.

Voici la nuit !

CAPRICE.

Nuit pleine de mystère !

FANTASIA.

Ne faisons pas de bruit,
Il faut nous taire !

CAPRICE

Vous le voulez ?

FANTASIA.

Vous le voulez ? Oui ! je le veux !

CAPRICE.

Soit ! taisons-nous, que vos cheveux
Effleurent mon visage,
Que votre main se place dans ma main
Et que vos grands yeux bleus
Fixés sur moi, me donnent du courage !

FANTASIA, s’asseyant près de lui.

Est-ce bien comme cela !

CAPRICE.

Plus près encore !

FANTASIA.

Plus près, plus près, m’y voilà !

CAPRICE.

Je t’aime !

FANTASIA.

Je t’aime ! Je t’adore !

Se levant.

Enfin, mes yeux s’ouvrent au jour !

CAPRICE.

Elle sait m’aimer à son tour !

ENSEMBLE.

Ah ! ah !
La pomme, la pomme !
Etc.

Ils disparaissent se tenant enlacés.

Scène III

COSMOS, VLAN, MICROSCOPE, puis POPOTTE.
VLAN, arrivant avec Cosmos.

Vous savez, mon cher Cosmos, votre dîner… Enfin je compte me rattraper sur la fête…

COSMOS.

Un instant… D’abord, je veux savoir ce qu’est devenue la princesse Fantasia.

VLAN.

C’est vrai… je ne la vois pas… Eh bien, et Caprice ? Il a disparu aussi ?

COSMOS.

Votre fils n’est pas là… ô mon Dieu ! je tremble ! Où peuvent-ils bien être ?

POPOTTE, accourant.

Ah ! si vous saviez ce que je viens de voir !… La princesse et le prince, je les ai rencontrés se souriant !… s’embrassant !

COSMOS.

Miséricorde ! à tout prix il faut les rattraper ! Courons.

VLAN.

Mais la fête ?

COSMOS.

Il s’agit bien de cela ! je veux rattraper ma fille, entendez-vous ? Allons, venez avec nous !… courons, courons !

VLAN.

En voilà une fête !

Changement à vue.




DIXIÈME TABLEAU

LES OMBRES ERRANTES
Pendant que la nuit se fait, le décor change et s’agrandit, mais sans que les spectateurs puissent en deviner les contours. — Entrée des ombres. Elles apparaissent à travers les lianes se cherchent, se croisent, s’entrelacent. — Tout à coup de petites lumières brillent à leurs têtes. — Course de feux follets. — Puis, tout disparaît. — Transformation.




ONZIÈME TABLEAU

LES JARDINS DE COSMOS
Le décor représente des jardins épanouis et magnifiques. — Partout des fleurs et des eaux jaillissantes. — Décor très lumineux. — De toutes parts entrent des chimères et des étoiles


GRAND BALLET DES CHIMÈRES
Rideau.