Aller au contenu

Le cow-boy amoureux/8

La bibliothèque libre.
Police Journal Enr (Aventures de cow-boys No. 2p. 23-25).

CHAPITRE VIII

L’HISTOIRE DE CHARMAINE


Les souvenirs de la jeune fille remontaient alors qu’elle avait environ six ans.

Son père Alcide Boyer n’était pas riche.

Il venait de s’établir sur son ranch dans le Manitoba.

Il manquait d’argent pour développer ses troupeaux.

Soudain la chance tourna en sa faveur.

Trois années de prospérité se succédèrent.

Nap interrompit :

— Votre mère vivait encore alors ?

— Oui.

Elle soupira :

Sa mère…

Sa pauvre mère !

Charmaine reprit son récit…

La jeune fille avait 7 ou 8 ans quand elle eut connaissance de la première querelle entre ses parents.

Son père dit froidement :

— Inutile de nier, je sais que tu fais avec mon contremaître des choses, des choses abominables…

Sa mère reprocha :

— J’avoue l’incident ; mais c’est ta faute aussi…

— MA faute !

— Oui, tu sais que je suis très affectueuse et tu me négliges…

— Bien, je vais te donner une chance, une dernière ; je serai bon mari et excellent amoureux pour toi. Je ne te négligerai plus…

Cette scène sema dans le cœur de la petite Charmaine de la sympathie pour son père et de l’antipathie contre sa mère.

Celle-ci avait la chair faible.

De nouveau elle quitta le sentier de la vertu.

Alcide endura.

Sacra.

Pesta.

Se tanna.

Enfin vint le jour où, en l’absence de sa femme, il pacta toutes ses affaires personnelles.

Plaça les valises sur la galerie.

Et dit à sa femme dès son retour :

— Il est bien bon d’être cocu.

« Cocu, passe encore…

« Mais cocu content, non, pas ça par exemple.

« Je te chasse, ma femme.

« Un de mes cow-boys va te conduire à la première station du C.P.R.

« Cependant je ne te laisserai pas dans la pénurie.

« Non.

« Quand tu auras besoin d’argent, écris-moi et je t’en enverrai. »

Après ce départ, Charmaine n’avait jamais revu sa mère.

Les années passèrent.

La première école était située à plus de 100 milles.

La distance était prohibitive.

Charmaine n’alla donc pas à l’école publique.

Ce fut son père qui fut son précepteur.

Il enseigna à sa fille tout ce qu’il savait.

Ce qui était loin d’être peu.

Charmaine avait 18 ans quand son père amena Battling Renaud à la maison.

Parce que Renaud lui avait sauvé la vie, Alcide Boyer lui était très reconnaissant.

Trop même.

Il se laissa envoûter par Battling…

Allant jusqu’à demander à Charmaine de le marier.

Mais celle-ci ne l’aimait point.

Cependant elle ne voulait pas faire de la peine à son papa qui était si bon pour elle…

Alors elle usa de subterfuges.

D’atermoiements.

Elle remit…

Remit sa décision finale.

Puis son père mourut…

Alors elle se sentit libre.

Délivrée…

Nap questionna anxieusement :

— Vous n’avez jamais aimé ce Battling, n’est-ce pas ?

— Non, mon ami.

— Votre cœur vous appartient-il encore ?

— Non.

— OH !

Avec toute la franchise d’une cow-girl Charmaine dit alors :

— Il est à toi, mon cœur, grand nigaud !