Le dernier des Trencavels, Tome 1/Livre septième

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Traduction par Henri Reboul.
Tenon (Tome 1p. 145-165).


LIVRE SEPTIÈME.

La Chronique.


Roger de Foix avait abandonné Pamiers à l’approche des croisés qui y furent bientôt introduits par l’abbé de St.-Antonin.

Il apprit alors que la plupart des seigneurs français avaient repris le chemin de leurs foyers, et que le comte de Toulouse avait lui-même quitté(1) le camp pour venir dans sa ville principale mettre en exécution les conditions qui lui étaient prescrites.

Roger jugea que le moment était favorable pour tenter les voies de la négociation, et qu’une suspension d’armes achèverait de disperser cette nombreuse armée de guerriers étrangers. Il prévit que l’Occitanie n’étant plus occupée que par les ravisseurs des domaines envahis, ces usurpateurs se sentiraient effrayés de leur isolement.

Il résolut donc d’aller lui-même traiter avec Simon de Montfort, et de lui offrir en otage son propre fils, afin d’obtenir par sa médiation d’être réconcilié à l’Église.

Mais avant de quitter le château de Foix, il avait pris soin de mettre en sûreté le faible orphelin, dernier reste du sang des Trencavels.

Nul chevalier n’était plus avant dans sa confiance que mon père. Favori des Muses, Roger aimait dans Raimbaud le compagnon de ses études comme de ses travaux guerriers. Il le fixait à sa cour, non par l’attrait des richesses, mais par les engagemens de l’amitié. « Mon ami, » lui dit-il, « je confie cet enfant à tes soins et à ceux de ton Aliénor. Qu’il apprenne de toi à être homme ; mais laissons-lui ignorer ou faisons-lui oublier, puisqu’il en est temps encore, de quel sang il est né. Je ne vois pas de moyens plus assurés pour le dérober aux attentats de son spoliateur. Ma prévoyance va plus loin. Dans ces temps désastreux et difficiles, si Dieu a voulu ne faire de cet infortuné qu’un être vulgaire, épargnons-lui le regret d’envier des grandeurs qu’il ne saurait atteindre ; mais s’il se montre digne du sang des vicomtes de Carcassonne et de Béziers, s’il est né pour avoir l’instinct des combats, pour éprouver le besoin et remplir les devoirs de la vengeance, qu’il apprenne, en ceignant l’épée, ce que fut son père, et ce que devront être ses enfans. »

Trencavel passa les années de son enfance auprès de nous. J’étais le fils unique de Raimbaud et d’Aliénor ; Trencavel fut appelé mon frère ; j’étais plus âgé que lui de six années ; son nom fut déguisé sous celui d’Adon.

Nous habitâmes pendant quelques étés le château de Montaillou, bâti sur l’une des cimes de cette arête pyrénéenne, qui sépare les affluens de l’Ariège de ceux de l’Aude.

Nous avions au levant et au-dessous de nous l’immense plateau du pays de Saulx, dont la superficie parsemée de villages, bigarrée de champs et de prairies, et à-demi entourée d’une immense forêt, demeure souvent supérieure aux nuages qui ombragent la plaine(2).

Au couchant s’élevait devant nous la double montagne de Tabe, où nous suivions les troupeaux sur les pâturages voisins des neiges, jusques aux bords de ces étangs à-demi glacés, du sein desquels naissent les orages, et d’où s’élancent le tonnerre et la grêle(3).

L’hiver nous ramenait aux rives de l’Ariège, dans une autre habitation que l’art avait ornée en s’aidant des dons de la nature. Une colline ombragée de hêtres et de châtaigners l’abritait contre le souffle glacé de Borée : une source abondante naissait sous les voûtes qui supportaient l’édifice et le préservaient de l’humidité. Ces eaux limpides arrosaient les vergers et les prairies d’un enclos spacieux, et allaient ensuite serpenter à travers les jardins et les chaumières du hameau d’Arnave. Non loin de là les murs de Tarascon s’élèvent au confluent des deux Arièges, dont l’une, issue des pics voisins de l’Andorre et de la Cerdagne, a dirigé son cours vers le pays des Axois(4), où le souffre s’exhale en vapeurs à travers les eaux bouillantes des cavernes souterraines, tandis que l’autre a traversé les épaisses forêts qu’un peuple de forgerons consume jour et nuit, pour convertir en fer malléable une pierre noire et stérile(5).

Mon père était souvent absent ; il partageait les fatigues du comte de Foix, le suivait dans les combats, l’assistait dans ses conseils, et se dérobait à la cour aussitôt que l’heure du repos avait sonné. Il y revenait dès que la trompette faisait entendre le rappel des guerriers.

Nous recevions ses leçons par la bouche de ma mère, dont tous les sentimens, tous les discours s’accordaient avec ceux de son époux, et qui vivait en lui comme lui en elle. Ma mère se plaisait à mettre sans cesse sous mes yeux les vertus qu’elle aimait dans mon père, à souhaiter que je le prisse pour modèle de ma vie. Mon père, à son tour, me disait dans l’ivresse de sa joie : « Puisses-tu, mon fils, obtenir du ciel une compagne comme la mienne ! »

Dès que ma raison eut commencé à se former par le développement de mes organes et les premières épreuves de la vie, je fus chargé de transmettre au jeune Adon les leçons que j’avais reçues, et j’étais surpris de voir s’accroître en moi les lumières que j’avais acquises par les efforts tentés pour les communiquer(6).

Les soins que je prenais pour initier Adon à mes études m’étaient plus utiles qu’à lui-même. Il se livrait au travail sans plaisir et le quittait sans regret. Il montrait la même indifférence pour les jeux de son âge ; sa vie semblait devoir commencer plus tard. Il ne désirait rien, ne recherchait rien ; mais il aimait jusqu’à l’idolâtrie celle qu’il croyait sa mère, la belle Aliénor.

J’étais dans ma quinzième année, lorsque mon père fut obligé de nous quitter pour suivre à Rome le comte de Foix. Ce prince et celui de Toulouse allaient y plaider devant un concile général la cause des seigneurs et celle des peuples d’Occitanie.

Beaucoup d’évènemens s’étaient succédés pendant les six années qui précédèrent ce départ. Mon père m’en a fait souvent le récit. Je voudrais aussi les raconter, mais, ma muse s’effraie à l’aspect de tant de combats. Elle me permet seulement de les montrer de loin, et d’en rappeler le souvenir pour ne pas interrompre le fil de ma narration.

À peine Raymond était-il rentré dans les murs de Toulouse, qu’il fut de nouveau harcelé et menacé par les légats. Ses capitouls furent excommuniés malgré leurs protestations d’orthodoxie et d’obéissance. Raymond n’opposait à ces puissans ennemis qu’un appel de leurs procédés iniques au roi des Français et au pape. Ce faible et malheureux prince fit d’abord son testament, puis vint à Paris porter ses plaintes à Philippe, qui l’écouta favorablement. Muni de ses recommandations et de celles des principaux seigneurs français qui s’étaient croisés, il s’achemina sur Rome accompagné de députés toulousains.

Le pape Innocent reçut avec une feinte douceur les supplications de Raymond ; il l’appela son cher fils, et affecta de demeurer neutre entre lui et ses accusateurs : mais avant de confirmer son absolution, il prescrivit une nouvelle enquête et livra encore une fois cette victime aux légats et aux prélats ses ennemis(7). Les Toulousains furent aussi laissés à la discrétion du légat, abbé de Citeaux, et achetèrent à prix d’or leur délivrance(8).

Raymond comparut une seconde fois à St.-Gilles devant les prélats assemblés, qui poussèrent l’impudeur jusqu’à refuser d’entendre sa justification. Surpris et déconcerté, il se prit à pleurer, et le lâche Thédise, prenant ses larmes en dérision, lui adressa ces paroles de l’Écriture : « Quelque grand que soit le débordement des eaux, elles n’arriveront pas jusqu’à lui »(9).

L’année suivante un nouveau concile fut assemblé à Arles. Raymond et le roi d’Aragon, son beau frère, y furent cités et comparurent ; mais presque aussitôt ils se retirèrent, indignés des propositions hautaines qui leur furent signifiées. Raymond fut alors de nouveau excommunié, et le pape donna son approbation à la sentence des légats.

Ce prince fut enfin contraint de prendre les armes lorsque, pendant le siège de Lavaur(10) que faisaient les croisés, il vit l’évêque Foulques allumer le feu de la guerre civile dans les murs de sa capitale. Les comtes de Foix et de Comminges se rallièrent à Raymond, qui invoqua aussi le secours du roi d’Aragon.

Un premier succès couronna ses efforts ; six mille allemands, qui venaient se joindre aux croisés, tombèrent dans un piège que leur tendit le comte de Foix, et furent taillés en pièces. Le séditieux évêque de Toulouse fut ensuite expulsé de la ville où il avait semé la discorde, et qu’il laissa divisée en bandes ou confréries de noirs et de blancs.

Dès les premiers actes de cette nouvelle guerre, Simon de Montfort, non moins habile à séduire qu’à combattre, trouva le moyen de susciter pour ennemi à Raymond son propre frère Baudouin, et ayant fait de celui-ci un traître, il eut en lui un allié.

Tous les efforts des croisés anciens et nouveaux se portèrent alors sur Toulouse, et vinrent échouer contre ses murailles défendues par le comte de Foix et Hugues d’Alfar, que son beau-père avait fait sénéchal de l’Agenois.

Bientôt Simon se trouva à son tour assiégé dans Castelnau-de-Lauragais ; mais il fut secouru par les bandes éparses des croisés qui accoururent à sa voix de toutes parts, et forcèrent Raymond de lever le siège, à la suite d’un combat malheureux. Cependant de nouveaux essaims de croisés se succédaient de loin en loin, et venaient s’abattre sur les champs de l’Occitanie, comme ces nuées d’oiseaux sinistres qui dans leur passage dévorent en un moment la semence répandue sur la terre par le laboureur.

Sous leur main de fer l’usurpation des domaines laïques et ecclésiastiques s’étendait et se consolidait. Les moines de Citeaux se distribuèrent les évêchés, et l’abbé Arnaud, non content de l’archevêché de Narbonne, voulut aussi s’en approprier le duché, sans trop s’inquiéter s’il l’enlevait à Raymond l’excommunié, ou à Simon de Montfort, l’épée de l’Église(11).

Ce moine ne se vit pas plutôt archevêque et duc, que, se sentant saisi de l’ardeur belliqueuse, il appela à lui les chevaliers de la contrée, leva des troupes et passa les Pyrénées pour secourir le roi de Castille contre une invasion des Maures. Les Maures furent battus et l’archevêque revint triomphant.

Arnaud n’était allé guerroyer en Espagne, que parce qu’il restait peu de chose à faire en Occitanie pour achever la dépossession de Raymond, qu’il commençait d’ailleurs à prendre en pitié. Celui-ci, se voyant réduit à n’avoir plus à lui qu’un petit nombre de villes, recourut au pape et s’aida de l’intercession du roi d’Aragon. Innocent se laissa ou parut se laisser fléchir. Il ordonna de nouveau que le comte de Toulouse fût admis à se justifier ; il reprocha à ses légats l’âpreté qu’on avait mise à le dépouiller de ses domaines, et à faire d’une œuvre sainte une œuvre de rapine. En effet, le St.-Siège ne retirait qu’un faible avantage de ces mutations et usurpations qui profitaient aux aventuriers bien plus qu’à lui-même, et lui en laissaient tout l’odieux.

Les exhortations et la politique du St.-Père furent impuissantes contre la convoitise de ses agens. Les prélats, convoqués à Lavaur, rejetèrent unanimement les demandes du comte et les propositions du roi d’Aragon.

Celui-ci irrité fit signifier au concile son appel au St.-Siège, et, n’ayant pu obtenir une trêve de Simon de Monfort, se déclara hautement le protecteur et l’allié de son beau-frère.

Raymond fit de nouvelles instances auprès des légats et des prélats, pour obtenir d’être entendu et jugé. Les prélats lui répondirent en suppliant le pape d’ordonner que Toulouse fût détruite de fond en comble, comme ayant mérité le sort de Sodome et de Gomorre(12), Le roi d’Aragon était allé rassembler ses troupes par de-là les Pyrénées ; il les repassa bientôt suivi de ses chevaliers et de ses soldats, et vint rejoindre à Toulouse Raymond déjà réuni aux comtes de Foix et de Comminges. L’amour ou plutôt la concupiscence royale avait eu quelque part à ses déterminations.

Simon intercepta une lettre où ce prince annonçait sa venue à une dame toulousaine qu’il aimait. « Dieu, » dit Simon, « ne permettra pas que l’œuvre de Dieu soit renversée pour l’amour d’une femme adultère(13). » Les princes alliés vinrent assiéger Muret sur le bord de la Garonne, à trois lieues au-dessus de Toulouse ; les croisés accoururent de toutes parts au secours de cette place, et sous ces murs fut livrée une bataille qui consomma la ruine de l’Occitanie(14).

Le roi d’Aragon se prépara au combat en consacrant aux voluptés une nuit que les chevaliers croisés passèrent en prières, Plusieurs de ceux-ci connaissant l’imprudente bravoure de Pierre, se liguèrent pour le chercher dans le combat, l’envelopper et le mettre à mort. Ce prince les servit à souhait en les attaquant lui-même et se livrant à leurs coups. Il périt avec quelques-uns de ses chevaliers, et cette mort entraîna la déroute de la nombreuse armée dont il était le premier chef. Les trois autres se réfugièrent d’abord à Toulouse et abandonnèrent bientôt cet asile mal assuré, puis n’ayant plus rien à espérer que du pape ils se mirent à sa discrétion. Innocent, se trouvant satisfait, n’avait plus qu’à retenir l’élan ambitieux du vainqueur Simon ; il lui ordonna impérieusement de remettre aux Aragonais le fils du roi défunt qu’il tenait en otage. Il chargea un nouveau légat d’absoudre les comtes de Foix et de Comminges, et de réconcilier les Toulousains afin de les mettre à l’abri des attaques de Simon.

Cet homme actif et insatiable était accouru des bords de la Garonne à ceux du Rhône, pour défendre ses conquêtes contre les peuples indignés et soulevés, quand le traître Baudouin, qu’il avait laissé tout puissant dans les terres de Quercy et d’Agenois, tomba lui-même dans les pièges de la trahison.

Cet indigne frère de Raymond prenait possession des domaines dont on avait dépouillé pour lui le maître légitime. Il s’était endormi plein de sécurité dans le château de l’Olme, dont le châtelain avait comme lui prêté serment de fidélité à Simon de Montfort ; mais alors la sainte autorité du serment se trouvait ruinée par l’exemple et les fraudes des évêques et des légats.

Le châtelain livra ou vendit son hôte aux partisans de Raymond qui occupaient un lieu voisin avec une bande de routiers(15). Baudouin fut saisi dans son lit, et se réveilla prisonnier. Les hommes de sa suite furent égorgés sans pitié par les routiers, et ces guerriers impitoyables ayant fait capituler une garnison de soldats français réfugiés dans une tour voisine, leur promirent la vie, et les pendirent dès qu’ils furent désarmés.

Baudouin fut conduit à Montauban et attendit dans une prison obscure l’arrivée de ses juges. Ces juges inexorables étaient le comte de Toulouse lui-même, les comtes de Foix père et fils, Bernard de Portelle chevalier aragonais, et d’autres seigneurs échappés au désastre de Muret.

Une sentence de mort unanime fut votée par les juges, et prononcée d’une voix émue par le frère du coupable. Baudouin, convaincu de félonie et de participation à la mort du roi d’Aragon, fut condamné à subir le supplice des traîtres.

Il avait fait de vains efforts pour se justifier et pour fléchir le courroux d’un frère qu’animait l’esprit de vengeance. Ayant perdu tout espoir de salut, il demanda à se confesser. Cette demande fut accueillie par les murmures de la plupart des juges ; mais Raymond ordonna qu’un confesseur fût donné à son frère, et se retira aussitôt livrant le condamné à la discrétion des comtes de Foix et de Bernard de Portelle.

Un prêtre vint, entendit la confession de Baudouin, lui remit ses péchés, et vit aussitôt après cette cérémonie le malheureux frère de Raymond saisi par ses nobles gardiens qui, sans recourir à des mains vulgaires, lui passèrent eux-mêmes une corde au cou et le suspendirent à un arbre(16).

Une nouvelle armée de croisés descendit ensuite du pays de France. Le légat Pierre de Courçon, qui l’avait levée, la destinait à terminer la conquête des contrées qu’arrose la Garonne, pendant qu’un autre légat, Pierre de Bénevent, désarmait les comtes de Foix et de Comminges, les habitans de Toulouse et Raymond lui-même, par des actes de réconciliation qui devaient être illusoires(17).

Simon put alors diriger ses bandes de pèlerins armés partout où il restait un château à emporter, une ville à réduire. Les comtes ses ennemis furent en même temps absous et ruinés. L’évêque Foulques vint prendre possession de Toulouse où le comte s’était retiré sur la foi de sa réconciliation. Foulques le contraignit à évacuer le palais de ses ancêtres, et à se réfugier sous le toit hospitalier d’un de ses vassaux(18).

Innocent voulait en vain éviter que le domaine de Toulouse tombât dans les puissantes mains de Simon de Montfort. Les prélats renouvelèrent leurs instances ; les légats investirent encore une fois Simon, et le pape sanctionna cette résolution comme provisoire, réservant sa sentence définitive à la tenue du concile général qu’il venait de convoquer.

Cependant, l’affluence des croisés ne cessait point, et le fils aîné du roi des Français, qui depuis trois ans s’était voué à ce pèlerinage guerrier, se mit enfin en marche. Le légat Pierre de Bénevent en prit l’alarme, et vint à sa rencontre pour lui représenter qu’il devait respecter une conquête faite par l’Église. Louis parut surpris, se voyant soupçonné d’être autre chose qu’un pèlerin. Sa conduite le justifia pleinement ; il traversa l’Occitanie, vit sans émoi ses campagnes dévastées, ses villes incendiées, aida Simon à faire démolir les murs de Narbonne que défendait l’archevêque en sa qualité de duc, puis ordonna aux Toulousains de raser aussi leurs murailles, leur promettant sa protection à ce prix.

Il mit ensuite Simon en possession de cette ville ; et, ayant obtenu de lui un fragment précieux d’une mâchoire de St.-Vincent, il revint à Paris n’emportant avec lui d’autres fruits de son expédition que cette relique.

Tous les yeux furent alors tournés vers Rome, où l’assemblée générale de l’Église était prête à s’ouvrir, Tous les princes vaincus et dépouillés étaient venus plaider leur cause devant le tribunal auguste. Le vainqueur et spoliateur se contenta d’y envoyer son frère, mais il comptait bien plus et avec raison sur l’appui des prélats.

Je vais maintenant raconter ce que j’ai appris de mon père à son retour du voyage qu’il fit avec le comte de Foix dans la ville sainte, et je joindrai à ce récit ce que j’ai été à portée d’apprendre sur le même sujet par d’autres voies.



NOTES
DU LIVRE SEPTIÈME.
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(1) Raymond VI suivit la croisade en 1209 ; en 1210 il alla à Rome, et fut de nouveau excommunié en 1211, au concile d’Arles.

(2) Pays de saults ou de forêts.

(3) La montagne de Tabe est aujourd’hui plus connue sous le nom de pic St.-Barthèlemi. Elle se termine par deux sommets que leur position dans la région antérieure des Pyrénées a fait considérer comme très-élevés ; mais ils n’atteignent pas la ligne de 1200 toises au-dessus du niveau de la mer. Le plus oriental, qui est aussi le plus haut, conserve le nom de Tabe : celui qui est à l’occident est désigné sous le nom d’Appi. C’est sur ce dernier qu’on a vu pendant quelque-temps une chapelle dédiée à St.-Barthèlemi. Les lacs de cette montagne, dont le principal est encore aujourd’hui appelé l’étang Tort, sont qualifiés par l’ancien historien Olhagarai de nourriciers de flamme, feu et tonnerre. On tient pour assuré, dit cet écrivain, que si on y jette quelque chose, aussitôt on voit un tel tintamarre en l’air, que ceux qui sont spectateurs d’une telle furie sont pour la plupart consumés par le feu et brisés par les foudres originaires des étangs.

Olhagarai, Histoire de Foix, p. 704.

(4) Les sources d’eau hydrosulfatées abondent aux Pyrénées, mais à Ax elles forment presque une rivière souterraine, qui se mêle au torrent de l’Ariège d’Orlu ; leur température est sur plusieurs points de 60° du thermomètre octogésimal.

(5) L’Ariège de Vicdessan, qui prend sa source au pic de Moncal, le plus élevé de cette région des Pyrénées ; sa hauteur excède 1 600 toises.

(6) Voilà une mention bien anticipée de la méthode d’enseignement mutuel, que d’autres appellent par distraction enseignement simultané.

(7) Les légats furent Thédise et l’évêque de Riez. Milon était mort.

Histoire de Languedoc, t.3, p. 189.

(8) Le légat Arnaud voulut procéder seul à la négociation avec les Toulousains, et consentit à les faire absoudre, moyennant le payement de 1 000 liv. toulousaines. L’absolution fut prononcée, mais le payement de la somme convenue ne s’étant fait qu’à moitié, à raison des difficultés qui survinrent. Arnaud renouvela l’excommunication sans alléguer aucun autre motif, dit l’historien de Languedoc, t. 3, p.190.

(9) Psalm. 31, § 8.

(10) Lavaur appartenait à une dame nommée Guiraude, et fut défendu par Aimery de Monréal, frère de cette dame. On prit la ville d’assaut, et les habitans furent massacrés. Aimery de Monréal et 80 chevaliers furent amenés à Montfort, qui les fit pendre ou passer au fil de l’épée. La dame Guiraude fut jetée vivante dans un puits, qu’on combla ensuite avec des pierres. Un historien (Robert d’Auxerre, Chron.), pour ajouter à tant d’horreurs tout le mal qui peut venir d’un écrivain, a dit que cette dame avait confessé qu’elle était enceinte des œuvres de son frère et de son fils.

Il paraît que ce fut au siège de Lavaur que Raymond acheva de se décider à combattre les croisés ; car lui-même vint à ce siège, à la sollicitation des deux frères Courtenay, ses cousins germains, qui voulaient tenter encore de le réconcilier à l’Église. Raymond revint à Toulouse le cœur ulcéré ; il défendit de fournir des vivres à l’armée de Montfort, fit attaquer à St.-Joire un corps d’auxiliaires allemands, et finit par chasser l’évêque Foulques de sa ville, que ce prélat avait mise toute en feu par l’établissement de la confrérie blanche.

(11) Dom Vaissette observe que sur neuf prélats présens à la consécration de l’archevêque de Narbonne Arnaud en 1212, quatre de ces évêques, lui compris, étaient de l’ordre de Citeaux.

Hist. de Langued., t. 3, p. 223.

(12) Histoire de Languedoc, t. 3, p. 241.

(13) Id. ibid. p. 249.

(14) Jamais victoire ne fut plus complète que celle de Montfort à Muret ; cependant on ne peut admettre les relations contemporaines qui font périr 20, 000 hommes avec le roi d’Aragon, et ne comptent parmi les croisés que neuf morts, dont un seul chevalier.

Il paraît que le roi d’Aragon agit avec beaucoup d’imprudence, et méprisa les sages avis du comte de Toulouse. Jacques, fils et successeur de ce roi, raconte lui-même que son père avait couché cette nuit avec une de ses maîtresses, et était si fatigué lorsqu’il entendit la messe, avant le combat, qu’il ne put demeurer debout pendant l’Évangile. On raconte que Simon de Montfort versa des larmes en voyant le corps mutilé de ce prince ; qu’il quitta sa chaussure, se rendit pieds nus à l’église de Muret, puis fit vendre son cheval et ses armes, pour en distribuer le prix aux pauvres.

Hist. de Langued., t. 3 p. 253.

(15) Le chef à qui fut livré Baudouin se nommait Ratier de Castelnau ; les routiers menèrent d’abord leur prisonnier au château de Moncuc, dont la garnison retirée dans une tour se rendit par capitulation. Tous ceux, à qui on avait promis la vie sauve, furent néanmoins pendus par les routiers.

Hist. de Langued., t. 3 p. 258.

(16) Baudouin, se voyant condamné à mort, demanda la permission de se confesser et l’obtint avec peine. Le comte de Foix, Roger, Bernard son fils, et Bernard de Portelle, le prirent ensuite et le pendirent eux-mêmes à un noyer sans autre façon.

Hist. de Langued., t. 3 p. 258.

(17) Histoire de Languedoc, t. 3, p. 261 et 262. Cette manœuvre infâme est qualifiée par le moine de Vaux-Cernay de fraude pieuse. O pietas fraudulenta ! s’écrie-t-il.

(18) Le comte Raymond, son fils et les comtesses leurs femmes, furent obligés de se retirer dans la maison d’un simple particulier, nommé David de Roaix.

Hist. de Langued., t. 3 p. 257.


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