Le fort et le château Saint-Louis (Québec)/03

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Texte établi par Librairie Beauchemin, Limitée (p. 26-38).


iii


La royauté française et le Canada. — Mort de M. de Mésy. — Arrivée de M. de Tracy, de M. de Courcelles et de l’intendant Talon. — Jeunes filles envoyées de France. — Fin des temps héroïques. — Le régiment de Carignan. — Douze chevaux des écuries du roi. — Défilé des troupes sous les murs du fort Saint-Louis. — Reliques à la chapelle du château. — Garakonthié au fort.



La Mère Juchereau de Saint-Ignace s’exprime ainsi, dans l’avant-propos de son Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec :

« Louis XIII ne se porta à protéger le Canada que pour y étendre la Foi et y faire servir Dieu. Il fit là-dessus un projet par écrit : un Apôtre ne parlerait pas avec plus de zèle. Ce fut sans doute des intentions si pures qui attirèrent tant de bénédictions du Ciel sur cette Colonie ; et on a vu pendant longtemps l’accomplissement des désirs de ce grand Roi, parce que les Sauvages s’y convertissaient tous les jours, et les Français y vivaient comme les premiers Chrétiens. »

Les commencements de Montréal, sous la direction de M. de Maisonneuve, furent aussi édifiants et plus édifiants encore que ceux de Québec. Quant à la sollicitude de la cour, elle se continua pendant tout le règne fécond de Louis XIV, qui hérita des prédilections de Louis XIII et d’Anne d’Autriche pour la France américaine, prédilections que partagèrent le cardinal de Richelieu et surtout Colbert, le grand ministre du grand roi.

Avec de tels patrons, il devint de bon ton en France de parler et de s’occuper du Canada, et malgré les rigueurs du climat de la colonie et les dangers de toutes sortes qu’on y courait, la vogue, parmi les hommes d’élite, tourna pendant quelque temps de ce côté.

Le meilleur sang de France coulait dans les veines des Canadiens du dix-septième siècle.

Le collège des Jésuites de Québec, pour ne parler que du plus ancien collège du Canada, devint un foyer de science en même temps qu’un foyer d’héroïsme[1]. La France nous envoyait des missionnaires doués des talents que requérait l’étude des langues sauvages, possédant le tact nécessaire à leur rôle de pacificateurs et d’ambassadeurs, mais surtout animés de la foi, de la vertu et du sublime courage qui font courir au-devant du martyre.

Le Canada offrait un champ d’études tout nouveau à l’ethnographie et aux sciences naturelles, et l’on vit Louis XIV récompenser des savants en les envoyant passer quelques années dans la Nouvelle-France.

Le chevalier Charles-Augustin de Mésy venait d’expirer au château Saint-Louis, le 7 mai 1665, et avait ordonné que l’on fît son inhumation dans le cimetière des pauvres de l’Hôtel-Dieu. Son successeur dans le gouvernement du Canada était déjà nommé et avait été choisi quelques mois auparavant. Louis XIV, qui avait résolu de faire grand dans la nouvelle comme dans l’ancienne France, avait voulu donner à la colonie les moyens de réduire les Iroquois, puis de s’organiser politiquement et de créer des industries nationales pour l’exploitation des ressources du pays. Dès 1663 il avait établi le Conseil souverain et doté ainsi la colonie d’une organisation judiciaire régulière. Il envoya à Québec trois hommes qui occupent une grande place dans notre histoire : Alexandre de Prouville, chevalier de Tracy, lieutenant-général du roi de France dans les deux Amériques, Daniel de Rémy de Courcelles, gouverneur-général, et Jean Talon, « intendant de justice, police et finances, » que l’on a surnommé le Colbert du Canada.

M. de Tracy arriva à Québec le 30 juin 1665. Il voulut être reçu sans aucune pompe, mais son extérieur noble et sympathique et son grand air de bonté excitèrent un enthousiasme spontané qui gagna tout le peuple et se traduisit par de vives acclamations. Le vice-roi, ainsi qu’on le nommait ordinairement, se dirigea tout d’abord vers l’église paroissiale, où l’attendaient Monseigneur de Montmorency-Laval et tout le clergé de Québec. En avant marchaient vingt-quatre gardes et six pages d’honneur en costume de cour ; venaient ensuite le lieutenant-général, accompagné de son conseiller et secrétaire intime le chevalier de Chaumont, et entouré d’officiers aux brillants uniformes galonnés d’or ; en arrière étaient six laquais portant livrée ; puis venaient des militaires, puis enfin le peuple qui faisait retentir l’air de ses acclamations. Le canon du fort Saint-Louis et les cloches des églises des Jésuites, des Ursulines, de l’Hôtel-Dieu et de la paroisse unissaient leurs grandes voix à ce concert d’allégresse.

Monseigneur de Laval, revêtu de ses habits pontificaux, salua le représentant du roi à la porte de l’église, et, après lui avoir présenté l’eau bénite et la croix, il le conduisit au haut de la nef et lui offrit de prendre place sur un prie-Dieu qui lui avait été préparé ; « mais, dit la Mère Juchereau, M. de Tracy, quoique malade et affaibli de la fièvre, se mit à genoux sur le pavé sans vouloir même se servir du carreau qui lui fut offert ; on chanta le Te Deum, et Monseigneur reconduisit M. de Tracy jusqu’à la porte, dans le même ordre. »

Une autre chronique du temps dit que le chant du Te Deum était accompagné de l’orgue.

Le lieutenant royal ne paraît pas avoir habité le château Saint-Louis. Il est dit dans la « délibération » du Conseil souverain du 25 juin 1065 : « Le Conseil, attendu que le palais est réservé et qu’on y travaille incessamment pour loger Monseigneur de Tracy, a ordonné qu’affiches seront mises pour fair sçavoir à tous que le Conseil se tiendra aux jours ordinaires dans la maison de Lavigne, huissier, où il se tenoit cy devant. »

En 1666 et en 1667, plusieurs délibérations du Conseil sont présidées par M. de Tracy, en son hostel[2].

Dès avant l’arrivée de M. de Tracy à Québec, quatre compagnies du régiment de Carignan y avaient été débarquées. « C’était pour les Français élevés dans le pays, di M. Ferland, un spectacle nouveau et merveilleux que celui de cinq ou six cents hommes de troupes régulières, précédés de la musique guerrière, défilant sous leurs drapeaux et manœuvrant avec un ensemble dont on n’avait pas l’idée au Canada… La plupart des officiers appartenaient à la noblesse, et beaucoup d’entre eux se fixeront dans le pays, au milieu de leurs anciens compagnons d’armes, lorsqu’une partie du régiment fut licenciée… »

« Mais ce fut surtout parmi les Sauvages que se manifesta l’admiration, à la vue d’une magnificence qu’ils n’avaient jamais rêvée dans leurs songes les plus brillants. Le camp des Hurons était encore dans Québec, placé sous la protection et à l’ombre du fort Saint-Louis ; aussi furent-ils les premiers à porter leurs présents et leurs paroles au Grand Ononthio… »

« Bientôt après, plusieurs navires arrivèrent de France ; un des premiers passagers qui parut à Québec fut le procureur-général Bourdon ; il avait sous ses soins quelques filles choisies par les ordres de la reine… Vers la mi-août, deux navires entrèrent dans la rade de Québec, chargés chacun de quatre compagnies de Carignan-Salières. Avec ces troupes étaient M. de Salières, colonel du régiment, et M. DuBois, aumônier ; en septembre, trois navires apportèrent huit autres compagnies, M. de Courcelles, nommé gouverneur du pays, et M. Talon, intendant pour le roi ; enfin, le deux octobre, arriva de Normandie un navire portant cent trente hommes de travail, tous en bonne santé, quatre-vingt-deux filles, dont cinquante venaient d’une maison de charité de Paris, où elles avaient été très bien instruites, et une excellente cargaison pour la campagne et les communautés. »

« Le nombre des personnes venues de France pendant cette année, était presque aussi considérable que toute la population française déjà résidante au Canada. Soldats, marchands, colons, tous comptés, formaient plus de deux mille âmes ; et les vingt-quatre compagnies de Carignan, renfermant en moyenne un peu plus de cinquante hommes chacune, donnaient en tout douze à treize cents soldats »[3].

Le lieutenant-général, le gouverneur et l’intendant étaient, au témoignage de la Mère Juchereau de Saint-Ignace, doués de toutes les qualités que l’on pût souhaiter. « Ils avaient tous trois une taille avantageuse et un air de bonté qui leur attirait le respect et l’amitié des peuples ; ils joignaient à cet extérieur prévenant beaucoup d’esprit, de douceur et de prudence, et s’accordaient parfaitement pour donner une haute idée de la puissance et de la majesté royales ; ils cherchèrent tous les moyens à former ce pays et y travaillèrent avec une grande application : cette colonie, sous leur sage conduite, prit des accroissements merveilleux. »

Les jeunes filles envoyées de France en 1665 avaient été bien choisies, de même que celles qui furent envoyées les années suivantes ; un certain nombre de ces dernières, au témoignage de Talon, étaient de quelque naissance[4].

Les temps de privations, d’angoisses, de luttes incessantes et de souffrances inouïes, connus dans l’histoire sous le nom de « temps héroïques du Canada, » étaient passés ; — non pas que la valeur et l’héroïsme dussent cesser de se produire, mais parce que ces vertus suréminentes ne devaient plus être les vertus de tous et les vertus de chaque jour.

La liste des familles qui quittèrent le « royaume des lys » pour venir s’établir dans la Nouvelle-France durant la première moitié du dix-septième siècle, forme le livre d’or de la nation canadienne. Ce sont ces familles surtout qui ont été à la peine ; il est juste qu’on reconnaisse et qu’elles soient à l’honneur.

Québec, qui venait de recevoir le nom de « ville, » présentait, en 1665, un aspect des plus pittoresques : ses édifices religieux en assez grand nombre et de belles dimensions ; le château Saint-Louis assis comme par enchantement au dessus du port ; les soixante-et-dix maisons pierrotées des Français, groupées de distance en distance sur le haut du vieux rocher ; tout était de nature à prévenir favorablement l’étranger. Ajoutons à cela les arbres séculaires qui ombrageaient en tout lieu les habitations des Français, et le wigwam solitaire qui, perché ça et là, mêlait ses grâces sauvages à la variété du tableau »[5].

« La population franco-canadienne reçut une vitalité toute nouvelle par l’arrivée de ce fameux régiment de Carignan, dont l’histoire du pays, comme nos vieilles traditions, nous ont tant de fois redit les beaux faits d’armes. »

« Ces quatre-vingts officiers en brillant uniforme jetaient un grand éclat dans le pays. Cependant on leur laissa peu de loisirs… car il fallut bientôt venir à la réalité de leur mission »[6].

L’un des vaisseaux récemment arrivés de France avait amené douze chevaux pour l’usage de la colonie. Le roi en avait fait expédier vingt, mais huit étaient morts pendant la traversée, qui avait duré plus de trois mois[7].

Les Hurons, campés près du fort Saint-Louis, furent étonnés de voir des caribous si bien apprivoisés ; car, à l’exception d’un cheval envoyé à Québec vingt ans auparavant et dont les « habitants » avaient fait présent à M. de Montmagny, aucun animal de cette race n’avait jamais été vu en Canada.

Nous ne suivrons pas M. de Tracy dans sa victorieuse expédition de 1666 contre les Iroquois, mais nous ferons ici mention du défilé de sa petite armée, sous les murs du fort Saint-Louis au moment du départ. Ce corps d’élite, formé par M. Talon, était composé de six cents soldats, tirés de différentes compagnies, de six cents Franco-Canadiens et de cent Sauvages, algonquins et hurons, soit treize cents hommes en tout. Il se mit en mouvement le 14 septembre, le jour de l’Exaltation de la Sainte Croix, d’après le désir formel de M. de Tracy.

La troupe étant prête à partir, le lieutenant-général invita l’un des chefs iroquois retenus prisonniers au fort Saint-Louis à venir la voir défiler. Lorsque le chef agnier aperçut cette petite armée, qui lui paraissait formidable, et lorsqu’il la vit manœuvrer avec une précision et un ensemble qui, pour lui, tenaient du prodige, il fut frappé d’admiration et ne put retenir ses larmes. Mais s’il ne douta pas de la défaite des hommes de sa nation, il ne douta pas non plus de leur courage : « Ononthio, dit-il à M. de Tracy, nous sommes perdus ; mais notre perte coûtera cher ; notre nation se défendra jusqu’à l’extrémité et il périra beaucoup de très jeunes gens. Je te demande seulement de protéger ma femme et mes enfants. »

Au retour de cette expédition, nous retrouvons M. de Tracy prenant part à une procession de reliques précieuses, entre autres les reliques de saint Flavien et de sainte Félicité, données à l’Église du Canada par le souverain pontife Alexandre vii, en 1662, et qui sont conservées aujourd’hui dans la basilique Notre-Dame de Québec.

« Il ne s’est point encore vu dans ces contrées une si belle cérémonie, écrivait la vénérable Mère Marie de l’Incarnation. Il y avait à la procession quarante-sept ecclésiastiques en surplis, chape, chasuble et dalmatique. Comme il fallait porter les reliques dans les quatre églises de Québec, nous eûmes la consolation de voir cette magnifique cérémonie. M. de Tracy, vice-roi, M. de Courcelles, gouverneur, M. Talon, intendant, et l’agent de la Compagnie, M. LeBarrois, portaient le dais ; les plus élevés en dignité d’entre les ecclésiastiques portaient les quatre grandes châsses sur des brancards magnifiquement ornés et environnés d’un grand nombre de flambeaux. La procession sortant d’une église y laissait une châsse. La musique ne cessa point, tant dans les chemins que dans les stations. Dans la Chapelle du Château, où l’on avait préparé un beau reposoir, les saintes reliques furent saluées par plusieurs décharges générales d’artillerie. Monseigneur suivait les saintes reliques et la procession en ses habits pontificaux, Je n’aurais jamais osé espérer de voir une si grande magnificence dans l’Église du Canada, où, quand j’y suis venue, je n’avais rien vu que d’inculte et de barbare… »

Lorsque Mgr de Laval, M. de Tracy ou M. Talon se rendaient au château, la garde du fort présentait les armes et les tambours battaient au champ. Dans les grandes


plan du haut et du bas de québec en 1660.
a. Fort St-Louis. — b. Grande église. — c. Sénéchaussée — d. Grand chemin du Cap Rouge. — e. Jardin du fort. — f. Mont Carmel. — g. Cimetière. — h. Magasin. — i. Cap au diamant. — j. Moulin. — l. Maisons des particuliers. — n. Rues. — o. Place d’armes. — p. Terre labourable. — q. Côteau Ste-Geneviève.

circonstances, on faisait des décharges de mousqueterie.

On sonnait aussi quelquefois la cloche du Fort, placée dans un petit campanile, au-dessus du château[8].

Citons encore Marie de l’Incarnation :

« Nous allons perdre M. de Tracy, écrivait-elle au mois d’octobre 1667. Le Roi qui le rappelle en France, a envoyé un grand vaisseau de guerre pour l’amener avec honneur. Cette nouvelle Église et tout le pays y fera une perte qui ne peut se dire, car il a fait ici des expéditions qu’on n’aurait jamais osé entreprendre ni espérer. Dieu a voulu donner cela à la grande piété de son serviteur, qui a gagné tout le monde par ses bonnes œuvres et par les grands exemples de vertu et de religion qu’il a donnés à tout le pays. On l’a vu plus de six heures entières dans l’église sans en sortir. Son exemple avait tant de force que le monde le suivait comme des enfants suivent leur père. Il a favorisé et soutenu l’Église par sa piété et par le crédit qu’il a universellement sur tous les esprits. Nous perdons beaucoup en lui pour notre particulier : c’est le meilleur ami que nous ayons eu depuis que nous sommes en ce pays. »

M. de Courcelles restait heureusement en Canada, ainsi que l’intendant Talon, sous qui, disait encore la Mère de l’Incarnation, « le pays s’est plus fait et les affaires ont fait plus de progrès qu’elles n’avaient fait depuis que les Français y habitent[9]. »

Nous devons faire mention ici de la visite que reçut le gouverneur-général du fameux chef iroquois Garakonthié, baptisé et confirmé en 1670 par Monseigneur de Laval, dans l’église paroissiale de Québec. M. de Courcelles en avait été le parrain, et ce fut pour le remercier de cette faveur que le fidèle ami des Français se rendit au Château. « À son entrée, dit le Père Le Mercier, il se vit salué par la décharge de tous les canons du Fort, et de toute la mousqueterie des soldats, qui étaient disposés en haie pour le recevoir. Pour conclusion de la fête, on lui présenta de quoi régaler pleinement toutes les nations assemblées à Québec, et leur faire un somptueux festin, que M. le Gouverneur avait fait préparer. »



  1. Le 2 juillet 1666, les premières thèses publiques sur la philosophie furent soutenues avec succès par Louis Jolliet et Pierre de Francheville, en présence de MM. de Tracy, de Courcelles et Talon.

    Le Journal des Jésuites de 1666, qui rapporte ce fait, ajoute : « M. l’intendant, entre autres, y argumenta très bien. » L’année suivante, Francheville et Amador Martin soutinrent avec honneur leurs thèses sur la physique et sur la philosophie intellectuelle et morale.

  2. Le contrat de mariage de Simon Lefebvre, sieur Angers, ancêtre de l’honorable Auguste-Réal Angers, fut aussi signé dans l’hôtel particulier de M. de Tracy. Il fut passé devant Mtre Rageot, notaire royal en la Nouvelle-France et résidant à Québec, le 10 janvier 1667… « Furent présents, en leur personne, noble homme Simon Lefebvre, sieur Angers, attaché à la maison de Messire Alexandre de Prouville, chevalier, seigneur de Tracy, lieutenant-général pour le Roi en toute l’Amérique, tant par mer que par terre, fils de Simon Lefebvre et de Marie Couturier, ses père et mère, vivants, de la paroisse de Saint-Éloy de Tracy-le-Val d’une part ; et dame Marie-Charlotte de Poictiers, fille de feu Pierre-Charles de Poictiers, sieur du Buisson, capitaine d’infanterie, gentilhomme servant chez la Reyne, et de dame Hélène de Belleau ses père et mère, vivants, demeurant à Montdidier, veuve de feu Joseph Hébert, d’autre part ; lesquelles parties, de leur bon gré, en la présence et du consentement de leurs parents et amis pour ce assemblés, d’une et d’autre part, savoir : de la part du sieur Lefebvre, sieur Angers, de mon dit Seigneur de Tracy, de Monseigneur Daniel de Rémy, chevalier, seigneur de Courcelles, gouverneur, lieutenant-général pour Sa Majesté en la Nouvelle-France. Henri de Lafresnaye, écuyer, sieur de Cloys, Octave Jappellias, écuyer, sieur de Resain, François Massée, sieur du Valley, Jean Saucier, officier de la maison de mon dit seigneur de Tracy, de Antoine de la Ruelle, garde du dit seigneur ; — et, de la part de la dite dame de Poictiers, de Messire Jean Talon, chevalier, conseiller du Roy en tous ses conseils, intendant de justice, police et finances de ce dit pays, Messire Germain Morin, prêtre, beau-frère, de sieur Louis Couillard de Lespinay, Charles Couillard dit Des Islets, Charles Aubert de Lachenaye, cousins germains, Jean-Baptiste Le Gardeur, écuyer, sieur de Repentigny, Messire Mtre Jean Bourdon, procureur-général de Sa dite Majesté en ce dit pays, des sieurs François Bissot et Jean Guyon, sieur du Buisson, de la dame Hélène des Portes, femme du sieur Morin, belle-mère de la dite future. Guillemette-Marie Hébert, veuve de feu sieur Couillard, tante, Marguerite Couillard, veuve de feu sieur Macard, et dame Anne Gaigner, femme du sieur Bourdon, — reconnurent et confessèrent avoir fait les traité et promesses de mariage qui s’ensuivent… sous le régime de la communauté de biens, suivant la Coutume de Paris…

    « En contemplation duquel futur mariage, et pour reconnaissance des services du dit futur époux, le dit seigneur de Tracy a donné au dit futur époux la somme de huit cents livres en louis, pistoles d’or et autres monnaies… »

    « Fait et passé au dit Québec, en l’hôtel du dit seigneur de Tracy, après midi, le dizième jour de janvier mil six cent soixante-sept, en la présence des personnes ci-dessus mentionnées, qui ont signé, de ce interpellées suivant l’ordonnance. »

    Le mariage fut célébré le lendemain, 11 janvier 1667, par Messire Morin, parent de l’épousée, le premier des prêtres canadiens dans l’ordre chronologique.

  3. Cours d’Histoire du Canada.
  4. Archives de Paris.
  5. Annales des Ursulines de Québec.
  6. Idem.
  7. « Nous trouvâmes ce navire extrêmement embarrassé par 18 cavales et 2 étalons des harnois du Roi et dont les foins pour les nourrir occupaient toutes les places ; dans l’entrepont étaient quatre-vingts filles d’honneur pour être mariées à notre arrivée à Québec, et puis nos 70 travaillants avec équipage formaient une arche de Noé. Notre traversée fut assez heureuse quoiqu’elle durât trois mois et dix jours pour arriver au dit Québec. » (Journal de Jean Doublet.)
  8. Voir : Jugements et Délibérations du Conseil souverain, vol. i, page 353 : Ordonnance concernant le paiement de certaine somme « pour avoir accommodé la cloche du fort. »
  9. L’attention de Talon s’était portée à tout ce qui pouvait être avantageux pour le Canada. La culture du chanvre, dit l’abbé Ferland, était encouragée et réussissait à merveille. On employait l’ortie à faire des toiles fortes ; des métiers établis dans chaque maison des villages, fournissaient du droguet, des étamines, des serges et du drap. Les cuirs du pays suffisaient à une grande partie de la population. Aussi, après avoir énuméré les progrès de l’agriculture et de l’industrie, Talon annonçait à Colbert, avec une juste satisfaction, qu’il pouvait se vêtir, des pieds à la tête, avec les productions du Canada, et qu’en peu de temps, la colonie, si elle était bien administrée, ne tirerait de l’ancienne France que peu d’objets de première nécessité. »

    Talon s’exprimait ainsi dans une lettre datée du 2 novembre 1671 : « Les jeunes gens du Canada se dénouent et se jettent dans les écoles pour les sciences, dans les arts, les métiers, et surtout dans la marine, de sorte que, si cette inclination se nourrit un peu, il y a lieu d’espérer que ce pays deviendra une pépinière de navigateurs, de pêcheurs, de matelots, d’ouvriers, tous ayant naturellement de la disposition, à ces emplois. »

    Le célèbre intendant s’était aussi occupé activement de l’exploitation des mines et du commerce d’exportation. Dès l’année 1666, il avait fait envoyer du goudron en France, du poisson, des céréales et du bois aux Antilles.