Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Abderame

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Sommaire

ABDERAME. Dans les historiens ce nom est le même que ceux d’Abdalrachman, Abdalrahman, Abdarrahman & Abderrahman. Nous mettons ici ceux qui sont plus communément nommés Abdérame. Ce nom est celui d’une famille descendue des Ommiades, qui ayant été presque détruite en Asie, passa en Espagne, où les Sarasins la mirent sur le trône dans le second siécle de l’hégire. Elle y regna jusque vers la fin du quatriéme, comme on le verra par les articles suivans.

ABDERAME I du nom, ou ABDALRAHMAN, roi des Arabes en Espagne, étoit petit-fils du calife Hescam, de la race des Ommiades. Abderame, après la ruine de sa famille en Asie, fut appellé d’Afrique en Espagne l’an de J.C. 754 par les Sarasins révoltés contre leur roi Joseph. Il vainquit ce dernier en plusieurs rencontres ; & après l’avoir défait dans un dernier combat où il fut tué, il prit le titre de roi de Cordoue en 756. Ensuite il ravagea toute la Castille avec une armée des Maures venus d’Afrique, que quelques-uns font monter à trente mille chevaux, & à deux cens mille hommes de pied. Le roi de Léon n’étant pas assez fort pour lui résister, Abderame recouvra en peu de temps toutes les places que les Chrétiens avoient reconquises sur les Arabes. Après avoir conquis les royaumes de Castille, d’Aragon, de Navarre & de Portugal, & n’avoir épargné que la partie septentrionale d’Espagne, qui est fortifiée par la nature, il alla assiéger la ville de Tolede, mais il fut contraint de lever le siége. Il fit de si grands ravages durant cette campagne, que les écrivains le nomme le second destrucreur d’Espagne. Il recommença l’année suivante le siége de Tolede, qu’il prit, & où il laissa son fils pour la gouverner. Quelques historiens disent qu’il eut de longues guerres contre Charlemagne, que Pepin son pere avoit envoyé en Espagne pour s’opposer aux conquêtes de ce barbare. Mais comme ces mémoires sont tirés de l’histoire de l’archevêque Turpin, on n’y peut faire aucun fond. Il est seulement vrai qu’il désola presque toute l’Espagne, & que plusieurs rois, comme Aurelius & Mauregat, acheterent la paix de lui à des conditions honteuses ; le premier, en lui payant un tribut de cent jeunes filles tous les ans. Depuis, Abderame se voyant paisible possesseur d’un état indépendant des Miramamolins d’Afrique, & des califes d’Asie, il fit bâtir la grande mosquée de Cordoue, & mourut avant qu’elle fût achevée, après avoir regné 32 ans, trois mois & quatre jours ; c’étoit l’année 788 de J.C. & de l’hégire 172. Il fut surnommé Abdel ou le Juste, & laissa onze fils & neuf filles. Son fils Osmen lui succéda. * Mariana, hist. d’Esp. l. 7, c. 5. Marmol, l. 2, c. 20.

ABDERAME II, roi de Cordoue, fils d’Aliatan, succeda à son pere l’an de J.C. 821, & de l’hégire 206. Il fit trêve avec Ramire, roi de Castille ; mais depuis ayant été sollicité par les Afriquains de prendre les armes, & en ayant reçu un des plus grands secours qui eut jamais passé la mer, il se mit en état de poursuivre les Chrétiens. Le roi Ramire en étant averti, le fit prier de ne pas rompre le traité de paix, qui avoit été observé pendant onze ans ; mais le Maure ayant demandé cent filles de tribut toutes les années, comme on les avoit données à ses prédécesseurs, Ramire eut horreur de cette demande, prit lui-même les armes, & se confiant en la bonté de Dieu, vainquit Abderame par un secours extraordinaire du ciel, l’an de J.C. 834, & de l’hégire 219. Après cette bataille, dans laquelle Abderame perdit 70000 hommes, il vécut en paix, & ne s’occupa qu’à embellir & fortifier les places de son obéissance, faisant conduire de l’eau dans la ville, bâtissant des mosquées ; & faisant venir des ouvriers de Damas pour y établir des manufactures de soye. Ce fut le premier qui mit son nom sur la monnoie arabesque de son temps. Les Anglois étant venus en Espagne pour secourir les Chrétiens, assiégerent Lisbonne ; mais ils fuent obligés de lever le siége, & allerent prendre Cadis & Séville en 840. Ces deux villes furent reprises la même année par Abderame, qui mourut en 852, laissant la couronne à Mahomet, l’aîné de 42 fils qu’il avoit. D’autres lui donnent 45 fils & 42 filles. * Marmol, l. 2, c. 23.

ABDERAME III, surnommé l’Exaltateur de la loi, neuviéme calife d’Espagne, fut préféré à son aîné pour succéder à Abdallah, aussi son frere & fils de Mondir, par le crédit du roi d’Afrique, qui le fit installer l’an de J.C. 912, & de l’hégire 300. Il fit venir du secours d’Afrique à plusieurs fois. Dans la suite attribuant la cause de ses pertes à la permission qu’il donnoit dans ses états aux Chrétiens & aux Mahométans de s’allier ensemble, il voulut que tous les Chrétiens qui avoient fait alliance avec les Maures, fissent eux & leurs enfans profession de la loi de Mahomet. Dans cette persécution, qui dura sept ans, plusieurs souffrirent le martyre, comme saint Victor, saint Pelage, &c. Deux ans après, Abderame fut défait à Talavera par Ordogno roi de Léon. La guerre continua long-temps, mais avec peu de succès pour Abderame, qui mourut enfin l’an 961 de J.C. après avoir régné près de 50 ans. * Mariana, hist. de reb. hisp. Marmol, l. 2, c. 26.

ABDERAME IV, fils d’Almanzor, parvint à la couronne après la mort d’Abdulmalic son frere aîné. Il fut le dernier de la race des Abderames qui régna à Cordoue. Ses débauches lui firent discontinuer la guerre. Les Arabes se souleverent, & se partagerent en deux factions, ceux d’Afrique d’un côté, commandés par Soliman ; ceux d’Espagne de l’autre, par Mahomet. Ce dernier avoit renfermé le calife dans une prison, sans que personne en murmurât, à cause de ses vices & de sa lâcheté. Pour faire croire qu’il étoit mort, il fit égorger un chrétien, dont il fit exposer le cadavre à la vue des peuples, disant que c’étoit celui du roi, ce qui lui réussit & servit à le faire monter sur le trône. Cela arriva l’an de J.C. 1002, & de l’hégire 393. * Mariana, Marmol, l. 2, c. 28.

ABDERAME, se fit souverain de Safie dans le royaume de Maroc, après avoir fait assassiner son neveu Amedux qui gouvernoit cet état. Il régna longtemps en paix, & fut assassiné à son tour, lorsqu’il y pensoit le moins ; car ayant une fort belle fille aimée d’un jeune homme des principaux de la ville, nommé Ali-ben-Guecimin, ce jeune homme la connut par l’entremise d’un esclave, & même de sa mere. Abderame le sut, & résolut de s’en venger ; mais la fille & la femme qui s’en doutoient, en donnerent avis au jeune homme, qui résolut de se défaire de lui. Abderame qui avoit les mêmes vûes, envoya prier un jour de fête Ali de venir à la mosquée, & qu’ils iroient à la promenade, où il lui communiqueroit une affaire de grande importance. Ali y vint avec son ami Yahaya, auquel il avoit sait part de son dessein ; & poignarda Abderame dans la mosquée, lorsqu’il faisoit son oraison près de l’alfaqui, vers l’an de J.C. 1505, & de l’hégire 911. * Marmol, l. 3, c. 53.

ABDERAME, nommé par les Arabes Abdalrahman, fut capitaine général & gouverneur d’Espagne dans le VIII siécle pour le calife Hescham, & se rendit célébre par les courses & les conquêtes qu’il fit en France dès l’an 725. Les Sarasins s’étoient jetté sur la Septimanie en Languedoc, & s’y étoient emparé de Narbone & de Carcassone. Eudes, duc d’Aquitaine, secouru par les François, avoit arrêté leurs progrès devant Toulouse, & s’étoit au moins conservé cette ville avec celle d’Usez. Dans la suite, craignant de nouvelles irruptions de la part de ces barbares, & voulant, d’ailleurs se faire un rempart contre la puissance des François qui lui disputoient sa nouvelle souveraineté, il fit alliance avec Munuza, Maure de naissance, qui étoit alors gouverneur de Catalogne & de Septimanie : il lui donna même sa fille en mariage, pour l’obliger à se révolter contre le calife & ses généraux. Eudes profitoit de cette diversion pour attaquer la Neustrie, lorsqu’Abderame passa les monts, poussa Munuza jusque dans une ville de Cerdagne qui portoit anciennement le nom de Julia-Livia, près des ruines de laquelle on a bâti depuis la forteresse de Puicerda. Munuza fut bientôt forcé dans cette ville, & obligé de se réfugier auprès d’Eudes son beau-pere, qui de son côté avoit été vaincu plus d’une fois par Charles Martel. Mais les Sarasins poursuivirent de si près le malheureux Munuza, qu’il fut contraint de se précipiter du haut d’un rocher, pour éviter de tomber entre leurs mains. Sa femme, très-belle princesse, fut faite prisonniere, & envoyée à Damas, pour être mise dans le serrail du calife. Abderame ne manqua pas d’attaquer Eudes à son tour : il entra en France par le pays des Gascons, où il prit Bourdeaux ; & de-là, après s’être avancé jusqu’à la Dordogne, il passa cette riviere, & présenta la bataille au duc, qui fut vaincu, n’ayant pas attendu les François, avec lesquels il avoit fait la paix, & prit ensuite le parti d’aller au-devant de Charles Martel, qui étoit près de passer la Loire pour le secourir. Abderame qui le suivoit, fit des ravages incroyables dans le Périgord, la Saintonge, l’Angoumois & le Poitou. Plusieurs villes furent pillées, un grand nombre d’églises mises en cendres, & celle de S. Martin de Tours auroit eu le même sort, si Abderame n’eût trouvé sur sa route Charles Martel, auquel Eudes s’étoit joint avec des troupes assez nombreuses. Les deux armées en présence proche de Poitiers passerent près de sept jours à s’éprouver par des escarmouches : enfin le septiéme on en vint à un combat général, où les Sarasins qui attaquoient avec assez peu de précaution, furent entierement défaits par les François. Abderame y fut tué avec un très-grand nombre des siens, que quelques auteurs font monter jusqu’à trois cens soixante mille. Il n’y a point de doute que le duc d’Aquitaine n’ait eu grande part au péril de cette journée, puisqu’il partagea les riches dépouilles des vaincus avec les François, qui le laisserent paisiblement se rétablir dans ses états. Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que les anciens historiens ne nous aient pas laissé un détail plus exact de cette grande action, qui termina le cours de la prospérité des Sarasins, & qui commença la ruine de leur puissance en Europe. Cette bataille fut livrée l’an de J.C. 732, & de l’hégire 114. * Roderic. Tolet. hist. arab. c. 10. Marmol, de l’Afriq. l. 2. Isidorus Pacensis, chron. Mezerai, Cordemoi, hist. de France. D’Herbelot, bibl. orient. Voyez aussi les auteurs cités dans le 1 tome de l’hist. de Nisme, par M. Menard, p. 103 & 104.


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