Le oui et le non des femmes/07

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Calman Lévy (p. 57-59).
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VII

CAROLINE À LUCIEN


Ce matin, monsieur, je suis entrée dans la ferme de Thomas Moulon. Ce brave paysan s’est hâté de m’apporter un gros marmot frais et rose qui m’a souri gentiment, comme pour me prier, lui aussi, de ne pas le laisser entrer dans la vie sans appui et sans protection. C’était votre futur filleul, qui a si bien plaidé sa cause, qu’il est aussi devenu le mien. Lors de notre première rencontre, vous m’avez fait à brûle-pourpoint, et sans que je susse à qui je parlais, une proposition bien étrange ; j’étais presque forcée de vous refuser, avouez-le, monsieur. Aujourd’hui que je sais que vous êtes le neveu de ma bonne madame Pichel ; que je sais aussi que vous êtes le chevalier et le benjamin de Marguerite, la vieille aveugle de la maisonnette blanche ; aujourd’hui donc, je viens vous dire que la comtesse de Sohant demande à M. Lucien Pichel de vouloir bien la prendre pour commère.

Je ne suis pas, comme vous me le disiez si gracieusement, une marraine de conte de fées ; je ne doterai notre charmant marmot d’aucune vertu ni d’aucun talisman ; mais, en m’associant à votre bonne œuvre, je tâcherai de faire un heureux, et vous pouvez dire aux braves gens que vous protégez que je veillerai sur cet enfant et que je ne l’abandonnerai jamais. Je vous remercie du fond du cœur, monsieur, de m’avoir choisie pour être de moitié dans votre bonne action.

Il s’agit maintenant de fixer le grand jour qui va faire un chrétien de notre gentil filleul ; si vous le voulez bien, monsieur Lucien, nous débattrons cette sérieuse affaire un de ces soirs ; seulement, ne tardez pas ; j’ai grande hâte d’avoir le droit d’aimer et de caresser à mon aise notre gros chérubin.

Comtesse De Sohant.