Le parfait bouvier/03

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anonyme
Imprimerie de Louis Perrault (p. 90-95).

DU BOUC, DE LA CHÈVRE ET DU CHEVREAU.

Le mâle des chèvres s’appelle bouc ; ses cornes, outre son sexe, le distinguent de la chèvre ; il s’en distingue aussi par l’odeur forte et désagréable qu’il répand. Le petit de cette espèce d’animaux, se nomme chevreau.

Les chèvres ont beaucoup de rapport avec les brebis, quant à la nourriture. ; mais quant à l’instinct naturel, celui des chèvres est très-difficile à gouverner.

Un chevrier ne peut guère conduire plus de cinquante chèvres. Ces troupeaux se gouvernent comme ceux de brebis.

Les chèvres coûtent peu, et font un grand profit ; elles aiment les montagnes et les endroits stériles ; mais elles craignent beaucoup le froid : cependant la rosée du matin leur fait du bien.

Leur chair, graisse, lait, peau, poil, et les chevreaux, qu’on nomme aussi cabris, sont d’un grand rapport ; elles coûtent si peu, qu’on ne leur donne du foin que quand elles font leurs petits.

La chair de chevreau est bonne, tendre et délicate, pourvu qu’elle n’ait pas plus de six mois ; celle des chèvres et des boucs châtrés est solide et nourrissante,

Communément on la sale pour la provision de la ferme.

Les chèvres donnent beaucoup plus de lait que les brebis, et ce lait est beaucoup plus sain et meilleur. On trait les chèvres soir et matin pendant cinq ou six mois de l’année, et elles rendent tous les jours quatre pintes de lait, dont on peut faire des fromages, parce qu’il caille aisément. Ceux qui veulent ménager, ne laissent téter le chevreau que quinze jours ou trois semaines.

Une bonne chèvre doit avoir la taille grande, la marche ferme et légère, le poil épais, doux et uni ; les mamelles grosses, et le pis gros et long ; il faut aussi qu’elle soit large du derrière, qu’elle ait les cuisses fortes et les jambes courtes et jointées. On préfère celles qui n’ont point de cornes. On les choisit depuis un an jusqu’à cinq, quoiqu’elles portent pendant près de sept ans.

Pour engraisser les chèvres et les boucs on les mène dans des lieux où elles trouvent de la nourriture en abondance. On peut aussi les engraisser avec des choux ou des raves, des navets ou du sainfoin.

Le bouc doit avoir le corps grand, les jambes grosses, le cou charnu et court, la tête petite, le poil noir, épais et fort doux à la main ; les oreilles grandes et pendantes, la barbe longue et touffue : ceux qui ont des cornes sont moins estimés. Un seul suffit, depuis deux ans jusqu’à cinq, à une centaine de chèvres, après quoi on le châtre et on l’élève comme il suit ; savoir : en été, on le mène dans les lieux où il se plaît et où il y a assez de nourriture et d’eau ; en hiver on lui donne des choux, raves, navets, sainfoin, un peu de sel et autres substances dont on repait les brebis, et on les tient chaudement.

Il faut nettoyer l’étable tous les jours, le fumier étant contraire aux chèvres, de même que l’excès du chaud et du froid.

L’été, elles se couchent bien sans litière, et n’en sont que mieux.

Les chèvres sont en chaleur depuis la mi-septembre jusqu’à la fin de novembre : elles portent cinq mois ; il ne faut point les livrer au bouc qu’elles n’aient deux ans. Une bonne chèvre donnera d’une même portée, deux ou trois chevreaux ; mais il ne faut lui en laisser qu’un à nourrir : on fait élever les autres par celles qui n’ont point de petits.

La race flandrine, qui est venue des Indes en Flandre, et qui est actuellement répandue dans différentes provinces de France, est préférable à toute autre, par le grand profit qu’on en tire.

MALADIES.

Les chèvres sont sujettes aux mêmes maladies que les brebis, et se guérissent par les mêmes remèdes, excepté celles dont nous allons parler.

Remarquez 1°. que quand il y a contagion, ou qu’on la craint, on ne doit jamais négliger les remèdes généraux et préservatifs : l’expérience apprendra combien ils sont précieux. 2°. Si une bête est attaquée de maladie contagieuse, il faut toujours la séparer des autres, pour empêcher la communication du mal.

DE LA FIÈVRE.

La fièvre rend ces animaux tout d’un coup languissans et abattus, les fait maigrir et mourir en peu de temps ; elle leur vient presque toujours d’un excès de nourriture.

Remède. — On les met à part, on les saigne, on les fait jeûner et reposer jusqu’à ce qu’ils soient tout-à-fait remis ; on soigne aussi le restant du troupeau, et on ne le laisse paître qu’une fois le jour, pendant deux ou trois jours.

DE L’HYDROPISIE.

Elle vient aux chèvres pour avoir bu trop d’eau.

Remède. — Pour les en guérir avant qu’elle soit formée, il faut leur faire une ponction ou incision au-dessous de l’épaule, afin de leur faire couler par-là tout l’amas d’eau qui leur enfle le ventre ; on met sur la ponction un emplâtre fait de poix de Bourgogne et de saindoux, pour guérir la plaie.

DE L’ENFLURE.

Elle vient aux chèvres après qu’elles ont chevroté.

Remède. — On leur fait avaler un bon verre de vin rouge, ou demi-setier de vin doux cuit.

DU MAL SEC.

On connaît qu’elles en sont attaqués, lorsqu’elles ont les mamelles tellement desséchées, qu’il n’y a plus de lait du tout. Ce mal provient des grandes chaleurs.

Remède. — On les guérit en les menant paître tous les jours à la rosée, et en frottant leur mamelles avec de la crème ou du lait bien gras. On peut aussi leur donner à manger des feuilles de vigne ou autres herbes tendres, en les tenant enfermées dans l’étable.

DE LA CONTAGION.

Ce mal vient aux chèvres, principalement d’une trop grande pâture ; c’est pourquoi, lorsqu’on en voit quelque chèvre atteinte, on doit la séparer et s’en défaire, car il n’y a point de remède ; et il faut saigner toutes les autres, pour calmer la fermentation du sang et en diminuer le volume ; ne point les laisser paître de tout le jour, et les jours suivans ne les faire pâturer qu’une fois. Cette diète les préserve de la contagion.

DE LA LANGUEUR.

Quand les chèvres tombent en langueur pour quelque cause que ce soit, donnez-leur à manger des joncs et des racines d’aubépine pilées et mêlées dans de l’eau de pluie, sans leur donner autre chose à boire. Si cela ne les guérit point, alors il n’y a point d’autre parti à prendre que de les vendre, ou de les tuer pour les saler.