Le tour du monde parisien/II/III

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iii

Μελανκολια. — les dieux lares. — chasse au pâté.


C’était, nous l’avons dit, dans cette auberge que nous avions résolu, Fritz et moi, de rassembler nos provisions de route, et d’achever notre première nuit de voyage.

Bercy…

Chose étrange, voici qu’au moment où j’écris ces lignes, à la minute même, où l’œil guilleret, le front serein, la plume barbotant entre mes doigts, et les mèches de cheveux rejetées derrière la tête, je me préparais en souriant à rappeler à ma mémoire paresseuse une des plus grotesques aventures de mon voyage, j’ai senti une piqûre légère courir sur ma tempe puis le venin pénétrer au cerveau, et du cerveau se répandre aux artères, gagner le cœur, atteindre les sources de la vie. Quel monstre ailé, quel insecte bourdonnant cause cette digression ?

Faut-il vous le dire ? C’est la mélancolie.

Quoi ! à cette heure, lorsque le papier blanc commençait sourire sous les caresses de l’encre bleue, quand la lueur d’une bougie, héroïquement dressée sur un vieux chandelier bronzé, laissait, autour du manuscrit, papilloter son ombre comme un chœur de danseuses, quand mon bureau poli reflète sur son acajou mille nuances folles, à l’instant où la lune vacillante, glissant le long d’un nuage, est venue rire à mes côtés, qui peut t’attirer, ô Déesse ! Et de quel démon es-tu éprise, pour qu’il t’ait conseillé de troubler par ta rêverie la verve hilarante de ma muse ? Pourquoi viens-tu où on ne t’appelle pas ? Tant de gens, qui ne te connaissent pas, envient un de tes baisers, et regarderaient comme un bonheur la sensation amère de tes longs cheveux froids sur leur crâne blanchi. Que ne vas-tu trouver ces gens-là ? Certes, ils te choisiraient une couche plus moelleuse que la mienne, peu habituée à recevoir des déesses, à peine préparée pour une mortelle. Tu leur soufflerais à l’oreille de ces choses charmantes qui pénètrent l’âme, et de votre union sacrée jaillirait peut-être un chef-d’œuvre. Mais moi… En vérité tu t’es trompée de porte, et tu n’as pas remarqué en entrant qu’il n’y avait rien de toi dans mes tiroirs, rien pour toi dans ma bibliothèque. Rabelais, Balzac, Sterne, de Maistre, Aristophane, Molière, tous ces maîtres, qui sont là, sentinelles sans vigilance, auraient-ils dû te laisser franchir ce seuil ?

Hélas ! tu ressembles sans doute à toutes les femmes qui savent si bien tromper. Tu viens vers qui ne te désire pas, et tu sais de sages manœuvres pour endormir les gardes et tourner les obstacles.

Il faut donc t’accepter, puisque te voilà. T’accepter, en me croisant les bras, sottise ; l’heure me presse. D’ailleurs tes chants m’endormiraient trop tôt, et rien de moins sain qu’un sommeil anticipé. T’écouter attentivement, et écrire sous ta dictée… c’est le meilleur ; mais que deviendrais-je, dis-moi, si, dans cette lutte intempestive, ma gaieté reçoit un coup mortel, si je ne la retrouve plus se prélassant à mon chevet, demain, à mon réveil ?

Que le diable puisse te remporter, ô Mélancolie ! dans les enfers d’où tu sors, toi, ton père et tes enfants. Je les connais. Tu es née dans ce siècle ; c’est Byron qui t’a nourrie ; Chateaubriand t’a sevrée, Lamartine t’a fait faire ta première communion, Musset t’a fait commettre ta première faute, et, depuis… Oh ! ce serait une histoire curieuse à raconter que la tienne ; j’en ai les matériaux, et l’écrirai peut-être un jour. J’attendais pour cela que mes cheveux tombés eussent été remplacés par quelques fils blancs qui tendent l’un vers l’autre leurs longs corps décharnés sur le front d’un académicien.

Je comptais sur cette œuvre pour m’obtenir la couronne de laurier de César. Qui diable eût donc pu croire que je te rencontrerais si tôt ?

Oh çà ! parle, au moins. Tu te tiens devant moi, muette, comme un mauvais livre entre les mains d’un enfant. Tourne tes pages, dis-moi quelque chose… par exemple apprends-moi pourquoi tu es venue.

Serpent, ouvre ta mâchoire et montre ton venin.

Qui t’a conduite et fait trouver un chemin que tu ne fréquentes jamais ? Sont-ce des maux humains, la situation des peuples, l’avenir politique des nations ? Vous savez, madame, que je m’occupe peu de ces frivolités, et que le char du monde peut rouler à son gré sans que je prenne d’autre soin que d’éviter à mes vêtements les souillures de boue dont il éclabousse les passants. Pour cela, je me tiens fort loin de sa route, tantôt en avant, tantôt en arrière, et jamais à côté.

Serait-ce donc un mal particulier ? — Encore moins. Je suis de l’école des stoïciens, et je ne crois pas que la douleur soit un mal. Tous les chagrins du cœur ne peuvent-ils pas être rapportés à ces deux principes généraux : l’amour et la fortune ? Le premier rend malheureux par sa présence, la seconde par son absence.

Pour recevoir celui-là, je suis trop vieux ; pour désirer celle-ci, je suis trop jeune.

Quel est donc ton guide, ô Mélancolie ! que je le connaisse, et je le tue.

Il m’est venu une idée merveilleuse.

Si la mélancolie est une tristesse vague, c’est qu’il n’y a point de causes à son existence. En effet, s’il y avait une cause, et qu’on la connût, la philosophie la détruirait, et par conséquent la mélancolie n’existerait plus. Morta la bestia, morto il veneno. Donc, si elle existe, c’est qu’on n’en connaît pas la cause, et je me serais volontiers brisé les fibres du cerveau à la chercher. Dire que cet effet n’a pas de raison d’être, c’est impossible : ne serait-ce pas briser d’un coup d’aile tous les raisonnements de la science ? Ce n’est pas que ma confiance soit grande en ces raisonnements, mais je me briserais moi-même contre leur granit. Seule, la plume de l’aigle peut impunément se heurter contre la pierre.

Pour nous, pauvres gens, ne serions-nous pas semblables à ce petit oiseau, qu’on m’offrait dans mon enfance pour image de l’infini ? Tous les cent ans, il vient donner un coup de bec à quelque gigantesque bloc de marbre, plus haut que la plus haute cime du Tchamalouri. On demande quand l’oiseau aura mis en poudre le bloc de marbre.

Mais est-ce de cela qu’il s’agit ? Non. Je reviens à ma mélancolie. Son existence est un problème curieux à résoudre pour l’humanité tout entière, et c’est pourquoi je me permets d’en parler.

Ce problème est, dit-on, insoluble. Aussi ne le résoudrai-je pas. Je vous demanderai seulement la permission d’émettre tout bas, mais si bas que vous l’entendrez à peine et que vous l’oublierez tout de suite… une opinion.

Hélas ! j’ose à peine l’émettre, et je rougis qu’elle m’ait traversé la cervelle.

Il y a des gens, des poètes, ceux-là… qui attribuent la venue de ce fléau à des causes aussi vagues que lui-même… Le vent qui souffle de l’est et raye de filets de pluie les feuilles d’un arbre favori… l’écho qui répète le cri d’une chouette dans la campagne… une girouette éplorée se balançant sur un pignon chauve… le chant d’une jeune femme ou le hurlement d’un chien au milieu du silence des bois… une étoile qui file, et dont la fuite fait rêver l’esprit à des mondes inconnus… que sais-je encore de lugubre, de romantique et d’aérien ! La litanie en remplirait dix pages.

Je crois que ces hommes-là confondent le moyen avec la cause ; et la preuve, c’est que les poésies ci-dessus décrites diffèrent d’effet selon les capricieuses dispositions de notre âme. Nul ne peut nier que les mêmes choses, qui font aujourd’hui jaillir les larmes de ses yeux, le laisseront indifférent demain. Il faut donc chercher en nous la cause qui n’existe qu’en nous.

La mélancolie est une maladie de l’âme. Première opinion, qui n’est pas la mienne. Pourquoi l’âme serait-elle malade ? nous retombons toujours dans les pourquoi. D’ailleurs l’âme est immatérielle. Toute maladie est une décomposition. L’âme est une.

Voulez-vous m’en croire ? La mélancolie est une maladie, mais c’est une maladie… du corps. Eh ! mon Dieu ! oui, du corps. Je sais bien qu’en parlant ainsi je vais ameuter contre moi les ressentiments d’une puissante école : je braverai leurs préjugés, et vous me soutiendrez, ami lecteur.

Dites-moi, avez-vous jamais vu la mélancolie attaquer un homme bien portant ? un de ces hommes à puissante carrure, à larges épaules, aux couleurs rubicondes, à l’abdomen proéminent… un de ces hommes dont on n’ose prendre le bras, de peur de glisser tout entier et sans s’en apercevoir dans la poche de leur gilet ? Jamais, au grand jamais. Quelques-uns font de charmants vers ; mais en vain essaient-ils de faire vibrer la corde mélancolique, elle ne rend sous leurs doigts que des sons faux et criards. Connaissez-vous Dumas ? Un grand homme, n’est-ce pas ? et un homme grand. Certes il a fait Antony ! mais je suis sûr que la nuit passée à composer ce drame a suivi une mauvaise digestion. Quand Dumas est Dumas, il écrit d’Artagnan.

Autre chose d’ailleurs est l’écrit, autre chose est l’homme. Ce grand critique, qu’on appelle Jules Janin, et que je n’ai pas l’honneur de connaître personnellement, doit infailliblement être gai, car il est admirablement constitué, Aussi, voyez comme sa phrase est rubilante, quelle chaleur jeune et vitale s’épanche dans son style, quelle verve antique en fait miroiter l’harmonie, si cette expression m’est permise ! Cet homme-là n’est certainement pas Français ; quelque bonne fée a glissé dans ses veines un filet de sang athénien… La Grèce n’était-elle pas le pays des athlètes, la mélancolie pouvait-elle aborder sur ce rivage semé de lauriers-roses, sous ce ciel éternellement argenté, et dont le soleil faisait briser ses rayons sur la façade du Parthénon, ou le long des tables de Minerve, à la statue de marbre ?

Les mélancoliques sont des malades, et voilà pourquoi les femmes, ces enfants négligés de la nature, possèdent ce sens à un degré exquis que nous ne saurions atteindre. Voilà aussi pourquoi l’humanité dégénérée a laissé naître au milieu d’elle cette plante amère inconnue aux anciens. Jupiter et Jéhovah étaient les dieux symboliques de la Force ; notre Christ, au visage éloquent et doux, est le Dieu du sentiment mélancolique et de la souffrance.

Voyez comme je pouvais facilement faire un volume de ces quelques considérations que je vous distribue toutes sèches ! Mais un volume ne vous en dirait pas plus qu’une phrase, et je ne vois pas qui pouvait me forcer à fatiguer ma plume à vous délayer une sauce que vous mangerez fort bien telle qu’elle est.

Vous voilà donc comme moi, et vous trouvez sans autre exemple ce fait avéré : mélancolie, maladie. Mon système est un peu brutal, et tient peu de l’idéalisme, dont je fais profession. À vous d’en apprécier la justesse.


corollaires.

1° Je souffre, et je ne sais pourquoi. Donc, il y a en moi un organe malade. Cherchons à guérir cet organe.

2° Et savez-vous quel est le meilleur remède à la mélancolie ? Une tasse de thé.

Ces pensées successives m’ont rasséréné. La mélancolie, indignée d’être traitée à la façon de Molière, m’a fort impoliment tourné le dos, et, trouvant ma fenêtre entr’ouverte, en a profité peur s’envoler.

Bon voyage !


Les dieux lares, dont j’ai parlé dans le chapitre précédent, se dressaient sur la table, au coin du feu.

C’étaient : d’abord un gigantesque pâté, dont, à la clarté d’une chandelle fumeuse, je ne pus distinguer le contenu ; puis une salade immense dans un saladier impossible, un pain de quatre livres, douze sardines, trois livres de gruyère, enfin quatre litres de vin, flanquant les quatre coins de la table.

Fritz et moi levâmes les mains au ciel en signe d’allégresse. Le vin surtout fit circuler dans mes veines une joie délirante, et son aspect m’étonna singulièrement.

À voir le port de Bercy, encombré nuit et jour de tonneaux cerclés, fermés, mesurés, rangés, prêts à partir, et se reposant entre deux trajets et un grand nombre de douaniers, je m’étais figuré qu’il était impossible de trouver dans ce pays une seule bouteille de vin.

Dans mes voyages, j’ai fait une remarque étrange : c’est que dans tous les endroits de la terre renommés par une production quelconque, il est impossible, à aucun prix, de se procurer cette production. À Troyes, j’avais réclamé des andouillettes, et l’on m’avait ri au nez ; à Strasbourg, ce célèbre domicile des pâtés, les charcutiers avaient été unanimes à me répondre le matin : Nous n’en avons pas encore… le soir : Nous n’en avons plus. Les plus petits pruneaux que j’aie mangés sont ceux de Tours ; quant au liquide, Dieu sait quels gémissements j’ai poussés, en humant à Bordeaux du vin du Cher, et à Châlons une excellente liqueur, couleur de rubis, née certainement en Bourgogne.

Vous comprenez donc qu’à Bercy, qui, à la vérité, ne produit pas de vin, mais où est le centre de tout ce qui se boit à Paris, je devais être stupéfié de trouver autre chose que de l’eau pour étancher ma soif.

L’hôte et l’hôtesse étaient à table, devant Le modeste repas que j’ai décrit. Leur fille, jeune personne parfaitement bien portante, leur tenait compagnie. Plusieurs buveurs s’humectaient le gosier aux tables avoisinantes.

Personne ne se leva à notre entrée, pas même l’hôte. Je lui pardonnai cette infraction aux règles de la politesse, en m’apercevant qu’il était occupé à détacher précisément la croûte du pâté, au moyen d’une fourchette et d’un couteau, débris de l’antique héritage de Gargantua. La religieuse attention qu’il donnait à ce travail l’empêcha de nous entendre et de nous voir. Je crois que ses clients auraient pu s’assassiner réciproquement, sans qu’il s’en aperçût.

Un coup de coude, tel que savent en fournir les femmes dans certaines occasions, le réveilla de sa torpeur. L’hôtesse nous montrait du doigt, mais sans perdre un coup de dent.

« Que désirent ces messieurs ? »

Je suis très-paresseux, et j’ai pour habitude de me confier en toutes choses à la destinée, une très-aimable personne quand on ne la courtise pas. La destinée s’incarne toujours pour moi dans l’être qui m’accompagne. Je laissai parler Fritz.

Il expliqua nos vœux qui furent parfaitement accueillis.

« Un souper, une chambre. »

À l’unanimité on nous les accorda, et nous fûmes nous asseoir dans un coin abandonné, non sans jeter un regard de concupiscence sur le merveilleux pâté que l’hôte ne se sentait pas sans doute d’envie de partager avec nous.

Il se leva, et vint nettoyer notre table avec un de ces torchons qui, je ne sais pourquoi, ont la propriété de salir tout ce qu’ils touchent.

Au premier mot qu’il nous adressa, nous parlâmes tous les deux en même temps, et, dans un chœur formidable, fîmes retentir la voûte du mot pâté, plus d’une fois répété.

Le misérable feignit de ne nous avoir pas entendus, et entama l’énoncé d’une kyrielle de mets, dont aucun ne nous tentait comme le comestible si ardemment convoité. Nous comprîmes que nous étions perdus, ou qu’en tout cas, il y aurait une lutte violente à soutenir. Pourrions-nous en sortir victorieux ? Comme il arrive généralement que le désir s’accroît par la force des obstacles, nous nous sentîmes une avidité d’autant plus violente, que l’objet de notre concupiscence s’éloignait davantage de notre bouche, tout en restant formidablement exposé à nos yeux.

Je ne sais trop ce que nous demandâmes, je ne me rendis aucun compte exact de ce que j’avalai, car à peine l’hôte fut-il revenu à son poste, que Fritz et moi nous tînmes conseil.

Hélas ! nous ne rencontrâmes aucune bonne ressource. Fritz est né en Alsace, et moi… j’ai toujours compris les gasconnades une demi-heure après tout le monde.

Et cependant la croûte du pâté s’était enlevée ; elle gisait dans une assiette. Les habitants sortaient du logis et se pavanaient devant les trois gosiers affamés, qui boulettes, qui écrevisses, qui champignons, qui gibier. Déjà la jeune fille attaquait le premier rang, déjà le père démolissait la muraille.

Fritz retournait piteusement la tête du côté du mur, et, je m’en souviens maintenant, trempait nonchalamment dans l’intérieur d’un œuf frais une mouillette, qu’il lui coûtait vraisemblablement de porter à sa bouche.

« Garçon ! » fis-je en frappant mon verre de mon couteau,

Il n’y avait pas de garçon. L’hôte se leva.

J’avais résolu de ne le laisser dîner avec calme qu’après la conquête. J’étais décidé à employer les moyens les plus violents.

Cependant, quand le brave homme fut venu vers nous la mine souriante et la serviette sous le bras, quand j’eus contemplé Fritz, qui, la bouche béante et sa troisième mouillette à la main, attendait le résultat de mon équipée, j’eus honte de moi-même et ne trouvai rien de mieux à dire que :

« Qu’est-ce que vous pouvez nous donner encore ? »

L’hôte, qui avait épuisé sa kyrielle, demeura stupéfait. Un instant donc je me trouvai placé entre deux bouches énormes, exprimant leurs étonnements divers, celui de Fritz et celui de l’hôte. Me tirer d’affaire était difficile ; j’en fus quitte par une lâcheté.

« Mon ami Fritz, murmurai-je en essayant d’avaler une croûte de pain obstinée à rester dans mon gosier, mon ami Fritz… hum ! désirerait… — diable de croûte ! — du moins il le disait tout à l’heure… il aurait grand besoin d’une tranche… — je ne l’avalerai certainement jamais… — d’une tranche, disais-je, de… — ce n’est peut-être pas l’époque… — de pâté de venaison, »

Je respirai… mais Fritz bondit et faillit me dévorer de ses grands yeux noirs.

« Que le diable m’emporte, dit-il, si j’ai proféré un mot… »

Le vieux bonhomme éclata de rire.

« S’il ne s’agit que de cela, dit-il, je crois qu’il est facile de vous satisfaire. Je gage que vous voulez du pâté ? »

Et l’hôte, tout fier de sa pénétration, se tournant vers la jeune fille :

« Mariette, dit-il, va chez M. Emblot, le charcutier… ces messieurs désirent du pâté.

— Serait-ce une indiscrétion, dit Fritz, de vous demander si les pâtés de M. Emblot sont semblables au vôtre… à celui que vous découpiez tout à l’heure.

— Oh ! non, fit le bonhomme, celui-là vient de la campagne ; c’est un de mes cousins qui me l’a envoyé.

— Fichtre ! votre cousin chasse donc en temps prohibé ? »

L’hôte nous jeta un regard qui signifiait :

« Seriez-vous, par hasard, des commis ou des inspecteurs ?

— Ma foi, il me paraît appétissant, murmurai-je à mon tour, et je souhaite que M. Emblot en possède un semblable, dussé-je en payer l’amende.

— Si ces messieurs… »

En ce moment Mariette rentra.

« Papa, M. Emblot est fermé. »

Nous poussâmes un cri d’indignation.

« Si ces messieurs… » dit l’hôte.

« Beaufumé, viens donc manger ! cria l’hôtesse.

— Voilà, ma femme, voilà… »

Et l’hôte, sans achever sa phrase, alla reprendre sa place à table.