Les Actes des Apôtres/60

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LX

MARTYRE DE SAINT PIERRE. VÉNÉRATION QU’INSPIRENT SES VERTUS.



Grand’mère. Peu de jours après que saint Pierre eut ainsi échappé à Néron, les fidèles vinrent le supplier de se sauver bien vite, parce que Néron songeait à le faire mourir. Des soldats devaient venir le prendre. Saint Pierre refusa de quitter son cher troupeau ; mais les Chrétiens insistèrent tellement, le suppliant avec larmes de se conserver pour eux tous, afin de consolider l’Église de Rome, qu’il céda à leurs instances.
Martyre de St Pierre
Il partit tout seul au milieu de la nuit. À peine arrivé à la porte de la ville, il se trouva en présence de Notre-Seigneur. Pierre se prosternant, lui dit : « Où allez-vous, Seigneur ? » Le Seigneur lui répondit :

« Je vais à Rome, pour y être crucifié de nouveau. »

Pierre comprit que Notre-Seigneur voulait être crucifié en la personne de son Vicaire. Il revint donc à la ville, où il fut pris par les soldats qui le cherchaient, et enfermé, ainsi que saint Paul, dans cette même prison Mamertine dont je viens de parler. Néron, étant revenu d’un voyage qu’il avait fait en Achaïe, donna ordre que saint Pierre fût crucifié comme l’avait été son maître. On le fouetta cruellement auparavant, selon l’usage des Romains.

Le peuple, ayant su qu’on allait crucifier saint Pierre, se souleva avec menaces contre Néron, et voulut délivrer l’Apôtre pendant qu’on l’emmenait. Ils craignaient, disaient-ils, que Dieu ne vengeât par toutes sortes de maux, la condamnation et la mort d’un innocent. Saint Pierre réussit à calmer le peuple en l’exhortant à ne pas troubler l’ordre et à se soumettre.

On mena saint Pierre et saint Paul hors de Rome par la porte d’Ostie, qu’on appela depuis Porte de Saint-Paul. Ce fut près de là qu’on sépara les deux Apôtres.

Cet endroit est encore aujourd’hui l’objet de la vénération des pèlerins. On y a élevé une petite chapelle.

Au-dessus de la porte, on y voit, représentée en un joli bas-relief de marbre blanc, la scène de la séparation des Apôtres.

La tradition rapporte que saint Paul dit à son bienheureux Frère, en l’embrassant pour la dernière fois :

« Va, Pasteur du troupeau du Christ, va rejoindre ton Seigneur en cueillant la glorieuse palme du martyre. »

Et saint Pierre lui répondit :

« Et toi aussi, entre dans la gloire, précieux vase d’élection et Prédicateur de la foi dans le monde entier. »

Saint Paul fut emmené plus loin, à une lieue environ, pour avoir la tête tranchée par le glaive. C’était le supplice des citoyens romains. La croix était un des supplices réservés aux gens du peuple.

Saint Pierre fut conduit dans les jardins de Néron, au pied du mont Vatican, là où on voit la grande place de l’Église de Saint-Pierre, et une partie du quartier appelé Transtévère. On montre encore dans une petite cour voisine de la grande basilique, la place où fut plantée sa croix. Il fut crucifié avec cent cinquante autres Chrétiens, en présence de Néron, dans le cirque Impérial. L’immense obélisque égyptien qui orne le milieu de la place de Saint-Pierre était déjà à cette époque le milieu du cirque de Néron.

Le Prince des Apôtres fut donc attaché sur une croix comme son Divin Maître. Mais il demanda, par esprit d’humilité, d’y être cloué les pieds en haut et la tête en bas, ne se trouvant pas digne de mourir la tête haute, comme Notre-Seigneur.

Lorsqu’il fut attaché à la croix et qu’elle fut enfoncée en terre, saint Pierre parla au peuple, l’exhortant à croire en Jésus-Christ, bénissant Dieu, lui témoignant sa joie et son amour d’avoir été jugé digne de souffrir pour la gloire de son nom ; il termina ainsi :

« Seigneur Jésus, vous m’êtes toutes choses, et en tout ; il n’y a rien pour moi que vous seul, qui êtes Dieu vous-même, Dieu plein de bonté, vous à qui est dû avec le Père éternel et l’Esprit-Saint, l’honneur et la gloire à jamais, dans les siècles des siècles. »

Tous les Chrétiens présents répondirent Amen, et le saint Apôtre expira aussitôt.

C’était le 29 juin de l’année 67.

Le soir même de ce jour, une multitude de Chrétiens, hommes, femmes, enfants, vieillards, eurent la gloire de mourir pour Jésus-Christ. On les attacha à des poteaux, de distance en distance, on les enduisit de résine, et, quand la nuit fut venue, on mit le feu à ces flambeaux vivants.

Néron et son cortège parcouraient les allées à la lueur de ces torches d’un nouveau genre. Ce fut le signal de la première grande persécution de l’Église. Le monde entier fut comme inondé du sang des martyrs.

Un des disciples chéris de saint Pierre, nommé Marcel, détacha lui-même pendant la nuit le corps de son maître, encore attaché à la croix ; il l’embauma de précieux parfums et le déposa dans le tombeau qu’il s’était fait préparer pour lui-même, dans une galerie souterraine du mont Vatican. C’est à la même place que reposent encore les reliques de saint Pierre, sous le maître-autel de cette église magnifique, qui est le monument le plus vénéré du monde entier, à cause des restes précieux qu’il renferme.

La vénération de tous les Chrétiens, Évêques, Prêtres, simples fidèles, depuis près de dix-huit cents ans, est une preuve éclatante de l’antiquité de la foi de tous les siècles chrétiens au grand dogme de la Papauté.

Les autres Apôtres ont été saints comme Pierre, martyrs comme lui, et pourtant aucun n’a été glorifié dans ce monde comme l’a été et comme l’est encore saint Pierre ; aucun n’a laissé une suite de successeurs comme saint Pierre. Depuis saint Pierre, aucun des Évêques de Rome n’est resté inconnu ; tous ont gouverné l’Église universelle, et tous ont été les chefs des Évêques comme saint Pierre a été le chef des Apôtres.

Élisabeth. Ont-ils tous été des saints ?

Grand’mère. Non ; les quarante premiers successeurs de saint Pierre ont été martyrs, beaucoup d’autres ont été saints. Cependant, sur ce grand nombre de deux cent cinquante-huit Papes, il y en a deux ou trois qui ont déshonoré leur dignité par une mauvaise conduite privée, mais Dieu n’a pas permis qu’ils enseignassent la moindre chose contraire à la foi et aux mœurs. Aucun Pape n’a jamais approuvé une erreur, et n’a cédé sur aucun point qui concerne la foi et le bien général de l’Église.