Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CLXXXIII

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Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 157-158).
Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CLXXXIII.


Comment ceux de Hainebon se partirent de la Roche-Périou en allèrent devant Faouet, un autre fort châtel, pour l’assaillir.


Cil Girard de Maulain avoit un frère, hardi écuyer et conforté durement, que on clamoit Régnier de Maulain, et étoit châtelain d’un autre petit fort que on appeloit Faouet, qui siéd à moins d’une lieue près de Roche-Périou. Quand ce Régnier entendit que Bretons et Anglois assailloient son frère, il fit armer de ses compagnons jusques à quarante ; si issit hors, et chevaucha par devers Roche-Périou pour aventures, et pour voir s’il pourroit en aucune manière à son frère valoir ni aider. Si lui avint si bien qu’il survint sur ces chevaliers et écuyers navrés et sur leur menée, qui gissoient dessous le châtel en un pré : si leur coururent sus, et prirent les deux chevaliers et les écuyers navrés ; et les fit porter et emmener pardevers Faouet en prison, ainsi blessés qu’ils étoient. Aucuns de leur menée s’en affuirent à messire Gautier de Mauny et les autres chevaliers, qui étoient grandement intentifs d’assaillir, et leur dirent l’aventure comment on emmenoit ces chevaliers et écuyers pardevers Faouet en prison, et comment ils avoient été pris. Quand les chevaliers entendirent ces nouvelles, ils furent trop durement courroucés, et firent cesser l’assaut, et se mirent à aller tant qu’ils purent, qui mieux mieux, devers Faouet, pour raconsuir s’ils pussent ceux qui emmenoient ces prisonniers ; mais ils ne se purent tant hâter que le dit Régnier de Maulain ne fût jà rentré en son châtel atout ses prisonniers, avant qu’ils fussent venus là. Quand ils furent là venus, l’un devant, l’autre après, ils commencèrent à assaillir, ainsi travaillés qu’ils étoient ; mais petit y firent adonc ; car le dit Régnier et ses compagnons se défendirent vassalment. Et jà étoit tard, et tous étoient travaillés durement ; si eurent conseil qu’ils se logeroient et reposeroient celle nuit pour assaillir lendemain.