Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CXIV

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Livre I. — Partie I. [1340]

CHAPITRE CXIV.


Comment François et Hainuyers s’entrecouroient sus les uns aux autres, et comment le pays de Hainaut étoit en grand’tribulation.


Après la mort du seigneur de Potelles, le sire de Floyon fut un grand temps gardien de la ville et du châtel de Landrecies ; et couroit souvent sur ceux de Bouchaing, de la Malmaison et du Castel en Cambrésis et des forteresses voisines, qui ennemies leur étoient. Ainsi couroient un jour les Hainuyers, un autre les François. Si y avoit souvent des rencontres, des escarmouches et des rués par terre des uns et des autres ; car au voir dire, tels besognes le requièrent. Si étoit le pays de Hainaut en grand’tribulation et en grand esmay ; car une partie de leur pays étoit arse et exillée ; et si sentoient encore le duc de Normandie sur les frontières, et ne savoient qu’il avoit empensé ; et si n’avoient aucunes nouvelles de leur seigneur le comte. Bien est voir qu’il avoit été en Angleterre où le roi et les barons l’avoient honoré et fêté ; et avoit fait et juré grands alliances au roi anglois ; et s’en étoit parti et allé en Allemagne devers l’empereur Louis de Bavière : c’étoit la cause pourquoi il séjournoit là tant. D’autre part messire Jean de Hainaut étoit allé en Brabant et en Flandre, et avoit montré au dit duc de Brabant et à Jaquemart d’Artevelle la désolation du pays de Hainaut, et comment les Hainuyers leur prioient qu’ils y voulsissent entendre et pourvoir de conseil. Les dessus dits lui avoient répondu que le comte ne pouvoit longuement demeurer, et lui revenu, ils étoient tous appareillés d’aller à tout leur pouvoir là où il les voudroit mener.

Or reviendrons-nous au duc de Normandie, et recorderons comme il assiégea ceux de Thun-l’Évêque.