Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CXXV

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Livre I. — Partie I. [1340]

CHAPITRE CXXV.


Comment le roi d’Angleterre tint son parlement à Vilvort où ceux de Flandre, de Hainaut, et de Brabant jurèrent en la main dudit roi à eux entr’aider à jamais contre qui que ce fût.


Or retournerons au parlement qui fut à Vilvort, si comme dessus est dit. À ce parlement qui fut à Vilvort furent tous ces seigneurs ci-après nommés : premièrement le roi Édouard d’Angleterre, le duc Jean de Brabant, le comte de Hainaut, messire Jean de Hainaut son oncle, le duc de Guerles, le marquis de Juliers, le marquis de Blankebourch, le marquis de Misse et d’Eurient, le comte de Mons, messire Robert d’Artois, le sire de Fauquemont, messire Guillaume de Duvort, le comte de Namur, Jaquemart d’Arlevelle, et grand’foison d’autres seigneurs, et de toutes les bonnes villes de Flandre, de Brabant et de Hainaut, trois ou quatre vaillans bourgeois de chacune par manière de conseil. Là furent parlementés et conseillés plusieurs avis et statuts entre les seigneurs et leurs pays ; et accordèrent et scellèrent les trois pays, c’est à savoir, Flandre, Hainaut et Brabant, qu’ils seroient de ce jour en avant aidans et confortans l’un l’autre en tous cas et en tous affaires ; et s’allièrent par certaines convenances, que, si l’un des trois pays avoit à faire contre qui que ce fût, les deux autres le devoient aider, et s’il avenoit qu’ils fussent en discord ni en guerre au temps à venir les deux ensemble, le tiers y devoit mettre bon accord, et s’il n’étoit fort pour ce faire, il s’en devoit retraire au roi d’Angleterre, en qui main[1] ces convenances et alliances étoient dites et jurées à tenir fermes et estables, qui comme ressort les devoit apaiser ; et furent plusieurs statuts là jurés, écrits et scellés, qui depuis se tinrent trop mal. Mais toutes fois, par confirmation d’amour et d’unité, ils ordonnèrent à faire forger une monnoie coursable dedans les dits trois pays, que on appeloit compagnons ou alliés.

Sur la fin du parlement, il fut dit et arrêté et regardé pour le meilleur que, environ la Magdelaine, le roi anglois s’émouveroit et viendroit mettre le siège devant la cité de Tournay, et là y devoient être tous les seigneurs dessus nommés, avec leur mandement de chevaliers et d’écuyers, et le pouvoir des bonnes villes. Si se partirent sur cet état pour eux retraire en leur pays et appareiller suffisamment, selon ce qu’il appartenoit, pour être mieux pourvus quand le jour et le terme viendroit qu’ils devroient être devant Tournay.

  1. C’est-à-dire en la main de qui. Froissart se sert souvent de cette tournure et emploie quel et qui dans le sens du cujus des Latins.