Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCCXXXII

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Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 629-630).

CHAPITRE CCCXXXII.


Comment le sénéchal de Poitou prit Montcontour, et le donna à messire Gautier Huet, à Cresuelle, et à David Holegrave.


Le château de Montcontour siéd sur les marches d’Anjou et de Poitou, et est malement fort et beau, à quatre lieues de Thouars. Tant exploitèrent les dessus dits Poitevins, qui étoient bien en compte trois mille combattans, qu’ils y parvinrent. Si l’assiégèrent et environnèrent tout autour. Et avoient fait amener et charrier avec eux grands engins de Thouars et de la cité de Poitiers : si les firent, tantôt qu’ils furent venus, dresser par devant le dit châtel de Montcontour, lesquels jetoient nuit et jour à la dite forteresse. Avecques ce les seigneurs envoyoient tous les jours assaillir et escarmoucher à ceux du dit fort. Et là eut fait plusieurs grands appertises d’armes ; car avec les Poitevins étoient gens des Compagnies qui point ne vouloient séjourner, tels que Jean Cresuelle et David Holegrave. Ces deux, avecques messire Gautier Huet en étoient capitaines. Messire Pierre de la Gresille et Jourdain de Couloingne, qui dedans étoient, se portoient vaillamment et s’en venoient tous les jours combattre aux Anglois à leurs barrières.

Entre les assauts qui là furent faits, dont il y en eut plusieurs, au dixième jour que les Anglois et Poitevins furent là venus, ils s’avancèrent tellement et de si grand’volonté, et par si bonne ordonnance, que de force ils percèrent les murs du château ; et entrèrent dedans et conquirent les François ; et y furent tous morts et occis ceux qui dedans étoient, excepté messire Pierre et Jourdain et cinq ou six hommes d’armes que les compagnons prirent à merci.

Après cette avenue et cette prise de Montcontour, messire Thomas de Percy, messire Louis de Harecourt, messire Guichart d’Angle, par l’accord et conseil des autres barons et chevaliers, donnèrent le châtel à monseigneur Gautier Huet, à Jean Cresuelle et à David Holegrave et aux compagnons, qui bien étoient cinq cents combattans, pour faire la frontière contre ceux d’Anjou et du Maine, et puis se départirent les seigneurs et retournèrent chacun en son lieu. Ainsi demeura le châtel de Montcontour en la garde et ordonnance des dessus dits, qui y firent tantôt une grande garnison et le réparèrent grandement, et le tinrent depuis moult longuement, et moult grévèrent le pays d’environ ; car tous les jours ils couroient en Anjou et au Maine[1].

  1. Pour observer l’ordre chronologique, Froissart aurait dû placer le siége d’Usson, qui est du commencement de cette année, avant la prise de Montcontour, qui est du mois de septembre.