Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CLXXXII

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Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 485-486).

CHAPITRE CLXXXII.


Comment ceux de Marceranville se rendirent au duc de Bourgogne ; et comment ceux d’Aquegny se rendirent à messire Jean de la Rivière.


Tant fit le dit duc devant Marcerenville et si le contraignit et appressa par assauts et par les engins qui y jetoient nuit et jour, que ceux qui dedans étoient se rendirent, sauves leurs vies et : leurs biens. Si s’en partirent ; et tantôt le duc envoya prendre la saisine et possession par ses maréchaux, monseigneur Boncicaut et monseigneur Jean de Vienne maréchal de Bourgogne ; et délivra le duc le châtel à un écuyer de Beauce qui s’appeloit Guillaume de Chartres. Cil le prit en garde à soixante compagnons avecques lui. Puis se partit le duc et tout l’ost, et s’en vinrent devant un autre châtel que on dit Camerolles. Si l’assiégèrent ces gens d’armes tout à l’environ ; car il siéd en plain pays ; et y fit-on asseoir et dresser les engins qui étoient amenés de Chartres. Ces engins étoient grands durement, et en y avoit quatre qui contraignirent moult ceux de la ville.

Or vous parlerons aussi un petit de monseigneur Jean de la Rivière qui tenoit siége devant Aquegny, assez près de Pacy en la comté d’Évreux, et avoit en sa route bien deux mille combattans ; car il étoit si bien du roi qu’il vouloit ; si lui faisoit ses délivrances et ses finances à sa volonté. Dedans le châtel d’Aquegny avoit Anglois et Normands et Navarrois qui là étoient retraits, puis la bataille de Coucherel ; et se tinrent et défendirent le châtel moult bien ; et ne les pouvoit-on pas avoir à son aise, car ils étoient bien pourvus d’artillerie et de vivres, pourquoi ils se tinrent plus longuement. Toutes fois, finablement ils furent si menés et si appressés qu’ils se rendirent, sauves leurs vies et leurs biens, et se partirent et se retrairent dedans Chierebourc. Si prit messire Jean de la Rivière la saisine du dit château d’Aquegny, et le rafraîchit de nouvelles gens ; et puis se délogea et tout son ost, et se trairent pardevant la ville et la cité d’Évreux. Si étoient avecques lui et de sa charge messire Hugues de Chastillon, le sire de Cauny, messire Mathieu de Roye, le sire de Monsaut, le sire de Helly, le sire de Kreseques, le sire de Sempy, messire Oudart de Renty, messire Enguerran d’Eudin et plusieurs autres bons chevaliers et écuyers de France. Dedans la cité d’Évreux étoient pour la garder messire Guillaume de Gauville et messire Leger d’Orgesy qui trop bien en pensèrent. Si avoient-ils souvent l’assaut ; mais ils étoient si bien sur leur garde qu’ils n’en faisoient compte.