Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre III/Chapitre XII

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Texte établi par J. A. C. Buchon (IIp. 394-398).

CHAPITRE XII

De la paix qui fut faite entre le comte de Foix et le duc de Berry ; et le commencement de la guerre qui fut entre le comte d’Ermignac et le cil de Foix.


Des paroles que messire Espaing de Lyon me contoit étois-je tout réjoui, car elles me venoient grandement à plaisance, et toutes trop bien les retenois, et sitôt que aux hôtels, sur le chemin que nous fesismes ensemble, descendu étois, je les escripvois, fût de soir ou de matin, pour en avoir mieux la mémoire au temps à venir ; car il n’est si juste retentive que c’est d’écriture. Et ainsi chevauchâmes nous ce matin jusques à Morlens. Mais avant que nous y vînmes je le mis encore en parole et dis : « Monseigneur, je vous ai oublié à demander, entrementes que vous m’avez conté des aventures de Foix et d’Ermignac, comment le comte de Foix s’est sçu ni pu dissimuler contre le duc de Berry qui ot à femme la fille et la sœur du comte d’Ermignac, et si le duc de Berry lui en a fait point de guerre et comment il s’en est parti. » — « Comment ? répondit le chevalier, je le vous dirai. Du temps passé le duc de Berry lui a voulu tout le mal du monde ; et ne désiroit le duc seigneur du monde mettre à raison fors le comte de Foix. Mais maintenant, par un moyen dont vous orrez bien parler quand vous serez à Ortais, ils sont bien d’accord. » — « Eh ! doux sire, dis-je, y avoit-il cause que le duc l’eût en haine ? » — « M’aist Dieu, nennil ! dit le chevalier : et je vous en conterai la cause. Quand Charles le roi de France, père à ce roi Charles qui est pour le présent, fut trépassé de ce siècle, le royaume de France fût divisé en deux parties quant au gouvernement ; car monseigneur d’Anjou qui tendoit à aller outre en Italie, ainsi que il fit, s’en déporta et mit ses frères le duc de Berry et le duc de Bourgogne. Le duc de Berry ot le gouvernement de Langue d’Oc et le duc de Bourgogne la Langue d’Oil[1] et toute Picardie. »

« Quand cils de la Langue d’Oc entendirent que monseigneur de Berry les gouverneroit, si furent tout ébahis, espécialement ceux de Toulouse et de la sénéchaussée, car ils sentoient le duc fol large ; et prenoit or et argent à tous lez, et travailloit trop fort le peuple. Et encore il y avoit Bretons en Toulousain, en Carcassonne et en Rouergue, que le duc d’Anjou y avoit laissés, qui pilloient tout le pays ; et couroit renommée que le duc de Berry les y soutenoit pour maistrier les bonnes villes. Et n’étoit pas le duc en la Langue d’Oc pour le temps que je vous parle, mais étoit en la guerre de Flandre avecques le roi.

« Ceux de Toulouse, qui sont grands et puissans, et qui sentoient le roi, leur sire, jeune et embesogné grandement pour les besognes de son oncle, le duc de Bourgogne, ès parties de Flandre, et se véoient pillés et travaillés de Bretons et pillards, tant que ils ne savoient que ils pussent ou dussent faire, si envoyèrent et traitèrent devers le comte de Foix, en lui priant, parmi une somme de florins que tous les mois ils lui délivreroient, que il voulsist emprendre le gouvernement et la garde de leur cité de Toulouse et du pays toulousain et aussi des autres villes, si prié et requis en étoit. Si le prioient ainsi, pourtant que ils le sentoient juste homme, droiturier et fort justicier, et moult redouté de ses ennemis et bien fortuné en ses besognes. Et aussi ceux de Toulouse l’ont toujours grandement aimé, car il leur a été moult propice et bon voisin. Si emprit la charge de ce gouvernement ; et jura à tenir et à garder le pays en son droit centre tout homme qui mal y voudroit et feroit ; mais il réserva tant seulement la majesté royale du roi de France. Et lors mit-il foison gens d’armes sur le pays, et fit ouvrir et délivrer les chemins de larrons et de pillards ; et en fit en un jour, que pendre que noyer à Rabestan en Toulousain, plus de quatre cens ; pourquoi il acquit tellement et si grandement la grâce et l’amour et ceux de Toulouse, de Carcassonne, de Béziers, de Montpellier et des autres bonnes villes là environ, que renommée courut en France que ceux de Languedoc s’étoient tournés, et que ils avoient pris à seigneur le comte de Foix,

« Le duc de Berry, qui en étoit souverain, prit en grand’déplaisance ces nouvelles, et en accueillit en grand’haine le comte de Foix, pour tant que il s’ensoignoit si avant des besognes de France, et vouloit tenir ceux de Toulouse en leur rébellion. Si envoya gens d’armes au pays ; mais ils furent durement recueillis et repoussés des gens du comte de Foix, et tant qu’il les convint retraire, voulsissent ou non, ou il eussent plus perdu que gagné. De celle chose s’enfelonna tellement le duc de Berry sur le comte de Foix, que il disoit que le comte de Foix étoit le plus orgueilleux et le plus présomptueux chevalier du monde. Et n’en pouvoit le dit duc ouïr parler en bien devant lui. Mais point ne lui faisoit guerre ; car le comte de Foix avoit toujours ses villes et ses chastels si bien garnis et pourvus que nul n’osoit entrer en sa terre. Aussi quand le duc de Berry vint en Languedoc, le dit comte se déporta de son office, et n’en voult plus rien exercer dessus le duc de Berry ; mais depuis jusques à ores le différend y a été moult grand. Or vous vueil-je recorder par quel moyen la paix y a été mise et nourrie.

« Il peut avoir environ six ans[2] que Aliénor de Comminges, comtesse à présent de Boulogne et cousine moult prochaine du comte de Foix et droite héritière de la comté de Comminges, combien que le comte d’Ermignac la tienne, vint à Ortais, devers le comte de Foix, et faisoit amener en sa compagnie une jeune fille de trois ans. Le comte, qui est son cousin, lui fit bonne chère, et lui demanda de son affaire comment il lui en étoit, et où elle alloit. « Monseigneur, dit-elle, je m’en vais en Arragon, devers mon oncle, le comte d’Urgel, et ma belle ante ; et là me vueil tenir, car je prends à grand déplaiaance à être avecques mon mari, messire Jean de Boulogne, fils au comte de Boulogne ; car je cuidois qu’il dût recouvrer mon héritage de Comminges devers le comte d’Ermignac qui le tient, et ma sœur autant bien, en prison, mais il n’en fera rien ; car c’est un mol chevalier, qui ne veut autre chose que ses aises, de boire et de manger et de aloer le sien follement. Et sitôt comme il sera comte, il dit qu’il vendra de son héritage du meilleur et du plus bel pour faire ses volontés ; et pourtant ne puis je demeurer avecques lui. Si ai pris ma fille, si la vous en charge et délivre, et vous fais tuteur et mainbour de li pour la nourrir et la garder ; car bien sais que, pour amour et lignage, à ce grand besoin vous ne me fauldrez pas, car je n’ai aujourd’hui fiance certaine pour Jeanne ma fille garder, fors en vous. Je l’ai à grand’peine mise et extraite hors des mains et du pays du père, mon mari. Mais pour tant que je sens ceux d’Ermignac, mes adversaires et les vôtres, en grand’volonté de ravir et embler ma fille, pour ce que elle est héritière de Comminges, je l’ai amenée devers vous. Si ne me fauldrez pas à ce besoin, et je vous en prie ; et bien crois que son père, mon mari, quand il saura que je la vous ai laissée, en sera tout réjoui ; car jà pieça m’avoit-il dit que celle fille le mettoit en grand’pensée et en grand doute. »

« Quand le comte de Foix ouït parler madame Aliénor sa cousine, si fut moult réjoui ; et imagina tantôt en soi-même, car il est un seigneur moult imaginatif, que encore celle fille lui viendroit grandement à point ; ou il en pourroit avoir ferme paix avec ses ennemis, ou il la pourroit marier en tel lieu et si hautement que ses ennemis le douteroient. Si répondit et dit : « Madame et cousine, je ferai très volontiers ce dont vous me priez, car je y suis tenu par lignage ; et pour ce, votre fille, ma cousine, je garderai et penserai bien de li, tout en telle manière comme si ce fût ma propre fille. » — « Grand merci, monseigneur ! » ce dit la dame.

« Ainsi demeura, comme je vous conte, la jeune fille de Boulogne en l’hôtel du comte de Foix à Ortais, ni oncques depuis ne s’en partit ; et sa dame de mère s’en alla au royaume d’Arragon. Elle l’est bien venue voir depuis deux ou trois fois, mais point ne la demandé à r’avoir ; car le comte de Foix s’en acquitte en telle manière comme si ce fût sa fille, et au propos du moyen que je vous dis, par lequel il imagine que, si il fut oncques malveillant du duc de Berry, que par ce moyen ils feroient leur paix ; car le duc de Berry pour le présent est vefve et a grand désir de se marier ; et me semble, à ce que j’ai ouï dire en Avignon au pape qui m’en a parlé, et qui est cousin germain du père, le duc de Berry en fera prier, car il la veut avoir à femme et à épouse. » — « Sainte Marie ! dis-je au chevalier, que vos paroles me sont agréables, et que elles me font grand bien, entrementes que vous les me contez ! Et vous ne le perdrez pas, car toutes seront mises en mémoire et en remontrance et chronique en l’histoire que je poursuis, si Dieu me donne que à santé je puisse retourner en la comté de Hainaut et en la ville de Valenciennes dont je suis natif ; mais je suis trop courroucé d’une chose. » — « De laquelle ? » dit le chevalier. « Je la vous dirai, par ma foi ! sire ; c’est que de si haut et de si vaillant prince, comme le comte de Foix est, il ne demeura nul héritier de sa femme épousée. » — « M’aist Dieu ! non, dit le chevalier, car si il en y eût eu un vivant, si comme il ot une fois, ce seroit le plus joyeux seigneur du monde ; et aussi seroient tous ceux de sa terre. » — « Et demeurera donc, dis-je, sa terre sans hoirs. » — « Nennil, dit-il ; le vicomte de Castelbon, son cousin germain, est son héritier. » — « Et aux armes, dis-je, est-il vaillant homme ? » — « M’aist Dieu ! dit-il, nennil ; et pour tant ne le peut amer le comte de Foix, Et fera si il peut ses deux fils bâtards, qui sont beaux chevaliers et jeunes, ses héritiers. Et a intention de les marier en haut lignage ; car il a or et argent à grand’foison. Si leur trouvera femmes par quoi ils seront aidés et confortés. » — « Sire, dis-je, je le vueil bien ; mais ce n’est pas chose due ni raisonnable de bâtards faire hoirs de terre. » — « Pourquoi ? dit-il, si est en défaut de bons hoirs. Ne véez-vous comment les Espaignols couronnèrent à roi un bâtard, le roi Henry, et ceux de Portingal ont couronné aussi un bâtard ? On l’a bien vu avenir au monde en plusieurs royaumes et pays, que bâtards ont par force possessé. Ne fut Guillaume le conquéreur bâtard fils d’un duc de Normandie, et conquit toute Angleterre et la fille du roi qui pour le temps étoit ; et demeura roi, et sont tous les rois d’Angleterre descendus de lui ? — « Or, dis-je, sire, tout ce peut bien faire. Il n’est chose qui n’avienne. Mais cils d’Ermignac sont trop forts ; et ainsi seroit donc toujours cil pays en guerre. Mais dites-moi, cher sire, me voudrez-vous point dire pourquoi la guerre est émue premièrement entre ceux de Foix et d’Ermignac, et lequel a la plus juste cause ? » — « Par ma foi, dit le chevalier, ouil ; toutefois c’est une guerre merveilleuse, car chacun y a cause, si comme il dit. »

« Vous devez savoir que anciennement, et à présent, il peut avoir environ cent ans, il y ot un seigneur en Berne qui s’appeloit Gaston[3], moult vaillant homme aux armes durement, et fut ensepveli en l’église des frères mineurs moult solennellement à Ortais, et là le trouverez et verrez comme il fut grand de corps et comme puissant de membres il fut, car en son vivant en beau letton il se fit former et tailler.

« Cil Gaston, seigneur de Berne, avoit deux filles[4], dont l’aînée il donna par mariage au comte d’Ermignac[5] qui pour le temps étoit, et la mains-née au comte de Foix qui nepveu étoit du roi d’Arragon ; et encore en porte le comte de Foix les armes, car il descend d’Arragon et sont pallées d’or et de gueules, je crois que vous le savez bien. Avint que ce seigneur de Berne ot une dure guerre et forte au roi d’Espaigne qui pour ce temps étoit[6] ; et vint cil roi parmi le pays de Bisquaie à grand’gent entrer au pays de Berne. Messire Gaston de Berne, qui fut informé de sa venue, assembla ses gens de tous les points et côtés, là où il les pouvoit avoir, et escripsit à ses deux fils, le comte d’Ermignac et le comte de Foix, que ils le vinssent, à toute leur puissance, servir et aider à défendre et garder leur héritage. Ses lettres vues, le comte de Foix, au plus tôt qu’il put, assembla ses gens et pria tous ses amis, et fit tant que il ot cinq cents chevaliers et écuyers, tous à haulmes, et deux mille varlets, à lances et à dards et pavais, tous de pied ; et vint au pays de Berne, ainsi accompagné, servir son seigneur de père, lequel en ot moult grand’joie ; et passèrent toutes ses gens au pont à Ortais la rivière Gave, et se logèrent entre Sauveterre et l’Hospital ; et le roi d’Espaigne, à tout bien vingt mille hommes, étoit logé assez près de là.

« Messire Gaston de Berne et le comte de Foix attendoient le comte d’Ermignac et cuidoient que il dût venir, et l’attendirent trois jours. Au quatrième jour le comte d’Ermignac envoya ses lettres par un chevalier et un héraut à messire Gaston de Berne ; et lui mandoit que il n’y pouvoit venir, et que il ne lui en convenoit pas encore armer pour le pays de Berne, car il n’y avoit rien.

« Quand messire Gaston ouït ces paroles d’excusance, et il vit que il ne seroit point aidé ni conforté du comte d’Ermignac, si fut tout ébahi et demanda conseil au comte de Foix et aux barons de Berne comment il se maintiendroit. « Monseigneur, dit le comte de Foix, puisque nous sommes ci assemblés, nous irons combattre vos ennemis. »

« Ce conseil fut tenu, et le comte de Foix cru. Tantôt ils s’armèrent et ordonnèrent leurs gens, lesquels étoient environ douze cens hommes à heaumes, et six mille hommes de pied. Ce comte de Foix prit la première bataille et s’en vint courir sur le roi d’Espaigne et ses gens en leurs logis ; et là ot grande bataille et felonnesse, et morts plus de dix mille Espaignols[7]. Et prit le comte de Foix, le fils et le frère du roi d’Espaigne, le comte de Médine et le comte d’Osturem, et grand’foison d’autres barons et chevaliers d’Espaigne, et les envoya devers son seigneur, messire Gaston de Berne qui étoit cil l’arrière-garde. Ët furent là les Espaignols si déconfits que le comte de Foix les chassa jusques au port Saint-Andrieu en Bisquaie. Et se bouta le roi d’Espaigne en l’abbaye, et vêtit l’habit d’un moine, autrement il eût été pris aux poings. Et se sauvèrent par leurs vaisseaux ceux qui sauver se purent, et se boutèrent en mer. Adonc retourna le comte de Foix devers monseigneur Gaston de Berne qui lui fit grand’chère et bonne ; ce fut raison, car il lui avoit sauvé son honneur, et gardé le pays de Berne qui lui eût été perdu.

« Par celle bataille et celle déconfiture que le comte de Foix fit en ce temps sur les Espaignols, et par la prise qu’il eut du fils et du frère au roi d’Espaigne, vint à paix le sire de Berne envers les Espaignols, ainsi comme il la voult avoir. Quand messire Gaston de Berne fut retourné à Ortais, présens tous les barons de Foix qui là étoient, il prit son fils le comte de Foix et dit ainsi : « Beau fils, vous êtes mon fils, bon, certain et loyal, et avez gardé à toujours mais mon honneur et l’honneur de mon pays. Le comte d’Ermignac, qui a l’ains-née de mes filles, s’est excusé à mon grand besoin ; et n’est pas venu défendre ni garder l’héritage où il avoit part ; pour quoi je dis que telle part qu’il y attendoit de la partie ma fille, sa femme, il l’a forfaite et perdue ; et vous enhérite de toute la terre de Berne, après mon décès, vous et vos hoirs à toujours mais ; et prie et veuil et commande à tous mes habitans et subgiets que ils scellent et accordent avecques moi celle ahéritance, Jean, fils de Foix, que je vous donne. » Tous répondirent : « Monseigneur, nous le ferons volontiers. »

« Ainsi ont été, et par telle vertu que je vous conte, anciennement les comtes de Foix qui ont été, comtes et seigneurs du pays de Berne ; et en portent les armes, le cri, le nom et le profit. Pour ce n’en ont pas cils d’Ermignac leur droit, tel que ils le disent à avoir, clamé quitté. Vez-là la cause et la querelle pour quoi la guerre est entre Ermignac, Foix et Berne. »

« Par ma foi, sire, dis-je lors au chevalier, vous le m’avez bien déclaré, et oncques mais je n’en avois ouï parler ; et puisque je le sais, je le mettrai en mémoire perpétuelle, si Dieu donne que je puisse retourner en notre pays. Mais encore d’une chose, si je la vous osois requerre, je vous demanderois volontiers : par quelle incidence le fils au comte de Foix, qui est à présent, mourut ? » Lors pensa le chevalier et puis dit : « La matière est trop piteuse, si ne vous en vueil point parler. Quand vous viendrez à Ortais, vous trouverez bien, si vous le demandez, qui le vous dira. »

Je m’en souffris atant et puis chevauchâmes et vînmes à Morlens.

  1. Il y a grande apparence que ces deux dénominations avaient été en usage avant une ordonnance de Philippe-le-Bel, de 1304 ou 1305. On y voit, ainsi que dans une autre de Charles VI, de 1394, les états de la couronne de France divisés en Langue d’Oc et en Langue d’Oil. Le mot de langue y est employé, selon notre ancien langage, pour nation, province : dans l’ordre de Malte on s’en sert encore aujourd’hui. Guillaume de Nangis, dans sa Chronique française manuscrite, désigne les environs de Paris par la langue d’Oil, à l’année 1343, où il est parlé d’une épidémie qui commençait à désoler ce pays vert la fin du mois d’août. Dans la Salade d’Antoine de la Salle, environ 1440, il est dit d’un chevalier inconnu qu’il devait être de Languedoc : Car lui et le plus de ses gens disoient Oc, la langue que l’on parle quant on va à Saint-Jacques.

    Il semble que ces dénominations n’ont pas toujours été attribuées à chacune des provinces comprises cependant sous ce nom générique ; celle qu’on appelait d’abord langue-goth, a seule conservé le nom de Languedoc, Occitania ; tania, pays d’Oc : on disait généralité de Languedoc, et de la partie la plus voisine, généralité de Guyenne.

    Il en est de même pour les provinces d’Oil. Froissart dit que le duc de Berry eut le gouvernement de la langue d’Oil et de la Picardie ; et la généralité de cette province, aussi bien que celles de Normandie et de Champagne, dans les recettes de l’épargne, sous Charles VIII et Louis XII, sont distinguées de celles de la langue d’Oil.

    Toutes ces distinctions, générales et particulières, ont cessé dès François Ier ; n’est plus parlé dans ses recettes de langue d’Oil ni de langue d’Oc.

    On donna encore le nom générique de Calalane à la langue d’Oc, qui se parlait au delà de la Loire, peut-être à cause de la Catalogne, le terme le plus éloigné de tous ces pays où cette langue était en usage ; et si cette conjecture n’est point dénuée de fondement, il est assez probable que c’est par la même raison sur la langue d’Oil, la langue qui se parlait en deçà de la Loire, aura été appelée la langue picarde. La Picardie était la province septentrionale la plus éloignée de la Loire, comme la Catalogne était au midi à la plus longue distance de cette rivière.

  2. Ceci eut lieu en 1382.
  3. Gaston VII, de la maison de Moncade. Il commença à régner en 1232 et mourut le 22 avril 1290. C’est celui qui bâtit Orthez et fit recueillir les fors du pays.
  4. Gaston VII avait quatre filles et pas d’héritier mâle, Ces quatre filles étaient Constance, l’aînée, mariée à l’infant d’Arragon ; Marguerite, la seconde, mariée à Roger Bernard, comte de Foix ; la troisième Amate, mariée au comte d’Armagnac ; et Guillemette, la quatrième, mariée après la mort de son père.
  5. Froissart se trompe. Le comte d’Armagnac, comme je l’ai dit dans la note précédente, avait épousé la troisième, et le comte de Foix la seconde.
  6. Il s’agit probablement de la guerre avec le roi de Castille en 1283, qui se termina l’année suivante.
  7. Froissart aime beaucoup les grands coups d’épée. Tout ce qui ressemble aux romans de chevalerie a un titre de plus pour lui paraître croyable.