Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre III/Chapitre XXIX

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Texte établi par J. A. C. Buchon (IIp. 463-471).

CHAPITRE XXIX.

Comment ceux de Portingal envoyèrent messages en Angleterre pour dire et noncier les nouvelles de leur pays au roi et aux grands seigneurs d’Angleterre.


Or, dit le conte, que après ce que le roi Jean de Portingal ot déconfit en bataille le roi Jean de Castille au champ de Juberot, près de l’abbaye que on dit au pays à l’Acabasse[1], où tant de nobles gens chevaliers et escuyers du royaume de France et de Gascogne et du royaume de Castille furent morts, et que le roi Jean de Portingal, pour celle belle et victorieuse journée, fut moult élevé, redouté et honoré des Portingalois, et qu’il fut reçu en la cité de Lussebonne, à son retour de la bataille, à grand’gloire de tout le peuple et à grand triomphe, la couronne de laurier au chef, si comme anciennement souloient les rois faire, quand ils victorioient et vainquoient ou desconfisoient un roi en bataille ; et en ot la cité de Lussebonne joie et revel, et tenu grand’fête ; avant le département des barons et chevaliers qui là étoient, et les consaux des bonnes villes et cités du dit royaume, un parlement fut fait et ajourné ; pour avoir consultation et avis des besognes du royaume, et comment à leur honneur ils se pourroient chevir et persévérer, et tenir leur opinion ferme et estable et en honneur. Car, si comme aucuns sages du pays disoient, or à prime venoit le fort de regarder entr’eux et avoir conseil, comment ils se pourroient tellement fortifier contre le roi de Castille et sa puissance que ils demeurassent honorablement en leur victoire, et que toujours ils le pussent multiplier et exaulser.

À ce parlement qui fut à Lussebonne, en l’église cathédrale, que on dit de Saint-Dominique, ot plusieurs paroles proposées et récitées et mises avant, lesquelles ne sont pas toutes à réciter ni à recorder : mais l’arrêt du parlement fut tel, que on envoieroit en Angleterre, devers le duc de Lancastre, qui se clamoit l’héritier du royaume de Castille, de par madame Constance, sa femme, laquelle avoit été fille aînée du roi Damp Piètre ; et lui escriproit-on ainsi : que si jamais il vouloit clamer droit au royaume de Castille ni ses besognes remettre sus qui avoient été un long temps en balance et en aventure d’être perdues, il venist en Portingal atout une bonne charge de gens d’armes et d’archers, car il en étoit temps. Lors fut là dit et parlementé par beau langage du comte de Novaire, connétable de Portingal[2] : « Puisque nous sommes d’accord d’envoyer en Angleterre, devers le duc de Lancastre, dont nous pensons à être aidés et confortés, et que ce nous est la voie la plus profitable pour donner doute et crainte à nos ennemis. Si regardons et avisons en notre royaume hommes sages et notables qui puissent faire ce message, et tellement informer le duc de Lancastre et son conseil que il vienne en ce pays de grand’volonté, et fort assez pour résister à nos ennemis, avecques l’aide que il aura de nous ; car nous devons bien croire et supposer que le roi de Castille se fortifiera grandement du roi de France et des François, car ils ne se savent où employer. Ils ont trieuves aux Anglois jusques à la Saint-Jean-Baptiste, et les Anglois à eux ; et encore ont les François bonne paix et ferme aux Flamands, qui moult les ont embesognés et occupés par plusieurs années. »

Là fut la parole du comte de Novaire acceptée ; et fut dit qu’il parloit bien et à point, et que on feroit ainsi. Lors furent nommés, par délibération de conseil et arrêt, que le grand maître de Saint-Jacques, du royaume de Portingal, et Laurentien Fougasse[3], un moult sage et discret escuyer, et qui bien et bel savoit parler françois, iroient en ce message en Angleterre ; car, à l’avis du conseil du roi de Portingal, on n’y pouvoit envoyer pour le présent gens qui point mieux sauroient faire la besogne. Si furent lettres escriptes et dictées bien et discrètement en bon françois et en latin aussi, lesquelles se devoient adresser au roi d’Angleterre et au duc de Lancastre et à ses frères, les comtes de Cantebruge et de Bouquinghen ; et quand ces lettres furent escriptes et grossoyées en latin et en françois, elles furent lues devant le roi et son conseil ; si plurent grandement ; et lors furent-elles scellées et puis délivrées aux dessus dits, le grand maître de Saint-Jacques et Laurentien Fougasse, qui se chargèrent entr’eux deux de les porter en Angleterre, au plaisir de Dieu, mais que ils pussent passer sauvement les dangers et périls de mer, les fortunes et les rencontres des ennemis et des robeurs, car otretant bien a robeurs en mer et plus que en terre. Si eurent une nef, que on appelle Lin, qui va de tous vents et plus sûrement que nulle autre. Si prindrent un jour congé du roi et à l’archevêque de Bragues et à l’évêque de Connimbres, et au grand conseil de Portingal, et puis vinrent au Port, et entrèrent au vaissel et eskipèrent en mer et singlèrent à pouvoir vers le royaume d’Angleterre ; et furent trois jours en mer absens de toute terre, et ne véoient que ciel et eau, et au quart jour ils virent Cornouaille.

Tant exploitèrent les dessus dits, par l’exploit de Dieu et du bon vent, et par les marées que leurs mariniers savoient prendre à point, et tant côtoyèrent Cornouaille et les bandes d’Angleterre, que ils arrivèrent sauvement et sans péril au hâvre de Hantonne et là ancrèrent. Si issirent hors de leur vaissel et s’en allèrent rafreschir en la ville. Là furent bien enquis et examinés du baillif de Hantonne et des gardes de la mer et du hâvre, de quel pays ils étoient, ni de qui ils se rendoient, ni quel part ils alloient. Ils répondirent à toutes ces demandes, et distrent que ils étoient du royaume de Portingal, et là envoyés de par ledit roi et son conseil. À ces paroles furent-ils les bien-venus.

Quand les dessus nommés messagers se furent reposés et rafreschis à Hantonne un jour, et ils eurent pourvus chevaux pour eux et pour leurs gens, et conduiseurs aussi qui les mèneroient Vers Londres, car ils ne connoissoient le pays ni les chemins, ils se départirent de Hantonne, et exploitèrent tant que ils vinrent à Londres. Si descendirent en Grecerche[4], à l’hostel au Faucon, sus Thomelin de Wincestre, et renvoyèrent, par les gardes qui amenés les avoient, leurs chevaux arrière.

Si bien leur chéy que le roi d’Angleterre et tous ses oncles étoient à Londres ou à Wesmoustier, dont ils furent moult réjouis ; et vinrent à Londres aussi que à heure de tierce. Si y dînèrent ; et après dîner ils s’ordonnèrent et prindrent les lettres qui s’adressoient au duc de Lancastre et à la duchesse, et s’en allèrent devers eux.

Quand le duc et la duchesse sçurent qui ils étoient, si en furent grandement réjouis, car ils désiroient à ouïr nouvelles de Portingal : on leur en avoit bien dites aucunes, mais ils n’y ajoutoient point de foi, pourtant que le roi ni nul du pays ne leur avoit point envoyé par lettres. Si entrèrent le grand-maître de Saint-Jacques et Laurentien Fougasse en la chambre du duc de Lancastre, où là étoit la duchesse ; et pour ce que Laurentien savoit bien parler françois, il parla tout premièrement. Et quand il ot fait la révérence au duc et à la duchesse, il bailla au duc les lettres qui venoient de Portingal. Le duc les prit, et bailla à la duchesse celles qui appartenoient à li : si les lisirent chacun et puis les recloirent. Si dit le duc aux messages : « Vous nous soyez en ce pays les bien-venus ; nous irons demain devers le roi et vous ferons toute adresse, car c’est raison. » Adonc trait la duchesse Laurentien à part et lui demanda des nouvelles de Castille et de Portingal et comment on s’y demenoit. Selon ce que la dame parla, Laurentien répandit bien et à point. Adonc fit le duc venir vin et épices ; si burent et prirent congé, et puis retournèrent ce soir à leur hostel.

À lendemain, à heure de prime, tous deux s’en allèrent devers le duc, et le trouvèrent que il avoit ouï sa messe : si entrèrent en une barge et allèrent par la Tamise à Wesmoustier, où le roi étoit, et la greigneur partie du conseil d’Angleterre. Le duc de Lancastre les fit entrer en la chambre du conseil et dit au roi : « Monseigneur, vez-ci le grand-maître de Saint-Jacques de Portingal et un escuyer du roi de Portingal qui vous apportent lettres ; si les voyez. » — « Volontiers, » dit le roi. Adonc s’agenouillèrent devant le roi les deux messages dessus nommés, et Laurentien Fougasse lui bailla les lettres. Le roi les prit, et fit lever ceux qui à genoux étoient, et ouvrit les lettres et les lisit. Aussi baillèrent-ils lettres au comte de Cantebruge et au comte de Bouquinghen. Chacun lust les siennes. Le roi répondit aux messagers moult doucement et leur dit : « Vous soyez les bien-venus en ce pays ; votre venue nous fait grand’joie, et vous ne vous partirez pas si très tôt ni sans réponse qui vous plaira ; et toutes vos besognes recommandez-les à beaux oncles ; ils en soigneront et auront en mémoire. » Ils répondirent, en eux agenouillant et remerciant le roi : « Très cher sire, volontiers. »

Donc se départirent-ils de la chambre de parement et du conseil, et s’en allèrent ébattre parmi le pays en attendant le duc de Lancastre qui demeura jusques à haute nonne. Le parlement fait, le duc de Lancastre emmena avecques lui ses deux frères dîner à son hostel et tous y allèrent en leurs barges par la Tamise.

Le comte de Cantebruge connoissoit assez le grand-maître de Saint-Jacques et Laurentien Fougasse, car il les avoit vus au temps passé en Portingal, pourquoi, à l’hostel du duc, après dîner, il les mit en parole de plusieurs choses, présens ses deux frères, et leur demanda du mariage de Castille et de celle qui devoit être sa fille, madame Biétris, comment il en étoit. À toutes ses paroles répondirent les ambassadeurs sagement et vraiment, tant que les seigneurs s’en contentèrent très grandement.

Voir est que, avant que le grand-maître de Saint-Jacques de Portingal et Laurentien Fougasse fussent venus ni arrivés en Angleterre en ambassaderie, si comme vous pouvez ouïr, le duc de Lancastre et le comte de Cantebruge son frère, pour le fait du royaume de Castille dont ils se tenoient héritiers par la condition et droit de leurs femmes, avoient eu entre eux deux ensemble plusieurs consaulx et parlemens de leurs besognes. Car le comte de Cantebruge, si comme il est ici dessus contenu en celle histoire, s’étoit petitement contenté du roi Ferrant de Portingal et des Portingalois ; car ils avoient logé aux champs quinze jours tout entiers devant les Castelloings, et point ne les avoient le roi Ferrant ni son conseil voulu combattre. Si leur avoit bien dit et montré le comte leur défaut et leur avoit dit : « J’ai en ma compagnie de purs Anglois environ cinq cens lances et mille archers. Sachez, sire roi, et vous barons de Portingal, que nous sommes tous conjoins ensemble de bonne volonté pour combattre nos ennemis et attendre l’aventure telle que Dieu la nous voudra envoyer. » Mais le roi Ferrant dit que il ni ses gens n’avoient point conseil de combattre : pourquoi, quand le comte vit ce, il se partit et emmena Jean son fils hors du royaume de Portingal[5], et quand il fut retourné en Angleterre, cil roi de Portingal s’accorda au roi Jean de Castille et maria sa fille à lui par paix faisant ; et ce traité fit messire Jean Ferrant Andère un chevalier de Portingal, car le roi Ferrant n’avoit conseil fors en lui. Si demanda bien le roi à sa fille lequel elle avoit plus cher pour son mari ; elle avoit répondu que elle aimoit mieux Jean d’Angleterre que Jean de Castille. Le père lui avoit demandé pourquoi ; elle avoit dit, pourtant que Jean étoit beaux enfès et de son âge, afin que elle n’eût le roi de Castille ; et bien l’avoit dit au roi Ferrant son père ; mais le roi, pour paix avoir aux Espaignols, pourtant que ils lui marchissent de tous côtés, l’avoit là mariée ; et à ce mariage faire et au demarier son fils, avoit rendu grand’peine le dit chevalier de Portingal, duquel le comte se tenoit mal content, qui s’appeloit messire Jean Ferrant Andère.

Encore avoit dit le comte au duc de Lancastre son frère que, le roi Ferrant mort, il se doutoit que les communautés du pays de Portingal ne se rebellassent contre celle dame Biétris, car le plus du pays, combien que le roi eût épousé sa mère, madame Alienor de Congne, ne la tenoient pas à légitime, mais à bâtarde ; et en murmuroient jà les Portingalois, lui étant au pays ; pour celle cause s’étoit-il pris près de ramener son fils.

Le duc de Lancastre, auquel les choses touchoient trop plus grandement de l’héritage de Castille, car il avoit à femme l’ains-née héritière de Castille, que elles ne fissent au comte de Cantebruge, car jà avoit-il une belle-fille de sa femme, madame Constance, se vouloit bien justement informer de ces besognes et ne les vouloit pas mettre en non chaloir, mais élever et exaulser du plus que il pouvoit ; car il véoit bien si clairement sur son affaire que il ne pouvoit avoir au jour d’adonc nulle plus belle ni plus propice entrée au royaume de Castille que par le royaume de Portingal ; et véoit que il en étoit prié et requis grandement et espécialement du roi de Portingal, et des barons et communautés du dit royaume, et que ce roi Jean de Portingal on le tenoit à sage et vaillant homme, et jà avoit déconfit par bataille le roi de Castille atout grand’puissance, dont il étoit plus honoré ; si s’inclinoit trop grandement le duc à aller en Portingal ; et aussi le roi d’Angleterre et son conseil lui avoient accordé. Mais, pour lui justement informer de toutes ces besognes, de l’état et condition du pays, du droit de la dame madame Bietrix, que elle clamoit à la couronne de Portingal, du droit aussi du roi Jean de Portingal, lequel les communautés avoient couronné à roi, une fois entre les autres il avoit donné à dîner au grand-maître de Saint-Jacques et à Laurentien Fougasse de Portingal en sa chambre tout coiement. Donc, après dîner, il fit tout homme partir, et appela les dessus dits moult amoureusement et les mit en paroles des besognes de Portingal ; et pourtant que Laurentien Fougasse savoit parler très beau françois et à trait, et bien lui séoit et appartenoit, le duc adressa sa parole à lui et lui dit : « Laurentien, je vous prie que vous me contiez, tout de point en point et de membre en membre, la condition et manière de votre terre de Portingal, et quelles choses y sont advenues depuis que mon frère s’en partit, car le roi de Portingal m’a escript qu’il n’y a homme en Portingal qui si justement m’en puisse informer comme vous ferez ; et je vous dis que vous me ferez grand’plaisance. » — « Monseigneur, répondit l’escuyer, à votre plaisir. » Lors commença Laurentien à parler et dit en telle manière :

« Advenu est en Portingal depuis le département de votre frère, le comte de Cantebruge, que le royaume a été en grand trouble et dissention et en grand’aventure d’être tout perdu ; mais Dieu merci ! les besognes y sont à présent en bon point et en ferme convenant. Et on ne se doit pas émerveiller si empêchement y ot ; car, si Dieu n’y eût ouvré par sa grâce, les choses s’y fussent mal portées, et tout par le péché et coulpe du roi Ferrant, dernièrement mort. C’est la voix et la renommée de la plus saine partie du pays, car le roi Ferrant en sa vie aima ardemment de forte amour une dame, femme d’un sien chevalier, lequel on clamoit messire Jean Laurent de Congne. Celle dame, pour sa beauté, le roi de Portingal la voult avoir de force ; car la dame s’en deffendit tant comme elle pot : mais en la fin il l’ot, et lui dit adonc : « Je vous ferai roine de Portingal. Je vous aime ; ce n’est pas pour vous amenrir, mais exaulser, et vous épouserai. » La dame à genoux et en plorant lui dit : « Ha ! monseigneur, sauve soit votre grâce ! je ne puis avoir honneur à être roine de Portingal ; car vous savez, et aussi sait tout le monde, que je ai seigneur et mari et ai eu, jà cinq ans. » — « Alienor, dit le roi, ne vous excusez point, car je n’aurai jamais autre femme à épouse, si vous aurai eue ; mais tant y a que je vous ferai quitter de votre mari, avant que je vous épouse. » La dame n’en pot autre chose avoir, et conta tout le fait à son mari. Quand le chevalier entendit ce, si fut tout pensif et mérencolieux, et regarda que bon en étoit à faire ; et dit en soi-même que jà il ne quitteroit sa femme. Toutevoies, il douta le roi et se partit du royaume de Portingal, et s’en alla en Castille devers le roi Henry, qui le reçut et retint de son hôtel tant comme il vesquit ; et aussi fit le roi Jean de Castille qui est à présent.

« Le roi de Portingal, pour accomplir sa folle plaisance, envoya querre la dame et le chevalier, mais on ne trouva pas le chevalier, car il s’étoit parti. Adonc manda le roi l’évêque de Connimbres, lequel étoit chancelier pour le temps de tout le royaume de Portingal, et de son conseil, et lui dit son entente, et qu’il vouloit épouser Alienor de Congne. L’évêque douta le roi, car il le sentoit de grand’hautaineté et merveilleuse condition ; si n’osa répondre du contraire. Et aussi messire Jean Ferrant Andère, qui étoit tout le conseil et le cœur du roi, pour servir le roi à gré, lui dit : « Évêque, vous le pouvez bien faire ; monseigneur se fera à une fois dispenser de tout. » L’évêque les épousa ; et furent ensemble ; et fut celle dame couronnée et solemnisée à roine par toutes les cités de Portingal, aussi grandement et en aussi grand’révérence que oncques roine de Portingal eût été ; et engendra le roi en celle dame une fille, laquelle est pour le présent, si comme, monseigneur, vous savez, roine de Castille.

« Voir est que, le roi Ferrant vivant, il manda un jour à Lussebonne tous les prélats et nobles et le conseil des cités, des ports et des villes et seigneuries du royaume de Portingal, et fut ce fait avant que monseigneur votre frère, monseigneur de Cantebruge, venist à toute son armée en Portingal ; et fait à tous jurer et reconnoître sa fille madame Biétris, qui lors avoit espoir cinq ans, que après son décès on la tiendroit à dame et héritière de Portingal. Tous jurèrent, voulsissent ou non ; mais bien savoient, la greigneur partie de ceux qui là étoient, que celle fille étoit bâtarde et née en adultère, car encore vivoit le mari madame Aliénor, appelé messire Laurent de Congne et se tenoit en Castille avecques le roi. Et vesquit le vivant du roi Ferrant, et outre. Bien crois, monseigneur, dit l’écuyer qui parloit, que, si la fille eût été un fils, que toute la communauté de Portingal s’y fût trop plus inclinée et plutôt que ils ne font ni jà feront, si comme ils disent ; car ils auroient plus cher à mourir que de être en la subjection du royaume de Castille. Ni oncques ceux du royaume de Portingal, et ceux de Castille ne se purent parfaitement amer l’un l’autre ; mais se sont par trop de fois hériés et guerroyés, si comme les Escots héent et guerroyent à pouvoir ceux de ce pays d’Angleterre. »

Adonc demanda le duc de Lancastre à l’écuyer, lequel oyoit moult volontiers parler et faire son conte : « Laurentien, où étoit pour le temps que vous me parlez le roi Jean, qui est pour le présent, et lequel étoit frère de ce roi Ferrant ? » — « Par ma foi, monseigneur, répondit l’écuyer, il étoit en Portingal en une maison de seigneurs qui portent une ordre de chevaliers d’oultre mer ; mais ils sont vêtus de blancs habits à une vermeille croix ; et en étoit souverain. Et sont bien eux deux cents, tous gentilshommes, de cel ordre ; et l’appeloit-on là maître de Vis, car l’hôtel et l’ordre en Portingal on appelle de Vis[6], et lui avoit le roi fait donner ; et ne faisoit nul compte de son frère. Et autant bien le roi Jean à présent n’en faisoit nul compte des besognes de Portingal, ni ne s’en entremettoit en rien, ni ne pensoit à la couronne ni au royaume ; car pour certain, si le roi Ferrant de Portingal eût eu nulle inspiration ni imagination de ce qui est à présent, il aimoit bien tant madame Alienor et madame Bietrix, sa fille, que il eût enchartré ou fait mourir son frère, qui s’appeloit maître de Vis ; mais pourtant que il véoit que cil se tenoit en sa maison coiement avecques ses frères de l’ordre, il ne pensoit rien sur lui et le laissoit vivre en paix. Et la dissention qui est à présent entre les Casteloings et les Portingalois, certainement, monseigneur, à parler par raison, les Espaignols en sont cause et coulpe. » — « Et pourquoi ? » dit le duc. « Je le yous dirai, répondit l’escuyer. Quand les Casteloings virent que le roi Ferrant ot marié sa fille à leur seigneur, le roi de Castille, il leur sembla que il avoit acheté la paix à eux, et qu’il les doutoit : si s’en orgueillirent grandement et en commencèrent à tenir leurs ramposnes et leurs gros mots, lesquels les Portingalois oyoient trop envis ; car ils disoient ainsi en leur langage : « Or, entre vous de Portugal, tristes gens, rudes comme bêtes, le temps est venu que nous aurons bon marché de vous. Ce que vous avez est et sera nôtre. Nous vous mettrons par tasseaux et par troupeaux, si comme nous faisons les Juifs qui demeurent par treu dessous nous. Vous serez nos subgiets. À ce ne pouvez-vous contredire ni reculer, puisque notre sire, le roi de Castille, sera votre roi. »

« De telles paroles et d’autres aussi felles et vénimeuses étoient servis et appelés souvent les Portingalois des Espaignols quand ils les trouvoient, et proprement le roi Ferrant vivant. Donc les Portingalois accueillirent les Castelloings en tel haine, que quand le roi Ferrant ot marié sa fille au roi de Castille et il fut chu en maladie et en langour qui lui dura plus d’un an entier, ès cités et bonnes villes de Portingal, les hommes murmuroient ensemble et disoient : « Il vaut mieux mourir que d’être au danger ni en la subjection des Castelloings. » Et lorsque le roi Ferrant fut mort, qui fut ensépulturé en l’église des frères religieux de Saint-François, en la cité de Lussebonne, les cités et bonnes villes et chastels du royaume de Portingal se clorrent. Et fut mandé à Lussebonne le roi qui est à présent des Lussebonnois, lesquels savoient bien l’intention et courage des trois autres cités de Portingal, c’est à entendre de ceux du Port, de ceux de Connimbres et de ceux de la ville et cité d’Evres, et lui dirent : « Maître de Vis, nous vous voulons faire roi de ce pays, jà soyez-vous bâtard ; mais nous disons que madame Bietrix, votre cousine, la roine de Castille, est plus née en bâtardie que vous ne êtes. Car encore vit le premier mari madame Aliénor, nommé messire Jean Laurent de Congne, Et puisque la chose est advenue ainsi, que la couronne de Portingal est chue en deux membres, nous prendrons le plus profitable pour nous. Et aussi la plus saine partie s’incline que nous vous fassions roi ; car jà à femme la couronne de Portingal n’ira, ni jà en la subjection du roi de Castille ni des Castelloings nous ne serons. Si avons plus cher que vous preniez tout le nôtre, pour nous aider à garder et tenir en droit nos franchises, que ceux de Castille en soient maîtres ni seigneurs. Si recevez ce don et la couronne de Portingal, car nous voulons qu’il soit ainsi. »

« Le maître de Vis, monseigneur, qui est roi à présent, ne prit pas ni ne reçut ce don à la première fois ni à la seconde requête des communautés de Lussebonne, et répondit : « Bonnes gens, je sais bien que de bonne volonté et par grand’affection que vous avez à moi, vous me offrez la couronne et seigneurie de Portingal qui est grand’chose ; et si dites, et aussi fais-je, que je y ai grand droit, ou plus que ma cousine, la roine de Castille, la fille Aliénor de Congne ; car voir est que elle est bâtarde : encore vit son mari qui est en Castille. Mais il y a un point ; vous ne pouvez pas, tous seuls et singuliers, mettre sus ce fait ni celle besogne. Il faut que les nobles de ce royaume, tous ou en partie, s’y accordent. » — « Ha ! répondirent ceux de Lussebonne, nous en aurons assez ; car jà savons-nous les courages de plusieurs qui se sont découverts à nous, et aussi de trois cités de ce royaume qui y sont les principales avecques nous, Evres, Connimbres et le Port de Portingal. » Adonc répondit le roi qui est à présent, et dit : « Or, soit ainsi ; je vueil ce que vous voulez. Vous savez comment madame Aliénor, qui se dit et est dite roine de ce pays, est encore en celle ville et a avecques li son conseiller messire Jean Ferrant Andère, qui veut garder la couronne et l’héritage de Portingal à la roine de Castille, et sera pour li en tous états ; car il la maria au roi de Castille et la démaria du fils du comte de Cantebruge pour faire la paix de Portingal. Et a mandé espoir ou mandera le roi de Castille que il vienne hâtivement fort assez pour combattre et soumettre tous ses rebelles ; et jà en a Jean Ferrant Andère fait fait et partie, si comme vous savez, et fera encore plus pleinement au jour de l’obsèque de monseigneur mon frère le roi, lequel on fera prochainement en celle ville, où tous les nobles ou partie, s’ils ne s’excusent, de ce pays seront. Si faut pourvoir et aviser selon ce. »

« Donc répondirent cils qui en la présence de ce maître de Vis étoient : « Vous ne dites pas grand’merveille, car nous savons moult bien qu’il est ainsi ; si y pourverrons à ce jour tellement, selon ce que nous orrons parler Jean Ferrant Andère, que vous vous en apercevrez. » En ce point fina leur parlement.

« Ne demeura guères longuement que on fit l’obit du roi Ferrant de Portingal à Lussebonne en l’église de Saint-François là où il gît[7]. Et là furent grand’foison des nobles du royaume de Portingal, car ils en étoient priés de par la roine ; et là fut le roi qui est à présent, et grand’foison des communautés du pays et par espécial des trois cités dessus nommées : Connimbres, Evres et le Port de Portingal, car elles se concordoient avec ceux de Lussebonne. L’obit du roi Ferrant fait, Jean Ferrant Andère fit prier de par la roine aux nobles de Portingal qui là étoient que point ne se voulsissent partir de Lussebonne, ce jour ni lendemain, car il vouloit avoir avecques eux parlement, et aussi aux bonnes villes, pour savoir comment on se cheviroit de mander en Castille le roi Jean et sa femme madame Bietrix leur dame, car elle étoit héritière de son droit du royaume de Portingal. Tous les nobles ou partie qui ouïrent ces paroles n’en firent compte ; mais doutoient moult fort de la communauté du pays qui là étoit assemblée, car ils avoient jà ouï murmurer les plusieurs que ils vouloient couronner à roi le maître de Vis ; et aussi bien en avoit ouï parler Jean Ferrand Andère ; pour tant prioit-il les nobles du pays qu’ils demourassent avecques lui, pour aider à mettre sus et à soutenir son opinion ; mais tous li faillirent. Et si très tôt comme on ot fait l’obit du roi en l’église des frères de Saint-François, et que la roine Aliénor fut retournée au palais que on dit à la Monnoie et que l’on eut dit : « Aux cavailhons ! aux cavailhons[8] ! qui veut dire en langue françoise aux chevaux ! aux chevaux ! tous ou en partie montèrent à cheval et se départirent de Lussebonne sans congé prendre. Bien pot être que aucuns demeurèrent qui étoient de la partie du roi à présent ; mais ceux se trairent en leurs hôtels et se tinrent là tous cois et se dissimulèrent, car bien imaginoient qu’il avenroit ce qu’il advint. Je vous dirai quoi.

« L’obit du roi Ferrant fait, les communes de Lussebonne et Connimbres et du Port et d’Evres qui là étoient, ne retournèrent pas tantôt en leurs maisons, mais s’en allèrent en l’église cathédrale à Lussebonne, que on dit de Saint-Dominique ; et là s’assemblèrent, et le maître de Vis avecques eux. Là firent-ils parlement ensemble, qui ne dura pas longuement, car le roi qui est à présent leur dit : « Bonnes gens, vous me voulez prendre à roi et je dis que c’est mon droit. Et si vous voulez persévérer en votre propos, il est heure que vous ouvrez et que vous montrez fait et puissance ; car vous savez comment Jean Ferrant Andère procure devers les nobles de ce pays que le roi de Castille soit mandé ; et dit et maintient que la couronne de Portingal lui appartient de par sa femme ma cousine ; et je dis, si vous le voulez aider à mettre sus, que je y ai aussi grand droit ou plus que elle n’a. Vous savez bien toutes les incidences : je suis homme, et suis frère au roi Ferrant, et fils au bon roi Pierre de Portingal qui vaillamment vous gouverna. Voir est que ma cousine la roine de Castille fut fille au roi Ferrant ; mais ce n’est pas par loyal mariage. » Donc distrent ceux de Lussebonne : « Il est vérité ce que vous dites ; nous ne voulons autre roi que vous, et vous ferons roi, qui le veuille voir. Et nous jurez ci que vous nous serez bon et propice et tiendrez justice, ni point ne fléchirez pour le fort ni pour le foible, et garderez et soutiendrez de bon cœur, et défendrez, parmi l’aide que nous vous ferons, les droitures de Portingal. » Répondit le roi qui est à présent : « Bonnes gens, ainsi je le vous jure. Et principalement je vous requiers que vous allez, et moi avecques vous, à la Monnoie, où Jean Andère se tient avec Aliénor de Congne ; car je veuil qu’il muire ; il l’a desservi à l’encontre de moi et de vous, quand il soutient autre querelle que vous ne voulez. » Ils répondirent tous d’une voix : « Nous le voulons ; voirement vous est-il désobéissant et rebelle ; si faut que il muire, et tous ceux qui contraires vous seront ; parquoi le demourant du pays y prendront exemple. »

Tantôt les Lussebonnois furent conseillés et se départirent du moustier de Saint-Dominique ; et étoient bien quinze cents tous d’une congrégation, et le roi qui est à présent avecques eux ; et s’en vinrent, tout fendant parmi la ville, devers la Monnoie où la roine Aliénor et Jean Ferrant Andère étoient. Encore se boutoient toutes manières de gens et leurs routes. Quand ils furent venus à l’hôtel qu’on dit la Monnoie, on rompit les portes et entra-t-on dedans par force, et vint-on en la chambre de la dame, qui fut moult effrayée quand elle vit tant de peuple venir yreusement sur li. Si se jeta à genoux devant le maître de Vis, et lui pria à mains jointes que on eût pitié de li, car elle ne cuidoit avoir rien forfait, et que à la couronne et à l’héritage de Portingal elle ne demandoit rien ; et bien savoient toutes gens, si il leur en vouloit souvenir : « Mais, je vous prie, maître de Vis, et aussi fais-je à tout ce peuple, que à ce besoin il vous en souvienne, que outre ma volonté le roi Ferrant me mit en la seigneurie et couronne de Portingal, et me prit et épousa et fit roine de ce pays. » — « Dame, répondit maître de Vis, ne vous doutez en rien, car jà de votre corps vous n’aurez mal, ni nous ne sommes point ci venus pour vous porter dommage du corps ni contraire ; mais y sommes venus pour ce traiteur qui là est Jean Ferrant Andère. Si faut qu’il muire tout du commencement ; et puis le venge le roi de Castille, si il peut ; car il a été trop longuement en ce pays son procureur. » À ces mots s’avancèrent ceux qui ordonnés étoient pour ce faire. Si prirent le chevalier et tantôt le mirent à mort. Il n’y eut plus rien fait pour l’heure ni homme assailli ni mort[9], ni plus on n’en vouloit avoir ; mais retourna chacun en son hôtel, et le roi qui est à présent ralla au sien.

« Après la mort de Jean Ferrant Andère, madame Aliénor qui roine avoit été de Portingal, ot conseil et volonté de partir de Lussebonne et de soi traire en Castille, et aller devers le roi et sa fille, car elle avoit été tant effrayée de la mort de son chevalier que elle avoit été sur le point d’être morte : si ne vouloit plus demourer en Portingal, car elle n’y pouvoit avoir paix ni honneur. Si en fit pour li et en son nom requerre et prier maître de Vis. Il s’y accorda légèrement, et dit que il lui plaisoit bien que elle se partisist, et que bien y avoit cause. Si se départit la dame avec tout son arroi de Lussebonne et de Portingal, et chemina tant par ses journées qu’elle vint en la cité de Séville, où le roi de Castille se tenoit pour le temps et la roine aussi ; et quand madame Aliénor fut venue là, elle trouva presque tous les nobles de Castille là assemblés, car il y avoit grand parlement sur le fait de Portingal ; car le roi Jean de Castille se vouloit conseiller comment il se chéviroit ; et disoit que le royaume de Portingal lui étoit venu et échu par la succession du roi Ferrant, père de sa femme, et que quand il la prit à femme et à épouse il lui accorda, et tout le pays aussi.

« Madame Aliénor de Congne fut reçue et recueillie du roi et de sa fille moult doucement, ce fut raison. Adonc fut-elle demandée et examinée des besognes de Portingal, comment elles se portoient. Elle en répondit de tout ce que elle en avoit vu et que elle savoit ; et que bien étoit apparent au pays de Portingal que les communautés couronneroient à roi, si on ne leur alloit au devant, maître de Vis[10], et que jà pour celle cause avoient-ils occis son chevalier Jean Ferrand Andère, pourtant que il soutenoit, et avoit toujours soutenu la querelle du roi de Castille.

« De tout ce que la dame dit, elle fut bien crue, car on en véoit l’apparent ; et aussi plusieurs chevaliers et hauts barons qui avoient plus leur affection au roi de Castille, pour la cause de la fille au roi Ferrant, et pour aussi tenir et garder les sermens solennels que ils avoient faits au roi de Castille, à la requête du roi de Portingal, quand il donna par mariage sa fille au roi de Castille, si s’en vouloient acquitter, se départoient du royaume de Portingal et s’en venoient en Castille, et laissoient leurs terres et leurs héritages sur l’aventure et espoir du retourner. Et tout premièrement le comte Alphons Merle[11] ; le grand prieur de Saint-Jean de Portingal[12], messire Dilg Arie son frère[13], Auge Silvasse de Genève[14], Jean Sausalle[15], et bien eux vingt-cinq, desquels le royaume de Portingal à ce commencement fut grandement affoibli et le roi de Castille réjoui et renforcé.

« Si fit un commandement le roi de Castille par tout son royaume très grand et très espécial, que tous nobles et gens portant armes, entre quinze et soixante ans, vinssent au champ de Séville, car il vouloit de fait et de puissance entrer au royaume de Portingal, comme sur son propre héritage, et le conquerre. À son commandement obéirent, ce fut raison, tous ceux qui de lui tenoient ; et s’en vinrent au champ de Séville, et là s’assemblèrent et furent bien soixante mille hommes, que uns que autres.

« Quand messire Laurent de Congne, le chevalier de Portingal qui marié avoit été, et encore étoit, à dame Aliénor, que le roi Ferrant de Portingal avoit prise à femme et fait roine de Portingal, entendit que sa femme étoit venue hors de Portingal et traite en Castille, si se trait devers aucuns du conseil du roi de Castille dont il étoit moult bien, et leur demanda et dit, en soi conseillant à eux : « Mes seigneurs et grands amis, comment me pourrai-je chevir de Aliénor ma femme qui est issue de Portingal et venue en ce pays. Je sais bien que le roi Ferrant est mort, si comme vous savez ; par raison je dois ravoir ma femme, et la calengerai, si vous le me conseillez. » Ceux répondirent à qui il en parloit, et par lequel conseil il vouloit user, et lui dirent : « Jean, jà ne vous advienne que nul semblant vous fassiez du demander, ni ravoir, ni reprendre, car vous vous forferiez trop grandement, et abaisseriez la dame de son honneur, et aussi la roine de Castille, et la feriez plus que bâtarde. Vous savez que jà le roi de Castille veult demander et calenger, comme son propre héritage retournant à li, le royaume de Portingal, et clame ce droit de par sa femme. Vous éclairciriez ce qui est en trouble, et dont on ne se donne de garde ; vous vous mettriez à mort et jugeriez de vous-même, si vous faisiez la roine de Castille bâtarde ; car on soutient en ce pays la cause et la querelle que elle est de juste mariage et dispensée de pape. » — « Et quel chose est bon, dit le chevalier, que je en fasse. » — « Nous vous disons pour le meilleur, répondirent ceux qui le conseilloient, que du plutôt que vous pourrez, vous issiez hors de Castille, et vous retrayez sur votre héritage en Portingal, et laissiez madame Aliénor avecques sa fille ; nous n’y véons autre salvation pour vous. » — « Par ma foi ! dit le chevalier, je vous croirai, car vous me conseillez loyaument à mon avis. »

« Depuis ne séjourna en Castille messire Jean Laurent de Congne que trois jours ; et ordonna toutes ses besognes secrètement ; et se départit de Castille, et chevaucha au plutôt qu’il pot, et s’en vint à Lussebonne ; et là trouva le maître de Vis, et lui dit que il le venoit servir et se mettoit en son obéissance ; car il le tenoit bien à roi. Maître de Vis en ot grand’joie, et lui dit que il fût le bien-venu. Si lui rendit tout son héritage et le fit capitaine de Lussebonne. Ainsi, monseigneur, que je vous conte advint de celle besogne. »

  1. Alcobaça.
  2. Nuño Alvarez Pereira, qui avait si efficacement contribué à donner le trône à son ami, le grand maître d’Avis, fut nommé par lui connétable de Portugal, aussitôt son avénement à la couronne. Nuño Alvarez est le héros le plus célèbre de l’histoire de Portugal. J’ai entre les mains deux chroniques portugaises, une chronique latine et un poème épique, consacrés uniquement à célébrer ses exploits. Il maria ses filles à des souverains et se trouva ainsi allié à la plupart des familles royales de l’Europe, et cependant son nom n’est pas même mentionné dans un seul des dictionnaires biographiques imprimés en France, en Allemagne ou en Angleterre.
  3. Rymer (années 1384, 1385, 1386) cite plusieurs actes relatifs à l’envoi de Ferdinand, grand maître de Saint-Jacques, et Laurent-Jean Fogaça, chancelier de Portugal, comme ambassadeurs en Angleterre.
  4. Peut-être Grace-Church.
  5. Au mois d’octobre 1382.
  6. L’ordre d’Avis est un des quatre grands ordres militaires institués en Portugal pour la défense du royaume. Ces ordres sont, l’ordre d’Avis, celui de Saint-Jacques, celui du Christ et de l’hôpital Saint-Jean. Le roi D. Alphonse Henriquez institua l’ordre d’Avis à l’imitation de la chevalerie du Temple et de l’hôpital Saint-Jean, et on le trouve déjà mentionné dans la bataille du champ d’Ourique, en 1139. Cet ordre prit le nom d’Avis lorsqu’il eut aidé à chasser les Maures de cette ville, où fut établi son chef-lieu.
  7. Le roi Ferdinand était mort le 22 octobre 1421 ou 1383, suivant notre ère. Il fut enterré quelques jours après au monastère des Franciscains de Santarem, dont il avait porté l’habit en mourant.
  8. À cheval ! de cavalho.
  9. En même temps que le grand maître d’Avis assassinait de sa main (en 1383) Jean Ferrant Amdeiro, comte d’Ourem, le peuple se portait à la tour de la grande église de Lisbonne et assassinait l’évêque D. Martin, conseiller du roi Ferrant, et natif de Zamora, qui s’y était réfugié. La reine Léonore obtint de quitter Lisbonne et de se rendre d’abord à Alanquer et de là à Santarem.
  10. Le maître d’Avis avait déjà été nommé régent du royaume.
  11. Affonso de Merlo qui vint en effet se joindre au roi Jean de Castille.
  12. Le prieur de l’hôpital Saint-Jean s’appelait D. Pedro Alvarez Pereyra.
  13. Diego Alvarez.
  14. Peut-être Alphonse Gomez da Silva.
  15. Peut-être Gonzalez de Sousa.