Les Cinquante (Ivoi)/p01/ch20

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sous le pseudonyme de Paul Éric
Combet & Cie, Éditeurs (Ancienne Librairie Furne) (p. 171-180).


CHAPITRE XX

Âme d’impératrice


Marciana est un des rares coins ombreux de l’île d’Elbe dénudée.

Durant l’été précédent, l’Empereur, qui souffrait de la chaleur dans la ville de Porto-Ferrajo, embrasée par le soleil, s’était retiré à Marciana.

Il n’y avait là qu’une bicoque, où on avait installé Madame Mère, quant à l’exilé, il avait vécu sous la tente, comme les quelques amis dont il était accompagné.

Maintenant la maisonnette était déserte.

La comtesse Walewska, partie de Vienne avec Espérat et Henry, s’était fait conduire en cet endroit écarté, afin de pouvoir entretenir, sans crainte des oreilles indiscrètes, celui qu’elle souhaitait aviser des projets ourdis contre lui.

Dans une pièce simplement meublée, elle attendait. Son fils, fatigué du voyage, dormait sur un fauteuil.

La noble femme rêvait.

Elle se revoyait, au moment du départ, échangeant un dernier baiser avec son époux. Elle entendait la voix triste du comte murmurer :

— Au revoir… ou adieu !

Adieu. Oui, tous deux avaient accepté le sacrifice. Plus de famille si Napoléon résistait à ses prières, s’il permettait qu’il n’y eût plus de Pologne.

Et puis elle se souvenait de la parole d’espoir, jetée comme une supplique par le noble Polonais :

— Dieu ne voudra pas nous séparer à jamais. Il ne voudra pas que notre fils soit orphelin.

Et puis c’était la longue route jusqu’à Gênes, les relais, les chaussées boueuses, les auberges où l’on passait la nuit.

Empressés, souriants, infatigables, ses compagnons de voyage tenaient une grande place dans sa pensée.

Espérat Milhuitcent ! Henry Pandin. Tout le jour, ils galopaient auprès de sa voiture.

Le soir, ils se multipliaient pour assurer à la comtesse la meilleure chambre, le souper le plus délicat, dans la maison de rencontre où l’on faisait halte.

Ils amusaient le petit enfant pour l’endormir. À la traversée des villes, ils trouvaient le moyen de se procurer un jouet, une friandise, qui mettaient en gaieté le mignon voyageur.

— Oh ! ces Français, murmura Mme de Walewska ! Chez eux les gamins sont des héros ! Comme Il était bien, l’Empereur, de cette race vaillante et généreuse.

Il ! Ce pronom la ramena au but de son pèlerinage, à l’heure présente.

— Pourvu qu’il m’entende, qu’il se résolve à échapper au guet-apens qui se prépare là-bas, dans cette Vienne perfide !

Puis inquiète :

— Oh ! qu’il ne nous oblige pas, nous, à tenir notre cruel serment ! Vivre séparés ! Nous, vivants, voir notre fils orphelin ! Où est-il en ce moment ? Espérat a-t-il réussi à le joindre ?

Mais le sourire revint à ses lèvres :

— Oui. Ce brave garçon leurrera le ridicule commissaire anglais qui m’a reçue au débarcadère.

Campbell, en effet, avait assisté au débarquement de la belle visiteuse.

Dans le fauteuil, où il reposait, le petit garçon de la comtesse fit un mouvement.

Mme de Walewska se leva vivement et vint à lui.

Le petit dormait toujours. Elle le couvrit, d’un regard tendre et doucement :

— Ai-je bien fait de le revêtir d’un costume semblable à celui du Roi de Rome ? N’imposerai-je pas ainsi une émotion cruelle à l’Empereur ?

Mais elle secoua la tête :

— Il faut qu’il soit ému. Il faut qu’il regrette son cher petit absent. Ainsi il comprendra que, pour le revoir, il doit de nouveau faire trembler l’Europe.

Un bruit de galop parvint jusqu’à elle.

Un tressaillement la secoua de la tête aux pieds. Elle se glissa vers la fenêtre et regarda au dehors.

Trois cavaliers venaient de s’arrêter devant la maison.

Elle les reconnut.

C’étaient l’Empereur, le général Drouot et Espérat.

Napoléon mit pied à terre, adressa quelques mots à ses fidèles, qui tournèrent bride et partirent au trot dans la direction de Porto-Ferrajo, tenant en main le cheval du proscrit.

Un instant celui-ci demeura immobile, les regardant s’éloigner.

Le retentissement des sabots sur le sol s’éteignit peu à peu dans le crépuscule commençant.

Alors l’Empereur marcha vers la maison, il frappa.

Légère comme une ombre, la comtesse courut ouvrir.

Napoléon et Madame de Walewska se trouvèrent face à face.

Le tête-à-tête voulu par la voyageuse, ce tête-à-tête, où s’allait agiter le sort du monde, commençait.

Tout d’abord, ils se regardèrent.

Leur amitié avait été sainte. Dans leur existence, le souvenir des jours rapides, où ils avaient pensé à haute voix l’un pour l’autre, leur semblait celui d’un sacrement.

Une puissance divine les avait réunis pour donner : à elle, créature d’élite, la vision du plus grand homme qui fut jamais ; à lui, être génial et prédestiné, l’impression de ce qu’eût dû être la compagne digne de lui.

Ils s’étaient séparés avec une mélancolie douce, sereine, leur affection étant trop haute pour participer aux déchirements des tendresses vulgaires. Et cependant ils étaient convaincus qu’ils ne se reverraient jamais.

Or, voici que les événements les rapprochaient de nouveau.

La comtesse se sentait faiblir en songeant qu’elle pouvait échouer dans sa mission.

L’Empereur se disait avec inquiétude que des conjonctures graves avaient pu seules décider la démarche de la vaillante femme.

Et puis, à cette hésitation morale, se mêlait un peu de cette curiosité mondaine qui fait compter les rides et les cheveux blancs de l’ami retrouvé. Si parfait que l’on soit, on ne saurait être totalement étranger aux faiblesses des mortels.

Cet examen était favorable à la comtesse.

Depuis 1809, les années avaient passé sur elle sans laisser de traces. Napoléon revoyait cette beauté complète, d’une austérité charmeresse, qui l’avait troublé jadis. Peut-être même avait-elle gagné encore en perfection. La calomnie, en étonnant l’âme pure de Mme de Walewska, avait allumé en ses yeux une flamme plus vive, accentué la chasteté de son front, rapproché la femme de l’ange.

Pour l’Empereur, au contraire, les années avaient été pesantes.

Il avait grossi, son masque de César s’était quelque peu empâté. La face altière du vainqueur de 1809 s’était en quelque sorte humanisée, au contact des cuisantes douleurs de 1812, 1813, 1814.

En 1809, Napoléon pouvait se croire dieu. En 1815, il n’était plus qu’un homme de génie courbé par la main puissante du Maître infini.

Le silence se prolongeait, il comprit la nécessité de le rompre et lentement, comme si les paroles avaient peine à s’échapper de ses lèvres :

— La joie, dit-on, visite ceux qui ne l’espèrent plus. C’est sans doute à cette coquetterie du bonheur que je dois votre visite, Madame.

Elle ne répliqua pas de suite, puis d’un accent assourdi, telle une personne ayant peur des mots prononcés :

— Je ne me nomme pas la joie, Sire.

Il tressaillit, mais affectant un ton léger :

— Et de quel autre nom pourrais-je vous saluer ?

— D’un nom plus austère, Sire… Devoir !

Le regard perçant de l’Empereur se riva sur celui de son interlocutrice.

— De quel air vous dites cela ?

Jusqu’à ce moment, Mme de Walewska avait masqué de sa personne le fauteuil, sur lequel dormait son fils.

Elle s’écarta brusquement et Napoléon vit l’enfant.

Ce mignon aux boucles blondes, portant le costume que les gravures du temps attribuaient au Roi de Rome, lui fit l’effet d’une apparition.

Il tendit les bras au gentil dormeur.

Mais soudain, ramené au sentiment de la situation, il abaissa lentement ses mains et avec amertume :

— Le devoir de me donner l’illusion à défaut de la réalité. Vous aviez raison, Madame, c’est un amical devoir. Hélas ! la vie ne peut s’écouler en rêve, si doux soit-il.

En entendant cet aveu de la douleur secrète, qui consumait le cœur de l’exilé, la comtesse fut émue jusqu’aux larmes.

Ses yeux se voilèrent. Machinalement ses mains cherchèrent celles de l’Empereur, les étreignirent, et haletante, la voix palpitante des coups sourds dont son cœur frappait sa poitrine.

— Ce serait une cruauté d’apporter l’illusion, si elle n’était de plus l’espoir du salut, l’espoir de reconquérir la réalité.

— Que voulez-vous dire ?

— Qu’il est un autre enfant, aussi grand par sa naissance que celui-ci est humble. Le grand, hélas ! est captif à Schœnbrünn. Alors l’humble a revêtu ses habits, il a fait le long voyage de Vienne à Marciana, pour parler au nom de celui que des geôliers chamarrés retiennent loin d’ici.

Et avec la tendresse délicate des mères, sans permettre à Napoléon de l’interroger encore, elle enlaça son fils ; sous ses baisers, elle le réveilla sans secousse.

— Maman, murmura le petit d’une voix ensommeillée.

— Oui, maman mon chéri, mais aussi l’Empereur.

— Poléon, gazouilla le bambin ?

L’Empereur frissonna jusqu’aux moelles.

Un seul être au monde l’avait appelé ainsi.

Et cet être était né de son sang, cet être était fait de son âme. C’était son fils, c’était le roi de Rome, c’était François, Napoléon.

— Poléon, redit-il d’un ton rauque.

Le petit eut peur, mais sa mère le regarda, lui adressa un signe, et l’héritier des Walewski, subitement rassuré, se dressa debout sur le fauteuil ; puis, avec un salut militaire très décidé, il lança :

— Salut à Poléon, Empereur !

L’exilé se voila les yeux de ses mains.

Il y avait dans cette soudaine personnification d’une pensée, toujours présente en lui, une immense torture et une immense extase.

La comtesse avait suivi tous ses mouvements. Elle approuva d’un geste satisfait, et se penchant à l’oreille de l’enfant, debout en face de Napoléon.

— Chéri, dis-lui ce que maman t’a appris en chemin. Dis-le lui et ta mère te bénira.

— Pourquoi pas vous, maman ? bégaya le bambin quelque peu effarouché par l’attitude de Napoléon.

— Parce que les empereurs sont sur la terre ce que le bon Dieu est au ciel. La voix des petits enfants est plus douce à leurs oreilles que toutes les autres.

Le petit inclina la tête d’un air entendu et commença crânement :

— Poléon, écoute ce que le roi de Rome te dirait s’il était à ma place.

Les mains du proscrit s’écartèrent, s’abaissèrent lentement, démasquant son visage pâli.

— Voici ce que dirait le roi de Rome, reprit l’enfant qui, pour se donner plus de courage, s’appuyait contre sa mère. Il dirait : tu m’aimes, papa Poléon.

— Oh oui, répondit ardemment l’Empereur, pris par la scène !

— Eh bien ! la Sainte Alliance a décidé que tu étais trop près de l’Europe.

— Hein ?

La comtesse Walewska confirma d’un signe les paroles du petit.

Celui-ci continuait :

— On veut t’enlever, t’enfermes dans un îlot perdu de l’Atlantique. Déjà maintenant nous ne nous voyons pas ; mais je sais que tu n’es pas très éloigné, et j’espère que tu viendras me retrouver. Chaque jour, je prie pour cela.

Une à une, des larmes ruisselaient sur les joues de l’Empereur.

— Tandis que si tu te laisses conduire au bout du monde, acheva l’innocent interprète de la comtesse, je devrai désespérer de me retrouver près de toi.

Et ravi d’avoir bien récité sa leçon, le gamin sauta du fauteuil à terre en criant joyeusement :

— Voilà !

Mais le coup était porté.

Le mignon porte-paroles avait évoqué l’image chère du roi de Rome. Les mots prononcés, ces mots ardents choisis par une mère, avaient brisé l’airain dont Napoléon voulait vainement cuirasser son cœur.

Oui, oui, tout était vrai. Qui donc lisait ainsi dans sa pensée ? Séparé de son fils, il conservait l’espoir vivace de le presser encore dans ses bras, tandis que captif au loin, sur un rocher de l’Atlantique, c’en serait fini, fini à jamais ; la séparation deviendrait éternelle.

Il se redressa de toute sa hauteur ; sa tête penchée reprit ce port hautain et volontaire, qui faisait trembler ses ennemis, et de la voix nette, incisive, qui donnait naguère à ses proclamations une vibration de bataille :

— Je ne veux pas renoncer aux baisers de mon fils.

Ce n’était pas l’Empereur, c’était le père qui affirmait sa résolution.

Mme de Walewska joignit les mains. Elle priait. Elle avait réveillé l’Aigle.

Résigné tout à l’heure, Napoléon, frappé en son affection, était brusquement redevenu l’homme d’autrefois, l’homme d’action qui imprimait une activité fébrile à tout ce qui l’entourait.

Il vint à la comtesse.

— Je comprends, c’est bien. Vous avez pensé : c’est par le cœur du père que j’arriverai à l’esprit de l’Empereur. Il fallait être la femme que vous êtes pour songer à cela. Vous avez réussi.

Les phrases se heurtaient sur ses lèvres avec un cliquetis de mêlée.

— Vous avez raison… Se venger du souverain, le renverser, voilà le droit du vainqueur… Torturer le père, c’est trop… La France m’appelait ; je restais sourd à sa voix… Qu’elle soit pacifique et prospère, pensais-je, et que seul je supporte la torture… Je me trompais. Déchirons le père,… et après, débarrassé de celui qui a fait la France grande entre les nations,… nous écraserons la France à son tour.

Et avec un calme effrayant :

— Qu’importe aux Bourbons de régner sur un pays diminué, pourvu qu’ils règnent. La France, est-ce qu’ils l’aiment, eux dont l’existence entière s’est passée à l’étranger, à exciter l’étranger contre la patrie. Dans leurs veines, il n’y a plus une goutte de sang français…

Il marchait de long en large dans la salle, comme autrefois dans son cabinet des Tuileries, alors qu’il concevait un plan de victoire.

Il était inquiétant et admirable.

En lui vibrait une colère de lion.

Il s’arrêta en face de la comtesse et d’un ton adouci.

— Dites-moi tout, Madame, tout. Vous êtes l’amie fidèle qui n’a jamais menti. Parlez, je vous croirai.

De son corsage, elle tira un papier qu’elle lui tendit :

— Qu’est cela ?

— Lisez.

Il prit la feuille, la déplia, et non sans surprise :

— Une lettre autographe de Louis XVIII ?

— Lisez, redit la comtesse.

Il obéit. Ses sourcils se froncèrent. Cette lettre était celle que d’Artin devait remettre à M. de Talleyrand.

— Comment avez-vous cette correspondance, Madame ?

— Je la tiens de la personne qui l’a enlevée au courrier, chargé de la porter des Tuileries à Vienne.

— Et qui est cette personne ?

— Espérat Milhuitcent.

Un instant, l’Empereur resta pensif, puis brusquement :

— Espérat est une âme loyale ; j’ai toute confiance en lui. Pourquoi n’est-il pas venu seul vers moi ?

Parce que, une fois déjà, vous avez repoussé ses prières. Il a craint de ne pas réussir à vous convaincre de votre devoir.

— De mon devoir, interrompit Napoléon, encore ce mot, il est fort…

— Mais juste, Sire. Votre devoir est là-bas, en France, où un gouvernement impuissant subit les injonctions de l’Europe coalisée.

— Et Espérat a sollicité votre aide ?

— Oui, Sire.

La comtesse n’avait pas baissé les yeux. Aussi hautaine que son interlocuteur, elle supportait son regard sans faiblesse.

Napoléon reprit sa promenade.

Derechef il s’arrêta en face de Mme de Walewska.

— Espérat, vous-même, voulez que je quitte l’île d’Elbe, que je rentre en France ?

— Oui, Sire, là, où des millions de cœurs vous appellent.

— Mais avez-vous songé qu’ainsi je rallumerai la guerre avec l’Europe ?

— Ce n’est pas certain. Proclamez vous-même que vous voulez la paix, et les alliés, épuisés par tant de combats, vous laisseront sans doute toute liberté de panser les plaies de votre patrie.

— Soit, c’est une supposition. Prenez aussi la mienne. Si la guerre recommence… ?

— Mieux vaut la guerre que le suicide.

— Le suicide ?

— Certes ! La France est aux mains d’un parti qui n’a en vue que ses intérêts matériels, d’un parti sans idéal glorieux, sans patriotisme vrai, car l’avantage de la patrie doit passer avant l’avantage d’une caste. Une nation ainsi conduite marche à la mort ; elle se suicide, si elle n’a pas le courage de créer le coup de foudre, grâce auquel elle peut guérir.

Napoléon secoua la tête durant quelques secondes, comme s’il pesait les raisons exprimées par la courageuse femme.

Son regard aigu se fixait dans le vide.

Qu’entrevit l’Empereur dans l’avenir ? Quel conseil lui donna le point invisible qui attirait sa vue ? Il murmura :

— Vous avez raison.

À ce moment, un roulement de voitures, des piétinements de chevaux, se firent entendre sur la route.

— Vos compagnons de voyage, Madame, reviennent, amenant les serviteurs nécessaires pour que vous soyez servie comme il convient à la plus parfaite amie de l’Empereur. Daignerez-vous me consacrer la journée de demain ?

— Oui, Sire, mais je vous supplierai de me permettre de partir le soir même, car il importe que je me hâte de me montrer à Livourne, but avoué de mon voyage.

— Vous seule ordonnez ici, Madame. Demain donc, je vous dirai ce que j’aurai décidé. Je travaillerai cette nuit.

Puis, caressant la joue de l’enfant qui regardait curieusement :

— Il faudra que ta maman t’apprenne aussi ma réponse au roi de Rome. À demain, Madame, et merci.

Ce disant, Napoléon sortit et se trouva au milieu des chambellans ou valets, que Drouot et Espérat venaient de ramener de Porto-Ferrajo.

Henry aussi les accompagnait, les ayant rejoints dans la capitale de l’île, après avoir dépisté le colonel Campbell.

L’Empereur désigna un massif d’arbres dépouillés.

— Que l’on dresse ma tente, là.

Puis, pinçant l’oreille d’Espérat :

— Mon ami, lui dit-il, tu es venu me déranger. Pour te punir, tu travailleras avec moi cette nuit.

— Sire, je vous remercie.

— Bon, bon, tu seras moins reconnaissant à l’aube.

Se retournant, l’Empereur appela :

— Drouot !

Le général accourut.

— As-tu trouvé chez lui, M. l’administrateur des mines d’Elbe ?

— Monsieur Pons, oui, Sire. Il a attendu que l’obscurité fût tout à fait venue pour se mettre en route. Il arrivera avant une demi-heure.

— Bien… Marchand ?

À son tour, le valet de chambre s’approcha :

— Mon brave Marchand, cette nuit, sous ma tente, j’ai à travailler avec plusieurs personnes.

— Je veillerai à ce qu’un en-cas soit préparé.

— Oui, mais surtout prends tes dispositions pour qu’aucun espion ne puisse approcher.

Et comme le dévoué serviteur le considérait d’un air ébahi, Napoléon lui murmura tout bas :

— Ma vie se décidera au lever du jour.