Les Démoniaques dans l’art/p56

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LES POSSÉDÉS DE RUBENS

1620

Il semble, que la figuration des démoniaques ait été pour le grand maître flamand un sujet d’intérêt spécial, et qu’elle ait servi son génie. Nous connaissons de lui :

1° Un tableau dans l’église |Saint-Ambroise, à Gênes, saint Ignace délivrant une possédée et ressuscitant un enfant mort ;

2° Un tableau plus important encore sur le même sujet, au musée de Vienne ;

3° L’esquisse pour le tableau précédent, au même musée ;

4° Une gravure de Marinus, reproduisant avec quelques légères modifications le tableau de Vienne ;

5° Une étude pour la tête de la Possédée du tableau de Vienne ;

6° Un dessin dans les collections du Louvre ayant trait au même sujet ;

7° Une gravure d’après un tableau inconnu représentant saint François de Paul montant au ciel, et dans lequel se trouvent au premier plan un homme et une femme possédés.


SAINTE CLAIRE DÉLIVRANT UNE DAME DE PISE
D’après Adam Van Noort XVIIe siècle.

Nous n’aurons pas de peine à démontrer par l’étude de ces différentes œuvres, au point de vue qui nous retient, comme Rubens sut voir la nature et avec quel respect il sut la copier. Aucun maître n’a été plus injustement discuté sur sa conception du dessin.

Tel de ses possédés offre des caractères si vrais et si saisissants, que nous ne saurions rencontrer ou imaginer une représentation plus parfaite des crises que nous avons longuement décrites dans des ouvrages récents, et dont nos malades de la Salpètrière nous offrent journellement des exemples typiques.

Il a fallu toute l’intuition du génie, jointe à une rare acuité d’observation, pour saisir et fixer avec tant d’effet et de sûreté les traits fondamentaux d’un tableau si changeant et si complexe. La figure de la possession créée par le pinceau de Rubens est un véritable type. Elle est en même temps une image si fidèle de la nature, que sous tous ses aspects elle demeure vraie, et que, aujourd’hui, à plus de deux siècles de distance, nous y surprenons les signes indéniables d’une affection nerveuse alors méconnue.


RUBENS. — GROUPE DE LA « POSSÉDÉE »
Dans le tableau de l’église Saint-Ambroise, à Gènes, d’après une photographie.

Nous allons passer en revue les différentes œuvres du maître anversois qui confirment nos remarques techniques en même temps que notre admiration.

Tableau de l’église Saint-Ambroise, à Gênes. — Les deux tableaux sur le même sujet de la guérison miraculeuse de la possession, celui de Gènes et celui de Vienne, auraient été exécutés la même année (1620), à quelques mois d’intervalle. Nous trouvons dans un travail de M. Paul Mantz sur Rubens quelques détails fort intéressants sur les circonstances de leur exécution.

Rubens avait été élevé par les Jésuites d’Anvers, et il prit un plaisir reconnaissant à travailler pour eux. C’est pour l’église qu’ils avaient fait construire que, en outre de fresques nombreuses, Rubens avait peint plusieurs tableaux importants, entre autres le Saint Ignace actuellement à Vienne, et dont nous parlerons tout à l’heure.

Au même moment, il travaillait pour Gênes.

« Au temps de sa jeunesse, dit M. Mantz, lors des fêtes données au duc de Mantoue, Rubens avait connu plusieurs gentilshommes de la noblesse génoise, entre autres le marquis Niccolo Pallavicini. Il lui avait sans doute fait une promesse. C’est en 1620 seulement que Rubens put tenir sa parole. D’après un document cité par M. Armand Baschet, c’est alors qu’arriva à Gênes le Saint Ignace opérant des miracles, que le marquis fit placer à l’église du Gèsu, aujourd’hui Saint-Ambroise. Ce tableau, qui n’a pas été gravé, est un des plus beaux Rubens qu’on puisse voir en Italie… Dans son voyage, publié en 1758, l’aimable Cochin a parlé avec chaleur du Saint Ignace à Gênes : « À gauche, dit-il, on voit un saint jésuite qui guérit une possédée et ressuscite des enfants. C’est un grand tableau de Rubens ; il est admirable, d’une belle composition distribuée par grandes masses d’ombres et de lumières ; les têtes sont belles, bien rendues et de beau caractère ; belle couleur, belles étoffes. »

Cet avis est aussi celui de M. Armand Baschet, qui résume son impression en ce mot significatif : « Tout est chef-d’œuvre dans cet ouvrage. »

Le groupe qui nous intéresse spécialement occupe le côté droit de la composition. Nous en donnons une reproduction au trait, faite d’après une photographie que nous devons aux bons soins du Dr Toramaso-Tommasi, qui ne l’a obtenue qu’avec beaucoup de peine. La possédée est fortement renversée en arrière, courbée en arc, la tête dans l’extension forcée, les muscles saillants. La face se présente complètement de profil, le globe oculaire est convulsé en bas, la pupille à demi cachée sous la paupière inférieure. La bouche est ouverte. Le membre supérieur droit, dont les muscles sont contractés, lire avec force sur une draperie.

Nous ajouterons que toutes les autres parties de cette figure ne répondent pas strictement, au point de vue de l’observation médicale, aux mouvements pleins de vérité que nous venons de signaler ; le bras gauche est levé dans une attitude sans caractère, et les deux membres inférieurs ne portent aucun signe de convulsion. La démoniaque du tableau de Vienne est de beaucoup supérieure à celle-ci. Nous n’insisterons pas ici sur des différences qui ressortiront de la description que nous entreprenons plus loin. Il y a ici, cependant, un trait qu’il convient de relever parce qu’il n’existe pas aussi accusé sur la démoniaque de Vienne : c’est le renversement très exagéré en arrière, qui rappelle très exactement la contorsion désignée chez nos malades sous le nom « d’arc de cercle ».

La possédée est maintenue par deux hommes, dont l’un lui soutient la taille, pendant que l’autre lui saisit le bras gauche. Derrière ce groupe, un personnage lève les bras en joignant les mains pour demander au ciel le miracle.

À la droite du tableau, se trouve une femme entourée d’enfants ; dans l’angle du même côté, plus sur l’avant-plan, une autre femme se penche sur un enfant mort, étendu à terre. Derrière ces personnages, on distingue un homme demi-nu et une vieille femme ; tous deux regardent la possédée et paraissent encore douter que le miracle soit accompli.


SAINT IGNACE GUÉRISSANT LES POSSÉDÉS
Fac-simile de la gravure de Marinus, d’après le tableau de Rubens (Musée de Vienne).

Dominant les deux groupes, saint Ignace, debout sur les marches de l’autel, les deux mains tendues en avant, l’œil au ciel, implore l’intercession divine. Il est escorté de deux clercs et des frères de son ordre.

Dans la partie supérieure, au-dessus de la tête de saint Ignace, deux petits anges. Dans le coin à gauche, on voit la nef de l’église éclairée, mais on n’y distingue aucun démon.

Le Saint Ignace du musée de Vienne. — Le tableau du musée du Belvédère, à Vienne, est exactement conçu sur les mêmes données que celui de Gênes, que nous venons d’étudier On y trouve la même composition, les mêmes groupes : saint Ignace et ses clercs, le groupe de la possédée, les mères avec leurs enfants, et une disposition architecturale analogue. Mais chacune de ses parties subit une interprétation plus large, plus grandiose ; le cadre s’élargit, le nombre des personnages augmente ; le tableau de Gênes est le thème, celui de Vienne une magnifique amplification. À Gênes, c’est une scène presque intime, le geste est plus sobre, le mouvement plus mesuré ; à Vienne, suivant l’expression de M. Mantz, c’est un tableau c à grand spectacle : », une composition agitée et tumultueuse.

Il existe du tableau de Vienne une photographie (dans la collection Miethke) qui nous permet de l’apprécier dans les moindres détails.

Tout est à louer dans la figure de la démoniaque ; et nous regrettons vivement de ne pouvoir en offrir ici une plus fidèle reproduction. La figure que nous donnons est le fac-similé d’une gravure estimée de Marinus, mais il existe, entre le tableau original et la reproduction, des différences sur lesquelles nous reviendrons plus loin, et qui rendent l’œuvre du graveur bien inférieure. Néanmoins, cette gravure rend convenablement l’ensemble.

Le catalogue du musée du Belvédère fournit une description fort détaillée, à laquelle nous emprunterons quelques traits.

Debout sur les marches d’un autel, saint Ignace, vêtu d’une chasuble richement brodée, se tourne vers les assistants dans une attitude pleine de majesté, le regard dirigé en haut, la main droite levée, et la gauche appuyée sur l’autel. Les frères de l’Ordre, groupés à sa droite en une sorte de chœur, et revêtus simplement de robes noires, se tiennent plus en arrière. Les cierges allumés et le calice sur l’autel indiquent une interruption du service divin. Au pied de l’autel, le peuple se presse en deux groupes serrés, dont le plus important, à droite et faisant face au saint, est celui des possédés.

En effet, ce groupe qui, en Italie, comprend quatre personnages (dont une femme possédée), n’en contient pas moins de treize dans le tableau, en Autriche, dont deux démoniaques : un homme et une femme. De plus, à Gênes, le groupe de la possédée est à la droite du saint, qui a en face de lui le groupe plus important des femmes entourées de leurs enfants.

Dans le tableau de Vienne comme dans l’autre, Rubens a représenté un double miracle : la guérison des possédés et la résurrection des enfants morts. Mais tandis qu’à Gênes le peintre a donné plus d’importance à la résurrection des enfants, à Vienne, la possession démoniaque tient le premier rang. Tout dans la composition est disposé de façon à mettre en valeur cet épisode dramatique et mouvementé.

Contrairement à la démoniaque de Gênes qui se présente presque de dos, celle du Belvédère est presque de face, la tête un peu tournée à gauche et vue de trois quarts. Trois personnages au moins la maintiennent au prix des plus grands efforts ; l’un d’eux, un genou en terre, et tourné vers le saint, implore le miracle, pendant que de la main gauche il soutient la malheureuse.

Cette figure présente les caractères les plus remarquables de la « grande attaque ».

Le cou est gonflé au point que les reliefs musculaires en sont masqués. Ce gonflement n’a rien d’exagéré : nous l’avons observé bien des fois, lel que Rubens Ta représenté. Et il a fallu de la part de ce maître un grand respect de la vérité pour n’en rien atténuer, et pour consentir à cette hideuse déformation des lignes du cou. Mais combien il est récompensé par l’impression d’horreur et de pitié que soulève chez le spectateur cette image réelle d’un état de souffrance porté à son paroxysme !

La face nous présente plusieurs autres signes également caractéristiques ; la bouche est ouverte avec protrusion de la langue, les narines sont dilatées et relevées ; les globes oculaires, convulsés en haut et cachant presque complètement la pupille sous la paupière supérieure. Ce sont autant de signes sur lesquels nous n’avons pas besoin d’insister ici.

Ce n’est pas tout.

Le mouvement des deux membres supérieurs complète le tableau et achève la ressemblance. De la main droite, notre possédée tire à pleine poignée sur une mèche de ses cheveux épars, pendant que la main gauche saisit violemment la chemise pour la déchirer. La robe entr’ouverte, qui retombe sur les hanches, témoigne de la violence des convulsions qui ont précédé et de la fureur qu’a mise l’énergumène à se déchirer elle-même. D’ici peu la chemise aura cédé comme la robe, et la possédée apparaîtra complètement nue, comme il arrive chez certaines malades qui, pendant leur crise, ne sauraient garder aucune entrave : en quelques instants elles ont bientôt mis en pièces tout vêtement ; parfois, elles se lacéreraient le corps, si on ne venait à leur secours.

Il était impossible de dire plus en aussi peu de traits, et de réunir en une même figure plus des signes effrayants qui caractérisent la grande névrose.

Au premier plan, Rubens a placé, dans un raccourci plein de hardiesse, un homme possédé, presque entièrement nu, renversé à terre, et qui, dans une épouvantable convulsion, a brisé les liens dont on l’avait attaché. Cette figure, qui n’existe pas sur le tableau de Gênes, n’est pas moins remarquable que celle que nous venons d’étudier en détail. La tête renversée montre la face affreusement convulsée. Les yeux sont distors, les pupilles convulsées en haut, la bouche est ouverte, les lèvres sont bleues et écumantes.

Ce démoniaque est une figure d’un effet en apparence un peu théâtral, mais qui, pour l’observateur, rend bien le degré inouï de violence que peuvent atteindre les convulsions hystériques chez l’homme. Elles ne sont point, au premier aspect, sans offrir comme un certain degré d’exagération. Les gestes, les mouvements, les attitudes ont une telle force indicative qu’on a peine à se persuader qu’elles soient purement inconscientes, en dehors de toute action de la volonté raisonnée. C’est là ce que le génie de Rubens a pénétré et rendu, avec une netteté dont l’œuvre d’aucun maître ne fournit d’exemple.

Un homme à moitié nu se penche pour relever le malheureux. D’autres personnages s’en approchent avec des sentiments mêlés de curiosité et de pitié. Un vieillard joint les mains et prie en contemplant le saint.

Par opposition, le groupe qui est en face çst plus calme. Une femme s’approche avec son petit enfant dans les bras ; une deuxième à genoux a deux enfants à ses côtés. Derrière elles, un homme, qu’on peut prendre pour un possédé guéri, enlève les cordes avec lesquelles on l’avait retenu.

Dans la nef ensoleillée de l’église, on voit fuir un groupe de démons. Au-dessus de saint Ignace, comme portés par un rayon de soleil, de petits anges, au nombre de cinq, tiennent des couronnes et des palmes.

Cette admirable toile, exécutée pour l’église des Jésuites, à Anvers, faillit, en 1718 devenir la proie des flammes qui anéantirent le monument. Plus tard Marie-Thérèse l’acheta.

Il existe également au musée de Vienne une esquisse peinte de ce tableau. Nous n’avons pas à y insister ici, par^^e qu’elle n’ajouterait rien à ce que nous a appris le tableau définitif sur la pénétration naïve et mal tresse qu’apportait Rubens dans son observation, et sur la décision qui s’en suivait dans son œuvre.

On doit au burin d’un graveur, Marinus, une reproduction de ce Saint Ignace guérissant les possédés et ressuscitant les enfants ; elle nous intéresse parce que nous avons à y relever quelques inexactitudes assez singulières.

Comme il arrive pour la plupart des anciennes gravures, celle de Marinus reproduit le tableau de Rubens retourné symétriquement, c’est-à-dire comme vu dans une glace. Cela tient à ce que les anciens graveurs dessinaient sur le cuivre sans prendre le soin de retourner leur dessin, d’où il résulte, qu’après l’impression, la composition sur l’épreuve apparaît au rebours du tableau original.

La gravure a fait subir au tableau de Rubens des modifications, dont quelques-unes tiennent à une interprétation imparfaite, mais dont le plus grand nombre ne sauraient être imputées au graveur.

On sait, en effet, que souvent à cette époque, le graveur travaillait, non d’après l’œuvre définitive du maître, mais d’après des dessins composés dans ce but, ou même d’après des répétitions en grisailles exécutées dans l’atelier ou par le peintre lui-même. Le dessin du Louvre dont nous parlerons plus loin parait avoir été fait dans ce but.

C’est ainsi que, dans la gravure de Marinus, la scène s’élargit sensiblement Les personnages n’y sont pas plus nombreux, mais ceux qui se massent dans les angles apparaissent un peu plus. En tous les sens le tableau est agrandi. La manière de Rubens est bien rendue, mais avec un peu d’amplification ; les mouvements sont plus violents, plus heurtés, les saillies musculaires exagérées ; les physionomies perdent de leur finesse et de leur vérité. Pour ce qui est de la Possédée, le gonflement du cou est moins saisissant, l’ombre qui cherche à accuser le larynx étant plus accentuée. Enfin l’œil a subi une modification malheureuse à notre point de vue technique ; la pupille, au lieu de se cacher sous la paupière supérieure, apparaît toute grande à l’angle externe de l’œil. Un autre changement mérite d’être noté, et semblerait trahir la préoccupation de l’artiste de faire plus saisissant : la main qui déchire les vêtements a saisi l’ouverture de ta chemise et découvre complètement le sein, tandis que sur le tableau, bien que la chemise soit entr’ouverte, le sein est entièrement caché. Mais on peut alléguer que la gravure s’adressait au public et la peinture à une église.


ÉTUDE POUR LA « POSSÉDÉE »
Fac-simile d’une lithographie de J. Scarlett Davis, d’après Rubens.

Étude pour la « Possédée » du musée de Vienne. — Nous possédons une lithographie d’origine anglaise, exécutée d’après une esquisse de Rubens de cette composition. Nous ne
connaissons pas cette esquisse en original, mais la lithographie présente une sécheresse et des incorrections de dessin qui doivent être mises sur le compte de l’interprète. Quoi qu’il en soit, cette esquisse a été indubitablement peinte par l’artiste pour la tête de sa Possédée de Vienne, et l’on y retrouve tous les grands caractères d’exactitude rigoureuse et d’effet magistral, sur lesquels nous avons insisté. La lithographie nous permet de les apprécier et de les voir de plus près en quelque sorte, c’est pourquoi nous en donnons ici une reproduction. Le gonflement du cou y est bien représenté, ainsi que la convulsion des globes oculaires. La langue est plus large et mieux saillante sur le tableau ; la bouche est la partie dont le dessin laisserait le plus à désirer [1].

Dessin des collections du Louvre. — Le musée du Louvre possède un dessin à la pierre noire, gouache et rehaussé de blanc sur papier gris, représentant le Saint Ignace de Loyola guérissant des possédés, et exécuté d’après le grand tableau de l’église des Jésuites d’Anvers.

Ce dessin, extrêmement soigné et très habile, a été exécuté pour les besoins de la gravure. Dans le catalogue, il est rangé sous la rubrique « d’après Rubens ». Il aurait donc été fait par un des élèves du maître. Mais tout porterait à croire que Rubens lui-même y a mis la main, au moins pour le retoucher. C’est aussi l’opinion de Van Hasselt [2].

C’est d’après ce dessin que Marinus aura fait sa gravure. Il suffit de comparer les deux pour que la chose soit hors de doute. Quelques-unes des différences que nous avons signalées entre le tableau de Vienne et la gravure se retrouvent dans le dessin, entre autres le sein de la possédée qu’on voit complètement découvert. Mais là où il est prouvé que le graveur a failli, c’est dans certains traits de la figure : le modelé du cou est bien supérieur dans le dessin, et l’œil, loin de montrer la pupille, ne laisse voir que le blanc de la sclérotique.

En somme, l’examen du dessin du Louvre nous montre que les défauts que nous avons relevés plus haut doivent être mis exclusivement sur le compte du graveur.

Nous avons trouvé, à la Bibliothèque nationale, une gravure d’après un tableau de Rubens représentant Saint François de Paule montant au ciel’ [3]. De nombreux personnages de tous rangs assistent à cette ascension. Au premier plan, des miracles s’accomplissent. On délivre de son suaire un mort qui ressuscite ; plus en avant, deux démoniaques, un homme et une femme sont en proie aux convulsions. Ces deux figures offrent de nombreux points de ressemblance avec les démoniaques du musée de Vienne, mais autant que permet d’en juger la gravure, ils ne les égalent pas à notre point de vue particulier. Aussi ne nous y arrêterons-nous pas.

Ce que nous avons dit suffit à démontrer dans quelle voie naturaliste féconde, pour la science comme pour l’art, s’était engagé Pierre-Paul Rubens, et à quels titres précis, en dehors de toutes autres considérations esthétiques que nous devons écarter, son œuvre survit et s’impose.


  1. Au bas de la lithographie on lit d’un côté : Drawn on stone by J. Scarlett Davis, from the original sketch by Rubens ; et de l’autre côté : Printed by C. Hullmandel.
  2. Van Hasselt, dans son catalogue, fait suivre l’indication du tableau de Vienne de la note suivante : « Le musée de Paris possède de cette composition un beau dessin au crayon noir, rehaussé de bianc et retouché par Rubens pour le graveur. »
  3. Cette gravure ne donne point le nom du graveur. Dans le coin à droite, on trouve la mention suivante : Pet. Paul Rubens pinxit. Guill. Collaert excudit. D’autre part, nous avons rencontré dans le catalogue des œuvres de Rubens qui fait suite à la Vie de Rubens, par André Van Hasselt, Bruxelles, 1840, sous le n° 495, l’indication d’un tableau représentant saint François montant au ciel, avec la mention : gravé par Lommelin, Quoi qu’il en soit, nous n’avons trouvé aucune autre indication sur le tableau de Rubens, lequel peut être n’existe plus.