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Les Dieux antiques/Le Pays de l’Immortalité

La bibliothèque libre.
J. Rothschild, éditeur (p. 218-221).




LES PAYS DE L’IMMORTALITÉ [1].


Nous avons, aux premières pages, présenté une description de l’Olympe, habité par les dieux et les déesses. L’étude serait incomplète si, à la fin du livre qui décrit les héros, nous ne parlions des Pays de l’Immortalité, fortunés ou mauvais, habités par les ombres des êtres qui ne vivent plus. La déité qui règne sur ce monde spécial est, on se le rappelle, Hadès ; et ce régent des lieux infernaux s’identifiait avec son royaume au point que maître et états portèrent le même nom. Des fleuves fameux arrosaient l’Hadès : le Styx, qui l’enveloppait de sept replis ; puis l’Achéron, le Cocyte, le Phlégéthon ou Pyriphlégéthon, et le Léthé. Aucun de ces noms qui n’ait sa signification. Achéron, comme l’Achéloüs, l’Axios, l’Axé, l’Exe, l’Usk, et maint autre courant, signifie simplement l’Eau. Le Cocyte est le fleuve des gémissements et des larmes ; le Styx, le fleuve haïssable ; le Phlégéthon ou Pyriphlégéthon, celui du feu : et le Léthé appartient comme Léto, la Latone latine, et Léda, à la terre de Latmos ou celle de l’oubli et de la mort. Le seul détail poétique relatif à ces cours d’eau funèbres, c’est que les ombres les traversaient dans la barque du sombre passeur Charon (fig. 163), fils d’Érèbe et de la Nuit : pour se rendre vers la demeure souterraine à la porte de laquelle veillent les deux chiens, l’un Orthros, et l’autre Cerbère aux trois têtes. À tout jamais on entrait là, sur le verdict des trois juges Minos, Éaque, Radamanthe.

Où commence, où finit ici la légende : point curieux à discerner. Ces rivières n’étaient pas imaginaires : non loin de l’Épire existait le fleuve Achéron, avec son affluent le Cocyte ; on fit, de toute antiquité, sur leurs bords, des sacrifices pour les morts. Il y a donc, on le voit, quelque-chose d’historique mêlé à ces fables. Exemple encore : l’Averne ; ce nom appartenant à un lac italien près de Naples, que l’on supposait donner accès aux régions infernales : et la sybille de Cumes habitait une caverne sur ses bords. Ce n’était pas toutefois un nom d’origine latine, mais une forme latinisée du grec Aornos, qui indique un lieu sans oiseaux : on croyait qu’aucune aile ne pouvait le traverser, à cause des vapeurs mortelles qui s’élevaient à sa surface. Quant à la valeur morale de lieux comme le Tartare, noir gouffre des méchants, situé sous l’Hadès, à une profondeur pareille à la distance qui sépare du ciel la mer ; ou l’Élysée, loin dans l’Ouest, hors Fig. 163. — Charon et les Âmes.
des bornes de la terre et là où descend le soleil, archipel qu’Éos égayé en y versant les teintes violettes à la chute du jour : ni ces îles des bienheureux, où ceux-là seuls sont admis qui comptèrent au rang des héros et des nobles de l’humanité, ni l’abîme désespéré des ténèbres, ne dépendent, à proprement parler, de la Mythologie, car ils expriment surtout des idées morales et des concepts empruntés à une théologie.

La mythologie du Tartare comme lieu de tourments, et de l’Élysée comme repos fortuné des sages parmi les asphodèles (les Latins le placèrent cependant sous la terre), est artificielle à l’égal de la fable évoquant de la mer les nymphes néréides et les nymphes océanides. Ce que nous devons retenir d’un regard jeté sur ces sites, dénués de tout sens allégorique apparenté à la Nature, c’est l’idée même qui nécessite leur création : à savoir celle d’un châtiment pour le mal et d’une récompense réservée au bien.

Cerbère.


  1. La Traducteur d’après l’Auteur, Gde. Myh. et divers.