Les Fastes (Merrill)/Chambre d'Amour

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Les FastesChez Léon Vanier (p. 26-27).
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CHAMBRE D’AMOUR

Dans la chambre qui fleure un peu la bergamote,
Ce soir, lasse, la voix de l’ancien clavecin
Chevrote des refrains enfantins de gavotte.


Éteintes par sa main pour quelque doux dessein
D’amour, voici qu’enfin les lampes vespérales
Fument au bruit de l’eau tintant dans le bassin ;


Au bruit de l’eau qui brille en des lueurs lustrales
À travers les rideaux roidis de pourpre et d’or
Dont le clair éclat croule aux fenêtres claustrales.


C’est, déroulant au mur un vaporeux décor,
La pastorale peinte aux pimpantes images
Où des Jeux et des Ris s’éparpille l’essor.



Sur les divans fanés en leurs riants ramages
Les coussins semblent lourds de l’oubli des absents :
Et du bleu baldaquin s’éplorent des plumages.


Seul, un éventail chu de doigts jadis lassants
Présage le retour inespéré de Celle
Dont l’automne a pâli les charmes languissants.


Soudain c’est le rayon roux d’une rubacelle,
Un chuchotis de voix disant de doux remords,
Et le baiser de ceux que la Vie ensorcèle

Dans la chambre où, le soir, s’aimèrent tant de morts !