Les Flûtes alternées/Mendiante

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Les Flûtes alternéesA. Lemerre (p. 100-101).


VIII

MENDIANTE


Dix ans ; l’azur du ciel sur des yeux ingénus.
Une jupe en lambeaux qui pend sur ses pieds nus,
Parmi ses cheveux blonds des joncs et des feuillages,
La fille des vanniers s’en va par les villages,
Si petite et si frêle en s’arrêtant au seuil
Qu’en la voyant venir les chiens lui font accueil.
Elle rôde, elle glisse, elle frappe à la porte,
L’ouvre et, tendant la main, sans rien dire, elle emporte
Le pain que l’indigent réserve au vagabond.
Elle rit, elle passe et disparaît d’un bond
Si léger qu’on entend le frisson de son aile.

Oh ! quand elle éblouit la nature éternelle
De sa grâce ignorante et de son pur matin,

Est-ce que cette enfant, vouée au noir destin,
D’une aumône banale alourdit sa corbeille ?
Peut-elle mendier puisqu’elle est une abeille ?
Elle vole aux foyers comme ses sœurs aux fleurs ;
Ce soir en nos vergers, demain, dès l’aube, ailleurs,
Elle fait sans savoir son œuvre clandestine.

Qu’il soit doux et sacré le miel qu’elle butine !