Les Forces éternelles/Certitude

La bibliothèque libre.

Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 53-54).

CERTITUDE


On tue, et je savais qu’il ne faut pas tuer,
Je savais que la vie est la déesse auguste,
Qu’il fallait être bon plus encor qu’être juste,
Je suis de ceux que rien ne peut habituer

À la douleur humaine, à l’immense agonie
Qui déchire le globe et fait gémir les airs ;
Bien qu’au fléau la gloire est désormais unie
Je pleure sur les morts aujourd’hui comme hier ;

Et pourtant, à présent, je sais que rien n’égale
L’héroïque abandon, suprême et sans retour ;
Je sais que l’honneur est le faite de l’amour,
Et que la jeune mort est la mort triomphale.

Je sais qu’ils ont atteint le but essentiel,
Qu’ils ont vaincu la tombe et n’en sont pas victimes,
Ces garçons soulevés hors de l’étau charnel ;
Je sais qu’ils ont semé des astres dans l’abîme,
Qu’ils ont marqué leur sol d’un sceau spirituel,
Qu’ils ont donné le sacre à la forme du crime.
Et que leurs doigts sanglants leur ont ouvert le ciel…



Août 1915.