Les Français dans l’Ouest canadien/24

La bibliothèque libre.
Éditions de la Liberté (p. 127-133).

Chapitre XXIV


Un vrai film « Western » — Le danger de l’esprit d’aventure — Un autre accident, plus grave que le premier — Encore une tunique rouge — Des brigands de la prairie — Ranchers de l’armée et de la noblesse — Aumônier à cheval dans la plaine — Le nom de Trochu apparaît sur la carte — Le groupe français de Red-Deer et la colonie phalanstérienne du lac Sylvan — Le prêtre Savoyard François Ferroug — Une ville-champignon : Castor — Deux agriculteurs-ranchers Basques


Un vrai film « Western »

Les premières pages de l’histoire des colons de France dans l’Alberta se déroulent comme un film de scènes empruntées à la vie des ranches et à celle de la Police montée du Nord-Ouest.

Premier tableau, 2 novembre 1874.

Un jeune Français de 20 ans, Jean d’Artigue, arrive à Edmonton. Il fait partie d’un détachement de la Police montée qui vient d’accomplir un voyage exténuant de cinq mois à travers un pays désert et sans voies de communication. Au Canada depuis plus d’un an et professeur à Montréal, il n’a pu résister à l’appel des autorités fédérales qui demandaient des volontaires pour leur police du Nord-Ouest récemment fondée. Depuis que, adolescent, il a dévoré les récits de Fenimore Cooper et autres romanciers du genre, Jean d’Artigue brûle du désir de connaître les pays merveilleux, théâtres de pareils exploits. L’occasion était vraiment trop belle pour ne pas la saisir au vol.

Il s’agit de mettre fin aux désordres causés par des aventuriers yankees qui fournissent aux Indiens des alcools frelatés, en échange de leurs fourrures. Que peut bien représenter au premier abord, pour des jeunes à l’imagination fertile, un tel travail d’épuration ? De joyeuses galopades à travers la prairie et de faciles victoires sur des malfaiteurs terrifiés… Mais la seule présence des forces de l’ordre, postées à quelques points stratégiques, mettra fin rapidement aux incursions des bandes de contrebandiers. La vie des policiers sera le plus souvent monotone et sédentaire pendant les longs mois d’hiver.

Ce que veut d’Artigue, c’est confronter les vrais Indiens avec les dires de ses romanciers. Autour de Fort-Edmonton, il a vu quelques Peaux-Rouges qui lui ont paru tout à fait dégénérés. L’enquête doit être poussée plus à fond. Le voilà rendu, par traîneau à chiens, à 100 milles au sud, au lac Buffalo, dans un camp de Cris où il est l’hôte d’un ami blanc qui trafique dans les fourrures. Son uniforme le désigne comme un visiteur officiel de marque et tous s’assemblent pour voir le « soldat ». Le chef Sweet Grass, entouré de son conseil et de ses lieutenants, lui souhaite la bienvenue et l’invite a un grand paw-waw en son honneur. Le Français à peine installé sur un siège à droite du chef, les Indiennes, jeunes et vieilles, font leur entrée. Et au son lugubre de trois espèces de tambourins, c’est le déchaînement de la chose indescriptible, presque inimaginable, que constitue une danse indienne authentique.


Le danger de l’esprit d’aventure

La plus belle et la mieux parée des jeunes filles s’approche du héros de la fête et l’invite par signes à danser avec elle. La situation est délicate, mais un refus serait considéré comme la pire des insultes. Jean d’Artigue, s’armant de courage, prend donc la main qui s’offre et fait de son mieux pour imiter les balancements de la tête, les contorsions de la figure et du corps, les mouvements grotesques des bras et des jambes dont il a été le témoin stupéfait. Cette performance, remarquable pour un premier essai, soulève un tonnerre d’applaudissements. Elle lui vaut les félicitations personnelles du chef et des membres de sa cour.

Mais le lendemain matin, le visiteur va s’apercevoir que sa belle aventure n’est pas sans danger. Sweet Grass vient en grande pompe, avec sa suite au complet, lui offrir en hommage d’admiration… sa fille, avec qui il a dansé la veille. Comment sortir de ce guet-apens imprévu ?… Essayons d’abord de gagner du temps, pense d’Artigue.

N’étant ni un valeureux guerrier ni un grand chasseur, dit-il, j’étais loin de m’attendre à un tel honneur ; mais si le chef insiste pour m’avoir comme gendre, qu’il m’accorde un délai de quelques jours, afin de convoquer mes amis d’Edmonton et de célébrer l’heureux événement avec tout l’éclat qui convient, en accord avec la tradition des Blancs.

Cette réponse comble de joie Sweet Grass, qui estime l’affaire réglée et se retire. Ouf ! notre candide policier l’a échappé belle ! En route maintenant pour les bords de la Red Deer, où il suit un groupe de chasseurs métis. Une fois de plus, le roman va devenir la réalité. Avec un cheval et un fusil empruntés, Jean d’Artigue prend part à la poursuite mouvementée d’un troupeau de bisons qui laisse de nombreuses victimes sur le terrain. Mais au retour, s’attardant à visiter d’autres Indiens, le voyageur inexpérimenté, sans s’en apercevoir, se laisse geler les deux oreilles. Il ne reste plus, faute de mieux, qu’à filer à toute vitesse vers Edmonton. La route passe par le fameux camp où il a été comblé de trop d’honneurs. La nouvelle de son arrivée et de son infortune se répand comme une traînée de poudre. Tous les Cris assiègent le wigwam de son ami, le traitant de fourrures, pour exprimer leur sympathie au malade. Le chef Green Grass n’abandonne pas une minute son gendre présomptif et fait venir de loin un fort en médecine qui, dans l’espace d’une semaine, remet en bon état les oreilles sérieusement endommagées. Il y eut sans doute avant le départ — l’histoire ne le dit pas — renouvellement des promesses de mariage…


Un autre accident, plus grave que le premier

Au printemps de 1880, après six années de service dans la Police montée, qui lui ont permis d’acquérir une connaissance satisfaisante des Indiens du Nord-Ouest et de leur habitat, Jean d’Artigue décide de rentrer en France. Mais un autre accident, plus grave que le premier, va le contraindre à différer son voyage. Alors en garnison à Fort-Saskatchewan, il est venu assister, à Edmonton, à l’un de ces paw-waw au programme ahurissant : représentation théâtrale de trois heures, suivie d’un banquet et d’un bal qui dure toute la nuit. Les Blancs dansent entre eux, à l’européenne, tandis que des couples métis, dans une pièce voisine, se trémoussent dans une gigue de la Rivière-Rouge interminable et endiablée.

Sans attendre la fin de ces réjouissances, qui peuvent se prolonger parfois durant cinq ou six jours, le jeune Français retourne à pied à sa caserne en passant par Saint-Albert et Lamoureux, où il veut dire adieu à des amis. De ce dernier endroit il est à huit milles seulement de Fort-Saskatchewan et se met en route au coucher du soleil. Mais à une bifurcation, le voyageur prend la mauvaise piste. La nuit est venue, avec la tempête. Une bise glacée souffle violemment du nord-ouest et la neige qui l’aveugle empêche le malheureux de voir à deux pas devant lui. Perdu en plein bois, sa seule ressource est de marcher jusqu’au bout de ses forces, afin de ne pas succomber au froid. Au matin, une maison qu’il reconnaît pour celle d’un compatriote ! C’est le salut ! Le rescapé demande d’abord à manger. Il eût été plus sage de penser premièrement à ses pieds gelés. Ils exigeront un traitement de trois mois à l’infirmerie du fort et échapperont de justesse à l’amputation.

D’Edmonton à Winnipeg, point le plus rapproché du chemin de fer, il existe alors deux modes de locomotion : la charrette de la Rivière-Rouge et le bateau à vapeur descendant le cours de la Saskatchewan. Jean d’Artigue choisit le second, moins sûr et plus long, mais qui lui fera traverser des régions qu’il ne connaît pas encore, en touchant à Battleford, Prince-Albert, Le Pas, Cumberland, Grand Rapids, Selkirk.

De retour dans sa patrie, l’ex-policier canadien va condenser en 200 pages le récit de ses expériences uniques et ses réflexions sur le pays où il a passé six belles années de sa vie. C’est un petit livre de lecture très agréable et de réelle valeur documentaire. Jean d’Artigue a parfaitement compris à quelle prospérité future étaient appelés ces territoires immenses et presque inconnus, où les colons commençaient à peine d’arriver. Chose curieuse, il fut le premier à écrire sur cette fameuse Police montée du Nord-Ouest, qui devait tenter par la suite beaucoup de plumes. C’est au public français que le rôle et les exploits de cette dernière ont d’abord été présentés avec quelques détails. Quel accueil le bon travail de Jean d’Artigue a-t-il obtenu chez ses compatriotes ? Je ne l’ai vu nulle part mentionné et n’ai pu lire que la version anglaise, publiée à Toronto.


Encore une tunique rouge

Deuxième tableau, 1881.

Jean d’Artigue à peine rentré en France, le jeune Parisien Georges Bossange, petit-fils et fils des libraires Hector et Gustave Bossange, arrive, le cœur battant, dans la même région de l’Ouest canadien. Il y a été attiré, lui aussi, d’une façon irrésistible, par la tunique rouge de sa Police montée et par l’existence pittoresque de ses ranchers. Chose merveilleuse, le rêve de l’adolescent va se réaliser, tout en procurant au Parisien émigré toute une vie de bonheur complet. Tour à tour membre du fameux corps de gendarmerie à cheval et cowboy préposé à la surveillance de troupeaux, Georges Bossange semble n’avoir jamais connu la moindre nostalgie et s’intègre parfaitement à sa patrie d’adoption. Après dix années de cette vie tonifiante dans les larges espaces, il va passer quelques mois auprès des siens et humer l’air de Paris, mais regagne promptement le ranch de Choinance, dans le voisinage de Saint-Albert. Il épouse une femme du pays, de sang mêlé, et meurt relativement jeune. Ses filles habitent aujourd’hui l’Ouest américain. Georges Bossange était d’origine franco-canadienne par son grand-père, Hector Bossange. et sa grand-mère, née Marie-Julie Fabre, de Montréal.

Les deux premiers Français membres de la Police montée du Nord-Ouest, Jean d’Artigue et Georges Bossange, auront des imitateurs. Vingt ans plus tard, le Dr Adrien Loir, chargé d’une mission dans l’Ouest par le gouvernement canadien, y trouvera sous l’uniforme kaki un Marseillais qui avait comme camarades plusieurs compatriotes.


Des brigands de la prairie

Troisième tableau, 1886.

Une scène classique de « Western », simple fait divers de la Prairie des premiers temps, emprunté au Calgary Herald :

« MM. de Raimbauville sont arrivés de France il y a quelques mois dans l’intention de se livrer à l’élevage dans le Nord-Ouest. Ils viennent d’acquérir un ranch considérable sur la rivière Bow, où ils avaient établi leur campement.

« Ces jours derniers, MM. de Raimbauville avaient acheté des chevaux, entre autres d’un M. Cable. La nuit en question, ils avaient sous la tente $3,300 dont ils avaient fait deux parts, l’une de $3,000 et l’autre de $300, déposées dans deux cachettes différentes. Vers une heure après minuit, ils furent éveillés par trois individus qui se tenaient à la porte de la tente et leur ordonnèrent de sortir. Ils se donnaient comme membres de la police à cheval et demandaient à visiter la tente pour voir si les voyageurs n’avaient pas de whiskey en leur possession.

« MM. de Raimbauville, sans défiance, sortirent de la tente et aussitôt les faux policiers, les couchant en joue avec leurs revolvers, leur lièrent les mains et les attachèrent aux roues des wagons. Ils pénétrèrent ensuite dans la tente et mirent tout sens dessus dessous. Ils ne trouvèrent que la somme de $300 et l’autre cachette échappa à leurs recherches. Les brigands étaient évidemment au courant, car ils sommèrent les prisonniers de dire où se trouvait l’argent qu’ils avaient en leur possession lorsqu’ils avaient payé M. Cable. MM. de Raimbauville répliquèrent que l’argent était placé dans une banque. Sur cette réponse, les brigands se retirèrent, après avoir eu la précaution d’emmener les chevaux des voyageurs à quelque distance du campement. »

Et le journal de Calgary tire la morale de cette aventure peu réjouissante :

« MM. de Raimbauville ont toutes nos sympathies ; mais comme la perspective d’être pillé et rançonné par des écumeurs de prairie pourrait bien nuire à la colonisation du Nord-Ouest, il est du devoir des autorités de rechercher activement les auteurs d’un pareil acte de brigandage, pour en faire un exemple éclatant. »


Ranchers de l’armée et de la noblesse

Quatrième tableau, 1902.

Entre Calgary et Edmonton — une distance de 200 milles — c’est la grande prairie ondulée, avec un foin court et dru, que broutent ça et là quelques rares troupeaux en pleine liberté. Un homme dans la quarantaine parcourt le pays, en quête d’un lieu propice à un établissement d’élevage. À environ 75 milles au nord-est de Calgary, il découvre l’endroit rêvé : une vallée à l’abri des rafales de l’hiver, abondamment fournie d’eau, au centre d’une région fertile aux espaces illimités. Par malheur, quelqu’un l’y a devancé. Un modeste ranch se trouve blotti depuis une couple d’années dans ce coin idéal. Qu’à cela ne tienne : le nouveau venu engage des pourparlers avec le propriétaire qui finit par lui céder tout son avoir. L’ancien Dead Creek sera désormais le ranch Sainte-Anne.

Ce gentleman-farmer français, le premier à venir tenter fortune dans l’Alberta, est Armand Trochu, neveu du général Louis-Jules Trochu, gouverneur de Paris en 1870. Il a un frère colonel de cavalerie, mais ne détient pas lui-même ce grade qui lui sera donné couramment. Il s’est contenté de faire son service militaire dans la cavalerie et s’est occupé ensuite d’affaires d’immeuble.

Les débuts du ranch Sainte-Anne n’eurent rien de spectaculaire. Ce ne fut que deux années après son acquisition qu’Armand Trochu trouva un premier compagnon, le lieutenant de hussards Eckenfelder. Un second suivit bientôt, Devilder, autre ancien officier, fils d’un banquier de Lille. Ces trois hommes, qui ne s’étaient pas connus en France, placèrent leurs intérêts en commun sous la raison sociale Ste. Anne Ranching and Trading Company.

En août de la même année 1904, le comte Paul de Beaudrap, qui était repassé au pays natal après un séjour de sept ans à Saint-Hubert-Mission, revenait dans l’Ouest avec sa famille pour une nouvelle tentative. À douze milles au sud-est du ranch Sainte-Anne, il achète une terre, une maison en rondins et vingt bêtes à cornes — premiers éléments du ranch Jeanne d’Arc. Mme de Beaudrap aura la distinction d’être la première femme de cette colonie française de l’Alberta. Le comte a aussi amené son frère, le capitaine Jean de Beaudrap, et le lieutenant François de Torquat. Ce Normand et ce Breton font partie du groupe de cinq officiers de Vannes qui ont préféré briser leur carrière plutôt que de conduire leurs hommes à l’assaut des couvents. Dix ans plus tard, répondant à l’appel de la patrie, ils tomberont tous deux au champ d’honneur.

Il y avait alors cinq autres ranches dans la vaste région comprise entre Calgary et Red Deer. Des colons français vinrent s’établir à proximité de Sainte-Anne. La plupart étaient gens de qualité : le comte Louis de Chauny ; le vicomte Bernard de Chaunac-Lanzac, qui se fixera plus tard à Montréal ; le baron de Reinach-Werth ; le capitaine Theodolo-Theodoli, de la haute noblesse italienne ; la comtesse de Cathelineau ; Mme de Butruille ; Figarol ; Papillard ; le colonel Félyne, l’un des derniers venus.


Aumônier à cheval dans la plaine

Vers le même temps, les Prêtres de Sainte-Marie de Tinchebray (Orne), jusque là voués à l’enseignement, arrivaient dans la Prairie canadienne, à la suite des décrets d’expulsion. Les PP. Henri-Émile Voisin et Pierre-Jules-Marie Bazin avaient pris les devants ; quatre confrères allaient les rejoindre avant la fin de l’année. Leur premier foyer d’action fut Innisfail, d’où ils rayonnèrent sur les ranches dispersés dans la région.

Le P. Voisin, informé de l’existence de la colonie Sainte-Anne, réussit non sans peine à la découvrir. À six milles du ranch, il tomba sur le « shack » de Louis de Chauny, qui le guida vers la demeure de ses compatriotes. À dix heures du soir, les voyageurs arrivaient enfin à destination. Les maîtres du lieu couchaient dans une chambre unique et étroite, décorée de panoplies de revolvers, de sabres et d’éperons. Devilder céda son lit au visiteur et bivouaqua dans l’écurie. Dès cette première rencontre, il fut entendu que le missionnaire viendrait chez ses nouveaux amis un dimanche par mois. Cela représentait pour lui, aller et retour, une course de 80 milles, sans autre moyen de locomotion que la voiture ou le cheval.

Le samedi qui précédait cette messe mensuelle s’achevait traditionnellement par une exquise soirée musicale au ranch Sainte-Anne. Un compatriote du voisinage, le Dr Soullier, s’installait devant un piano dont, à cause de son âge, on excusait les nombreuses déficiences, et le P. Voisin grattait un violoncelle de rencontre. La magnifique voix de basse de Devilder s’harmonisait très bien avec la douce voix de ténor du lieutenant de Torquat. Et le concert se prolongeait tard dans la nuit.

Le lendemain matin, quand la messe devait se dire au ranch Jeanne d’Arc — car elle alterna bientôt entre les deux établissements — tous montaient à cheval, aumônier en tête ; et à travers la prairie sans clôtures, la caravane franchissait allègrement les douze milles qui séparaient les deux poignées de colons. À la demeure des Beaudrap, perchée en nid d’aigle au flanc d’une coulée profonde, des sentinelles se tenaient aux aguets. L’alerte donnée, on hissait le drapeau tricolore au grand mât et l’arrivée, aux accents de la Marseillaise, prenait une allure triomphale. Entre ces compatriotes qui ne s’étaient pas vus le plus souvent depuis quatre semaines, des propos sans fin s’échangeaient et le missionnaire devait déployer toute sa diplomatie pour que la célébration ne commençât pas après midi.

La première messe au ranch Jeanne d’Arc laissa un souvenir impérissable. C’était le dimanche de la Fête-Dieu 1905. Les deux seuls bâtiments d’alors, en troncs d’arbres superposés, ne pouvaient contenir l’assistance venue de nombreux points à la ronde. Une décision fut vite prise et exécutée sur-le-champ. Le capitaine de Beaudrap conçut le plan d’un autel en feuillage qui surgit du sol comme par enchantement. Et la cérémonie se déroula en plein air, par un temps magnifique, dans un cadre impressionnant de nature sauvage et de recueillement.

Mais à l’enthousiasme et à la poésie champêtre des débuts allaient succéder quelques dures traverses. Au printemps qui suivit, un terrible feu de prairie dévasta le pays sur une longueur de 50 milles. Au ranch Sainte-Anne, on réussit à protéger la maison et l’écurie ; mais une partie de la nuit se passa à combattre l’incendie qui s’était communiqué à une meule de foin adjacente et détruisit le « corral » aux animaux. C’était un samedi marqué pour la visite du missionnaire et le P. Voisin se trouvait au milieu de ses amis lors de ces moments tragiques. La messe basse, célébrée de bonne heure le lendemain matin, fut d’une indicible tristesse. Officiant et paroissiens étaient harassés, fourbus, après cette longue lutte dans une mer de flammes et de fumée. Dieu merci, il n’y avait pas de victimes à déplorer, mais que de pertes matérielles pour la jeune colonie ! Le plus lamentable était le spectacle de trente beaux chevaux qui se tenaient tassés dans leur pâturage anéanti, le corps gonflé, les crins brûlés par le passage du redoutable fléau.

On se releva néanmoins de cette pénible épreuve. L’année suivante, la compagnie du ranch Sainte-Anne prit à sa charge la construction d’une coquette église. Elle n’était pas encore achevée lorsque Mgr Émile Legal, évêque de Saint-Albert, fit sa première visite pastorale. Ce fut un événement fameux dont le chef du diocèse devait garder toute sa vie un souvenir ému, aussi bien que la population. Tous les colons à cheval se portèrent à six milles au-devant du prélat, qui venait d’Innisfail en simple buggy. Il laissa ce modeste équipage pour prendre place dans une voiture tirée par six magnifiques chevaux gris attelés à la daumont. Quelle pompe inusitée pour cet enfant de Saint-Jean-de-Boiseau (Loire-Atlantique), ancien missionnaire des Pieds-Noirs ! « Jamais, écrira le visiteur émerveillé, aucun Gouverneur général n’avait voyagé dans un tel apparat à travers les prairies de l’Ouest ». Le lendemain, les officiers français coururent un steeple-chase en l’honneur de leur évêque et compatriote.


Le nom de Trochu apparaît sur la carte

Quatre ans après l’arrivée de Trochu, le nom du fondateur se substitue à celui de Sainte-Anne, avec le service du courrier postal. Mais l’installation est toujours modeste. Un seul bâtiment en billots abrite bureau de poste, magasin et « stopping place », en bordure de la coulée. Ce n’en est pas moins le point de rassemblement naturel des nouveaux venus dans un vaste rayon, à cause de sa proximité relative de la voie ferrée. La présence des trois ranchers de haute distinction lui donne un cachet tout à fait à part.

La formation d’un petit centre ne tarda pas à se dessiner. Trochu posséda son premier curé en résidence, qui fut le P. Bazin. Bientôt huit religieuses de la Charité de Notre-Dame d’Evron (Mayenne) arrivaient de France pour ouvrir un hôpital. À la demande des familles, elles se chargèrent aussi de l’éducation de quelques enfants, en attendant de pouvoir être incorporées dans l’enseignement officiel de la province. Les lots de construction s’enlevèrent rapidement et dès l’automne 1907, le village avait déjà pris un bel essor. On y organisa une fête sportive très réussie, avec nombreuse assistance et fanfare venue de l’extérieur

Cette transformation inespérée était l’œuvre des pionniers qui eurent à cœur d’édifier une communauté digne du nom français. Indépendants de fortune à leur arrivée, ces colons se distinguèrent peu tout d’abord, par leur tenue et leur mode de vie, de ceux d’autres



origines. Mais dès que la chose leur fut possible,

ils se construisirent de bonnes demeures qu’ils meublèrent avec goût. Le colonel Félyne, en particulier, habita une grande maison à deux étages richement garnie. Les blocs de ciment qui entrèrent dans sa construction subsistent encore, utilisés plus tard dans divers bâtiments du village. L’amusement principal des gentlemen-farmers semble avoir été, pour quelques saisons du moins, la chasse aux coyotes ; plusieurs y gaspillèrent du temps et de l’argent. Theodolo-Theodoli possédait la meute de chiens la plus fameuse de la province. Ils eurent aussi la passion des beaux chevaux et Félyne fit venir de France un étalon pur-sang.

Cependant, cette vie de grands seigneurs fut de courte durée. Quelques-uns, délaissant peu à peu le ranch, prirent une part active à la vie du centre qui croissait en importance. C’est ainsi que Reinach-Werth et Theodolo-Theodoli mirent sur pied une crémerie. Catalina ouvrit la première salle de danse, qui devint rapidement célèbre, grâce à son luxe remarquable pour le lieu et l’époque. Le comte de Chauny construisit une écurie de louage. Trochu s’érigea en municipalité et Reinach-Werth en devint le premier maire. Mais les Français n’allaient pas garder longtemps cette prépondérance des débuts. D’autres éléments, arrivés en plus grand nombre, réduisirent peu à peu l’influence des promoteurs.


Le groupe français de Red-Deer et la colonie phalanstérienne du lac Sylvan

Le même recul se produisit sur d’autres points de la région. Innisfail, où s’étaient d’abord fixés les Pères de Tinchebray, ne répondit pas à leur attente. La population catholique franco-belge, au lieu d’augmenter, commença à s’éclaircir. Ils se transportèrent à Red-Deer, où leur mission s’éleva sur le plus haut point de la colline dominant la ville. Le presbytère abrita douze jeunes garçons à qui les PP G. Roncy et P. Lamort enseignaient le français, le grec et le latin. L’idée première avait été la fondation d’un collège ou d’un orphelinat agricole ; mais la nécessité d’un tel établissement ne paraissait guère se faire sentir et la communauté finit par se consacrer uniquement au ministère paroissial. Sept Filles de la Sagesse venues de France fondèrent au même endroit un pensionnat aux débuts modestes.

Parmi les premiers Français arrivés à Red-Deer, on trouve A.-J. Lerouge, de Lille, qui s’efforcera d’attirer des compatriotes. Il fera un voyage au pays natal, où il recrutera des Français et des Belges désireux de se livrer à l’élevage. J.-B. Durand, originaire de la Mayenne, agent d’immeubles, est le chargé d’affaires de capitalistes français, entre autres, le Dr Dassonville, de Roubaix (Nord), l’abbé de Lalande, de Verneuil (Eure), Stanislas Ménard et le marquis d’Hérouxville, de Paris. Eugène et Antoine Villart sont associés dans le commerce des chevaux. Jean Demasse tient une maison de pension. Les frères Stéphane, Gaston, Paul, Joseph et René Jaspar, venus du Nord, s’initient aux affaires comme commis de magasin.

Dans un large rayon autour de Red-Deer, en plus d’Innisfail et de Trochu, plusieurs centres le long de la voie ferrée, comme Olds, Penhold, Gaetz Valley, Lacombe, Sylvan Lake, comptent des Français et des Belges nouvellement arrivés. Au lac Sylvan, situé à une quinzaine de milles à l’ouest, se rattache le souvenir d’une éphémère colonie phalanstérienne inspirée des doctrines sociales de Fourier. Un médecin de Paris, le Dr Tanche, avait réussi à grouper une trentaine de familles désireuses de lier leur sort par la mise en commun de leurs ressources et de leur travail. Les bords enchanteurs du lac Sylvan offraient un cadre idéal pour cet éden rêvé. Mais ces Parisiens férus de vie champêtre et de fraternité étaient aussi peu préparés que possible aux réalités de l’existence qui les attendait. Ce fut l’éternelle histoire de toutes les entreprises généreuses et chimériques de ce genre. La brève période d’exaltation des débuts fit place à des déboires, à des frictions, à des querelles. Au bout de quinze mois, la dislocation était définitivement consommée, en dépit des efforts désespérés du Dr Tanche pour maintenir le lien communautaire. La moitié de ses disciples repassèrent en France. Les autres, assagis par cette dure expérience, tentèrent de mener seuls leur propre barque. Au nombre de ces derniers, on remarquait la veuve Vasseur et ses cinq fils, installés sur une ferme à Penhold.

Quelques années plus tard, dans la même vallée de la Red-Deer, une jeune Française d’Armentières (Nord), Mme Gendre, veuve à 27 ans avec cinq enfants, dirigera avec courage et savoir-faire la ferme de son mari gazé à la guerre.


Le prêtre Savoyard François Ferroux

En même temps que le groupe d’officiers français jette les bases de Trochu et que des compatriotes travaillent à s’implanter dans la région de Red-Deer, d’autres noyaux non moins prometteurs surgissent ici et là dans la province. En 1903 et 1904, l’abbé Jean-François Ferroux, né à Villard-Léger (Savoie), alors curé de Saint-Avre, près de La Chambre, décide une trentaine de familles de sa région, en particulier de Fontcouverte, Jarrier, Aiton, Villard-Léger, Saint-Rémy, etc., à émigrer dans l’Ouest canadien. Quelques-unes se fixent au Manitoba, où elles réussiront. Les autres suivent leur chef au nord de Stettler, où il fonde Notre-Dame-de-Savoie et autres petites missions. Actif et plein d’initiative, voulant prêcher d’exemple, l’abbé Ferroux fait l’acquisition d’une ferme et d’animaux auxquels il donne tous les soins voulus, sans trop se demander si son rôle de chef d’exploitation agricole ne va pas nuire à ses charges pastorales.

Le curé fondateur s’efforce aussi de montrer quel avantage le capital français pourrait retirer de la naissance d’une multitude de petites villes dont plusieurs seront avant peu des centres importants. Ces villes surgissent comme par enchantement le long des nouvelles lignes de chemin de fer. Deux ou trois mois suffisent pour bâtir une coquette cité. Il y aurait intérêt pour nos capitalistes à y acheter des lots et à construire. Nous ne sommes malheureusement pas organisés pour surveiller les chances de succès. Il faudrait « une société de capitalistes ayant ici un comité de surveillance. Ce serait, après la religion de nos pères, l’agent le plus efficace d’influence et d’expansion française dans l’Amérique du Nord… »

L’abbé Ferroux discerne bien les obstacles qui empêchent la réalisation de tous ses projets. Il écrit d’une plume désabusée : « Les affaires marchent ici avec une vitesse vertigineuse, et si nous continuons à marcher dans nos omnibus français, nous ne pouvons espérer arriver les premiers. »

En 1910, six ou sept ans après la fondation de Notre-Dame-de-Savoie et de Tinchebray, les colons français n’y sont encore qu’une centaine, occupant de 60 à 70 homesteads, et toutes les terres gratuites sont prises dans la région. Autour de Stettler, des Basques venus sans un sou vaillant réussissent bien en commençant par travailler chez les autres. Il y a aussi des Français et des Belges à Lorraine, à Frank, à Lille, à Fenn, à Castor.


Une ville-champignon : Castor

À ce dernier endroit va naître une ville-champignon. Dès l’annonce officielle que le tronçon du Pacifique Canadien qui part de Lacombe pour en rejoindre un autre en Saskatchewan aura son terminus provisoire près de la Digue du Castor, des hommes d’affaires accourent de partout. Sans savoir au juste où sera la future ville, ils élèvent des constructions temporaires, y installent des bureaux, reçoivent des locataires pressés d’ouvrir échoppes et magasins. Cette première ébauche d’agglomération n’aura qu’une existence éphémère. L’emplacement définitif choisi, les maisons en planches y déménagent, transportées sur des chariots, et d’autres se construisent à la hâte. La fièvre de la spéculation atteint des proportions incroyables : en une seule journée il se vend pour $40,000 de lots. Six mois après l’arrivée du premier train de voyageurs, Castor a 1,200 habitants, quatre magasins généraux, un hôtel très confortable, des restaurants presque luxueux, plusieurs banques, et tous les métiers y sont représentés. Quatre églises de divers cultes sont en voie de construction. Pour les Pères de Tinchebray, c’est un second foyer de mission d’où ils rayonnent dans le voisinage.

La colonie française de Castor compte à peine une vingtaine de membres. C’est à quelques-uns d’entre eux, cependant, que la ville-champignon doit ses premières industries : une tannerie et une briqueterie fondées par Marc de Cathelineau et les frères Martin. On compte aussi sur eux pour faire des recrues outre-mer. Pierre de Soucy, un Lillois, est délégué à cet effet dans la Flandre française par le Conseil municipal et la Chambre de Commerce de Castor. De leur côté, l’Angevin Marc de Cathelineau et le Parisien Pierre Darblay, de Tinchebray, passent un hiver au pays natal dans le même but.

Les petits noyaux de catholiques de toutes nationalités se multiplient dans la région et le clergé disponible ne peut suffire à tout. Un autre Français, l’infatigable abbé Henri-François-Jules Gontier, vient à la rescousse ; les Prêtres du Cœur de Jésus, à qui Mgr Legal a confie une paroisse dans la banlieue d’Edmonton, visitent quelques missions ; sur la lisière de la province voisine, l’abbé Albert Soyer, du diocèse de Nancy, s’occupe du petit groupe exclusivement canadien-français de Chauvin et l’abbé Gaston Carpentier, de l’Aisne, dessert Wainright et les environs. Un Savoyard, le P. Auguste Cadoux, du Sacré-Cœur d’Issoudun, fut le premier curé de Medicine-Hat. Après la guerre de 1914-1918, il exerça son ministère dans le nord de la province et à Edmonton.

L’abbé Ferroux s’est dirigé vers un autre champ d’action. Le petit noyau de compatriotes dû à son initiative n’a pas répondu aux premiers espoirs. Laissées à elles-mêmes, une partie de ses ouailles ont ressenti vivement son attitude à leur égard, qualifiée de pur abandon. Ces braves Savoyards rêvaient d’une paroisse à eux dans cette région de l’Alberta. La chose n’était pas impossible, avec l’apport suffisant de recrues du pays natal ; mais leur curé, devenu « gentleman-farmer » — comme ils le lui reprochaient — n’avait pas l’étoffe d’un missionnaire-colonisateur. Les Savoyards, submergés par d’autres éléments, découragés, retournèrent chez eux ou furent assez vite dispersés par la force des circonstances. L’abbé Ferroux lui-même traversa les Rocheuses pour aller recommencer à neuf à l’extrémité sud de la Colombie-Britannique.


Deux agriculteurs-ranchers Basques

L’un des plus notables parmi les grands agriculteurs-ranchers de la région du sud albertain actuel est, malgré tout, un Français venu quelque dix ans après les pionniers et qui continue d’y prospérer. Comme il s’agit d’un Basque, il ne faut pas s’étonner que son premier champ d’action ait été la Colombie-Britannique, vers laquelle se portent de préférence les populations pyrénéennes. Jean-Pierre Paris, de Saint-Pée-sur-Nivelle (Basses-Pyrénées), y arriva au printemps de 1903, dans des circonstances plutôt extraordinaires. Le voyage en chemin de fer de Halifax à Vancouver à travers des millions d’arpents de neige, non content d’entamer son robuste optimisme, l’avait précipité en plein cauchemar. À la gare de Mission-City, il découvre enfin un peu de verdure. Fou de joie, il saute à terre, court à droite et à gauche dans la campagne environnante, perd totalement la tête, si bien que son train repart sans lui…

Quelques mois plus tard, après un premier séjour assez dur dans un camp forestier, Jean-Pierre descend à Vancouver, courbé sous le fardeau de son équipement de bûcheron, éreinté, échevelé, assoiffé, avec un petit magot dans sa poche. Par un hasard singulier, deux jeunes Basquaises de San-Francisco le coudoient dans le brouhaha de la gare ; l’une dit à sa compagne dans la langue du pays natal, convaincue que le diable lui-même ne pourrait la comprendre :

— Tiens, voici un pauvre homme qui va dépenser tout son argent comme un fou, immédiatement !…

— Oh non !… riposte du tac au tac le compatriote. Je vais mettre ça en banque, immédiatement.

De telles dispositions présagent la réussite certaine. Cependant, élevé sur la ferme, tout en ayant un penchant marqué pour les affaires, les aventures et les risques, si Jean-Pierre Paris amassa de l’argent dans les camps forestiers, il ne put s’accoutumer à ce genre de vie. En 1912, on le trouve dans l’Alberta, à la recherche de terrains propres à une entreprise agricole telle qu’il la rêve. Au nord de Calgary, il fait l’acquisition de vastes étendues qui iront toujours en s’agrandissant. Depuis lors, il y mène de front l’élevage des animaux et la culture du blé. Veuf et remarié à une cousine, Catherine Paris, il est aujourd’hui chef d’une puissante tribu de descendants et d’associés qui l’aide à gouverner un empire de 20,000 acres. L’aîné de ses gendres, Robert Jackson, utilise un avion à quatre sièges pour inspecter l’exploitation familiale.

Un cousin, Peti Paris, posséda longtemps trois sections de terrain dans la région de Three Hills, au sud de Trochu. Il y connut, comme les autres, des hauts et des bas, finit par passer à travers les années difficiles de sécheresse et vit aujourd’hui retiré à Vancouver. Ces deux Paris se rattachent à la grande famille du même nom que nous allons trouver dans la métropole du Pacifique.

Dans la partie sud de l’Alberta, quelques Français sont attirés dans des paroisses ou missions déjà formées : Pincher-Creek, Bellevue, Cluny, Gleichen. Une centaine se sont fixés à High-River, à quelque 30 milles au sud de Calgary. Ce centre nouveau aura bientôt sa chapelle que desservira un prêtre français, l’abbé F. Beausoleil. On y trouve des Parisiens, des Bretons et des Savoyards. Parmi ces derniers, le marquis Raoul de Roussy de Sales, avec sa femme et ses onze enfants, et une famille apparentée, celle du comte de Foras. Au nombre des Parisiens, Henri Massieu de Clerval, qui épousera la fille ainée des Roussy de Sales et sera le premier agent consulaire de France à Calgary. La colonie française de cette ville, assez clairsemée, comptera un petit groupe d’agents d’immeubles et de spéculateurs. À Roussy de Sales et Henri de Clerval, venus de High-River, se joindront entre autres André de Vienne, de Cardaillac et le comte de Charnassé.

High-River n’a pas perdu toute trace de son passé aristocratique. Mlle Odette de Foras, fille du comte et d’une mère portugaise, après une carrière de chanteuse d’opéra au fameux Coven Garden de Londres, vit retirée sur la terre familiale où elle était venue enfant.

La colonie française de Calgary a aujourd’hui la distinction unique de compter parmi ses membres une centenaire authentique. Mme Louise-Joséphine Rostaing, de l’Isère, devenue veuve à vingt-neuf ans, éleva trois enfants. Quand sa fille mourut à Grenoble, en 1924, elle partit pour le Canada. Elle avait alors soixante-six ans et vit depuis chez son fils, Joseph Rostaing, à Calgary. Son petit-fils, le R. P. Louis Rostaing, Jésuite, est l’économe du Collège de Saint-Boniface. La vénérable centenaire s’occupe encore à de petites besognes domestiques et à des travaux de tricot. Elle conte volontiers des souvenirs de son enfance et de sa jeunesse, évoquant même l’épopée napoléonienne, venue jusqu’à elle par la bouche de ses parents.[1]

  1. Jean d’Artigue, Six Years in the Canadian North-West, Toronto, 1882.

    Mgr Émile Legal, O.M.I., Short Sketches of the History of the Catholic Churches and Missions in Central Alberta, Winnipeg, 1914.

    Victor Forbin, 17,000 kilom. de film au Canada, Paris, 1928.

    S. R. Mealing, Old France in Alberta, (New Trail), Edmonton, avril 1947).

    Dr Adrien Loir, Canada et Canadiens, Paris, 1909

    Gilbert Larue, Reportage de La Presse, Montréal, 28 novembre 1910.

    La Canadienne, Paris, 1908.

    Les religieuses de la Charité de Notre-Dame d’Evron, de Trochu, ont eu l’obligeance de me fournir des notes sur les origines de Trochu. J’ai aussi obtenu des renseignements utiles de M. l’abbé J.-A. Normandeau et de Mlle Cécile Eckenfelder.