Les Grandes Chroniques de France/VII/Saint Louis

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Les Grandes Chroniques de France, Texte établi par Jules ViardHonoré Champion, libraire de la Société de l’histoire de France7 (p. 25-282).
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SAINT LOUIS

[1]A la loenge et à la gloire de la benoite et inseparable Trinité, Dieu Pere, Filz et Saint Esperit. Je qui à present sui comis de vraiement mettre en escript tous les faiz des roys de France regnans en mon temps, expose et met en françois la vie du glorieus roy monseigneur saint Loys.

Et au premier, je met les titres des chapitres pour miex cognoistre la glorieuse vie.

Le premier chapitre parle comment le pere saint Loys ala en Albigois.

Le secont chapitre comment saint Loys fu coronné à Reims du royaume de France.

Le iii, comment les barons de France murmurerent contre leur bon roy.

Le iv, du descort qui fu entre les barons et le roy.

Le v, comment le conte de Champaigne fu assailli des barons.

Le vi, du duc de Bretaigne.

Le vii, comment le roy envoia à la Haie Painel.

Le viii, comment le roy ala à la terre au duc de Bretaigne.

Le ix, du roy d’Arragon ; comment il conquist Maillogres.

Le x, de madame sainte Ysabel, fille au roy de Hongrie.

Le xi, de saint Anthoine, de l’ordre des Freres meneurs.

Le xii, comment le roy fist Reaumont.

Le xiii, comment le roy fist la paix des clers et des bourgois de Paris.

Le xiv, comment le moustier de Saint Denis fu renouvelé.

Le xv, comment saint clou fu perdu à Saint Denis.

Le xvi, comment le roy de France se maria à madame Marguerite.

Le xvii, du conte de Champaigne.

Le xviii, du Vieuz de la Montaigne qui voult occirre le roy.

Le xix, comment le roy fist Robert d’Artoys chevalier.

Le xx, de la traïson l’emperere Frederic.

Le xxi, comment la sainte coronne de espines et grant partie de la sainte croix et le fer de la lance vint en France.

Le xxii, de ceuls d’Albigois qui se rebellerent contre crestiens.

Le xxiii, comment le conte Thibaut fu coronné du royaume de Navarre.

Le xxiv, comment l’empereur de Rome fu escommenié.

Le xxv, comment la tempeste chey à Cremonne.

Le xxvi, comment le roy delivra de prison les prelaz de son royaume.

Le xxvii, comment le roy fist son frere chevalier.

Le xxviii, comment le conte de la Marche fu contre le roy.

Le xxix, comment l’en voult empoisonner le roy de France.

Le xxx, comment le roy prist pluseurs chastiaus.

Le xxxi, de la bataille au roy de France contre le roy d’Angleterre.

Le xxxii, comment les Tartarins destruirent Turquie et les terres d’environ.

Le xxxiii, comment le pape s’enfui en France pour l’empereur Federic.

Le xxxiv, comment le roy fu malade à Pontoise.

Le xxxv, de la destruction de la terre d’oultre mer.

Le xxxvi, comment l’empereur Federic fu condempné.

Le xxxvii, comment le legat vint en France.

Le xxxviii, comment le roy ala visiter le pape à Cligny.

Le xxxix, comment le roy maria le conte Charles son frere.

Le xl, du miracle qui avint en Turquie.

Le xli, de la mort au duc de Toringe.

Le xlii, de la voie premiere que le roy fist oultre mer.

Le xliii, des messages de Tharse qui vinrent parler au roy.

Le xliv, comment Jehan de Belin envoia des lettres au roy de Chipres.

Le xlv, comment le roy fist aucunes demandes aux messages.

Le xlvi, comment le roy envoia en Tharse.

Le xlvii, comment le soudan de Babiloine se voult acorder au soudan de Halape par decevance.

Le xlviii, des messages au roy d’Ermenie envoiez au roy de France.

Le xlix, comment descort mut entre le visconte et les mariniers.

Le l, comment le roy manda galies pour passer oultre mer.

Le li, comment le roy entra en mer pour passer à Damiete.

Le lii, comment le roy retourna pour le temps.

Le liii, comment Damiete fu prise des barons de France.

Le liv, comment le roy ala à la Maçorre[2].

Le lv, comment François passerent Thaneos.

Le lvi, comment François se partirent de la Maçourre[3].

Le lvii, comment le roy fu pris à la Maçorre.

Le lviii, comment le soudan requist le roy de pais.

Le lix, comment le roy se parti d’Egipte.

Le lx, comment le roy s’en voult retourner en France.

Le lxi, de la mort l’emperour Federic et Henry son fils.

Le lxii, de la croiserie des Pastouriaux.

Le lxiii, du descort qui fu entre les escoliers et les religions.

Le lxiv, comment la royne Blanche mourut.

Le lxv, du present l’abbé de Saint Denis.

Le lxvi, comment Acre fu fermée et Saiethe.

Le lxvii, comment le roy ala en pelerinage.

Le lxviii, comment ceulz furent occis qui faisoient les fosses.

Le lxix, comment le roy retourna en France.

Le lxx, de plusseurs aventures.

Le lxxi, de pluseurs incidences.

Le lxxii, comment le roy amenda l’estat de son royaume.

Le lxxiii, de la prevosté de Paris.

Le lxxiv, de celui qui jura vilain serement.

Le lxxv, du seigneur de Couci, pour son meffait.

Le lxxvi, de la contenance le roy de France.

Le lxxvii, comment le roy servoit les povres.

Le lxxviii, comment le roy faisoit abstinence de son corps.

Le lxxix, comment le roy se confessoit.

Le lxxx, comment le roy fist plusseurs religions.

Le lxxxi, comment le roy donnoit ses prouvendes.

Le lxxxii, comment le roy envoioit ses lettres privéement.

Le lxxxiii, comment Marseille fu prise de par le conte Charles.

Le lxxxiv, de la paix du roy de France et du roy d’Angleterre[4].

Le lxxxv, comment Mainfroy fu deposé[5].

Le lxxxvi, comment Tartarins destruirent plusseurs terres.

Le lxxxvii, de plusseurs aventures.

Le lxxxviii, du mariage le roy Phelippe de France.

Le lxxxix, de la mort au conte Symon de Lincestre.

Le xc, des messages le pape Urbain contre Mainfroy.

Le xci, comment le conte Charles fu coroné à roy de Sezile.

Le xcii, comment le roy se conseilla aus barons.

Le xciii, comment la premiere bataille Mainfroi fu desconfite.

Le xciv, comment le roy conquist Bonnivent.

Le xcv, comment le roy de France fist son filz chevalier.

Le xcvi, comment Dan Henri et Corradin vindrent contre le roy Charles.

Le xcvii, comment la premiere bataille le roy Charle fu desconfite.

Le xcviii, comment Dan Henry retorna contre le roy Charles.

Le xcix, comment François rendirent grâces à Jhesucrist de la victoire.

Le c, comment Corradin fu pris au port de mer.

Le ci, comment Corradin et les autres contes furent jugiés.

Le cii, de Corrat Capuche.

Le ciii, comment le roy de France ala seconde foiz oultre mer.

Le civ, comment le roy se parti du royaume de France.

Le cv, comment le roy entra en mer.

Le cvi, comment le roy ot doubtance des maistres mariniers.

Le cvii, comment les mariniers vindrent à Chastiau Castre.

Le cviii, comment le roy attendoit sa gent au port.

Le cix, comment l’ost se parti de Chastiau Castre.

Le cx, comment Cartage fu prise du conseil aus mariniers.

Le cxi, de la semblance de Cartage.

Le cxii, comment Sarrazins paletierent contre les François.

Le cxiii, comment le bouteillier de France fu assailli.

Le cxiv, comment l’ost fu fermé de fossés.

Le cxv, comment le roy endoctrina Phelippe son fils.

Le cxvi, comment le saint roy mourut.


Ci commence la vie de monseigneur saint Looys roy de France.

[6]Nous devons avoir en memoire les fez et les contenances de noz devanciers, et nous devons remirer es anciennes escriptures qui parlent des preudes hommes et de leur vie, si comme fu monseigneur saint Looys qui se contint si honnestement en son reanme qui est de terre et de boe, qu’il en conquist le reanme des cieus, que nul prince ne autre ne li puet jamais oster.


I.
Comment le pere saint Looys ala en Aubigois.

[7]Si comme le pere monseigneur saint Looys si volt aler en Aubigois, il laissa son reanme à garder à la royne Blanche sa fame, et ses enfanz, et s’en vint à la cité d’Avignon, et l’assist a grant force de gent. Tant les tint estroitement, et tant fist ruer perrieres et mangonniaus qu’il ne le porent endurer ; si se rendirent et se mistrent du tout à sa volenté. Li rois prist toute la contrée en sa main et mist es bonnes villes et es fortereces, baillis, seneschaus, viguiers, maires, prevoz et sergenz d’armes pour garder sa terre et toute la contrée de par lui en son non, et leur commanda que touz ceus qu’il porroient trouver entenchiez du vice de heresye, et qui feussent de riens contre la foy, que tantost feussent ars et mis en feu et en charbon sanz nul rachatement. Après ce, il establi les evesques et les prelaz et leurs chapelainz en leur eglises que li mescreant avoient chacié. Quant le roy ot la foy crestienne restablie en Aubigois, si s’en retorna vers France. Si comme il vint près d’un chastel que l’en apele Montpancier, il convint que la prophecie Mellin feust acomplie qui dist : In monte ventris morietur leo pacificus. C’est à dire : A Montpancier morra le lyon paisible et debonnaire ; car une maladie le prinst le jour qu’il vint au chastel, dont il morut. Aportez fu à Saint Denys en France et mist en sepulture delez le roy Phelippe son pere, l’an mil CC et XXVI.


II.
Comment sains Looys fu couronnez à Reins du reanme de France.

[8]El moys après que le roy Looys fu trespassez, saint Looys son premier filz qui n’avoit pas xii ans acompliz fu menez à Reins, et manda l’en l’evesque de Soissons pour l’enfant couronner, pour ce qu’il n’avoit point d’arcevesque adonques à Reins[9]. Li evesques de Soissons[10] vint à Reins a grant compaignie de prelaz et du clergié et enoint et sacra l’enfant et li mist la couronne en la teste et dist les prieres et les paroles qui affierent à dire à tel digneté.

Quant li enfes fu couronnez, si s’en vint à Paris[11] là où il fu receuz a grant joie du pueple et des genz du païz. La royne Blanche, sa mere, le fist mout bien endoctriner et enseignier, car elle l’avoit en garde par raison de tuterie et de bail, et li quist genz de conseil les plus preudes homes et les plus sages que l’en pot trouver, qui resplendissoient de droiture et de leauté pour les besongnes du reanme gouverner, autant clers comme lais. Ce fu faiz le premier diemenche de l’Avent Nostre Seigneur[12].


III.
Comment les barons de France murmurerent contre le roy.

[13]En cel an meesmes que li enfes fu couronnez, Hue le conte de la Marche, et Pierre Mauclerc le duc de Bretaigne[14], et Thibaut le conte de Champaigne parlerent ensamble[15] et commencierent à murmurer contre le jeune roy, et distrent que tel enfant ne devoit pas tenir reanme, et que celui seroit mout fols qui à lui obeiroit tant comme il feust si jeunes. Lors firent aliances ensamble et promistrent qu’il n’obaïroient de riens n’à lui n’à son commandement. Tantost comme il se furent departi, le duc de Bretaigne[16] fist garnir ii fors chastiaus et deffensables ; li uns a non Sains Jaques de Buiron[17], et l’autre a non Belesme[18]. Le pere saint Loys les[19] bailla à garder au duc de Bretaigne pour ce que il estoient fors et deffensables[20], quant il ala sus les Aubigois. Nouvelles vindrent au roy que le duc garnissoit ses fortereces et ses chastiaus, et qu’il avoit en s’aide le conte de la Marche et Thibaut de Champaigne pour aler contre lui et pour lui grever. Si se conseilla à sa mere et à ses barons ; si li fu loé qu’il alast hastivement contre le duc pour ce qu’il avoit tout premier garni ses chastiaus. Lors manda chevaliers et sergenz d’armes, et assambla grant ost, et se mistrent à voie pour aler droit à la charriere de Charcoi[21]. Avoec le jeune roy estoit i cardinal de Romme[22] qui estoit venus en France de par le pape et Phelippe, le conte de Boulongne[23] qui estoit oncles le roy, et Robert conte de Dreues[24] qui estoit frere au duc.

Quant Thibaut de Champaigne vit l’ost de France venir où il avoit tant de bonne gent et tant de bons chevaliers, si se pensa que s’il se tenoit longuement contre le roy, qu’il l’en porroit bien mescheoir[25] ; si se parti de ses compaignons au point du jour[26] pour ce qu’il ne l’aperceussent, et s’en vint au roy et li pria qu’il li vousist pardonner son mautalent, et que plus ne seroit contre li. Li roys, qui estoit enfes et debonnaires, le reçut en grâce et li pardona son mautalent.

Après, il manda au conte de la Marche et au duc qu’il venissent à son mandement ou qu’il venissent contre li à bataille ; et il li manderent que volentiers feroient pais à lui, mais que il leur donnast jour et lieu là où il porroient parler de pais et d’accordance. Quant li roys ot entendu les messages, si leur assina jour au chastel de Chignon[27] et fist retorner son ost en France ; et il ala à Chignon, et là les atendi au jour qui estoit establi, mais il ne vindrent ne ne contremanderent. Il les fist semondre derechief ; onques pour ce ne vindrent. La tierce foiz furent semons et sommez. Lors parlerent ensamble le duc et le conte et distrent qu’à ceste foiz il ne porroient à chief venir dou roy. Si li envoierent messages et li manderent que volentiers iroient parler à lui à Vendosme ; mais qu’il eussent sauf aler et sauf venir, sanz nul empeechement. Li roys leur otroia ; lors vindrent à Vendosme[28], et amenderent au roy de lor outrage et de leur meffait tout à sa volenté. Le roy qui fu jeunes et debonnaires leur otroia pais et amour, mais qu’il se gardassent de mesprendre.


IV.
Du descort qui fu entre les barons et le roy[29].

L’an en suivant après, par le conseil Pierre Mauclerc duc de Bretaigne et Hue le conte de la Marche descort mut entre le roy et les barons de France, et maintenoient les barons contre le roy, que la royne Blanche, sa mere, ne devoit pas gouverner si grant chose comme le royaume de France, et qu’il n’apartenoit pas à fame de tel chose faire[30]. Et le roy maintenoit contre ses barons qu’il estoit assez puissanz de son reanme gouverner avoec l’aide des bonnes genz qui estoient de son conseil. Pour ceste chose murmurerent les barons et se mistrent en aguet comment il porroient avoir le roy par devers euls et tenir lei en leur garde et en leur seignorie.

Si comme le roy chevauchoit parmi la contrée d’Orlienz si li fu acointié que li baron le faisoient espier pour prendre[31] ; si se hasta mout d’aler à Paris et chevaucha tant qu’il vint à Montleheri[32]. D’iluec ne se volt departir pour la doutance des barons ; si manda à la royne sa mere qu’elle li envoiast secours et aide prochainement[33]. Quant la royne oï les nouvelles, si manda les plus puissanz hommes de Paris, et leur pria qu’il vousissent aidier à leur jeune roy ; et il respondirent qu’il estoient touz apresté du faire et que ce seroit bon de mander les communes de France, si qu’il feussent tant de bonne gent qu’il poissent le roy metre hors de peril. La royne envoia tantost ses lettres partout le païs environ et manda que l’en venist en l’aide à ceus de Paris pour delivrer son filz de ses anemis. Si s’assamblerent de toutes pars à Paris les chevaliers d’entour la contrée et les autres bonnes genz. Quant il furent tuit assamblé, il s’armerent et issirent de Paris a banieres desploiées et se mistrent au chemin droit à Montleheri. Si tost comme il furent acheminé, nouveles en vindrent aus barons ; si se douterent forment de la venue de tel gent, et distrent entre euls qu’il n’avoient pas si grant force de gent qu’il se poissent combatre à euls. Si se departirent et s’en alerent chascun en sa contrée, et cil de Paris vindrent au chastel de Montleheri ; là trouverent le jeune roy ; si l’en amenerent à Paris tuit rengié et serré[34], et aparellié de combatre s’il en feust mestier.


V.
Comment le conte de Champaigne fu assailliz des barons[35]

Droitement en l’an de grâce M CC et XXVIII, pluseurs des barons de France[36] s’assamblerent et commencierent à gaster la terre au conte de Champaigne, par devers Alemaigne, car il l’avoient en grant haine pour ce qu’il s’estoit acordez au roy, et mistrent en feu et en charbon quanqu’il trouverent devant euls, et alerent jusques à une ville qui ot à non Caourse[37]. Si tost comme il furent devant la ville, il la commencierent forment à assaillir. Quant le conte Thibaut vit qu’il estoient si forment esmeuz contre lui, il manda au roy de France secours, et pour Dieu qu’il li vousist aidier ; et que tout ce faisoient li baron pour ce qu’il s’estooit [à lui[38]] acordez. Le roy reçut sa priere et envoia messages aus barons et leur pria qu’il se vousissent souffrir de domagier le conte Thibaut. Mais les barons firent oreilles sourdes, onques por son commandement ne s’en voudrent tenir. Quant le roy sot qu’il ne voudrent cesser, il fist venir ses soudoiers et genz d’armes à pié et à cheval, et manda sa chevalerie et ses communes, et s’esmut à aler contre ses barons, entalentez de prendre vengance de tel fait. Les barons sorent que le roy venoit atout grant ost, si se douterent d’aler contre lui ; si ne l’oserent atendre, ainz se departirent du siege au plus tost qu’il porent et s’en alerent chascuns en sa contrée. Quant li roys sot certainement qu’il s’estoient departiz du siege, il retorna arriere lui et son ost et s’en revint en France[39]


VI.
Du duc de Bretagne[40].

Assez tost après, en cel an meismes, Pierre Mauclerc s’en ala au roy d’Engleterre[41] et li fist entendant que se il vouloit, que encore porroit il recouvrer la terre de Normendie que le roy Jehan son pere avoit perdue. « Comment dist li roys la porroie-je recouvrer ? Se ce povoit estre, mout volentiers i metroie grant paine. » « Je le vous dirai » dist le duc. « Le roy de France est jeunes et enfantiz, ne n’a pas aage de porter couronne, ne n’a pas esté couronné par la cort des barons, mais contre leur volenté ; pourquoi se vous aliez seur lui nul ne li voudroit aidier, et ainsi porriez recouvrer la perte que vostre pere fist. » Tant dist et tant sermonna que le roy Henri s’en vint en Bretaigne atout grant nombre d’Englois[42] ; et le duc assambla grant foison de Bretons. Quant il furent tuit assamblé, si furent grant ost et entrerent en la terre au roy de France par force d’armes, et la commencierent à gaster et à bouter le feu es villes et es chastiaus tant que le pueple fu si espoenté qu’il s’enfouirent à garant es fortereces et aus viles deffenssables, et manderent au roy comment il leur estoit.

Li roys fu mout enflambez et eschaufez de prendre vengence de tel fait. Grant ost assambla des conmunes et des bonnes villes de son reanme, et fu son propos d’aler premierement sus le duc de Bretaigne qui estoit mestre chevetaigne de celle besongne, et chevaucha hastivement droit ou chastel de Belesme[43] que le duc avoit receu en garde de par le pere saint Looys, quant il ala sus les Aubigois ; ne rendre ne le voloit, ainz le tenoit par force. Le roy fist enclorre tout entour le chastel et mist le siege devant, n’onques ne le lessa pour l’yver. Si fu il si grant et si froit, que trop eût esté perilleus aus hommes et aus chevaus, se ne feust la royne Blanche qui estoit au siege devant le chastel qui fist crier parmi l’ost que tuit cil qui voudroient gaagnier, alassent abatre arbres noiers et ponmiers, et quanqu’il trouveroient de laigne[44], et aportassent en l’ost. Si tost comme elle l’ost conmandé, les menus vallez de l’ost alerent abatre quanque il trouverent, et envoierent à charretes et à chevaus en l’ost. Et cil de l’ost firent grant feu par les tentes et par les paveillons, si que la froidure ne pot empirier les homes ne les chevaus. Tantost comme le siege fu entour le chastel, l’en courut à l’assaut ; et cil dedenz se deffendirent bien et viguereusement, si que cele jornée, la gent le roy ne porent riens faire. L’endemain le mareschal de l’ost fist assembler ceus qui savoient miner et commanda qu’il minassent par dessous les fondemenz dou chastel et il les deffendroit, li et sa chevalerie. Lors fu crié parmi l’ost que tuit alassent à l’assaut. Si commencierent à lancier à ceus dedenz et à paleter ; et cil dedenz se deffendirent, qui firent les mineeurs reculer et fouir, et dura l’assaut sanz cesser jusques à nonne, et fu le chastel mout defroissié et empirié par dessous. L’endemain, par matin, le mareschal fist drecier ii engins ; li uns gitoit grosses pierres et li autres getoit plus petites. Si lancierent les mestres du grant enging une pierre si grosse enmi le chastel qu’elle confondi tout le palais du chastel, et furent mort presque tuit cil qui dedenz estoient ; et du grant hurt qu’ele donna, elle estonna toute la mestre tour et la fit croller. Quant cil dedenz se virent si entrepris, si ne sorent que faire, car il virent bien que le chastel estoit touz defroissiez et dessus et dessouz et qu’il estoit aussi comme au trebuschier, et avoec ce nul secours ne leur venoit du duc où il avoient grant fiance. Si se rendirent au roy et vindrent à merci.

Quant le roy d’Engleterre oï dire que Belesme estoit pris, si se douta forment et manda le duc et li dist : « Vous me disiez et feisiez entendant que ce jeune roy n’auroit nulle aide de ses homes ; et il m’est avis qu’il a plus grant force de gent que moy et vous n’avons. Se il vient seur moi comment me porrai-je deffendre ? Je n’ai pas gent pour combatre à lui et si ne fait pas temps pour mener guerre. » Quant il ot ce dit, il se departi du duc et se mist en mer et retorna en Engleterre dolent et corroucié pour ce que il n’avoit rienz fait.


VII.
Comment le roy envoia à la Haie Painel[45].

Le jour que le roy ot pris Belesme, nouveles li vindrent que cil de la Haie Painel[46] s’estoient torné contre lui. La royne Blanche, qui mout estoit sage, manda devant li i chevalier qui avoit à non Jehan des Vingnes[47], et li commanda qu’il alast hastivement cele part et qu’il preist venjance de ceus qui ne voudroient faire son commandement. Cil se parti de l’ost et enmena avoeques lui de bonnes genz d’armes et chevaucha tant que il vint là et s’enbati en la terre et en la contrée et prist tout en sa main, car il furent seurpris, ne ne se donnoient garde que le roy envoiast sus euls el temps d’yver ; et avoec ce il cuidoient que il eust trop à faire contre le duc et contre le roy d’Engleterre ; si se rendirent et vindrent à merci[48].


VIII.
Comment le roy ala à la terre au duc de Bretaigne[49].

Le roy se parti de Belesme et entra en la terre au duc de Bretaigne, et vint à i chastel que l’en apelle Audon[50]. Tantost mist le siege de sa gent tout entour et fist traire et lancier à ceus dedenz tant qu’il ne porent endurer la force le roy ; si se rendirent. Quant ce chastel fu prins, le roy s’en ala à i autre que l’en apelle Chanciaus[51]. Cil dedens orent trop grant paour quant il virent si grant ost et si efforciement venir encontre euls. Tuit li puissant home issirent dou chastel et porterent les clez au roy et se rendirent, sauve leur vies. Le roy fist tantost garnir le chastel de sa gent et le tint en sa main et en sa garde. Quant le duc aperçut sa grant force, si li chai son orgueil, et mua son corage. Si manda à son frere le conte de Dreues[52], qui mout estoit bien du roy, et à ses autres amis, que il feissent tant que le roy se vousist souffrir de sa terre gaster. Quant le conte sot le mandement son frere, si en fu mout lié, car il se doutoit qu’il ne perdist sa terre. Si pria tant le roy qu’il le reçut à merci en tel maniere que il donna pleges et seurté qu’il ne vendroit plus contre le roy[53]. Lors fu mandé le duc devant le roy et jura seur saintes euvangiles que jamais ne vendroit contre lui, et li fist homage devant les barons qui là estoient venu, et donna bons pleges et bons ostages que plus il ne vendroit contre lui. Quant le duc de Bretaigne se fu acordé au roy, les autres barons en furent plus humbles ne n’oserent mouvoir guerre contre le roy puis ce jour en avant ; dont il avint que le roy gouverna son reanme iv ans tous entiers, sanz avoir nulle adversité[54].


IX.
Du roy d’Arragon ; comment il conquist Maillogres[55].

En cel an meismes, messires Jaques roys d’Arragon tint son parlement en la cité de Barselongne, et manda touz les barons de son reanme et toute la chevalerie, et leur dist que la court de Ronme li avoit mandé qu’il alast en la terre d’outre mer monstrer sa prouece et sa chevalerie contre Sarrazins. « Mais il m’est aviz », dist le roy, « que miex me vendroit monstrer ma prouece contre les Sarrazins qui sont prochainz de moy et joignent à nostre reanme. Se vous le loez, vez-ci près de nous le roy de Maillogres qui ne nous aime ne ne prise i bouton ; et si tient belle terre et bonne, laquelle nous porrons bien avoir, se vous me volez aidier. Et se Diex donne grâce que nous la puissons conquerre, nous en departirons à noz amis bien et largement, et en sera Nostre Sires Jhesucrist serviz et honorez, et la fausse loy qu’il tienent, destruite. » Les barons respondirent qu’il estoient prest de lui aidier et de metre leurs corps et leurs vies abandon.

Quant le roy vit la bonne volenté de ses hommes, si assambla son ost de tant de gent comme il pot avoir, et entra en la terre de Maillogres[56]. Les fourriers qui aloient devant acueillirent la proie, si comme chievres, bues, moutons et amenerent en l’ost au roy d’Arragon, et mistrent à mort touz les Sarrazins qu’il trouverent. Si leva la noise et le cri, et s’en alerent Sarrazins fuiant vers les fortereces et vers les Vaus de Buryenne[57]. Et en tel maniere s’en ala le roy d’Arragon, gastant tout avant lui, tout droit le chemin, à la cité de Maillogres. Et d’autre part, il envoia ii freres, les meilleurs chevaliers de son ost es Vaus de Burienne ; et en tel maniere s’en ala le roy d’Arragon. Tant alerent les ii freres avant qu’il vindrent à i chastel près d’une valée ; là se reposerent jusque à l’endemain. Quant vint au matin, si commanderent tantost à leur gent qu’il feussent tuit garni de leur armes et tuit prest pour aler avant seur leur anemis, et il si firent si comme il orent commandé. Les ii freres s’armerent et s’en alerent devant, ne n’atendirent pas leur compaignie, comme cil qui ne cuidoient pas estre si près de leur anemis ; si ne furent pas esloignié de leur ost plus du quart d’une mille, que Sarrazin, qui estoient muciez es roches, leur coururent sus et les avironnerent de toutes pars. Cil qui se virent soupris, se mistrent à deffensse et avoient esperance qu’il feussent tost secouru de leur gent, avant qu’il feussent pris ne ocis ; mais les Sarrazins se hasterent mout d’eulz empirier ; si les bouterent jus de leur chevaus, et puis leur bouterent les glaives es cors ; si les ocistrent. Quant il orent ce fait, il tornerent en fuie vers i chastel qui estoit à ii milles d’iluec, et les Arragonnois chevauchierent tout le chemin ; si trouverent leur maistres occis. De ceste aventure furent si esbahi et si troublé qu’il ne sorent que dire ne que faire ; si garderent et quistrent de toutes pars se il peussent trouver ceus qui ce domage leur avoient fet, et penserent qu’il estoient torné vers le chastel qui estoit devant euls.

Si s’en alerent hastivement cele part et assaillirent le chastel tantost comme il i furent venu ; et cil dedens se deffendirent et firens brandons de feu sus la plus haute tour, pour ce que cil des autres villes voisines les poissent veoir et qu’il les venissent secourre. Et li Arragonnois entendirent à assaillir, et tant firent qu’il entrerent ens par devers les jardins ; si pristrent par force le chastel et occistrent touz ceus qu’il i trouverent, et homes, et fames, et enfanz, et puis bouterent le feu ou chastel partout, et se mistrent au chemin droit au roy d’Arragon, et li conterent le domage qu’il avoient eu. Li rois fu mout dolens et corrouciez de la mort des ii chevaliers, et jura et promist à Dieu qu’il ne retorneroit mais vers Arragon devant qu’il auroit leur mort vengiée.

Le roy de Maillogres qui bient savoit comment l’en gastoit sa terre, manda secours au roy de Garnete et au roy de Marroc et au prince d’Aumarie, et d’autre part il le fist asavoir au roy de Barbarie et à cil de Bougie pour avoir secours et aide. Quant il ot Sarrazins assamblez, si issi hors de Maillogres contre le roy d’Arragon à bataille. Le roy Jaques fu d’autre part qui bien ordena ses batailles et leur monstra exemple de chevalerie, et qu’il penssassent de bien ferir seur Sarrazins, s’il vouloient avoir l’amour de Dieu. Quant Arragonnois furent près de leur anemis, si bessierent les glaives et se ferirent en euls.

Entre les Sarrazins en y avoit i merveilleusement grant et plain de grant force ; si tenoit une guisarme[58] et s’en vint vers le roy, et le cuida ferir à plain braz estendu. Mais le roy torna de costé pour le cop eschever ; et i chevalier qui fu près du Sarrazin, feri son cheval d’une lance jusques aus boiaus. Au trebuchier que le Sarrazin fist de son cheval, si comme la teste li enclina vers terre, le roy le feri entre les jointures de son hiaume et la gorgiere, d’une espée longue et grelle, si li embati tout outre parmi la gorge. Quant le Sarrazin se senti à mort feru, il hauça la guisarme, et feri i chevalier parmi la teste si grant cop, qu’il li embati plaine paume de denz et tresbucha le chevalier et le cheval tout en un tas par devant lui. Après ce que le Sarrazin ot fait ce cop, il chai mort entre les piez des chevaus.

En ce Sarrazin avoit le roy de Maillogres grant esperance d’avoir victoire ; si se douta, et tuit li autre Sarrazin orent grant paour. Les Arragonnois qui bien virent leur foible contenance, lor coururent sus hastivement et ferirent et chaplerent seur euls tant qu’il les menerent à desconfiture et qu’il tornerent en fuie vers Maillogres ; et les Arragonnois les enchaucierent si près, qu’il entrerent avoec euls dedenz la ville et tindrent par force d’armes les portes ouvertes tant que le roy et grant partie de sa gent furent entrez enz[59]. Si mistrent à mort touz les Sarrazins qu’il trouverent en la ville, et les fames et les enfans mistrent en chaitivoison. Li roys fist metre sa baniere haut en la plus maistre tour, pour ce que sa gent qui venoient après lui seussent certainement qu’il avoit la ville prise, et puis se reposerent, car il estoient forment travaillié de la bataille, et trouverent vins et viandes assez pour leur cors aaisier.

Quant il orent séjorné i poi de temps, il se mistrent à la voie et vindrent à une cité qui a non Vicenne[60]. Més cil de la ville qui sorent leur venue, envoierent contre euls les clez de la cité et se rendirent à la volenté du roy. D’ileuc se partirent et alerent à une autre cité que l’en apelle Valance, où saint Lorens[61] fu nez, que Dacien, l’emperere de Ronme, fist rostir pour ce qu’il estoit crestien. Quant il vindrent devant la cité, si tendirent leur tentes et leur paveillons tout entour et manderent à ceus dedenz bataille, ou qu’il se rendissent. Les Sarrazins virent bien qu’il ne porroient longuement durer ; si se rendirent par tel condition que cil qui ne voudroient estre crestien, qu’il s’en poissent aler sauvement, et seroient conduiz hors de la contrée et du païs et qu’il en peussent porter la moitié de leur muebles. Le roy regarda que la ville estoit deffenssable, et qu’il i porroit longuement sejorner avant qu’elle peust estre prise ; si s’acorda de tenir les convenances fermement. Quant il furent asseuré, il ouvrirent les portes et le roy entra en la ville[62] et se mist en saisine des fortereces. Après ce que le roy ot conquis toute la terre de Maillogres, il en departi à ses barons et à ses genz si largement que tuit s’en tindrent à paié, et fist la foi crestienne monteplier par tout le reanme.


X.
De madame sainte Ysabel fille au roy de Hongrie[63].

Si comme le roy d’Arragon se contenoit en prouece et en chevalerie, qui mout plaisoient à Nostre Seigneur ; en ce temps meismes, sainte Ysabel, fille au roy de Hongrie[64], se contenoit en prouece de pitié et de misericorde. Elle estoit fame Landegrave le duc de Corinthe[65], qui mout estoit preudom et de bonne vie. Volenté vint au duc d’aler outre mer requerre le saint Sepulchre et de aidier les crestiens à deffendre la terre contre les Sarrazins ; mais il n’i demoura que iv anz que la mort le prist[66]. Avant qu’il morust, il commanda que s’ossemente feust portée à Ysabel sa fame et qu’elle le feist enterrer en une abbaye où ses devanciers estoient enterrez[67]. Tout en la maniere qu’il conmanda la bonne dame fist et fist fere son service mout sollempnelment. Tantost comme il fu enterrez, nouveles courruent par le païs que Landegrave le duc de Corinthe estoit mort. Si s’assamblerent ses anemis ensamble et vindrent au chastel où sa fame estoit, et bouterent le feu dedenz, por ce qu’il la vouloient prendre ou ardoir par droite felonnie et en despit de son baron. Endroit l’eure de mienuit, si comme le feu fu bouté en la ville, la dame sailli sus toute effraée et s’enfoui parmi une petite porte hors du chastel a poi de compagnie[68] que elle ne feust aperceue, et s’en vint à l’evesque de Baviere[69] qui estoit son oncle, qui la reçut honorablement et fu mout corrouciez de sa perte quant il le sot et li dit : « Belle niece, or soiez tout aaisé avoec nous, et menez bonne vie et nete, et nous penserons de vous marier ; que vous estes bien de si haute ligniée, que vous devez bien avoir homme de grant renon ». « Certes », dist-elle, « de grant renon le voeil-je avoir ; ne plus haut ne plus digne n’est de lui trouvé mon pere Jhesucrist qui sera mon pere et mon espous tant comme je vivrai. »

La bonne dame demoura une piece du temps en la garde son oncle. Si li fu avis qu’ele ne pooit pas bien faire ses aumosnes ne les povres visiter. D’iluec s’en parti et s’en ala à i chastel[70] plus parfont en Alemaigne ; si li plut iluec à demourer, ne n’avoit que l mars à despendre. Un jour avint qu’elle regarda i quarrefour où pluseurs chemins s’assembloient de divers païs et de lointaignes contrées, si que mout de povres genz et de souffreteus passoient ce chemin. Si fist faire une grant maison et large, sus iv pilers, là où elle commença à hebergier touz les povres trespassanz. Et cil qui estoient enfermes ou malades, elle les soustenoit tant qu’il feussent guériz et enforciez. Et selonc ce qu’il estoient de lointeignes terres, elle leur donnoit argent à faire leur despens tant qu’il feussent venus en leur contrée. Mout se prenoit bien garde des fames ençaintes qui n’avoient dont il se poissent aidier, car li meismes les servoit et leur trenchoit leur viandes et faisoit leur liz.

Quant le menu pueple le sot, si commencierent à venir de moult de parties, si que elle out mout à faire. Si prist en sa compaignie fames fortes et viguereuses qui li aidierent les povres à servir. Quant les povres estoient venus au vespre pour reposer, si regardoit ceus qui estoient povrement chauciez ; à ceus lavoit-elle leur piez et puis l’endemain au matin elle leur donnoit solers selonc la mesure de leur piez, car elle estoit touz temps garnie de solers granz et petiz pour donner à ceus qui mestier en avoient. Et li meismes leur aidoit à chaucier, et puis si les convoioit et conduisoit tant qu’il feussent el chemin où il devoient aler. Quant les povres estoient repeuz et couchiez, la bonne dame prenoit sa sostenance avoec ceus de son hostel, ne ne vouloit avoir plus mestrise ne seignorie que les fames qui servoient les povres avoec li, fors tant que quant elle en veoit aucune trop lente ou trop pereceuse, et elle li conmendoit à faire son service, se cele n’i voloit aler, elle meismes i aloit pour servir et pour aidier aus povres tant qu’il feussent en liz couchiez. Car il avenoit souvent qu’il se levoient de leur liz par nuit pour aler à chambre ou pour faire orine ; si ne savoient rassener à leur liz se il n’i estoient conduiz et menez. Aucune foiz avenoit qu’elle n’avoit nul povre à servir, si comme entour tierce ou entour miedi, que il n’estoient pas venuz ; si s’en aloit seoir avoec les plus povres fames de la ville et filoit laine, et de ce file elle en faisoit faire dras dont les povres estoient revestuz. En povre habit se maintint puis le temps de la mort son seigneur, ne n’ot onques cure de cointise. Pour ce qu’ele amoit tant la povre gent, les dames du païz l’orent en grant despit et li tornerent le dos, ne n’orent cure de sa compagnie.

Le roy de Hongrie oï dire que sa fille estoit en trop grant povreté, si conmanda à i chevalier qu’il alast veoir en quel point elle estoit. Le chevalier se mist à la voie et vint droit au chastel où il cuida trouver la bonne dame et se heberga chiez le seignor de la ville, et demanda de la dame où il la trouverroit, et l’en li dist que il la trouveroit en i hospital où il ne repairoit que truans et chaitive gent. L’endemain par matin, s’en ala le chevalier cele part, si trouva sainte Ysabel qui estoit assise entre povres fame qui filoient laine, et avoit vestu i seurcot tout esrez et tout recluté. Quant le chevalier la vit, si en ot grant habominacion et dist à son escuier : « Par mon chief, ceste ne fu onques fille de roy ; aucun truant coquin l’engendra. » Si s’en retorna arrieres, ne onques ne la volt saluer ne parler à lui.

Quant la bonne dame ot ainsi esté lonc temps, une maladie la prist si fort que nature ne la pot souffrir. Si comme le prestre l’eneulioit, une volée d’oisiaus vint devers le ciel aussi blanz comme noif et se assistrent sus les arbres d’entour le porpris, et commencierent à chanter i chant si douz et si plaisant que la gent d’iluec entour laissierent toutes besongnes pour euls escouter, ne ne cesserent de chanter jusques a tant que l’ame li fu issue du cors[71]. Et quant elle fu transsie, il s’envolerent vers le ciel. Si tost comme elle fu mise en son tombel, toutes manieres de genz estranges et enfermes de toutes maladies diverses commencierent à guerir dès ce qu’il s’estoient reposé devant son tombel. Commune renommée s’espandi par le païs des granz miracles que Diex faisoit pour lui ; si que mout de bonnes genz de lointaignes terres la requistrent en grant devotion.


XI.
De saint Antoine, de l’ordre des Freres meneurs.

Celle année meismes fu canonizez saint Antoine[72], de l’ordre des Freres meneurs, et mist el registre des sains à la court de Ronme par ses bonnes merites et par la sainte vie que il mena en ce monde, tant comme il i fu.


XII.
Comment le roy fist Reaumont[73].

L’an de grâce M CC et XXX, fist le roy faire une abbaïe de l’ordre de Cistiaus, en l’eveschié de Biauvais, delez Biaumont seur Oise, en i lieu que l’en apeloit Reaumont. Il i mist abbé et couvent pour servir Nostre Seigneur, et donna rentes et possessions pour euls soustenir largement.


XIII.
Comment le roy fist la pais des clercs et des borgois[74].

Si comme le roy entendoit à faire l’abbaïe de Reaumont, nouvelles li vindrent que les bourgois de Paris et les clers estoient en grant contens et en grant hayne. Et furent pluseurs clers occis, car il commencierent la mellée[75], et des bourgois aucuns. Pour ce que les clers n’orent amende à leur volenté, il s’esmurent et distrent qu’il iroient en autre contrée pour estudier. Le roy d’Engleterre[76], qui bien sot le descort, leur manda qu’il venissent à Ocsenefort[77], et il leur donroit ostages et maisons franchement jusques à x ans, et pluseurs autres franchises, s’il i vouloient demourer. Mais le roy de France ne volt pas que le clergié se esloignast de lui ; si fist la pais des clers et des bourgois, et fist tant que les clers demourerent et repristrent leur leçons et commencierent à lire. Por ce le fist le roy que chevalerie et clergie sont volentiers ensamble.

Jadiz, en ancien temps, clergie demoura à Athenes et chevalerie en Grece. Après, d’iluec s’en parti et s’en ala à Romme, et tantost chevalerie après. Par l’orguel des Rommainz, se parti le clergié de Romme et s’en vint en France et tantost chevalerie après. Et de ce nous senefie la fleur de liz qui est escripte es armes au roy de France, car il y a iii fueilles. La fueille qui est ou mileu nous segnefie la foy crestienne, et les autres ii du costé senefient le clergié et la chevalerie qui doivent estre touz jourz apareillié de deffendre la foy crestienne. Et tant comme ces iii demorront en France, foy, clergié et chevalerie, le reanme de France sera fort et ferme et plain de richece et d’onneur.


XIV.
Comment le moustier Saint Denys fu renouvelé[78].

Oeude, l’abbé de Saint Denys en France, fu en mout grant penssée comment il porroit renouveler le moustier Saint Denys, car il n’avoit esté de riens amendé puis le temps au fort roy Dagoubert qui premierement le fist faire pour la grant amor qu’il avoit au beneoit martir et à ses compaignons. Et quant il l’ot fait faire tout nouvel, il le fist couvrir de fin argent pur sanz autre metail[79], et demoura ainssi couvert jusques au temps Challes le Chauve qui prist tot l’or et l’argent qui estoit en l’eglise, et la fist descouvrir pour les granz guerres qui furent en son temps[80]. Si estoient les voltes si viez et si corrompues qu’il estoient aussi comme au trebuschier, ne li abbés n’i osoit rienz renouveler pour ce qu’il avoit esté dedié presentement et en apert de par Nostre Seigneur Jhesu Crist. Ne l’en n’osoit le moustier refaire ne amender, pour ce que si haus sires, comme Nostre Seigneur est, l’avoit visité. Si s’en conseilla au roy de France, et li monstra comment la chose aloit. Le roy prist ses messages et les envoia à la court de Romme, et manda à l’Apostoile comment il vouloit que l’en feist tel besongne. Et l’Apostoile li rescrist : « Biaus chiers filz. Se Nostre Sires Jhesu Crist visita l’eglise pour l’amour du beneoit martir et de ses compaignons, ne fu s’entencion de parfaire le moustier pardurable et sanz nule fin. Et devez savoir que toutes les choses qui sont souz le cercle de la leune encloses sont corrompables ne ne pueent demourer en i estat. Par quoi nous vous mandons que l’eglise soit refaite en tel maniere que l’en i puisse Nostre Seigneur servir et honorer. »


XV.
Comment le clo fu perdu à Saint Denys[81].

Il avint en l’an après ensuivant mil CC XXXI[82], que le clo dont Nostre Seigneur fu clofichié en la croiz que Kalles le Chauve roy de France et emperere de Romme donna à la dite eglise chai du vessel où il estoit, si comme l’en le donnoit aus pelerins à baisier, et fu perdu en la foule et en la presse des genz qui le baisoient. Quant les nouvelles en vindrent au roy, il en fu trop durement corrouciez et dist qu’il amast mieux qu’il eust perdu la meilleur cité de son reanme. Il fist crier par tout Paris, en rues, en places, en quarrefours se nul pooit trouver le saint clo, ne enseignier, il auroit c livres de parisis. Et se nul l’avoit trouvé ne receté, venist avant seurement, il auroit les c livres certainement sanz peril de son cors.

Quant cil qui l’avoient trouvé oïrent dire qu’il auroient les c livres, il vindrent au penancier[83] l’evesque et li distrent en confession comment il l’avoient trové, et le penancier leur promist qu’il les garderoit de tout peril, et si leur bailla c livres[84].


XVI.
Comment le roy de France se maria à madame Marguerite[85].

L’an de grâce mil CC et XXXIIII, ot conseil le roy de prendre fame pour avoir hoirs de son cors, qui le reanme peussent gouverner après son decés. Si envoia l’arcevesque de Sens[86] et messire Jehan de Neele[87] au conte de Prouvence et li manda qu’il li envoiast Marguerite[88] sa fille, car il la vouloit espouser et prendre à fame. De ces nouveles fu le conte mout lié et fist grant joie et grant feste aus messages et les honora mout. Il leur bailla sa fille sage et bien endoctrinée dès le temps de s’enfance. Li messagier reçurent la pucelle et prinstrent congié au conte, et esrerent tant qu’il vindrent au roy et li baillierent la pucele. Le roy la reçut lieement et la fist couronner à royne de France par la main l’arcevesque de Sens[89].


XVII.
Du conte de Champaigne[90].

Assez tost après que le roy ot espousé fame, le conte de Champaigne commença à contrarier le roy et à enforcier ses villes et ses chastiaus, et à faire garnisons[91]. Nouvelles en vindrent au roy à Paris où il estoit que le conte vouloit entrer en France par force d’armes. Si manda le conte de Poitiers son frere et Robert d’Artois, et prindrent conseil ensamble qu’il manderoient leur genz ; et ainsi le firent[92], et puis se mistrent au chemin droit vers Champaigne pour abatre la fierté du conte. Le conte Thibaut sot que le roy venoit contre lui a grant compaignie de gent ; si se douta que le roy ne li tolist sa terre ; si envoia au roy des plus sages homes de son conseil pour requerre pais et amour. Et pour ce que li roys avoit fait despens à sa gent assambler, le conte li donnoit ii bonnes villes avoeques les apartenances ; c’est asavoir Monstereul en for d’Yonne[93] et Bray sur Saine[94]. Le roy, qui touz jorz fu piteus, li otroia pais et acordance[95]. A celle pais faire fu la royne Blanche qui dist : « Par Dieu, conte Thibaut, vous ne deussiez pas estre nostre contraire. Il vous deust bien remembrer de la bonté que le roy mon filz vous fist, qui vint en vostre aide pour secorre vostre contrée et vostre terre contre touz les barons de France qui la vouloient toute ardoir et mettre en charbon. » Le conte regarda la royne qui tant estoit sage, et tant belle, que de la grant biauté de lui il fu tous esbahiz. Si li respondi : « Par ma foi, madame, mon cuer et mon cors, et toute ma terre est en vostre commandement, ne n’est rienz qui vous poist plaire que je ne feisse volentiers, ne jamais, se Dieu plaist, contre vous ne contre les vos je n’iré. »

D’iluec se parti touz penssis, et li venoit souvent en remenbrance du douz regart la royne et de sa belle contenance. Lors si entroit son cueur en une penssée douce et amoureuse[96]. Mais quant il li souvenoit qu’elle estoit si haute dame, de si bonne vie et de si nete qu’il n’en porroit ja joir, si muoit sa douce penssée amoureuse en grant tristece. Et por ce que parfondes penssées engendrent melancolie, li fu il loé d’aucuns sages homes qu’il se estudiast en biaus sons de viele et en douz chanz delitables. Si fist entre lui et Gace Brulé[97] les plus belles chançons et les plus delitables et melodieuses qui onques feussent oïes en chançon ne en viele. Et les fist escrire en sa sale à Prouvins, et en cele de Troies[98], et sont apelées les chançons au roy de Navarre, quar le reanme de Navarre li eschai de par son frere[99] qui morut sanz hoir de son cors.


XVIII.
Du Vieuz de la Montaigne qui volt ocirre le roy[100].

Le Vieuz de la Montaigne oy dire que le roy de France estoit le plus preudomme de touz les princes crestiens, et cil qui gardoit miex les commandemenz de la foy crestienne ; si se porpenssa qu’il le feroit ocirre, et le prist en haine trop grant.

Ice Vieuz de la Montaigne est i roy qui habite en la fin de la contrée d’Antioche et de Damaz, en chastiaus bien garniz seanz sus montaignes et sus roches hautes. Il estoit mout doutez de crestiens. Il faisoit souvent ocirre pluseurs roys et pluseurs princes par ses haccasis[101] qu’il leur envoioit aussi comme messagiers. Ice roys des haccasis avoit pluseurs enfanz nez de sa terre que il faisoit norrir et entroduire en son palais, et leur faisoit aprendre toutes manieres de langages et à douter et à craindre leur seigneur terrien par dessus toutes autres creatures et obeir à lui jusques à la mort. Et leur faisoit-on entendant que par ce vendroient-il à la joie pardurable, meesmement celi qui morroit en l’obedience de son seigneur, ou qui estoit occis ou pendu, ou trainé, ou arz en faisant la volenté et le commandement de son seigneur, feust sens ou folie. Et avoec ce il estoit des genz de la terre honorez et tenuz pour saint. Le roy en fist ii venir devant lui et leur commanda qu’il alassent en France, et leur pria mout et requist qu’il occeissent le roy de France au plus tost que il porroient. Tantost se mistrent ces ii à la voie pour faire le conmandement leur seigneur ; mais il ne demoura guieres que le corage mua au seigneur qui les envoioit, et envoia ii autres haccasis hastivement pour dire au roy de France qu’il se gardast des premiers. Tant se hasterent qu’il vindrent avant que les premiers, et distrent au roy qu’il se gardast bien de leur compagnons et qu’il venoient pour lui ocire. Quant le roy oï les nouvelles, si se douta forment. Si prist conseil de soi garder et eslut sergenz à mace garniz et bien armez, qui jour et nuit furent en cure de son cors garder. Cil qui premiers furent venu pour dire au roy qu’il se gardast quistrent les autres tant qu’il les trouverent[102] et les amenerent au roy. Quant le roy les vit, si en fu forment liez, et donna granz dons aussi aus premiers comme aus desreniers, et envoia à leur seigneur dons reaus, riches et precieus, en signe d’amistié et de pais.


XIX.
Comment le roy fist Robert d’Artois chevalier[103].

Une piece de temps fu le roy em pais en son reanme ; si li prist talent de donner terre à Robert[104] son frere et faire chevalier[105]. Et requist le duc de Brebant qu’il li donnast Mahaut[106] sa fille à fame. Quant le duc entendi les messages qui li requistrent sa fille de par le roy de France, si en fu mout liez et leur otroia volentiers. Le roy manda les barons et tint court pleniere de toutes manieres de genz, et donna à son frere la conté d’Artois et la cité d’Arras. A celle feste fu la greigneur partie des barons de France pour le roy honorer et sa court.


XX.
De la traïson l’empereour Federic[107].

Si comme le roy tenoit feste pleniere de son frere le conte d’Artois, les messages l’empereour Federic vindrent à lui et li distrent que il venist parler à l’emperere à Vaucouleur[108] et que là l’atendroient l’empereor à jour nonmé[109]. Le roy l’otroia et promist qu’il iroit certainement. Quant la feste fu passée, le roy donna congié à sa baronnie et retint avoec lui iim chevaliers preus et ardiz et autres bonnes genz, sergenz et escuiers dont il avoit assez en sa compaignie. Tant chevaucha qu’il vint à Valcouleur au terme qui mis estoit. Quant l’empereour sot que le roy venoit atout grant gent, si li manda qu’il estoit malades et qu’il ne pooit chevauchier. Toute s’entencion estoit que le roy venist a po de gent et qu’il le poist prendre et mettre en sa prison.


XXI.
Comment la sainte couronne d’espines et grant partie de la sainte croiz et le fer de la lance vindrent en France[110].

Le roy vit que Dieu li avoit donné pais en son reanme par l’espace de iv anz ou de plus, et le lessierent ses anemis en repos. Si n’oublia pas les biens et les honneurs que Nostre Sires li fist, quar il fist et pourchaça tant vers l’empereor de Constantinoble[111], qui lors estoit en France[112] pour avoir secours contre ceus de Grèce[113], qu’il li donna et otroia la sainte couronne d’espines dont Nostre Sires fut couronnez en sa passion et en son torment. Le roy envoia messages certains et sollempnieus[114] avoec l’empereour de Constantinoble et fist aporter la sainte couronne en France. Quant il sot qu’elle fu en son reanme, il ala encontre jusque à la cité de Sens[115] ; là la reçut en grant joie et en grant devotion, et la fist aporter jusque au bois de Vicienes delez Paris.

En l’an de grâce mil CC XXXIX, le vendredi[116] après l’Assumpsion Nostre Dame, le roy vint touz nus piez et desçaint, en pure sa cote, et ses iii freres, Robert, Alphons et Karle, et aporterent les saintes reliques mout honorablement a grant compaignie du clergié et du pueple et des genz de religion, faisant grant melodie de douz chanz et de piteus, et vindrent à porcession jusque à Nostre Dame de Paris. A celle porcession vint li abbés de Saint Denys et tout son couvent revestuz de chapes de soie, tenant chascuns i cierge en sa main. Ainsi vindrent toutes les porcessions chantant dès Nostre Dame jusques au palais le roy, et entrerent en la chapelle[117] où la sainte couronne fu mise.

Après i poi de temps[118], le roy entendi que la gent l’empereour de Constantinoble estoient en si grant povreté que il avoient baillié en gages, pour une somme d’argent, grant partie de la croiz du fust où Nostre Sires fu crucefiez, et l’esponge de quoi il fu abuvrez, et le fer de la lance de quoi Longis le feri el costé. Si se douta forment que tiex saintes reliques ne feussent perdues par deffaute de paiement. Si donna tant et promist à l’empereour Baudouin que il s’acorda que li roys les delivrast de là où il estoient. Adont envoia le roy propres messages et fist tant qu’il les delivra de son tresor sanz aide d’autrui, et les fist aporter mout honorablement en France a granz porcessions et sollempniex d’arcevesques, d’evesques et de religions à Paris en sa chapelle[119], et les fist metre en une merveilleuse chasse avoeques les autres reliques, d’or et d’argent ouvrée tout entour et de pierres precieuses. En cele chapele establi li roys chanoines, chapelainz et clers, qui de jour et de nuit font le service Jhesu Crist, et establi et ordena rentes et possessions dont il pueent estre souffisanment retenuz.


XXII.
De ceus de Aubigois qui se revelerent contre Crestiens[120].

En ce temps avint que li mauvais crestien renoié de la terre d’Aubigois se revelerent[121] par force contre les bons crestiens de la terre et contre la gent au roy de France qui estoient el païs pour garder la terre et la contrée. Mais quant il virent la grant multitude des renoiez, il envoierent messages au roy et li senefierent les granz vilanies et les granz assaus que li Aubigois leur faisoient. Quant le roy oï ces nouvelles, il manda missire Jehan de Biaumont et li commanda qu’il alast sus les Aubigois et que il ne tardast mie. Jehan assambla grant gent de chevaliers et de sergenz à pié et à cheval, et se hasta mout d’acomplir la volenté le roy. Si se mist à la voie et passa les mons de la Ricordane et chemina tant qu’il vint en la terre d’Aubigois. Tantost comme il fu là venus, il s’en ala à i chastel qui a non Mont Real et l’assist de toutes pars. Perrieres et mangonniaus fist geter et lancier, et tormenta si ceus dedens qu’il ne porent durer ; si li rendirent le chastel[122] et il le fist garnir d’armes, de gent et de viandes. D’iluec se parti et vint à i autre chastel et le prist par force ; mais ce ne fu pas sanz grant paine et sanz grant travail de sa gent. Quant cil du païz virent son grant pooir, si ne s’oserent plus tenir encontre lui, ainz chevaucha seurement parmi toute la terre. Quant il ot les Aubigoiz veincuz et corrigiez de leur mauvaistiez, si s’en retorna en France. Le roy fu mout lié de sa venue et de ce qu’il avoit eu victoire ; si le reçut lieement et li donna granz donz et li escrut sa terre et son fié.


XXIII.
Comment le conte Thibaut fu couronnez du reanme de Navarre[123].

Après ce, ne demoura guieres que le conte Thibaut de Champaigne fu mandez des barons de Navarre pour estre couronnez de la terre et du païz, quar son frere[124] estoit mort sanz hoir de son cors[125]. Assez tost après qu’il fu couronnez[126], il prist la croiz et promist qu’il iroit aidier aus crestiens de la terre de outre mer atout son pooir. Et avoit en sa compagnie le duc de Bretaigne[127], et le conte de Bar[128], et le conte de Monfort[129], et la greigneur partie des barons de France. Quant il orent fait leur garnisons, si se mistrent à la voie et passerent la grant mer, et arriverent au port d’Acre atout grant foison de chevaliers et de gent d’armes.

Quant il se furent reposé, missires Pierres, li dus de Bretaigne, et pluseurs de sa compaignie se departirent de l’ost sanz le conseil du conmun et sanz le congié au roy de Navarre qui estoit le mestre d’euls touz. Si s’en alerent toute nuit vers une grosse ville de Sarrazins et envoierent leur espies devant pour savoir la contenance des Sarrazins, qui leur raporterent que li Sarrazin ne se donnoient garde de leur venue. Et cil entrerent en la ville assez legierement, car il ne trouverent qui la deffendist et prinstrent touz les Sarrazins et mistrent en chaitivoison. Amauri le conte de Monfort, et le conte de Bar, et Richard de Chaumont, et Ansiau de Lille, et pluseurs autres de grant renon cuidierent aussi faire comme le duc avoit fait, et orent grant envie de ce que le duc avoit fait et de ce qu’il s’estoit ja tant avancié ; si se mistrent à la voie sanz le congié du roy et sanz le conseil du conmun, et chevauchierent toute la nuit armez seur leur chevaus, tant qu’il vindrent au matin près de la cité de Gaze qui siet en sablon. Cil de la cité avoient envoié espies qui bien avoient aperceu que les contes venoient, et que il avoient toute nuit chevauchié. Si s’armerent et issirent de la cité frès et nouviaus et leur vindrent au devant. Cil qui estoient travaillié et lassé de ce qu’il avoient toute nuit chevauchié ne porent durer contre euls ; si en ocistrent les Sarrazins tant comme il leur plot, et le remenant mistrent en liens et en fers[130]. En cele chevauchiée et en ce poigneiz fu le conte de Bar ou mort ou pris, car onques puis ne pot estre trouvé. Le conte de Monfort fu liez de cordes et les autres barons, et menez en diverses prisons. Aucuns commencierent à murmurer et dire parmi l’ost que Nostre Sires souffri cele perte pour ce que li conte tendoient plus à vaine gloire de chevalerie que à faire le profit de la Terre Sainte. Si tost comme ce domage fu avenu en la terre d’outre mer, le conte Richart de Cornouaille[131], frere le roy d’Engleterre, prist port a toute sa gent et a tout grant avoir pour venir en l’aide de la Terre Sainte. Quant il sot que l’ost des pelerins du reanme de France estoit si desconfortée pour la prise des barons qui si grant avoit esté faite, et de l’occision, si en ot grant pitié et pourchaça tant vers les Sarrazins que les prisonniers furent delivré et rachetez d’or et d’argent. Et fist tant vers les Sarrazins que il orent seur conduit d’aler jusques en Jherusalem pour visiter le saint sepulchre Nostre Seigneur. A celle foiz firent po ou noient les barons de France en la terre d’outre mer. Le conte de Monfort[132] qui avoit esté en prison s’en vint à Romme pour visiter les Apostres. Si le prist i flum de ventre dont il morut. Enterrez fu ou moustier des Apostres honorablement.


XXIV.
Comment l’empereor de Romme fu esconmenié[133].

Li emperere Federic devint en ce temps contraires à l’eglise de Romme et commença à defouler le clergié et leur fist soffrir assez de persecutions. Tant dura cel estrif longuement, et tant ala à la besongne avant que le pape Gringoire ne le pot plus souffrir ; si l’esconmenia[134] et envoia i moine blanc cardinal en France[135], qui le condampna et dessevra de toute la conmunauté de sainte Yglise. Onques pour ce l’empereour n’en vint à amendement. Quant le legat vit que l’empereor perseveroit en sa malice et qu’il prisoit poi son escommeniement, si assambla grant plenté d’arcevesques et de evesques et d’autres prelaz en la cité de Miaus[136] por avoir conseil sus tele besongne. Quant il ot oï leur conseil, si commanda à aucuns des prelaz, que en vertu d’obedience, de par le pape, que toutes choses lessiées, il venissent avoec lui à la court de Romme, et leur dist qu’il trouverroient navie toute preste au port de Nice, qui les conduiroit plus seurement par mer que par terre, quar l’empereour Federic, qui bien savoir leur affaire, faisoit garder touz les chemins par là où il devoient passer, et savoit bien qu’il devoient aler à Romme pour lui condampner. Tant esrerent ensamble les prelaz de France avoec le blanc cardinal qu’il vindrent là. Si comme il durent entrer en mer, il leur fu dit que l’empereour faisoit garder les passages et par terre et par mer estroitement. Si orent si grant paour qu’il en retorna la greigneur partie en France[137] ; les autres entrerent en mer avoec le cardinal, et abandonnerent les cors por sauver les âmes[138].

Lors avint que Mainfroi, qui estoit filz l’emperour de bast, gardoit la mer de nuit et de jour a grant plenté de galies et de gent d’armes. Si les aperçut passer assez près de la terre de Puise ; si leur vint au devant, li et sa gent et prist le legat et les prelaz et les envoia à l’empereor son pere[139], et il les envoia tantost en diversses prisons. Endementres qu’il furent pris, le pape morut chargié et empressié de granz tribulations ; et demoura le siege vague par l’espace de xxii mois[140]. Et les prelaz demorerent en la prison l’empereor, ne ne trouverent qui les requeist.


XXV.
Comment la tempeste chai à Cremonne[141].

Assez tost après que les prelaz furent emprisonnez, chai une tempeste à Cremonne, de grelle merveilleusement grosse, en laquelle fu trovée une pierre plus grosse que nule des autres, qui chai en l’eglise Saint Gabriel, en laquelle il avoit une croiz et l’ymage Nostre Seigneur si comme il fu crucefié ; et environ cele pierre, avoit escript des lettres d’or, Jhesus Nazarenus, rex Judeorum. i moine de celle eglise la print et la mist en i henap. Si comme elle commença à fondre et à devenir eve, il en prist et en lava les iex d’un des moines de leenz qui estoit avugle, ne n’avoit veu de lonc temps ; et tantost il vit aussi cler comme il avoit onques fait en toute sa vie.


XXVI.
Comment le roy delivra de prison les prelaz de son reanme[142].

Le roy de France ot mout grant pitié des prelaz de sainte Yglise et regarda que toute humaine aide failloit à l’eglise de Romme, et fu mout corrouciez des prelaz de son reanme que l’empereor tenoit en sa prison. Il manda l’abbé de Corbie et Gervaise de Seurennes[143] et leur commanda qu’il alassent à l’empereour et qu’il li deissent de par lui, qu’il, par amours et par grâce, il delivrast les prelaz e son reanme que il tenoit en chaitivoison. L’emperere entendi bien la requeste le roy de France, mais il n’en mist rienz à execution, ançois respondi aus messages qu’il n’avoit pas conseil de ce faire. Et si tost comme li message furent retorné, il envoia les prelaz enchartrer en la cité de Naples[144], et manda par ses messages au roy de France : « Ne se merveille pas la royal majesté de France se Cesar Auguste tient estroitement ceus qui Cesar vouloient metre en angoisse et qui venoient à Romme pour lui condampner et metre à execution. »

Quant le roy oï la teneur des letres l’empereour, il se merveilla mout que il n’avoit rienz fait pour ses prieres ; si li manda derechief par l’abbé de Cluigni[145], en une letre, en la maniere qui s’ensuit : « Nostre foi et nostre esperance a tenu jusques ci que nulle matire de plait ne de haine peust mouvoir jusques à grant temps entre nostre reanme et vostre empire, quar noz devanciers qui devant nous ont tenu le reanme de France, ont touz jorz amé et honoré la sollempnel hautece de l’empire de Romme ; et nous, qui après sommes, tenons ferme et estable le propos de noz devanciers. Mais vous, si comme il nous samble, rompez l’unité et la conjonction de pais et de concorde qui doit estre gardée entre nous et vous. Voz tenez noz prelaz, qui au siege de Ronme estoient mandé par foi ; et par foy et par fiance ne refuser ne voloient le commandement l’Apostoile, et les feistes prendre en mer ; laquel chose noz portons grief et en sommes dolent. Si sachiez que nous avons entendu par lor letres qu’il ne penssoient à faire chose qui voz feust contraire, ja soit ce que l’Apostoile vosist faire aucune chose contre vous. Puisque il n’ont fait chose qui tourne à vostre grief, il apartient à vostre majesté rendre les et delivrer. Si provez et metez en balance de droit ce que nous vous mandons, et ne voeiliez faire tort par puissance ou par vostre volenté, car le reanme de France n’est mie encore si affebloié qu’il se lesse mener ne fouler à vos esperons. » Quant l’emperere entendi les paroles contenues es lettres le roy, il li envoia les prelaz de son reanme contre sa volonté, mès il le fist pour ce qu’il douta forment le bon roy à corroucier.


XXVII.
Comment le roy fist son frere chevalier[146].

Mil CC et XLI el temps de grâce, le roy de France assambla à Saumur grant plenté d’arcevesques et de evesques et de abbez et des barons de son reanme, et fist messire Alphons[147], son frere, chevalier, et si li donna à fame la fille au conte de Thoulouse[148], et la contrée de Poitiers et la terre d’Auvergne et celle d’Aubigois. Li baron et li chevalier firent grant feste et furent vestu de samit et de soie[149]. Quant la feste fu passée, le roy requist le conte de la Marche que il feist homage à son frere por la terre que il tenoit de lui en Poitou. Mais le conte qui se fioit el roy d’Engleterre pour ce qu’il avoit sa mere espousée[150], refusa à faire homage au conte de Poitiers, et tout ce fist par le conseil de sa fame, et dist que ja ne tendroit de lui à jour de sa vie[151]. Quant le roy vit la contenance au conte de la Marche, orgueilleuse et fiere, si en fu mout corrouciez. Il se parti d’iluec et s’en vint à Paris. Si comme il fu entrez en sa chambre, nouvelles li vindrent que la royne avoit eu une fille qui ot à non Ysabel[152].


XXVIII.
Comment le conte de la Marche fu contre le roy[153].

Messire Hue, conte de la Marche[154], penssa bien que le roy de France li mouvroit guerre ; si se mist en mer et passa outre, et fist entendant au roy Henri que le roy de France le vouloit desheriter, et tolir sa terre à tort et sanz raison. Le roy manda touz ses barons et touz les riches hommes qui tenoient de li[155], et leur fist mostrer par i frere meneur qui estoit sires et mestres de la court, que l’en devoit miex aler seur le roy de France que seur Sarrazins en la Terre sainte, qui ainsi mauvaisement vouloit tolir sa terre au conte de la Marche, sanz cause et sanz raison ; et dist que par tel maniere et par tel mauvaistié avoit le roy Jehan perdu Normendie, et les barons d’Engleterre les chastiaus et les granz terres qu’il y avoient, et que mout devroient li baron trestuit d’Engleterre metre paine de recouvrer la terre que leur devanciers avoient tenue.

Quant les barons orent oï et entendu la requeste le roy, si distrent qu’il estoient tuit prest de lui aidier et que ja ne lui faudroient tant comme il porroient durer. Le roy Henri fist faire ses garnisons pour passer mer et manda sodoiers en Alemaigne et en Danemarche et en Norvée, et menda à touz les haus barons qui li apartenoient qu’il venissent en s’aide, et fist faire granz garnisons de vins et de viandes et d’armes et de chevaus pour passer outre, et entra en mer a grant compaignie de chevaliers et ot bon vent qui le porta assez tost outre[156]. Quant il fut au port arrivé, la contesse sa mere ala encontre et le baisa mout doucement et li dist : « Biaus filz, vous estes de bonne nature, qui venez secorre vostre mere et voz freres que les filz Blanche d’Espaigne veulent trop malement defouler et tenir souz piez. Mais se Dieu plaist, il n’ira pas si comme il penssent. »

Ainsi demourerent une piece du temps ensemble. Le roy de France assambla grant gent de partout son reanme et tint grant parlement à Paris. A ce parlement furent les pers de France ; si leur demanda le roy que l’en devoit faire de vassal qui voloit tenir terre sanz seigneur et qui aloit contre la foi et contre l’ommage que il avoit tenue, il et ses devanciers ; et il respondirent que li sires devoit assener[157] à son fié comme à la seue chose. « En non de moi », dist le roy, « le conte de la Marche veut en ceste maniere terre tenir, laquelle est des fiez de France dès le temps au fort roy Cloovis qui conquist toute Aquitaine contre le roy Alaric qui estoit païen, sanz foi et sanz creance, et toute la contrée jusques aus mons de Pierre[158] (sic). »

Quant le roy ot tenu son parlement, il manda ceus qui savoient faire engins pour geter pierres et mangonniaus, et si manda charpentiers pour faire chastiaus et barbacanes, pour plus près traire et lancier à ceus qui seroient es chastiaus et es fortereces et es deffensses. Quant le roy fu garni de tel gent, il assambla grant ost[159] et entra en la terre au conte de la Marche a si grant multitiude de gent à pié et à cheval que toute la terre en estoit couverte. Il assist premierement i chastel qu’en apele Monstereul en Gastine[160] et le prist par force en poi de temps ; puis s’en retorna à la tour de Bergue[161] qui estoit fort de murs et bien garnie de gent ; ses tentes fit fichier et ses paveillons tendre ; ses perrieres fist drecier et mout d’autres engins entour la tour. Cil qui furent dedenz se deffendirent forment et sostindrent longuement l’assaut. Quant François virent qu’il se deffendoient si bien et si forment, si commencierent l’endemain plus fort à assaillir et lancier pierres et mangonniaus. Tant firent qu’il conquistrent la tour et grant plenté d’armes et de vitaille dont elle estoit mout bien garnie. Quant la tour fu prise, si se porpenssa le roy qu’elle avoit fait mout de maus à sa gent et que encore les porroit bien grever ; si la fist miner et giter à terre jusques au fons. Tantost comme Monstereul et la tour de Bergue fu prinse, le roy s’en ala à i chastel que l’en apelle Fontenai[162] ; si le tenoit Gieffroi, li sire de Lesignen[163] qui estoit en l’aide le conte de la Marche. Le roy le fist asseoir et fist traire et lancier à ceus qui dedenz estoient. Si fu pris par force avoec i autre chastel que l’en apelle Novent[164] (sic).


XXIX.
Comment en volt enpoisonner le roy de France[165].

La fame au conte de la Marche vit bien et aperçut que le roy avoit greigneur force que son baron ; si apela ii homes de cors qui estoient ses sers et leur dist en conseil et pria que en toutes manieres il feissent tant qu’il enpoisonnassent le roy et touz ses freres ; et se il pooient ce faire, elle les feroit chevaliers et leur donroit grant terre. Cil s’acorderent à ce faire, et li promistrent qu’il en feroient leur pooir. Pour ce faire, elle leur bailla venin tout apareillié qu’il ne convenoit que metre en vin ou en viande por tantost metre à mort cil qui en mengeroit. Les sers se mistrent à la voie et vindrent en l’ost au roy de France et se commencierent à traire vers la cuisine le roy, et parochierent des viandes tant que cil qui gardoient les viandes les orent pour soupeçonneus ; si espierent qu’il vodrent faire. Si les prinstrent touz prouvez si comme il vouloient geter le venin en la viande le roy. Quant il furent prins, l’en demanda au roi que l’en en feroit, et le roi respondi qu’il eussent le guerredon et la desserte de leur present qu’il aportoient ; si furent menez aus fourches et penduz. Nouvelles vindrent à la contesse que ses ii sers avoient esté prins et penduz et pris prouvez de leur mauvaistié ; si en fu mout corrouciée, si qu’elle prist un coutel et s’en volt ferir parmi le cors. Quant sa gent li osterent et quant elle vit qu’elle ne pooit pas fere sa volenté, elle desrompi sa guimple et ses cheveus, et mena tel duel qu’elle en fu longuement malade au lit sanz soi reconforter.


XXX.
Comment le roy prist pluseurs chastiaus[166].

Le roy de France vit que son ost estoit grant et bel, et que genz li venoient chascun jour de toutes pars en aide. Si s’en ala à i chastel que l’en apelle Fontenai[167], enclos de ii paire de murs, et si estoit avironné de hautes tours grosses et deffensables et bien garnies. Il fist avironner le chastel et assaillir de toutes pars ; mais cil dedenz se deffendirent forment et furent de si grant prouece que les François ne leur porent mal fere ne de riens empirier. Quant le roy vit la force du chastel et la prouece des genz, si fist drecier une tour de fust contremont, si haute que cil qui furent dedenz virent toute la contenance des genz du chastel et commencierent à lancier et à geter dendez et traire à euls, si qu’il en ocistrent assez. Quant cil du chastel virent que cil de la tour les grevoient si forment, si se resvertuerent et geterent feu gregois, si que il embraserent et enflamberent toute la tour. Cil qui dedenz estoient s’enfouirent pour le peril où il estoient, et commencièrent François à reculer. En ce hustin et en cel assaut, avint que i aubalestier à tour trait i quarrel et feri le conte de Poitiers el pié et le navra forment. Quant le roy vit le cop, il en fu forment corrouciez ; si fist tantost l’assaut reconmencier plus fort que devant. Lors alerent à l’assaut chevaliers et sergenz et assaillirent de toutes pars et bouterent le feu en la porte : les autres monterent sus les murs à eschieles, les autres monterent à cordes ; si ne porent cil du chastel endurer ; si fu le chastel pris et tuit cil qui dedenz estoient. Le filz au conte de la Marche fu pris, qui estoit bastard, et xli chevaliers et iv vins sergenz, et pluseurs autres dont il y avoit assez. Grant partie des prisonniers envoia le roy à Paris et les autres en prisons diversses parmi son reanme, et puis fist abatre toute la forterece du chastel et les murs trebuschier jusques en terre.

Après ce que Fontenai fu pris et conquis, le roy vint à i autre chastel qui a non Villiers[168]. Tantost comme l’ost vint devant le chastel, cil dedenz furent si esbahi qu’il ne porent metre conseil en eus deffendre ; si furent tantost tuit pris. Ice chastel estoit Gui de Rochefort, qui estoit de l’aide au conte de la Marche. Pour ce, le fist le roy tout abatre et geter en i mont.

D’iluec se parti le roy et ala à i autre chastel que l’en apele Prèe[169] ; cil dedenz ne mistrent onques deffensse en euls, si se rendirent. Tantost il alerent à i autre que l’en apele Saint Jelaz[170]. Si comme l’en vouloit tendre tentes et paveillons tot entor, cil du chastel manderent au roy qu’il les preist à merci, et il li rendroient le chastel. Et li roys le fist volentiers et les prist à merci. Le roy et son ost torna vers i chastel que l’en apelle Vetone[171], et tantost comme il furent devant, il commencierent à paleter et à lancier ; si fu tantost pris. Mout fu le roy liez de ce qu’il defouloit ainsi ses anemis tout à sa volenté, et li estoit bien avis que Nostre Sires conduisoit son ost.

Il se parti de Vetone et vint à i chastel que l’en nonme Mautat[172]. Cil du chastel commencierent à lancier et à euls deffendre, mais poi leur valut car les François les avironnerent de toutes pars, si que ceus du chastel ne sorent ausquiex aler. Quant il se virent si seurpris, si se rendirent sauves leur vies. Il avoit enmi le chastel une tour grant et forte et deffensable ; le roy commanda qu’elle feust abatue. Les mineeurs alerent tant entour qu’elle fu enversée et menée à néent. Le roy passa outre et vint au chastel de Thori[173] qui fu Eblon de Rochefort. Cil qui el chastel estoient virent l’ost venir plain de nobles conbateeurs ; si sorent bien qu’il ne porroient longuement durer ne soustenir la puissance le roy. Si s’en vindrent touz nus, sanz armes, encontre le roy ; si li rendirent le chastel, et tantost le roy le fist garnir de sa gent. Le roy se parti de sa gent et vint à i chastel que l’en apelle Aucerne[174], et i fist geter pierres et mangonniaus et le fist tout raser à terre et trebuschier, et puis chevaucha avant atout son ost que il vint près d’un marès et fist lever i pont, car l’ost au roy d’Engleterre estoit près d’iluec et estoit enclos et avironnez de granz fossez et de larges et parfons. Quant le pont fu dreciez si cuidierent François passer outre ; mais les Englois leur furent à l’encontre qui leur deveerent l’entrée. Si commencierent à paleter les uns contre les autres. Le roy s’en torna d’autre part vers Taillebourc[175], droit au chastel Giefroi de Vanconne[176] qui siet seur une riviere que l’en apele Carante[177]. Ne loa pas au roy qu’il passast par le pont qu’il avoit fait drecier. Le roy fist tendre ses paveillons sus la riviere. Quant le roy d’Engleterre vit l’ost au roy de France, si se retraist arriere, lui et sa gent, le trait de ii arbalestes à tour pour ce que il douta d’assambler au roy à celle foiz. Et si avoit-il avoec lui le conte de Cornouaille[178], son frere, et le conte de Lincestre[179] et le prince de Gales[180] atout grant plenté de chevaliers et d’autre gent apareilliée à bataille. Quant les François aperçurent l’ost des Englois retraire arriere, si envoierent v cens sergenz pour passer hastivement au pont que le roi avoit fait drecier, et avoec euls grant plenté d’arbalestiers et d’autre gent à pié. Le conte Richart vit que les sergenz passoient le pont sanz nul contredit, si mist les armes jus et s’en vint vers euls et leur monstra signe de pais, et leur pria qu’il le feissent parler au conte d’Artois pour les ii rois acorder ensemble sanz faire bataille. Mais le conte d’Artois n’i volt pas aler devant qu’il en eust congié de son frere le roy. Quant le conte Richart vit que il ne porroit parler au conte d’Artois, si s’en retorna vers l’ost au roy d’Engleterre.


XXXI.
De la bataille au roy de France contre le roy d’Engleterre[181].

Droitement le jour de la Magdelaine[182], le roy et son ost passerent la riviere de Carente par le pont que le roy ot fait faire, et s’en retorna arriere de Taillebourc par le conseil de sa gent. Tantost comme il fu passé, les forriers coururent vers Saintes[183] en degastant tout ce que il trouverent. Si comme les forriers degastoient tout avant euls, une espie vint au conte de la Marche et li dist que les forriers au roy de France gastoient tout le païs. Quant le conte oï ces nouveles, si commanda à ses filz qu’il s’armassent et à touz ses chevaliers, et alerent contre les forriers isnellement pour euls desconfire. Le conte de Boulongne[184] oï dire que le conte de la Marche venoit sus les forriers ; si se hasta mout d’euls secorre et s’en vint droit au conte de la Marche. Là fu le poigneis fort et aspre, et li abateiz d’ommes à pié et à cheval. A ce premier poigneiz fu ocis le chastelain de Saintes qui portoit l’enseigne au conte de la Marche. François qui bien sorent que le conte de Boulongne se conbatoit, si se hasterent mout de lui aidier et orent grant despit de ce que le conte de la Marche les ot premiers envaïz ; si li coururent sus. Iluec entrerent en champ les ii roys atout leur pooir l’un contre l’autre. Lors fu l’occision grant et la bataille aspre et dure ; si ne le porent plus li Englois endurer ne soustenir le fais de la bataille, si commencierent à fouir et à reculer. Quant le roy Henri vit sa gent fouir et apetisier, si fu trop durement corrouciez et esbahiz ; si s’en torna vers la cité de Saintes. Les François virent les Englois desrouter et fouir, si les enchaucierent mout asprement et en ocistrent en fuiant grant plenté. En cel estour furent pris xxii chevaliers et trois clers mout riches hommes et de grant renon, et si furent pris vc sergenz d’armes sanz la piétaille.

Quant le roy ot eu victoire, il fist rapeler sa gent qui trop asprement enchaçoient les Englois ; lors s’en retornerent li chevalier et li sergent par le commandement le roi. Quant vint entour mienuit que tout le pueple se reposoit, le roy d’Engleterre et le conte de la Marche, atout le remanant de leur gent s’en issirent de Saintes et firent entendant à ceus qui gardoient la ville, qu’il alloient fere assaut aus François qui se reposoient. Mais il tornerent autre chemin droit à Blaives[185]. L’endemain par matin[186] que le jour parut cler, ceus de la ville virent bien que cil qui leur devoient aidier s’en estoient fouiz ; si s’en vindrent au roy et li rendirent la cité de Saintes ; en ceste maniere, si comme nous avons devisé, conquist le roi grant partie de la terre au conte de la Marche, mais il i perdi de bonnes genz et de bons chevaliers pour la grant chaleur du temps et pour le soleil qui mout estoit chaut. Renaut, li sires de Pons, fu tout espoenté de la force le roy et de la victoire que Dieus li avoit donnée ; si vint à lui en la ville de Coulombiers[187] qui siet à un mille de Pons[188] et fist homage au conte de Poitiers devant les barons de France. En ce meismes jour vint li ainsnez filz au conte de la Marche[189] et s’agenoilla devant le roi et li requist pais, laquelle fu faite en la maniere qui s’ensuit[190] : c’est asavoir que toute la terre que le roy avoit conquise sus le conte de la Marche, son pere, demourast paisiblement au conte de Poitiers frere le roy. Et du remenant, le conte et sa fame et ses enfanz se metroient du tout en tout en la merci le roy et deliverroit ledit conte iii chastiaus fors et bien garniz en ostage ; c’est à savoir Mesplin[191], Crotai[192] et Hacardi[193], esquiex le roy avoit ses garnisons et ses sodoiers aus cous dudit conte[194]. Pour ce que ledit conte n’estoit pas present à ces convenances enteriner, le roy reçut Hue son filz en ostage jusques à l’endemain que le conte devoit venir.

Quant le conte de la Marche sot comment le roy s’estoit acordé, si vint l’endemain faire ferme et estable ce que son filz avoit promis, et amena avoec lui sa fame et ses ii enfanz, et s’agenoilleirent devant le roy[195] et li crierent merci plain de sopirs et de lermes, et commencierent à dire : « Très douz rois debonnaire, pardonne-nous t’ire et ton mautalent, et aies pitié de nous, car nous avons mauvaisement et par orgueil alé contre vous. Sire, selonc la grant franchise et la grant misericorde qui est en vous, pardonnez-nous nostre[196] meffait ».

Le roy qui vit le conte de la Marche si humblement crier merci, ne pot tenir son cuer en felonnie, ançois fu tantost mué en pitié. Si fist lever le conte sus et li pardonna debonnerement quanqu’il avoit meffait. Et le conte de la Marche quita au conte de Poitiers touz les chastiaus et les fortereces que le roy avoit conquis seur li. Et pour tenir les couvenances, le roy tint les iii chastiaus dessus diz en sa main. Et le conte et sa fame jurerent, et ses enfanz, que il tendroient les couvenances fermes sanz jamais aler encontre.

Quant la pais fu acordée, le roy retint l’ommage Renaut sires de Ponz[197] par devers soi et l’omage Giefroi de Rancone, et Giefroi de Ligenon[198]. Ces choses furent acordées le jour de la saint Pierre, le premier jour d’aoust que le roy jut es prez de Pons et tout son ost. L’endemain, par matin, vindrent à lui li sires de Mirabel[199] et le sire de Mortaigne[200] qui avoit ostelé et soustenu le roi d’Engleterre et toute sa gent en sa premiere venue. Quant il fu arrivé, ces ii barons firent homage au roy de France et au conte de Poitiers, et touz les autres barons du païz, de toute la terre jusques à la riviere de Gironde. Le roy d’Engleterre oï dire à Blaives où il estoit, que le roy venoit seur lui, si fu si espoentez qu’il s’en alerent li et le conte Richart à Bourdiaus[201], car se il fussent demouré, il eussent esté pris ; mais aucun leur firent asavoir qui estoient du conseil au roy de France. Lors se porpenssa le roy d’Engleterre comment il porroit faire pais au roy de France ; si li envoia messages et requist trives[202] ; mais le roy ne li volt pas de legier otroier devant qu’il en fu prié des plus haus hommes de sa court, qui mout amoient le conte Richart pour ce qu’il leur avoit fet bonté en la terre d’outre mer.


XXXII.
Comment les Tartarins destruirent Turquie[203].

[204]En ce temps avint que les Tartarins qui avoient gasté Ynde la grant et toute Armenie, ne n’avoient finé de ce faire par l’espace de x anz, envoierent iv des plus haus barons de leur terre sus le royaume de Turquie ; si s’en vindrent tout droit à une cité el premier chief de Turquie qui a non Asaron[205]. Asaron, si comme aucun dient, si est en la terre de Hus où Job habita jadis ou temps qu’il vivoit. Quant la cité fu ainsi assegiée, les Turs, qui dedenz estoient, virent qu’il ne pooient avoir secors de leur seigneur le soudan de Babiloine et qu’il ne porroient durer contre si grant foison de Tartarins. Si pristrent conseil ensamble qu’il se rendroient, sauves leur vies et leur biens, en tel condition que les Tartarins les garantiroient contre touz. Et les Turs leur promistrent que il seroient en leur subjection du tout. Pour ces couvenances tenir fermes et estables, les Turs envoierent le baillif de la ville parler aus Tartarins, et les Tartarins l’otroierent et le jurerent à garder et à tenir fermement. Tantost comme il furent entrez en la ville, il ocistrent touz ceus qu’il i trouverent, hommes et fames et enfanz.

D’iluec se partirent et vindrent à une autre cité que l’en apelle Arsegne[206] et firent ces meismes couvenances à ceus de la cité. Si tost comme il furent entrez ens, il mistrent à mort touz ceus qu’il i trouverent, que onques n’en lessièrent i seul en vie, fors ii crestiens[207] qu’il trouverent en une fosse enchartrez. Si leur demanderent qui il estoient, et il distrent qu’il estoient crestien nez du royaume de France. Si tost comme il sorent qu’il furent François, il les mistrent hors des fers et leur donnerent à mengier, et puis pristrent conseil ensamble qu’il en feroient. Si respondirent aucuns qu’il avoient oï dire que François estoient bons combateeurs et hardie gent en fait d’armes ; si s’acorderent qu’il les feissent conbatre ensamble pour veoir la maniere que François ont en bataille. Si les firent très bien armer et monter sur ii chevaus, et puis leur commanderent [qu’il se combatissent l’un contre l’autre][208], et cil qui auroit victoire s’en iroit franz et quites là où il vodroit, et il promistrent que si feroient-il. Quant il furent entrez ou champ pour combatre, les Tartarins s’assamblerent pour veoir le tornoiement et leur contenance, et orent grant joie que il cuidierent que li uns oceist l’autre et qu’il s’entreferissent premierement de glaives et puis d’espées. Mais il le firent autrement ; quar il se ferirent en la greigneur foule des Tartarins et en ocistrent plus de xxx avant qu’il feussent pris. Par ces ii crestiens qui ne vodrent pas ocirre l’un l’autre, douterent puis forment les Tartarins les genz de France.

Quant les Tartarins furent i poi séjorné si se mistrent derechief au chemin et vindrent à une cité qui a non Cesare[209], qui siet en la contrée de Capadoce, et la pristrent et gasterent environ la terre et la contrée, et demourerent el païs tant comme yver dura. Quant le nouviau temps fu revenu, il s’en alerent tout le cours en destruisant le païs jusques à la cité de Franiste[210] et la destruirent par feu et par ocision ; et puis vindrent à la cité de Coine[211], qui est la mestre cité de Turquie. Assez tost après la pristrent et mistrent toute Turquie en leur subjection. Ainsi perdirent les Turs leur renon et toute leur force.

Quant les Tartarins orent gasté toute Turquie, il s’en retornerent de l’autre part et entrerent en la terre de Poloine, et par devers la mer il gasterrent la terre de Romille et celle de Gazarie[212], et destruirent et gasterent tout avant euls jusques en Hongrie. Iluec s’arresterent et vodrent avoir conseil d’entrer el roiaume de Hongrie, et il leur fu respondu qu’il alassent seurement, car li esperit de descorde et de mauvaise foi iroit devant euls et leur feroit voie et les conduiroit, par quoi li Hongre seroient si troublé qu’il ne porroient durer. Bien est voirs, devant ce que li Tartarin entrassent en Hongrie, le roy et les barons et le pueple dou païs estoient en si grant descort qu’il ne se porent apareillier pour euls deffendre, ançois s’enfouirent. Mais la greigneur partie d’entre eus fu avant occise et tornée à chetivoison. Après ce que le païz fu ainsi gastez et que les Tartarins s’en furent partiz, une famine vint si grant que les homes vis mengoient les homes mors, et chiens et chas, et ce qu’il pooient avoir.


XXXIII.
Comment le pape s’enfoui en France pour l’empereour Federic[213].

Si comme nous avons dessus dit que le siege de Romme demoura vagues après la mort Celestin[214] par l’espace de xxii mois, li cardinal s’acorderent à i preudomme qui avoit non Senebaut[215] et vodrent qu’il feust pape, et le nommerent Innocent le quart. Si recommença l’estrif de l’empereour contre le pape, et fu le pape Innocent si malmené qu’il ne pot demourer à Romme, ne ne trouva lieu où il poist demorer sauvement, fors en France ; si s’en vint celle part et pour avoir secours et aide du roy. Quant il fu venu à Lyons seur le Rosne[216], il manda au roy de France que volentiers parleroit à lui et voudroit volentiers avoir son conseil et s’aide s’il li plaisoit.


XXXIV.
Comment le roy fu malade à Ponthoise[217].

Tantost comme le roy ot oï nouvelles du pape, et il volt mouvoir pour aler à lui, une fort maladie le prist que li fuisicien apellent dissintere[218] ; si jut longuement le roy malade de cele maladie à la ville de Ponthoise. La nouvele ala parmi le païz que le roy estoit malade griefment ; si en furent tuit corroucié, petit et grant. Les barons et les prelaz vindrent hastivement à Ponthoise, et orent grant pitié du roy qu’il trouverent en si povre point. Il demourerent une piece iluec pour savoir que Nostre Sires en feroit, car il virent que la maladie li enforçoit de jour en jour plus forment. Il ordenerent que l’en priast Nostre Seigneur qui tout puet, qu’il vousist donner santé au roy. L’en fist mander par toutes les eglises cathedraus que l’en amonnestast le pueple de fere aumosnes, et feist l’en prieres et porcessions. Onques la maladie ne cessa d’enforcier tant que l’en cuida certainement que le roy feust mort ; et furent tuit esmeu parmi le palais, et commencierent tuit à crier et à pluerer et à regreter leur seigneur, qui tant estoit preudomme et qui tant amoit les povres et deffendoit le menu pueple des granz, que nul outrage ne leur feust fait ; et voloit que aussi bien feust droit et raison au povre comme au riche. Nul ne porroit penser comme le menu pueple de Paris en estoit corroucié, et disoient entr’eus : « Sire Dieus, que voulez-vous à vostre pueple. Pourquoi nous tolez-vous celui qui nous deffendoit et gardoit en bonne pès, le souverain prince de toute justice bonne ? » Lors lessierent tuit li menestrel besongne à faire et coururent homes et fames aus yglises et firent prieres et oroisons, et donnerent aumosnes aus povres o grant devocion, que Nostre Sires vossit ramener le roy à santé.

Ceste nouvele courut par tout le païs, tant que le pape Innocent le sot qui estoit à Lyons seur le Rosne, et li dist l’en certainement que il estoit trespassé. Si en fu mout dolent et corroucié, et ce n’estoit pas merveille, car l’eglise de Romme n’avoit autre deffendeeur en la tempeste et en la douleur où elle estoit contre l’empereour Federic. Si comme ceste dolente nouvele couroit par le païz, Cil qui commande aus vens et à la mer et à touz elemenz et les torne quel part qu’il veut, fu esmeuz de pitié, car il volt que le roy feust assouagiez de sa maladie, et li revint l’esperit. Cil qui estoient entour li, disoient que son esperit avoit esté raviz. Quant il fu revenuz et il pot parler, il requist tantost la croiz pour aler outre mer et la prist devotement. Le roy commença à assouagier tant que Nostre Sires le mist à parfaite santé. Mout devint aumosniers après ceste maladie et religieus et fu en grant devotion de secorre la terre d’outre mer.


XXXV.
De la destruicion de la terre d’outre mer[219].

Celle année meismes que le roy fu malade, vindrent une maniere de gent que l’en apelle Grossoins[220] et entrerent en la sainte Terre et prinstrent à force la cité de Jherusalem. Les hommes et les enfanz tuerent et ocistrent sanz espargnier nului, et espandirent le sanc des genz, non pas par la cité tant seulement, mais toute l’eglise du sepulchre Nostre Seigneur en fu ensanglentée. Et lors, fu acomplie la prophecie David qui dit : « Diex une gent vendront en ton heritage, ton temple conchieront de sanc et de vilaines ordures, ta gent ocirront, la char abandonneront aus oisieus du ciel et aus bestes, le sanc espandront entour Jherusalem en aussi grant habondance comme une riviere et ne trouverront qui les mete en sepolture[221]. » Ceste male gent vindrent à la cité de Gazaire, et tuerent touz les crestiens qu’il trouverent, et Templiers et Hospitaliers, et presque touz les nobles hommes dou païz, dont l’en fu en grant doute qu’il ne gastassent toute la terre que les crestiens tenoient par delà la mer.


XXXVI.
Comment l’empereour Federic fu condampné[222].

Il avint ou daesrain jour d’avril, l’an de grâce M CC et XLV, que le pape Innocent tint concile general à Lyons seur le Rosne[223]. Là prist conseil aus cardinaus et aus prelas qui iluec furent assamblé pour les outrages l’empereour Federic. Quant il se fu conseillié, il geta sa sentence et condampna l’empereour Federic de toute la communalté de sainte Eglise et de toute l’onneur et la digneté de l’Empire. Touz ceus qui estoient joint à lui par foi ou par serement, ou en autre maniere, il absolt de leur foi et de leur serement, mès que desore en avant il n’obeissent à lui comme à empereeur. Après ce, l’Apostoile esconmenia touz ceus qui le tendroient pour roy ne pour empereeur, et donna congié de fere empereeur à ceus qui avoient pooir du faire. Mout de gent se merveillierent pourquoi l’Apostoile donna si cruel sentence contre si haut homme ; si en diron aucunes causes et non pas toutes, pour ce qu’il ne fust anieuse chose à ceus qui ceste estoire orront.

La premiere cause, si fu comme Federic eust fait homage à l’eglise de Romme du roiamme de Sezile que l’eglise li avoit donnée et otroiée, et avoec ce l’empire de Romme. Et comme il eust juré devant les princes et les plus nobles hommes de l’Empire que il garderoit et deffendroit loiaument les honneurs et les droitures de l’eglise de Romme ; de toutes ces choses il fu contraires et rompi toutes les couvenances. Et avoec ce, il diffama le pape et les cardinaus par ses letres qu’il envoia aus princes de la crestienté et à mout d’autre gent.

La seconde cause, si fu que il corrompi les couvenances et la pais qui avoit esté jurée des ii parties et qu’il ne feroit nul dommage aus cardinaus. De toutes ces choses il ne fist riens, ançois prist les biens des cardinaus et les torna par devers soi sanz cause et sanz reson, et fist paier toutes et tailles, et venir devant juges seculiers les clers, et enchartrer et ocirre et pendre, en despit de clergie et à leur confusion ; ne ne fist satiffacion aus Hospitaliers ne aus Templiers de ce qu’il leur avoit tolu.

La tierce cause fu sacrilege, car il tint ii cardinaus en sa prison et pluseurs evesques et arcevesques pour ce qu’il aloient à la court de Romme par le commandement l’Apostoile, et leur fist assez de maus souffrir et d’angoisses.

La quarte cause fu, pourquoi l’empereour Federic fu condampnez, si fu heresie et mescreandise dont il fu atainz et prouvez[224].


XXXVII.
Comment le legaz vint en France[225].

Quant le concile de Lyons fu passez, le pape qui bien savoit que le roi avoit propos d’aler outre mer[226] envoia en France Œude de Chastel Raoul[227] pour estre legat en France et pour preechier la voie d’outre mer. Quant il fu venu, le roy le reçut honorablement et assambla tantost grant parlement de ses barons, d’arcevesques et d’evesques et d’abbez. Le legat amonnesta en sa predication les barons et le pueple de secorre la terre d’outre mer. L’arcevesque de Rainz[228] se croisa et cil de Bourges[229], et l’evesque de Biauvés[230], et l’evesque de Laon[231], et l’evesque d’Orliens[232], Robert le conte d’Artois, Hue de Chasteillon[233] le conte de Saint Pol et le conte de Blois, Jehan des Barres, le duc de Bretaigne[234], le conte de la Marche[235], le conte de Monfort[236], Raoul le sire de Couci[237] et mout d’autres nobles princes et du menu pueple a grant habondance. Uns autres cardinaus fu envoiez en Henaut et es parties du Liege[238] pour ce que les genz alassent en l’aide landegrave duc de Toringe, qui nouvelement avoit esté esleu au reanme d’Alemaigne[239], pour ce que le pape ne vouloit pas que Corrat[240], le filz l’empereeur Federic, le feust. L’Apostoile oï dire certainement que le roy de Tharse faisoit trop de grief aus crestiens qui estoient habitanz près de sa terre. Si li envoia ii freres meneurs[241] et ii freres precheeurs[242] et li manda par letres avoeques, que il se vossist souffrir de ocirre le pueple crestien. Les freres qui là furent envoié mistrent en escript la maniere et la contenance des Tartarins.


XXXVIII.

Comment le roy ala visiter le pape à Cluigni[243].

Le roy de France ot grant desirrier de veoir le pape Innocent. Si assambla grant chevalerie et ala à Cluigni où le pape estoit ; et furent avoec lui ses iii freres et madame Blanche sa mere. Le roy ala noblement et a grant compagnie pour aucunes doutes de ses anemis ; sa gent estoient en armes, ordenez par connestablies, aussi comme se ce feust i ost. Devant le roy aloient c sergenz bien armez, les arbalestes tendues. Après ceus, aloient autres c, les haubers vestuz et les ventailles fermées. Après ces cc, venoient iic armez de toutes armes. Le roy venoit après, avironnez de grant compaignie de chevaliers armez. Le roy entra en l’abbaïe de Cligni[244] et le pape vint encontre lui et le reçut a grant joie ; si demourerent ensamble par l’espace de xv jorz et ordenerent de la voie d’outre mer. Quant il orent lor besongne acordée, le roy demanda beneïçon et le pape li donna volentiers et l’assout de touz ses pechiez par couvenant que il iroit outre mer. Si comme le roy retornoit en France, nouveles li vindrent que le roy d’Arragon[245] estoit entrez en Prouvence a grant ost, pour avoir damoiselle Bietriz seur la royne de France, pour ce qu’il la vouloit donner à son filz. Le roy envoia grant partie de ses barons contre le roy d’Arragon et li manda qu’il se vousist souffrir de gaster la terre à la damoiselle. Quant les messages vindrent devant le roy d’Arragon et il sot la volenté du roy de France, il retorna en sa contrée et li manda qu’il ne feroit pas volentiers chose qui feust contre sa volenté ne qui li despleust. Et la damoiselle s’en vint en France à la roine sa suer, et mist son cors et sa terre en la deffensse et en la garde du roy.


XXXIX.
Comment le roi maria le conte Karle son frere[246].

Droitement le jour de Penthecoste[247], le roy fist venir touz ses barons et tint court pleniere el chastel de Meleun. Là furent assamblé touz les plus nobles homes du royamme. Le conte de Savoie[248] i vint a grant compaignie pour ce qu’il estoit oncle à la royne de France. Quant il furent tuit assamblé, le roy fist venir damoiselle Bietriz[249] et la donna en la presence des barons à Karle son frere ; et le fist chevalier, et adouba maint autre chevalier pour l’amour de lui, et si li donna la contrée d’Angou et toute la terre du Meine[250].


XL.
Du miracle qui avint en Turquie[251].

Celle année[252], avint que les Turs de Turquie et ceus d’Armenie firent pais outreement aus Tartarins qui mout les avoient grevez, sus tele condition qu’il promistrent à rendre chascun an une grant somme de besanz d’or, et pailes et draz de soie pour raison de treu. Quant il furent acordé, le païs demoura en pais. Si avint en la cité de Coine[253], qui est la mestre cité de Turquie, que uns jouglerres jouoit d’un ours enmi la ville, devant grant plenté de Sarrazins et de crestiens marcheanz, en une place toute commune, où il avoit une croiz entailliée en i piler de pierre. Si comme l’ours aloit parmi la place, il torna vers le piler et pissa seur le singne de la croiz, et si comme il pissoit, il chai mort devant touz ceus qui le regardoient. Les crestiens commencierent à dire que ce vouloit Diex pour ce qu’il avoit pissié sus le singne de la croiz. Uns Sarrazins, qui iluec estoit, ot grant despit de ce que li crestien disoient que ce estoit vengence de Dieu. Si s’aprocha de la croiz et la feri dou poing en despit de Jhesucrist. Maintenant comme il ot ce fait, le bras et la main devindrent tout sec devant tout le pueple, si que onques puis ne s’en pot aidier. Uns autres Sarrazins estoit en une taverne près d’iluec ; si oï dire le grant miracle qui estoit avenu ; si sailli sus, touz desvez, et se feri parmi la presse tout outre, et commença à pissier contre la croiz et à dire : « Veez, ce fai-ge en despit des crestiens. » Si tost comme il ot ce dit, il chai mort en la presence de touz. De ce miracle furent mout lié les crestiens, et les Sarrazins furent dolent et corroucié.


XLI.
De la mort au duc de Toringe[254].

Celle année meesmes que ces miracles avindrent, le duc de THoringe qui avoit esté esleu à roy d’Alemaigne morut[255]. Les princes d’Alemaigne eslurent Guillaume de Horlande[256] contre la volenté Federic l’empereeur. Le mois après ensuivant, evesques, arcevesques et abbez s’assamblerent à Pontegny[257], et leverent le cors saint Elme qui fu arcevesques de Cantorbire, et le mirent mout honorablement en fiertre.


XLII.
De la voie premiere que le roy fist outre mer[258].

Mil CC XLVIII, l’an de grâce, le bon roy de France se mist au chemin pour aler outre mer, et issi de Paris a grant procession qui le convoierent jusques à Saint Antoine le vendredi après la Penthecouste[259]. Il entra en l’eglise de l’abbaïe, et requist aus nonnainz que elles priassent pour lui et que elles l’eussent en memoire. De ce jour en avant, il ne volt puis vestir robe d’escarlate, ne de brunete, ne de vert, ne de couleur qui feust de grant apparissance, ançois vestoit robe de camelin brun ou de pers ; ne ne chaucha puis espouron doré, ne ne volt avoir sele dorée ; ne ne volt que le frain, ne le poitrail feust de soie[260]. Et pour ce que sa selle et son frain et son autre harnois fu de mendre pris que cil dont il usoit devant, il establi que son aumosnier preist le seurplus de l’argent pour donner aus povres ; car il volt que l’argent qui estoit mis en lui dorer et cointir tornast au profit des povres.

En la compagnie le roy estoit Robert le conte d’Artois, et Karle le conte d’Anjou, freres le roy, et le cardinal de Romme[261], et mout d’autres prelaz, et grant foison des barons de France. Son frere, messire Alphons, demoura avoec la royne Blanche sa mere pour garder le royamme ; et si estoit-il croisié, mais il fu acordé du roy et des barons qu’il demourast celle année en France. Le roy et son ost passerent parmi Bourgongne et alerent à Lions sus le Rosne par leur jornées, et i trova le roi le pape Innocent qui n’osoit aler vers Romme pour l’empereour Federic qui l’avoit en grant haine. Quant il orent parlé ensamble, le roy reçut beneyçon et se parti de Lyons et vint à i chastel que l’en apelle la Roche du Glin[262]. Cil du chastel furent si outrecuidié qu’il roberent une partie de la gent le roy qui aloient devant por faire garnisons à ceus de l’ost. Quant la nouvele en vint au roy, il commanda que tout le chastel feust mis par terre et abatuz. Cil dedenz furent pris et mis en fers et en liens, et le chastel fu tout destruit et gastez.

D’iluec se parti li roys et ala tant qu’il vint au port d’Aigue-Morte[263], et entra en mer le mardi après la saint Berthelemieu[264]. Et la contesse d’Artois qui avoit convoié le conte son seigneur s’en retorna pour ce qu’ele estoit enceinte. Le roy se parti du port[265] et ot bon vent, et les mariniers siglerent à force d’avirons et alerent tant à l’aide du vent qu’il vindrent à l’anuitier au port de Nimeçon qui est en Chipre[266]. Le roy descendi de la nef et entra en Chipre où il sejorna tout yver pour atendre sa gent. Endementres que le roy atendoit sa gent, le roy de Chypre[267] et ses barons se croisierent et promistrent au roy qu’il iroient o lui et qu’il li feroient aide de quanque il porroient faire. Si comme le roi de France demouroit en Chipre, li soudans de Babyloine[268] estoit à Damas et avoit mandé grant ost de Sarrazins pour aler sus les crestiens d’outre mer. Si li fist l’en entendant que le roi de France venoit por secorre la sainte Terre d’outre mer ; si se souffri d’aler plus avant et fist retorner sa gent. Si comme le roy de France sejornoit en Chipre, pluseurs nobles homes de son reanme morurent, si comme l’evesque de Biauvès et le conte de Montfort, le conte de Vendosme[269], Guillaume des Barres, Dreue de Mello[270], Eschambaut de Bourbon[271], le conte de Dreues[272] et mout d’autres bons chevaliers jusques à cc et xl ; et le conte Karle, frere le roy, fu forment malade d’une quartaine. L’en fist entendant au roy qu’il i avoit mout d’escalves sarrazins qui volentiers preissent baptesme, s’il li plaisoit, en la terre de Chipre. Quant il le sot, il les fist touz baptizier et les delivra de servitude et de chetivoison.


XLIII.
Des messages de Tharse[273] qui vindrent parler au roy[274].

Entour la feste de Nouel que le roy demouroit en la cité de Nicocie[275], vindrent à lui les messages de par i baron de Tharse qui avoit non Eschartai[276] et aporterent lettres de par leur mestre, en la presence frere Andrieu de Loncjumel[277] qui congnut i des messages qui avoit à non David, car il l’avoit veu en l’ostel au roy de Tharse el temps qu’il fu envoié en message de par le pape Innocent. Le roy reçut les lettres qui estoient escriptes en arrabic et en langue de Persse ; si les fist contreescrire et metre en latin par la main frere Andrieu et les envoia en France à la royne Blanche, sa mere. Les messages distrent que le grant roy de Tharsse avoit pris baptesme et estoit crestien, et pluseurs autres des barons de Tharse ; et avoit bien iii anz et plus que il tenoit la foy crestienne ; et disoient que pluseurs anz avoit ja passez que le prince Eschartai leur mestre estoit crestien ; et l’avoit envoié le grant roi de Tharse a grant foison de gent contre Sarrazins pour essaucier la foy crestienne, et que l’entencion et le propos estoit du prince Eschartai, de fere le profit à touz ceus qui vodroient aourer la croiz et de conbatre soi à touz ceus qui seroient contre la foi crestienne anemis. Et desirroit mout l’amour et la faveur à avoir du roy de France, et avoit oï dire qu’il estoit en Chipre ; et encor disoit plus li messages, por certaine chose, qu’il vouloit asseoir la cité de Baudas[278], pour ce que li Apostoiles des Sarrazins i sejornoit ; et devoit mouvoir dedenz la feste de Pasques. Icelui Apostoiles estoit apelez Califfes, et estoit coustumiers de sejorner à Baudas, et fesoit souvent secors et aide au soudan de Babiloine, et fu par lui secourue Damiete[279] quant elle fu assise du roy Jehan de Jherusalem. Quant le roy oï ces nouveles, si en fu mout lié et reçut les messages cortoisement et leur fist amenistrer boivres et mengiers et quanque mestier leur fu. Le jour de Nouel furent à la messe avoec le roy et furent à sa court au disner et se contindrent bien et honnestement. La teneur des letres au roy de Tharse, qu’il envoia au roy de France, fu tele[280] :

« Par la puissance du très haut Diex, messires Cham roys et princes de pluiseurs provinces, nobles combateeur du monde, glaive de la crestienté, deffendeeur de la legion des apostres, au noble roy de France, sire et mestre des crestiens, salut. Nostre Sires croisse ta seignorie et ton reanme par lonc temps ; ta volenté acomplisse en sa loi et en ce monde et maintenant et touz jorz. Diex te doint conduit par la vertu devine, et ton pueple vueille garder par les saintes prieres des prophetes et des apostres. Amen. c mile beneïçons et c mile salus te mande par ces letres, et te pri que tu reçoives en gré ces salus, car c’est mout grant chose que tel sires te mande, salut. Et Diex vœille que encore te puisse-je veoir. Le haut sires du ciel et de la terre otroie que nous puissons estre ensamble, et que nous soions tuit d’un acort et d’une volenté. Après ces saluz, nostre entencion est de fere le profit de la crestienté. Je pri et requier à Dieu que il doint victoire à l’ost des crestiens et sousmete et abesse touz ceus qui despisent la croiz. Vrai Dieu, essauce le roy de France et acroi sa hautece si que chascun le voie. Nous volons par toutes noz seignories et noz poestez, que tuit crestien soient franc et hors de servage et volons qu’il soient tuit quite de treu et de servage, et de toutes autres coustumes et qu’il soient honoré et gardé. Nous volons que les eglises destruites soient refaites et que l’en sonne les cloches et que tuit crestien puissent aler et venir parmi nostre reanme. Et pour ce que noz a Dieus, en ce temps, qui ore est, donné grâce de garder la crestienté, noz avons envoié ces letres par noz leaus messagiers ausquiex nous ajoustons foi, David et Marc et Olfac[281].

« Pour ce que il noz raconte bouche à bouche comment les choses se portent envers vous, reçoif noz letres et noz paroles, car elles sont vraies. Cil qui est roys du ciel voeille que bonne pais et bonne concordance soit entre les Latins et les Griex, et entre les Armins, Nectoriens et Jacobins, et entre touz ceus qui aourent la croiz ; et requerons à Dieu qu’il ne face division entre nous et les crestiens, et Dieus l’otroit. Amen. »


XLIV.
Comment Jehan de Belin envoia ses letres au roy de Chipre[282].

Unes autres lettres furent envoiées i poi devant les lettres dessus dites au roy de Chipre, de par son serourge, esqueles il estoit contenu :

« A mon seigneur Henri le roy de Chipre[283] et à sa chiere suer madame Emeline[284], la royne, noble homme, Jehan de Belin, son frere, connestable d’Armenie[285], salut. Sachiez quant je fui meuz pour aler en Tharse de par mon seigneur le roy d’Armenie, Nostre Sires me conduist sain et sauf jusques à une ville que l’en apelle Sance[286], et vous fais asavoir que je ai veu en la voie mainte estrange contrée. Nous lessames Ynde à desriere, par devers Baudas et meismes ii mois à passer toute la terre de ce reamme. Nous veismes mout de citez que les Tartarins avoient destruites et gastées, desquelles nus ne porroit dire la grandeur, ne les richeces dont elles estoient plaines. Nous veismes plus de c mile monciaus des genz du païs et de la contrée, que les Tartarins avoient ocis. Et se la grâce de Dieu n’eust amené les Tartarins pour conbatre aus Sarrazins, il eussent destruit toute la terre que les crestiens tiennent el reanme de Surye. Noz passames une grant riviere qui vient de paradiz terrestre, que l’en apelle Gion[287], qui est large de l’un rivage à l’autre par l’espace d’une grant jornée. Et bien voz faisons asavoir que des Tartarins est si grant plenté qu’il ne pevent estre nombré par homme. Il sont laide gent de visages et divers[288]. Je ne vous porroie dire ne deviser la maniere dont il sont, fors qu’il sont bons archiers et hardiz. Bien a passé iv mois que noz ne finames d’esrer, et encor ne sommes nous pas enmi la terre au roy Cham. Si avons entendu par certaines personnes, que puis que Cham, le grant roy de Tharse, fu mors, que les barons et les chevaliers de Tharse, qui estoient en diversses contrées, mistrent par l’espace d’un an à assambler pour couronner le roy Cham qui maintenant regne[289]. Et à paines porent-il trouver place où il poissent estre tuit assamblé. Aucuns d’euls estoient en Ynde et li autre en la terre de Tarra ; et li autre el reanme de Rossie ; et li autre en la terre de Tartar ; et li autre en la terre de Sabba et de Insule[290] qui est la terre dont les iii rois furent qui vindrent aourer Nostre Seigneur en Jherusalem. Et sont la gent de celle terre crestien. Je fui en leur eglises et vi Jhesu Crist paint en la maniere que les iii roys li offrirent or, mirre et encens. Et orent premierement cil de Tartar la foy crestienne par euls et par leur amonnestement, et sont crestien, et le grant roy de Tharse et pluseurs de ses princes. Devant les portes des nobles hommes, sont les eglises où l’en sonne les cloches selonc la coustume des Latins ; et si i sont les tables, selonc la coustume des Grieus. Les Tartarins crestiens vont au matin premierement aus eglises, et aourent Nostre Seigneur Jhesu Crist, et puis après, vont saluer le roy en son palès. Et sachiez que noz avons trouvez pluseurs des crestiens espanduz par la terre d’Oriant, et moult de belles eglises hautes et anciennes qui ont esté destruites par les Tartarins avant qu’il feussent crestien ; dont il est avenu que les crestiens d’Oriant qui s’en estoient fouis en divers lieus pour la paour des Tartarins, sont venu de nouvel au roy Cham qui maintenant regne ; lesquiex il a receuz a grant honneur et leur a donné franchise, et a fait crier à ban que nus ne soit si hardiz qui leur face grief, ne en parole ne en fait. En la terre d’Ynde, que saint Thomas l’apostre converti à la foy crestienne, avoit i roy crestien que Sarrazin avoient desherité, et tolu la greigneur partie de sa terre. Si vit bien qu’il perdroit le remenant s’il n’avoit aide ; si manda au grant roy de Tharse qu’il li vousist aidier sa terre à secorre contre Sarrazins, et volentiers li feroit homage et devendroit ses hom. Si tost comme le roy de Tharse sot le propos du roy d’Ynde, il manda les plus puissanz princes de sa terre et leur commanda qu’il alassent secorre le roy d’Inde et sa terre que Sarrazins avoient destruite, et qu’il feussent en l’ayde des crestiens de tout leur pooir, et qu’il les amassent comme leur freres. Cil se mistrent atout grant compagnie de Tartarins à la voie et vindrent en Ynde. Le roy les reçut a grant joie et les ala saluer parmi les tentes, et puis s’en retorna à sa gent et assambla son ost avoec l’ost des Tartarins, et s’en vint contre Sarrazins qui l’atendirent en champ, car il ne cuidierent pas qu’il eust Tartarins en s’aide. Si furent touz desconfis et mis à destruicion, et veismes plus de xl mille esclaves que le roy commanda à vendre. Et sachiez, très douce suer chiere, que nous estions present devant le roy de Tharse quant les messages le pape vindrent devant lui, et li demanderent s’il estoit crestien. Et il respondi qu’il estoit crestien. Après, il li demanderent pourquoi il avoit envoié sa gent pour ocirre crestiens ? et il respondi que ce n’avoit-il pas fet puis qu’il fu crestienné. Mais il dist que ses devanciers avoient eu commandement en leur loy qu’il occeissent toute la mauvaise gent qu’il porroient trouver ; et pour ce commandement, il vodrent que l’en occeist les crestiens, car il cuidoient que ce feussent mauvese gent. Nostre Sires vous gart ! Sachiez certainement que nous vous avons mandé toute la contenance et la maniere des Tartarins puis que noz venismes en la leur terre. »


XLV.
Comment le roy fist aucunes demandes aus messagiers[291].

Quant le roy de France ot oïes et entendues les letres, il demanda aus messagiers le prince Eschartai, comment il sot qu’il devoit aler outre mer, et il respondirent : « Pour ce que le soudan de Babiloine avoit envoié lettres au soudan de Moisac[292], esquelles il estoit contenu que le roy de France venoit seur Sarrazins a grant ost et a grant navie et qu’il avoit pris par force xl nez toutes garnis qui estoient au roy de France. Et tout ce manda-il au soudan de Moisac par fraude et pour espoenter lei, car le roy n’avoit riens perdu à celle foiz en mer ; mais ainsi mandoit-il pour ce qu’il n’eust nulle fiance el roi de France ne en sa gent, car il penssoit bien que le soudan de Moisac desirroit mout à estre crestien. Et si tost comme le soudan de Moisac sot que le roy de France venoit seur Sarrazins, il le fist savoir au roi de Cham nostre mestre ; et pour ceste reison nous a envoié le prince Eschartai à vous, pour ce que vous sachiez le propos des Tartarins qui est tel qu’il voelent assegier la cité de Baudas et le califfe des Sarrazins en l’esté prochain à venir, et vous mande le prince Eschartai que vous assailliez Égypte, si que le Califfe ne puisse avoir secours de ceus d’Egipte. »

Après ce qu’il orent dit et forni leur message, le roy lor demanda de leur maniere, et il distrent que le pueple des Tartarins estoit issus hors de sa terre, bien avoit xl anz passez, et estoient si grant multitude qu’il n’est cité ne chastiau qui les peust soustenir, ne où il peussent demourer, ainz sont en boscages et en pastures où il entendent à norrir leur bestes. La terre dont il vindrent premierement est loing de la terre où le grant roy demeure par l’espace de xx jornées[293], et a non celle terre Tartar, « pour laquelle noz sommes apelé Tartarins ». Et distrent les messagiers que le roy Cham avoit avoec lui touz les haus princes de sa terre, et si grant multitude de gent à pié et à cheval, et si grant habondance de bestes que nul ne les porroit nombrer. En paveillons et en tentes demeurent touz jorz, quar nulle cité ne les porroit recevoir ; et leur chevaus et leur bestes demeurent touz jorz en pastures, car il n’ont orge ne paille ne autre chose qui peust souffire à leurs bestes. Les haus princes envoient devant leur forriers qui cerchent les terres et les contrées et prennent quanqu’il truevent et metent en leur seignorie, et de ce qu’il ont pris il en envoient une partie au roy Cham et à ses barons qui demeurent en sa compagnie, et l’autre retienent por eus soustenir. Si ont une coustume, que quant le grant roy Cham est mort, les princes et les chevetaines ont pooir d’establir et de faire nouviau roy ; mais il couvient qu’il soit fiuz ou neveu au roy qui devant est mort, ou qu’il li apartiegne de bien près. Et disoient les messagiers que le roy qui les avoient envoiez estoit issus de fame crestienne et avoit esté fille prestre Jehan le roy d’Inde[294]. Et par l’amonnestement de celle bonne dame et d’un saint evesque qui avoit non Chalassias[295], le roy des Tartarins et xviii autres roys et pluseurs autres princes avoient receu le saint baptesme[296] ; et sont encore entr’eus, mout de haus princes et pluseurs autres que ne se veulent crestienner. Et sachiez que le prince Eschartai par qui noz sommes ça venus est religieus de lonc temps, ne n’est pas de la real ligniée nez ; mais granz hom et puissanz est en la contrée de Perse. Le roy demanda aus messagiers pourquoi le duc Bacon avoit si vilment receuz les messagiers le pape qui aloient au roy Cham ; et il respondirent que le duc Bacon estoit païen et avoit en son ostel Sarrazins qui estoient de son conseil ; mais il n’a mais tel poesté comme il soloit avoir, ançois a esté desposé[297] et mis en la seignorie et sous la poesté au prince Eschartai. Le roy leur demanda derechief se le soudan de Moisac, lequel Moisac est apelé es anciennes escriptures Ninive, [estoit crestiens][298]. Les messages respondirent qu’il estoit filz de fame crestienne et qu’il amoit les crestiens et gardoit les festes des apostres et des martirs aussi comme les crestiens, ne n’obeïssoit de riens à la loy Mahomet, et estoit son propos d’estre crestien, ne n’atendoit autre chose mais qu’il poist avoir l’acordance de aucuns des barons de sa terre.


XLVI.
Comment le roi envoia en Tharse[299].

Ces choses dessus dites oïes et entendues, le roy ot conseil qu’il envoiast par ses propres messages letres et dons et joiaus au grant roy de Tharse et au prince Eschartai en tel maniere que les messages qui iroient au prince Eschartai retorneroient tantost comme il auroient parlé à lui, et les autres iroient au grant roy Cham. Le roy entendi par les messages que le roy auroit mout chier une tente en laquelle il eust une chapelle. Si en fist faire une mout belle d’escarlate vermeille, à pommiaus dorez, toute brodée de riches oevres ; et fist portraire dedenz comment les iii roys de Tharse aourerent Nostre Seigneur, et comment il reçut mort pour nostre rachatement[300]. Et tout ce fist-il faire por miex esmouvoir le roy Cham à la foy crestienne. Et si li envoia avoec tout ce du fust de la sainte croiz ; et en envoia une partie au prince Eschartai, et l’amonnesta mout par ses letres qu’il vossist secorre et aidier à la foy crestienne. Les messages[301] qui furent establiz pour aler au roy de Tharse et au prince Eschartai furent ii freres meneurs et ii preecheurs et ii clers et ii lais. Et fu la chose commandée à frere Andrieu de Lonc Jumel, comme mestre et chevetaine d’eus touz.


XLVII.
Comment le soudan de Babiloine se volt acorder au soudan de Halape par decevance[302].

Le soudan de Babiloine oï dire certainement que le roy de France estoit en Chipre et qu’il avoit avoec lui des plus nobles princes et des plus puissanz de la crestientié. Si se douta forment por ce qu’il avoit haine au soudan de Halape[303]. Si se mist à la voie et s’en vint droit en Jherusalem et manda les chastelains de toute la contrée, et leur commanda qu’il meissent garnisons es chastiaus et es fortereces de toute la contrée et de tout le païs, et leur dist bien qu’il se doutoit de la venue au roy de France. Quant il ot ces choses ordenées, il s’en vint vers les parties de Damas pour ce qu’il se voloit acorder au soudan de Halape et à touz ceus qu’il cuidoit qu’il feussent ses anemis, si qu’il les peust avoir en s’aide contre crestiens, et conta au califfe de Baudas et au Vieuz de la Montaigne, le sire des Haccasis, comment le descort estoit entre lui et le soudan de Halape ; et leur pria qu’il envoiassent prieres et messages au soudan de Halape pour ce qu’il peussent pacefier et acorder ensamble. Onques pour priere ne pour mandemant que cil seussent fere, le soudan de Halape ne se volt acorder. Quant le soudan de Baibloine sot qu’il ne se vouloit acorder, si manda ii amiraux devant lui et leur commanda qu’il alassent assegier la cité de Camelle[304], et qu’il se hastassent mout d’assaillir et de prendre la cité pour le temps d’yver qui aprochoit, et que tuit cil dedenz feussent mis à chetivoison s’il ne se rendoient.

Tantost les ii amiraus vindrent devant Camelle atout granz genz et assegierent la ville de toutes pars. Si comme il estoient devant la cité, une grant ravine d’iaue s’en vint devers les montaignes en l’ost, qui enporta grant partie de leur garnisons et de leur bestes, et euls meismes s’enfouirent. Bedouins qui bien virent leur domage, leur coururent sus et en pristrent assez et mistrent en leur prisons. Quant les ravines des eaues furent passées, les ii amiraus ralierent leur genz et rassamblerent ensamble et s’en vindrent derechief devant la cité. Le soudan de Halape qui bien sot leur contenance et leur meschief se hasta mout de venir seur euls atout grant gent, ne n’atendoit fors que la tempeste des eaues feust passée. Si li vint au devant le message au califfe et l’amonnesta de par son mestre que il feist pais au soudan de Baibloine, et li monstra et dist que mout de pertes et de domages vendroient à la sarrazine gent s’il ne s’acordoient ensamble, car crestiens venoient devers occident pour destruire la loy Mahommet. Et se il avenoit que Sarrazins se combatissent les uns contre les autres, grant confusion leur en porroit venir et grant perte, et joie et profit aus crestiens qui sont leur anemis.

Onques, pour chose que il seust dire ne sermonner, le soudan n’en volt rienz faire ne soi acorder à la pais, et dit que tant comme cil de Babiloine seroient en sa terre, il ne treteroit de tel chose ; et se il ne lessoient le siege de Camelle, il se combatroit à euls.

Quant le message au califfe vit apertement qu’il ne porroit faire la pès par devers le soudan de Halape, si se parti de lui et ala en l’ost à ceus de Babiloine et leur dist le peril où il estoient, et que le soudan de Halape venoit seur euls a grant force de gent. Tantost comme les amiraux entendirent les paroles du message au califfe, il se partirent de Camelle et retornerent a grant partie de gent et d’autres choses à Damas où le soudan sejornoit griefment malade. Après ce que le soudan fu alegiez de sa maldie, il manda le mestre du Temple[305], qui mout estoit ses amis, et li dist que mout li sauroit bon gré s’il pooit tant fere que le roy de France s’en retornast en sa terre, et que trives feussent données et jurées jusques à une piece de temps entre euls. Le mestre du Temple respondi que volentiers il i metroit paine. Lors manda ses messagers et leur bailla letres pour porter au roy de France, esquelles letres il estoit contenu que bonne chose seroit de faire pais au soudan de Babiloine. Quant le roy entendi les letres, si li desplut mout, et aussi fist-il aus barons de France ; car, si comme aucuns disoient, le mestre du Temple amoit bien autrement[306] le proufit au soudan et s’onneur comme il fesoit au roy de France ou plus. Tantost le roy manda au mestre du Temple, par ses letres autentiques, que il ne feust dès ore en avant si osez qu’il receust nul mandement du soudan de Babiloine sanz especial commandement, ne que parlement tenist aus Sarrazins de riens qui apartenist au roy de France ne à ses barons.

Tant avoit grant amour entre le soudan et le mestre du Temple que quant il voloient estre sainiez, il se faisoient sainier ensamble et d’un meismes bras et une meisme escuelle. Pour telle contenance et pour pluiseurs autres, les crestiens de Surie estoient en soupeçon que le mestre du Temple ne feust leur contraire. Mais les Templiers disoient que telle amour monstroit-il et telle honneur li portoit por tenir la terre des crestiens en pais, et qu’elle ne feust guerroiée du soudan ne des Sarrazins.


XLVIII.
Des messages au roy d’Ermenie envoiez au roy de France[307].

Le roy d’Ermenie oï dire par certaine gent que le roy de France estoit en Chipre ; si li envoia ii evesques et ii chevaliers qui aporterent dons et presens et lettres esquelles il avoit escript qu’il metoit tout son reanme à la volenté au roy de France. Le roi reçut les messages mout honorablement et entendi par eus qu’il avoit grant descort entre le roy d’Armenie leur mestre et le duc d’Antioche, et avoit ce descort duré longuement et requeroit le roy d’Armenie qu’il li pleust qu’il mandast au duc d’Antioche qu’il se vousist acorder à faire pais ; et de tout le contens qui estoit entr’eus, le roi d’Ermenie se metoit sus le roy de France et qu’il en vosist ordener tout à sa volenté. Quant le roy ot entendu les messages, il manda au duc d’Antioche que ce n’estoit pas honneste chose de avoir descort entre les princes crestiens qui devroient estre d’une meismes volenté. « Por laquel chose nous vous prions que vous souffrez de mener guerre contre le roy d’Ermenie qui est de nostre foi et de nostre creance. Et s’il a vostre terre domagiée ou fait autre outrage, il vous sera restoré par nous et par nostre conseil. » A la pais s’acorda le duc d’Antioche sus tele condition que le bon roi de France li presteroit v cens[308] arbalestiers pour garder sa terre et deffendre contre ceus de Turquie qui par maintes foiz l’avoient assailli et grevé.


XLIX.
Comment descort mut entre le visconte et les mariniers[309].

Si tost comme les messages au roy d’Armenie furent parti du roy, le deable, qui touz jorz het pais et amour, mist contens et descort entre le viconte de Chestiaudun[310] et les mariniers qui devoient l’ost conduire outre mer, et se meslerent la gent au viconte aus mariniers et s’entreferirent de coutiaus trenchanz et d’espées et en i ot de bleciez et de mors. Entre lesquiex, ii Genevois furent ocis, des plus haus mestres d’eus touz. Le cri et la noise en vint devant le roy qui en fut mout corrouciez et commanda que l’en alast à eus pour eus departir atout iv mile hommes bien armez. Cil se bouterent en euls et les departirent à grant paine, tant estoient eschaufez les uns contre les autres. Le viconte sot bien que sa gent avoient mespris ; si se douta du roy et prist conseil au conte de Montfort[311] pour passer en Acre atout sa chevalerie ; mais le conte ne li loa pas sanz le congié du roy. Et quant le roy le sot, il li manda que il ne feust si osez qu’il passast outre, car par celle achoison se porroit l’ost departir et dessevrer, et la voie qu’il avoit emprise en seroit enpeechiée. Mais il feroit tant qu’il les acorderoit et qu’il sauroit lesquiex auroient esté cause du contens ; et que l’en s’en meist du tout en tout sus le cardinal[312]. A ce s’acorderent les Genevois et promistrent sus paine de ii cens mars d’argent qu’il se sofferoient à jugier à la court au roi de France du contens et du descort meu entre eus et le viconte de Chestiaudun.


L.
Comment le roy manda galies pour passer outre[313].

Quant le viconte fu acordé aus Genevois, le roy de France envoia en Acre et aus autres citez sus mer pour avoir nez et vessiaus en quoi il peust passer outre ; mais ceus qu’il y envoia n’i porent riens faire, car en ce point estoit trop grant descrot entre les Genevois et les Piseins, et fu occis le mestre des Genevois[314] d’un javelot. Et si ravoit trop grant descort, d’autre part, entre le baillif de Chipre et les Veniciens. Les messages s’en retornerent sanz autre chose fere, et raconterent ce qu’il avoient trouvé. Quant ces messages furent retorné et ne porent rienz fere, le roy y envoia derechief le patriarche de Jherusalem[315] et l’evesque de Soissons[316] et le connestable de France[317] pour les vessiaus louer, et leur commanda qu’il feissent une bonne pais des Genevois et des Piseins. Endementres que les messages s’en alerent vers Acre pour trouver navie, le roy fist faire petites nacelles pour prendre terre quant il vendroit près. Celle jornée que les naceles furent commenciées à faire, l’en prist II espies qui confessierent que le soudan de Babiloine les avoit envoiez là por enpoisonner le roy et tout son ost. Si estoit leur propos de metre le venin es garnisons que l’en devoit trousser es nez.


LI.
Comment le roy entra en mer pour aler à Damiete[318].

Après ii mois passez, les messages le roy cerchierent tant qu’il trouverent bonnes nez prestes et apareilliées, et les envoierent au roi. Dont les barons furent liez, car il leur anuioit forment de tant sejorner en Chipre. Lors s’assamblerent les barons de toutes pars et les pelerins qui avoient sejoré es illes entour Chipre toute la saison d’yver. Si tost comme les garnisons furent faites et le roi dut entrer en mer[319], il manda les mestres notonniers et leur commanda que tuit s’adreçassent d’aler au port de Damiete. Lors entrerent tuit en mer et se seignierent tuit et se commanderent en la garde de Dieu. Les mariniers drecierent leur voiles et apresterent leur cordes et leur gouvernaus et leur ancres.


LII.
Comment le roy retorna pour le temps[320].

L’an de grâce mil CC et XLIX, se parti le roy du port de Nimeçon a grant compagnie de bonne gent. Les mestres mariniers siglerent et se bouterent en haute mer. Si tost comme il furent en haute mer, le vent se torna contre eus et les torna arrieres vers Chipre à une cité qui a non Paffons[321], et iluec s’arresterent par l’espace de iii miles por le vent qui estoit assouagiez ; mès il ne demoura guieres qu’il commença à enforcier plus que devant et les mena au port de Nimeçon[322] dont il estoient partis. Si comme il furent retorné au port de Nimeçon contre leur volenté, le prince de la Morée[323] s’assambla à euls, qui venoit en l’aide le roy, pour secorre la terre d’outre mer, et le duc de Bourgongne[324] qui avoit séjorné tout l’yver à Romme. Lors atendirent les uns les autres pour ce que les nez s’estoient espandues en dyvers lieus par la force du vent, et qu’il furent tous ensamble.

L’endemain, par matin, que le vent ne fu de riens contraires, les mariniers drecierent leur voiles et se mistrent au chemin et commencierent à sigler à voiles estenduz ; et le vent se feri dedenz qui les commença si tost à mener qu’il sambloit qu’il volassent en l’air. Droitement le jour de la Ternité[325] se partirent touz les pelerins du port de Nimeçon et esrerent si hastivement que le vendredi[326] après il aperçurent la terre d’Egypte et choisirent la cité de Damiete. Là s’en alerent au plus droit que il porent et se hasterent mout de prendre port. Mais il trouverent grant foison de Sarrazins qui leur contredirent le port et se tindrent tuit serré et rengié seur une riviere qui vient de vers paradiz terrestre, que l’en apelle Nilus, qui iluec endroit chiet en mer assez près du port de Damiete, et se mistrent tantost les Sarrazins en galies et en barges pour aler contre euls. Le roy prist conseil à ses barons qu’il porroit faire. Si fu acordé qu’il se tendroient en leur nez jusques à l’endemain. Si tost comme il fu ajorné, il pristrent terre maugré les Sarrazins en une ille[327] où le roy de Jherusalem[328] avoit autre foiz pris port, quant il vint asseoir Damiete. Les barons s’armerent et toute leur gent, et entrerent en galies et en barges, et le roy fu en une petite galie avoec le cardinal qui tenoit le fust de la sainte croiz mout hautement et dignement. En une autre galye qui aloit devant le roi, estoit l’enseigne Saint Denis en France. Et les freres le roy furent tout entour avironnez de grant plenté de chevaliers et de sergenz d’armes et d’arbalestiers. Si comme il aprochierent près de terre, il se lancierent en leur anemis ; et les Sarrazins, seetes et darz leur lancierent et gaveloz espessement. Et quant vint à l’aprochier, il les ferirent des glaives et des lances ; et firent tant les barons qu’il furent joint et mellez ensamble, et reculerent Sarrazins, et fu grant l’abateiz et l’occision de Turs et de chevaus sanz point de domages des barons. Furent occis aucuns granz mestres des Sarrazins, si comme l’apostat de Damiete[329] et ii amiraus et grant foison de pietaille[330].

En celle bataille ne fu pas le soudan de Babiloine qui estoit venus des parties de Damas et se tenoit à une mille[331] de Damiette pour ce qu’il estoit enferme de son cors. Quant celle desconfiture fu faite et celle occision, les galies des barons porpristrent toute la riviere de Nilus et estouperent toute l’entrée et pristrent des galies aus Sarrazins, ce qu’il en porent avoir, et les autres s’enfouirent contremont la riviere. Après ce qu’il s’en furent foui, le roy et ses barons firent tendre leur tentes et lor paveillons sus le rivage et se reposerent celle nuit et le diemenche[332] toute jour. Et fu commandé que les garnisons et les chevaus descendissent à terre et venissent en l’ost.


LIII.
Comment Damiete fu prise des barons de France[333].

Les Sarrazins de Damiete furent si espoentez que si comme les barons de France entendoient à euls logier, il atendirent tant qu’il fu anuitié, et puis s’en issirent de la ville celeement, et bouterent le feu dedenz. Quant la gent de France l’aperçurent, si coururent vers la cité ensemble et entrerent dedenz parmi i pont de nez que Sarrazin n’orent pas loisir de depecier, et regarderent entour la ville et aperçurent bien que Sarrazin s’en estoient fouiz ; si le firent savoir au roy et quant il le sot il fist metre sa garnison par toute la cité et fist tendre les trez et les paveillons plus près de la cité. Mout grant garnison trouverent en la ville, et si en avoient Sarrazins assez porté et le feu en avoit gasté d’autre part grant partie.

La cité estoit fort de murs, et de hautes tours avironnée, et le Nilus qui tout entour couroit, et si avoit esté enforciée puis le temps que le roy de Jherusalem l’avoit prinse. Le roy commanda que la cité fust delivré des charongnes d’ommes et de bestes et d’autres ordures. Quant la cité fu delivrée des ordures, le legat et le patriarche de Jherusalem et les evesques qui present estoient, atout le clergié, entrerent à procession en la cité, chantant la loenge de Dieu ; et le roy ala après tout nuz piez et les barons et le pueple mout devotement. Le legat vint premierement à la mahommerie et en fist giter les faus ymages qu’il i trouva, et reconcilia la place en l’onneur Nostre Dame sainte Marie[334] et chanta une messe de Nostre Dame. Le roy demoura tout l’esté en la ville, jusques atant que la riviere de Nilus fu retraite, qui celle année fu si grant qu’elle porprenoit toute la terre et toute la contrée. Autrefoiz avoit-elle grevé le roy Jehan de Jherusalem quant il prist Damiete[335]. Si comme le roy demouroit à Damiete, ii messages vindrent devant lui et li distrent que le conte de Poitiers venoit au plus tost que il pooit, et qu’il estoit entrez en mer le jour de saint Jehan Baptiste[336] avoec la contesse d’Artois qui venoit avoec li pour veoir son seigneur. Après ce ne demoura pas mout que les messages furent venu, que le conte de Poitiers et la contesse d’Artois arriverent au port de Damiete, et alerent les barons contre euls et les reçurent a grant joie.


LIV.
Comment le roy ala à l’Aumaçorre[337].

Entour la feste de Toussains, le roy de France et les barons pristrent conseil d’aler à la Maçourre[338] ; si appareillierent leur ost parmi la riviere de Nilus et par terre, et issirent de Damiete, le vintiesme jour de novembre, contre Sarrazins qui les atendoient d’autre part devant i chastel que l’en apelle la Maçourre. Si comme l’ost des barons aloit celle partie, Sarrazins les commencierent à costoier et leur commencierent à lancier et à traire et saillir à eus, et reculer aussi comme en fuiant, et puis si retornerent seur euls et les feroient des darz et des gaveloz[339]. En ceste maniere souffroient granz assaus les barons, mais ce ne fu pas sanz grant occision de Sarrazins. Tant alerent les barons qu’il vindrent devant la Maçourre[340] ; si n’en porent aprochier pour une riviere qui estoit entre la ville et l’ost des François, qui a non Thaneos et chiet assez près d’iluec en la riviere de Nilus. Si tendirent leur tentes et leur paveillons entre ces ii rivieres et pourpristrent toute la terre de l’une riviere jusques à l’autre. Si comme il furent iluec hebergié, novelles leur vindrent que le soudan de Babiloine estoit mort[341]. Mès avant qu’il morust, il manda son filz es parties d’Oriant[342] que il venist hastivement en Égypte. Quant cil oï le commandement son pere, si se mist à la voie et vint à lui. Si tost comme il fu venu, le soudan manda touz les puissanz hommes de son ost et leur requist qu’il feissent feuté et homage à son filz ; et cil le promistrent et jurerent. Le soudan qui senti la mort bailla son ost à conduire à i amiraut qui avoit non Farhadin[343].


LV.
Comment François passerent Thaneos[344].

En celle place se conbatirent les François par maintes foiz contre Sarrazins et en ocistrent assez et geterent en la riviere de Nilus qui est parfonde et roide. Et pour ce qu’il ne pooient à euls aprochier, il firent une chauciée dessus la riviere de Thaneos[345] pour ce qu’ele estoit parfonde, si qu’il peussent plus legierement avenir aus Sarrazins. Les Sarrazins, qui d’autre part furent, mistrent grant paine à despecier la chauciée et à destruire par engins que il drecierent ; et depecierent i chastiau de fust que li baron avoient drecié sus le pas de la chauciée, si qu’il ne porent passer outre ne à pié ne à cheval.

Si comme il estoient en grant penssée comment il passeroient outre, uns Sarrazins leur dist, qui avoit esté pris en l’ost, qu’il porroient bien passer outre par une voie qu’il leur monstra assez près de la chauciée qu’il faisoient. Lors s’en vindrent au pas que le Sarrazin leur monstra, et passerent tout outre a grant paour qu’il ne fussent noié por le rivage qui estoit mol et plain de fange et de boe, et vindrent droit à la chauciée où les Sarrazins avoient dreciez leur engins pour rompre la chauciée. Quant les Sarrazins les aperçurent, qui garde ne s’en donnoient, si furent touz esbahis ; si tornerent en fuie. Li baron alerent après euls et ocistrent tous ceus qu’il porent ataindre, entre lesquiex Farhadin[346] fu occis, qui estoit le mestre capitaine de leur ost. Après ce qu’il les orent chaciez, il retornerent aus tentes des Sarrazins et ocistrent touz ceus qu’il i trouverent, et puis tornerent à la Maçorre, et se desclostrent[347] et espandirent parmi le champ.

Quant les Sarrazins de l’Aumaçorre virent leur sote contenance, si pristrent force en euls et retornerent sus les barons et les avironnerent et enclostrent de toutes pars, et en ocistrent grant foison. Le conte d’Artois vit que les portes de la Maçourre estoient ouvertes ; si torna celle part entre lui et i chevalier du Temple[348], et se bouta dedenz la vile. Mais il fu tantost occis que onques pus ne pot l’en savoir qu’il fu devenuz. Celle jornée fu grieve et aspre aus barons, car Sarrazin leur lancierent quarriaus et seetes espessement aussi comme se ce feust pluie. Mès tant se tindrent jusque à heure de nonne, qu’il vainquirent l’estour et enchacierent Sarrazins du champ par l’aide des arbalestiers.

Quant Sarrazin furent chaciez du champ, les barons se recueillirent ensamble et mistrent leur trez et leur paveillons delez les engins aus Sarrazins qu’il avoient gaagniez. Iluec se reposerent le remenant du jour et toute la nuit. L’endemain[349] firent i pont de fust por venir à euls ceus qui estoient demouré de l’autre part de la riviere de Thaneos. Quant le remenant de la gent fu outre passé, si drecierent leur tentes entour le roy, et firent lices et clotures entour leur paveillons des engins aus Sarrazins, pour estre plus aseur. Nouvelles alerent par tout le païs que cil de la Maçourre estoient assis de crestiens ; si commencierent à venir de pluseurs parties en l’aide de la Maçorre ; si s’asamblerent ensemble et vindrent jusques aus lices et commencierent à assaillir a grant effors et espoentable. Les barons s’apresterent d’eus deffendre, et ordenerent leur batailles et se ferirent en euls si viguereusement qu’il les firent reculer et torner en fuie vers l’Aumaçorre, et les chacierent de si près qu’il en ocistrent et pristrent des plus hardiz et des miex renommez.


LVI.
Comment François se partirent de la Maçourre[350].

Poi demoura après que le fiuz au soudan qui mandez estoit devant la mort son pere es parties d’Oriant où il sejornoit[351], vint à la Maçorre a grant compagnie de Sarrazins. Quant cil de la Maçourre sorent sa venue, si sonnerent contre lui cors et buisines et tabours, et alerent contre lui, et le reçurent a grant joie et lieement comme seigneur. Pour la venue de lui, crut et enforça la puissance aus Sarrazins, et aus pelerins avint tout le contraire, car une pestilence de diverses maladies, et mortalité tote commune avint lors aus homes et aus bestes et aus chevaus, dont il furent si tormentez que poi en y avoit qui se poissent aidier. Et avoec ce qu’il estoient si domagié de diverses maladies, orent-il souffretes de viandes et que pluseurs defailloient par fain, car les vessiaus ne pooient venir parmi la riviere ne rienz aporter par devers Damiete, pour les Sarrazins qui leur aloient encontre ; et prinstrent ii vessiaus qui aportoient grant foison de vitaille et moult d’autres biens, et ocistrent touz ceus qui dedenz estoient, si que viandes faillirent aussi comme du tout, et soustenance aus chevaus ; si chairent en desconfort et en grant paour. Adont leverent le siege devant la Maçourre et se mistrent au retour vers Damiete[352].


LVII.
Comment le roy fu pris à la Maçorre[353].

Si comme le roy de France et sa gent estoient au chemin pour retorner à Damiete, Sarrazin s’aperçurent qu’il lessoient le siege ; si s’armerent et commanderent que tuit cil qui porroient armes porter ississent hors por les pelerins desconfire, et s’en vindrent à eus a si grant plenté de gent d’armes que à paines pooient estre esmé. Le roy ne sa gent qui estoient foibles et malades ne se porent deffendre contre si grant gent, et leur fu fortune si contraire que tuit furent pris et une grant partie occis ; mais ce ne fu pas sanz grant bataille. Devant le roy estoit i sergent d’armes que l’en apeloit Guillaume du Bourc la Royne[354], qui tenoit entre ses poins une grant hache et faisoit si grant abateiz et si grant occision que tuit li Sarrazin estoient esbahiz de sa grant force. Le roy li commença à crier à haute vois qu’il se rendist, car il doutoit mout que si bon sergent ne feust ocis. Et ne pourquant ja n’en feust eschapé, se ne feust crestien renoié qui li dist en englois qu’il se rendist, et il li sauveroit la vie. Tant ferirent et chaplerent les Sarrazins sus crestiens que tuit furent pris. Le roy estoit si malades qu’il ne se pooit soustenir ; si fu portez entre bras avironnez de Sarrazins, à la Maçourre[355]. Quant vint vers vespres, le roy demanda son livre pour dire vespres, si comme il avoit acoustumé, mès il ne trouva nul qui li poist baillier, car il estoit perduz avoec le harnois le roy. Si comme il penssoit dolens et tristes, en i seul moment, le livre fu aporté devant lui, dont cil qui entour lui estoient se merveillierent mout.

De toute la gent au roy de France qui avoec lui estoient alé à la Maçourre, n’eschapa fors le cardinal de Romme[356], qui s’en estoit partis i po devant ; et sil qui cuidirent eschaper parmi la riviere furent tuit pris et toutes leur galies et les biens qui dedenz estoient. Et ocistrent les Sarrazins touz les malades qu’il trouverent, et pluseurs en desmenbrerent a grant haschie et a grant douleur.


LVIII.
Comment le Soudan requist le roi de pais[357]

Quant Sarrazins orent pris le roy de France et toute sa gent, si leur firent mout de despis et leur crachierent es visages, et pissierent seur euls et seur le singne de la croiz, et defoulerent aus piez. Et quant il les orent bien batuz et laidiz, il les envoierent en diverses prisons. Le roy estoit si malade que sa gent avoient petite esperance de sa vie. Si li donna Dieus si grant grâce que le Soudan fist prendre garde de lui par ses mires et li fist aministrer quanqu’il voloit, tout à sa volenté. Tant ala le temps avant, que le roy torna à guerison et qu’il respassa de sa maladie, et si tost comme il fu gueriz, le Soudan le fist requerre de pais et de trives aussi comme par menaces, et requist que Damiete li fust rendue avoec toute la garnison que sa gent i avoient trouvé, et que touz les cous et les domages et les despens qu’il avoit faiz dès le jour que Damiete fu prise, li fussent renduz et restabliz. Adont parlerent ensamble de faire pais et de raençon en la maniere qui s’ensuit.

Ce est asavoir que le roy seroit delivré et touz ceus qui estoient venuz avoec lui en Égipte et touz autres crestiens, de quelque nacion qu’il feussent, dès le temps que Aymel qui fu soudan et ayol de cestui soudan, qui donna à son temps trives à l’empereour Federic[358], metroit hors de prison et deliverroit franz et delivres de tout empeechement. Derechief de toutes les terres que li crestien tenoient el reanme de Jherusalem, il tendroient paisiblement et auroient terme des Sarrazins jusques à x anz. Et por ces convenances faire fermes et estables, le roy estoit tenu de rendre Damiete et viiim besanz sarrazinois[359] et par tel couvenant que le roy de France deliverroit touz les Sarrazins qu’il avoit pris en Égypte puis le temps qu’il i estoit venus, et touz les autres Sarrazins qui avoient esté prins puis le temps l’empereour Federic. Avoec tout ce, il fu acordé que touz les biens et les muebles que le roy avoit lessiez en Damiete, et tuit li baron, leur seroient sauve et seroient souz la garde au Soudan et en sa deffense jusques atant qu’il feussent conduit en la terre des crestiens. Et touz les enfermes crestiens et les autres qui demorroient pour leur biens oster de Damiete, seroient aseur, et s’en porroient partir toutes foiz qu’il voudroient sanz empeechement, ou par mer ou par terre ; et leur donroit le Soudan seur conduit jusques en la terre des crestiens.

[360]Si comme ces choses furent acordées et affermées par serement, le soudan ala disner en sa tente aussi comme entour tierce. Si comme il fu levez du disner, aucuns admiraus li vindrent au devant et li lancierent coutiaus et espées, et le navrerent mortelment, et puis le bouterent contre terre et le detrenchierent en pluseurs pieces devant touz les admiraus de son ost. Mais ce ne fu pas sanz l’acort de la greigneur partie. Quant l’aventure fu ainsi avenue, les admiraus qui avoient le soudan occis vindrent à la tente le roy touz eschaufez de ire et de corrous, et leverent les espées toutes sanglentes sus sa teste et puis li apuierent aus costez aussi comme se il le vousissent ocirre, et li distrent qu’il leur promeist à tenir fermes les couvenances qu’il avoit promises au soudan, et firent granz menaces de lui et de ses barons s’il ne rendoit tantost Damiete selonc ce qu’il avoit devant promis. Cil qui avoit occis le soudan, qui Julian avoit à non, vint au roi l’espée traite et ensanglentée[361], et li dist qu’il le feist chevalier et mout bon gré l’en sauroit. Le roy respondi que ja ne le feroit chevalier s’il ne vouloit estre crestien ; et s’il se vouloit acorder à estre crestien il le feroit chevalier et l’enmenroit en France, et li donroit graindre terre qu’il ne tenoit et plus grande seignorie. Et Julian respondi qu’il ne seroit ja crestien.

[362]Aus couvenances affermer en la maniere que le roy avoit promis au soudan, voudrent li Sarrazin qu’il meist en ses letres qu’il renioit Dieu, le fiuz de la Virge, s’il ne tenoit couvenant de ce qu’il prometoit. Et les admiraus metoient en leur letres qu’il renieroient Mahommet et sa loy et toute sa puissance s’il faisoient rienz encontre les couvenances dessus dites, pour chose qu’il seussent dire ne faire ; ne s’i volt le roy acorder. Lors dist i amiraut : « Nous nous merveillons comme tu soies nostre esclave et nostre chétif, comment tu oses parler si baudement. Saches, se tu ne t’i acordes, je t’ocirrai tout maintenant. » Le roy respondi : « Le cors de moi porrez ocirre ; mais l’âme n’ocirrez vous ja. » A la parfin furent les couvenances jurées à tenir fermes en la maniere qu’il avoient esté acordées entre le roy et le soudan, et assenerent jour quant li prisonnier seroient delivré et Damiete rendue. Bien est la verité que à rendre Damiete ne s’acorda pas le roy de legier ; mais il li fu bien dit et moustré d’aucuns sages hommes que il ne la porroit tenir longuement sanz estre perdue. Au jour qu’il fu determiné, Damiete fu rendue aus amiraus[363] et il delivrerent le roy et ses freres et les barons et les chevaliers de France, de Jherusalem, et de Chipre et de toutes autres contrées, fors aucuns qu’il en retindrent, qui estoient en divers païs en prison.


LIX.
Comment le roy se parti de Égypte[364].

Toutes ces choses ainsi avenues comme nous avons devisé, le roy de France se parti d’Égypte[365] et les barons et li autre qui avoec lui furent delivré, et lessierent certains messages en Damiete pour recevoir les chetiz emprisonnez et pour garder les biens que il avoient lessiez, car il n’avoient pas souffisant navie là, où il les en poissent touz porter. Le roy et les barons vindrent en Acre dolent et corroucié por la perte que il avoient faite. Si prist le roy une partie de sa gent et les envoia en Égypte pour avoir les prisonniers des mainz aus Sarrazins[366]. mais il leur fu respondu qu’il auroient ançois tuit parlé ensamble. Pour ceste raison demourerent grant piece en Babiloine, en esperance d’avoir les prisonniers. Et la fin avint que de xii mile, que vieus que jeunes, li amiraut n’en rendirent que iiii mille[367], ançois pristrent les autres, si les apointierent de glaives et d’espées parmi les costez et leur firent les piez larder pour ce que il reniassent la foi crestienne et se tornassent à Mahommet et à sa loy. Par le torment que il reçurent, li pluseur renierent Dieu et sa douce mere et se tornerent du tout à la loi Mahommet. Les autres, qui furent très bons champions et vertueus et très fors en la foi crestienne, se tindrent forment en leur propos, tant qu’il soffrirent mort et conquistrent la vie pardurable sanz fin et la couronne de gloire.


LX.
Comment le roi s’en retourna en France[368].

Le roi fist aprester sa navie et volt retorner en France car il cuida certainement que les admiraus li tenissent son couvenant. Mais les messagiers qui retornez furent de Babiloine, li conterent la fausseté des Sarrazins, et que il avoient bien entendu que il ne tendroient foi ne serement qu’il li eussent en couvenent, et que il n’avoient delivré que la tierce partie des prisonniers crestiens. Quant il oï ce, il en fu forment corrouciez, et requist conseil qu’il porroit faire de tel besongne. Si li loerent les barons[369] qu’il ne se partist pas si tost de la terre d’outre-mer, quar elle seroit en greigneur peril qu’elle n’estoit avant que il venist ; et pour ce que les crestiens prisonniers seroient sanz esperance d’estre delivrez et se tendroient aussi comme du tout perduz, si que sa demeurre porroit faire grant bien à toute la Terre Sainte ; et meesmement pour le descort qui estoit entre ceus de Babiloine et le soudan de Halape[370], quar le soudan de Halape avoit ja pris Damas et pluseurs autres chastiaus qui estoient de la seignorie à ceus de Babiloine. Quant le roy oï tiex paroles, si ama miex à demourer que de prendre aaisement et repos en son reanme, et manda son frere le conte de Poitiers[371], et li commanda qu’il alast garder le reanme de France avoec la royne Blanche sa mere qui mout le gardoit sagement.


LXI.
De la mort l’empereur Federic et Henri son filz[372].

Celle année avint que li ainsnez fiuz l’empereor Federic, qui Henri[373] avoit à non, fu forment corroucié de ce que son pere estoit desposé de l’empire ; si assambla grant ost de Guibelins pour destruire et empirier le siege de Romme. Si comme il fu acheminé pour aler vers Romme, une fievre continue le prist, dont il morut. Quant il fu mort, sa gent n’orent point de seigneur ; si s’en retorna chascuns en sa contrée. Li emperere fu mout affebloié de la mort Henri son filz ; si s’en ala en Puille à Mainfroi[374] son fiuz de bast et commença à traire les barons à soi ; si leur monstra singne d’amour et leur requist qu’il feissent de Mainfroi leur sire, et leur monstra mout d’essemples qui estoient à la confusion de l’eglise de Romme. Si comme il machinoit contre le pape Innocent, une rieume li descendi en la gorge qui li estoupa les conduiz, si qu’il ne pot avoir s’alaine, si en morut[375].

Quant le pape Innocent sot certainement que l’empereour estoit mort, si se parti de Lyons[376] et vint à Romme, et puis d’iluec à une cité que l’en apelle Avengne[377], et iluec sejorna une piece, quar il n’osa aler plus avant vers Puille pour la doutance de Mainfroi prince de Tarante.

Nouvelles vindrent à Corrat que son pere l’empereour Federic estoit mort et Henri son frere. Si li fu aviz que la terre li devoit apartenir ; si se fist faire chevalier et espousa la fille au duc de Baviere[378]. Après ce qu’il l’ot espousé, il sejorna une piece de temps avoec sa fame, et puis manda touz ses amis et leur pria qu’il li feussent en aide tant qu’il peust tenir le reanme de Sezile et la terre de Puille et de Calabre, aussi comme l’empereour tenoit ; et il respondirent qu’il li seroient tuit en aide. Lors assambla grant ost et se parti d’Alemagne et lessa sa fame ençainte de Corradin ; si passa parmi Romenie et s’en vint en Puille et commença forment à monter en la seignorie de Sezile et de Puille et assist la cité de Naples atout grant ost, pour ce qu’elle estoit de la partie de l’Église. Avant ce qu’il venist devant Naples, Mainfroy son frere y avoit esté v foiz pour prendre la cité, mais il n’i pot onques mal fere, ne de riens la cité empirier. Cil Corrat tint ceus de Naples[379] si estroitement qu’il se rendirent seur tel covenant qu’il les tendroit en autel estat comme il estoit devant, ne que ja la cité ne les murs ne les fortereces ne depeceroit ; et il leur promist et jura. Aussitost comme il en fu seigneur, il fist abatre les murs de la cité et les fortereces et toutes les meisons deffensables. Pour l’outrage qu’il en fist, Corradin son filz qui estoit el ventre sa mere ot la teste copée[380], si comme l’estoire le racontera en la bataille de Corradin. Si comme il devoit passer en Sezile pour estre couronnez, une maladie le prist que l’en apelle dissintere, qui fist dessevrer l’ame du cors[381]. Quant il fu mort, si ot mainz d’anemis le pape Innocent ; si se mist plus avant el reanme de Sezile, par le conseil de aucuns sages hommes, contre le prince Mainfroi qui de tout son pooir estoit contraires à l’Eglise, et fist aliances conjointement aus Sarrazins qui li furent en aide avoec touz les puissanz homes du païs. Tant fist et tant laboura qu’il le firent roy de Sezile.


LXII.
La croiserie des Pastouriaus[382].

Une autre aventure avint en l’an de grace mil CC et LI[383], el reanme de France, quar i mestre qui savoit art magique fist couvenant au soudan de Babiloine qu’il li amenroit par force d’art tous les jouvenciaus de l’aage de xxv anz ou de xxx ou de xvi, par tel couvenant qu’il auroit de chascune teste iiii besanz d’or. Et ces couvenances furent fetes el temps que le roi estoit en Chipre. Et fist entendant au soudan qu’il avoit trouvé en son sort que le roy de France seroit desconfis et seroit tenus et mis en mainz de Sarrazins. Le soudan fu trop durement lié de ce que cil disoit, car trop durement doutoit le venue au roy de France. Si li pria mout qu’il s’avançast d’acomplir ce qu’il prometoit, et li donna or et argent à grant foison, et le baiser en la bouche en signe de grant amour.

Ce mestre s’en parti de la terre d’outre mer et s’en vint en France. Quant il fu en l’entrée, si se pourpensa où et en quel partie il geteroit son sort. Si s’en ala droit en Picardie, et prist une poudre qu’il portoit et la jeta contremont en l’air parmi les champs, en non de sacrefice qu’il fit au deable. Quant il ot ce fet, il s’en vint aus pastouriaus et aus enfanz qui gardoient les bestes et lor dist qu’il estoit homme de Dieu. « Par vous, mes douz enfanz, sera la terre d’outre mer delivré des anemis de la foi crestienne. » Si tost comme il oïrent sa vois, il lessierent leur bestes et s’en vindrent après lui, et le commencièrent à suivre partout là où il volt aler ; et touz ceus qu’il trouvoit se metoient à la voie après les autres, si que sa compaignie fu si grant que en mainz de viii jourz il furent plus de xxxm, et vindrent en la cité d’Amiens, et fu toute la ville plaine de pastouriaus. Cil de la ville leur abandonnerent vins et viandes et tout quanqu’il demanderent, quar il furent si enfantosmé, qu’il leur estoit aviz que nulle plus sainte gent ne porroient estre. Si demanderent qui estoit le mestre d’euls, et il leur monstrerent ; et vint devant eus atout une grant barbe, aussi comme se il fust homme de penitance, et avoit le visage pale et mègre. Quant il le virent de tel contenance, il li prierent qu’il preist leur hostieus et leur biens tout à sa volenté. Neis, aucuns s’agenoillierent devant lui aussi comme se ce feust i cors saint et li donnerent quanqu’il volt demander. Diluec s’en parti et commença à avironner tout le païs et à pourprendre touz les enfanz de la contrée, tant qu’il furent plus de lxm. Quant il se vit en si grant estat, si commença à preecher et à despecier mariages et refaire tout à sa volenté, et disoit qu’il avoit pooir d’assoudre de toutes manieres de pechiez. Quant les prestres et les clers entendirent leur affere, si lor furent contraires et leur monstrerent qu’il ne pooient ce faire. Pour ceste achoison les ot en si grant haine le mestre, qu’il commanda aus pastouriaus qu’il tuassent touz les prestres et touz les clers qu’il porroient encontrer. Ainssi s’en ala parmi le païs tant qu’il vint à Paris. La royne Blanche, qui bien sot leur venue, commanda que nul ne fust si hardiz qui les contredeist de rienz, car elle cuidoit aussi comme les autres cuidoient, que ce feussent bonne gent de par Nostre Seigneur ; et fist venir le grant mestre devant lui et li demanda comment il avoit non ; et il respondi que l’en l’apeloit le mestre de Hongrie. La roine le fist mout honorer et li donna granz dons. De la royne se parti et vint à Paris à ses compaignons qui bien savoient sa mauvaistié. Il leur pria qu’il penssassent d’ocirre prestres et clers quanqu’il en porroient trouver, quar il avoit la royne si enchantée et toute sa gent, qu’elle tenoit mout bien à fait quanqu’il feroient.

Tant monta le mestre en grant orgueil qu’il se revesti comme evesque en l’eglise de Saint Huistace de Paris, et preecha la mitre en la teste comme evesque, et se fist mout honorer et servir. Les autres pastouriaus alerent partout Paris et ocistrent touz les clers qu’il i trouverent. Et couvint que les portes de petit pont feussent fermées, pour la doutance qu’il n’oceissent les escoliers qui estoient venus de pluseurs contrées pour aprendre. Quant ce mestre de Hongrie ot Paris plumé de quanque il pot, il s’en parti et devisa ses pastouriaus en iii parties[384], quar il estoient tant que il ne peussent pas trouver ville qui les peust touz hebergier ne soustenir. Si en envoia une partie à Bourges et commanda à ceus qui les devoient conduire que quanqu’il porroient prendre et lever du païs, qu’il le preissent ; et quant il auroient ce fait qu’il retornassent à lui au port de Marseille où il les atendroit. Si se departirent en ceste maniere, et s’en ala l’une partie à Bourges et l’autre partie à Marseille. Quant les clers de Bourges sorent la venue de tel gent, si se douterent, quar l’en leur avoit bien raconté qu’il fesoient assez de maus. Si alerent parler à la justice et à ceus qui devoient la ville garder, et leur distrent que telle esmuete et tele alée d’enfanz et de pastouriaus estoit trouvée par grant malice et par art de deable et par enchantement ; et se il voloient metre paine, il prendroient les mestres des pastouriaus touz prouvez en mauvaistié et en cas de larrecin. Le prevost et le bailli s’acorderent à ce que cil leur disoient et furent touz avisez de la besongne. Les pastouriaus entrerent en Bourges et s’espandirent parmi la ville, mais il n’i trouverent onques ne clerc ne prestre. Si commencierent à mener leur mestrises aussi comme il avoient fet à Paris et es autres bonnes villes et leur fu tout abandonné à fere leur volenté. Quant les mestres des pastouriaus virent les genz obeir tout à leur volenté, si commencierent à briser huches et coffres, et prendre or et argent. Et avoec tout ce, il prindrent les jeunes dames et les pucelles et les vodrent couchier avoec eus. Tant firent que la joustice qui en grant agaiet estoit de congnoistre leur contenance, apperçurent leur mauvaistié, si les pristrent et leur firent confessier toute leur mauvestié et comment il avoient tout le païs enfantosmé par leur enchantemenz. Si furent les granz mestres[385] jugiez et penduz, et les enfanz s’en retornerent touz esbahiz chascun en sa contrée. Le baillif de Bourges envoia iii messages et leur commanda qu’il alassent de nuit et de jour à Marseille, qui porterent letres au viguier, esquelles toute la mauvaistié au mestre de Hongrie estoit contenue. Si fu tantost pris et penduz à unes hautes fourches et les pastouriaus qui aloient après lui s’en retornerent povres et mendianz.


LXIII.
Du descort qui fu entre les escoliers et les religions[386].

En celle année avindrent moult d’aventures en pluseurs contrées. Il avint à Paris que mestre Guillaume de Saint-Amor[387] avoit fet i livre qui estoient entitulé : « Ci commence le livre des perilz du monde », qui parloit contre les religions et especialment contre les Freres meneurs et les Preecheurs. Tant desputerent et arguerent ensamble, que il convint que le descort venist à la court de Romme. Quant le pape ot oï l’entencion de mestre Guillaume et l’entencion de l’autre partie, si donna sentence contre le livre mestre Guillaume, et fu condampnez.


LXIV.
Comment la royne Blanche morut[388].

L’an de grâce mil CC LII[389], avint que la royne Blanche estoit à Meleun seur Saine. Si li commença le cuer trop malement à doloir, et se senti pesante et charchiée de mal. Si fist hastivement trousser son harnois et ses coffres et s’en vint hastivement à Paris. Là fu si contrainte de mal qu’il li couvint à rendre l’âme[390]. Quant elle fu morte, les nobles hommes du païs la porterent en une chaiere dorée parmi Paris toute vestue comme royne, la couronne d’or en la teste. Les croiz et les porcessions si la convoierent jusques à une abbaïe de nonnains delez Ponthoise, qu’elle fit fere ou temps qu’elle vivoit. De sa mort fu troublé le menu pueple quar elle n’avoit que fere qu’il feussent defoulé des riches et gardoit bien joustice. Dont il avint que les chanoines de Paris pristrent touz les homes de la ville d’Oli[391] et de Chastenai[392] et d’autres villes voisines qui estoient tenanz de leur eglise, et les mistrent en prison fermée en la maison de leur chapitre, et les lessierent iluec sanz avoir soustenance. Tant leur firent souffrir de meseise que il estoient aussi comme au morir. Quant la royne le sot, si leur requist mout humblement qu’il les delivrassent par pleges et que volentiers enquerroit comment la besongne seroit adreciée. Les chanoines respondirent qu’à lui n’aferoit pas de congnoistre de leur sers ne de leur vilains, lesquiex il pooient prendre ou ocirre, ou fere tel joustice comme il voudroient. Por tant comme plainte en fu fete devant la royne, les chanoines emprisonnerent leur fames et leur enfanz ; et furent à si grant meseise de la chaleur qu’il avoient les uns des autres que pluseurs en furent mors. Quant la royne le sot, si ot grant pitié du pueple qui si estoit tormenté de ceus qui garder les devoient et moustrer exemple et bonne doctrine. Si manda ses chevaliers et ses bourgois et les fist armer et se mist à la voie, et puis vint à la meson du chapitre où le pueple estoit emprisonnez. Si commanda à ses hommes qu’il abatissent la porte et despeçassent, et feri le premier cop d’un baston qu’elle tenoit en son main. Tantost comme elle ot feru le premier cop, sa gent tresbuschierent la porte à terre et mistrent hors homes et fames ; et les mist la royne en sa garde, et tint les chanoines en si grant despit, qu’elle prist tout leur temporel en sa main jusques atant qu’il l’orent amendé tout à sa volenté. Ne ne furent puis si hardi qu’il les osassent justicier, ançois furent franchis par une somme d’argent qu’il en doivent chascun an au chapitre de Paris. Celle joustice et mainte autre bonne fist la royne tant comme son fiuz fu en la Terre sainte.


LXV.
Du présent l’abbé de Saint-Denis[393].

L’abbé de Saint Denis en France fu en grant paine et en grant penssée quel present il porroit envoier au roy en la terre d’outre mer. Si li fu loé qu’il li envoiast froumages de gain[394] et que ce estoit une viande de quoi les barons de France avoient grant sosfrete. L’abbé crut le conseil, si envoia ii moines[395] à Aigue Morte pour avoir une nef, laquelle il firent emplir de chapons et poules et de fromages de gain et de pois de Vermendois. Et quant il orent leur nef toute garnie, il entrerent en mer. Si orent bon vent qui les mena paisiblement au port d’Acre. De leur venue fu trop durement le roy lié et toute sa compaignie.


LXVI.
Comment Acre fu fermée et Saethe[396].

En ce temps que le roi estoit outre mer, il ne volt pas son temps metre en oiseuses, quar il fit fermer la cité d’Acre et le Jafet et la cité de Cesaire et le chastiau de Cayfas, et une autre cité qui a non Saethe[397]. Tout fist enclorre de haus murs et de grosses tours, si qu’il pooient bien soustenir l’assaut de leur anemis. Quant les Sarrazins virent les granz despens que le roi fesoit, si se merveillierent mout, et leur fu bien aviz que le plus puissant homme du monde ne peust pas fere à ses despens ce qu’il fesoit ; quar il avoit perdu grant partie de son mueble et paiée sa raençon, et avoec ce qu’il avoit si grant ost à gouverner, que ce estoit mout grant chose à fere. Aucuns amiraus qui sorent la bonté de lui, li porterent honnour et reverence et li firent service et moustrerent signe d’amour.


LXVII.
Comment le roy ala en pelerinage[398].

Si comme le roy estoit à sejour en Acre, volenté li prist d’aler en pelerinage en la cité de Nazareth, où Nostre Sires fu noriz. Si se parti d’Acre mout devotement et vint jusques à i chastel qui a non Phore[399], qui est en Chanagalylée, où Nostre Sires fist de l’iaue vin quant il fu aus noces Archedeclin[400]. Quant il fu là venus, si se reposa jusques à l’endemain, et quant il se leva l’endemain de son lit, il vesti la haire emprès sa char nue. D’iluec se parti et vint par le mont de Thabor et entra en Nazareth la veille de Nostre Dame en Marz. Si tost comme il vit la cité, il descendi de son cheval et se mist à genous et aoura Nostre Seigneur et Nostre Dame. D’iluec en avant, il ala tout à pié jusques atant qu’il vint au lieu où Nostre Sires Jhesu Crist fu norriz, et celui jour il geuna en pain et en eve et si estoit-il mout travailliez de cheminer si longue voie à pié. Tantost comme il ot fet son disner de pain et de iaue, il fist chanter vespres hautement, et l’endemain à l’aube du jour, matines à chant et à deschant et à trible. Aprés il fist chanter la messe en la place où l’angle Gabriel salua Nostre Dame. En la fin de la messe il reçut le vrai pain des angles qui est le vrai cors Nostre Seigneur, en grant devocion et en grant humilité et puis s’en retorna au Japhet où il sejorna une piece de temps pour la royne sa fame qui ot une fille qui fu apelée Blanche[401]. Assez tost aprés, nouvelles li vindrent que la royne Blanche sa mere estoit morte[402]. Si tost comme il le sot, il commença à pluerer et s’agenoilla devant l’autel de sa chapelle et pria mout devotement pour l’ame de sa mere. Après ce que le roi ot dit ses oroisons, les prelaz et le clergié s’assemblerent et chanterent vigiles de mors et commendacions de l’âme. De ce jour en avant, le roy fit chanter chascun jour messe especial devant lui pour l’ame de sa mere, s’il ne fu diemenche ou feste sollempnel.


LXVIII.
Comment cil furent occis qui faisoient les fossez[403].

Quant le roy ot enclos de murs et de tornelles le Jafet, il envoia à Saete grant foison de gent por fere les murs entour la cité de Saethe. Si comme les maçons furent levez par matin pour leur jornées acomplir, Sarrazin les espierent et vindrent vers eus repostement. Cil qui garde ne s’en donnoient furent souspris ; si les ocistrent touz conques i seul n’en eschapa ; si estoient il nombré iiiim et plus. Quant les Sarrazins les orent touz occis, il passerent outre droit à la cité de Belinas qui adont estoit en mains de Sarrazins. Quant le roy entendi la nouvelle, si en fu forment corroucié. Tantost fist assambler son ost et l’envoia à Belinas[404] pour gaster la terre tout entour. Quant le roy ot domagié Sarrazins tant comme il pot, il s’en retorna arriere et vint veoir le domage que Sarrazin li avoient fet, et trouva les crestiens que Sarrazin avoient ocis, qui encore estoient sus terre, et estoient si puanz et si corrompus que ce estoit une grant merveille. Le roy en ot grant pitié en son cuer ; si fist toutes autres besongnes lessier pour eus enterrer et fist dedier la place et beneistre par la main du legat qui i estoit present. Quant la place fu dediée, les morz qui gisoient touz estendus sus le rivage de la mer furent enterrez ; mès nus n’i voloit metre la main pour la grant pueur qui venoit d’eus, quant le roy dit : « Enterrons ces beneois martirs qui miex valent de nous et qui ont deservi pardurable vie par le martire qu’il ont receu ». Dont les prist le roy à ses propres mainz à enterrer, si comme il les trouva gisant, detrenchiez par pieces et les metoit en son giron et les portoit aus fossez où l’en les enterroit ; n’onques ne s’en volt cessier pour male oudeur qu’il sentissent, jusques atant qu’il ne pot plus endurer en avant et qu’il fu lassez[405].

[406]Après ce qu’il fu retornez en la cité de Saethe, messagiers li vindrent de son reanme, qui li denoncierent qu’il retornast en France pour son païs garder et pour aucuns perilz qui porroient avenir en France par devers Engleterre ; quar li Englois estoient en grant aguiet comment il porroient grever France et prendre la terre de Normendie. Le roy qui entendi les messages s’en conseilla aus plus certains de son conseil et à ses barons ; si s’acorderent tuit qu’il retornast en France. A ce s’acorda le roy et lessa grant plenté de chevaliers avoec le cardinal, qui furent assez propres por deffendre et garder la sainte terre d’outre mer, et establi en son lieu i chevalier qui avoit à non messire Geffroi de Sargines, et commanda que tuit obeissent à lui aussi comme il feissent à son commandement, se il feust present ; lequel Geoffroi se maintint leaument tout le cours de sa vie[407].


LXIX.
Comment le roy retorna en France[408].

L’an de grace mil CC LIIII, que le roy se parti de la terre d’outre mer et se mist en sa nef por retorner en France[409] ; quant il dut mouvoir, le pueple du païs le convoia a grant procession, en sopirs et en gemissemenz ; et disoient : « Ha pere de la Crestienté or nous lessiez vous entre ceus qui nous heent de mort. Tant comme vous feussiez avoec nous, n’eussons garde ; et se nous moreussons avoec vous, si nous fust-il aviz que ce feust confort puisque nous feussons près de vous[410]. »

[411]Le roy fist metre le cors Nostre Seigneur en sa nef, par grant reverence et par grant devocion, pour donner aus malades se mestier en feust. Ja soit ce que pelerin l’eust onques fet, tant fust de grant hautece, toutes voies, ot il especial grace du cardinal de Romme. Le roy fist metre ce glorieus tresor du cors Nostre Seigneur el plus haut lieu et el plus couvenable de toute la nef, et fist par dessus metre i tabernacle couvert de draz de soie à or batu. Par devant le tabernacle fu i autel dreciez qui fu aornez de chiers aornemenz. Devant cel autel estoit chascun jour célébré le service de la messe, fors les secrez qui apartienent au sacrement de l’autel. Après ce qu’il avoit oï messe, il aloit visiter les malades qui estoient en sa nef, et comanda qu’il eussent tout ce que mestier leur couvenoit pour leur maladies alegier.

Quant les voiles furent dreciez, les mariniers se mistrent à la voie et commencierent à cheminer tant qu’il passerent la terre de Chipre en mainz de iii jourz ; mès il furent en si grant peril qu’il cuiderent tout estre mort[412], car la nave le roy se feri à plain voile en une place areineuse et plaine de sablon qui s’estoit iluec endurcie si roidement qu’elle se debrisa forment. Lors commencierent tuit à crier à haute vois : « Ha Diex secorez nous » ; car il cuidierent que la nef feust toute froissiée outréement dessouz en la santine, ne ne sorent les mariniers qu’il poissent fere. Quant le roi vit ce, si douta forment le peril de la mer ; toutevois ot il ferme esperance en Nostre Seigneur. Il lessa la royne sa fame et ses enfanz qui gisoient touz pasmez et touz estordiz, et se mit en oroison devant l’autel, et pria Nostre Seignor mout humblement qu’il le delivrast du peril et tuit cil qui avoec lui estoient. Bien s’aperçurent les mariniers que Nostre Sires oï sa priere et distrent les uns aus autres, en leur langage, que c’estoit une bonne personne. Et la nef ala tous jourz avant si roidement, qu’elle fist voie et passa tout outre le sablon et la terre qui estoit iluec endurcie. Les mariniers alumerent torches et lumiere et cerchierent la sentine de la nef, mès il n’i trouverent nulle casseure, dont il furent mout liez et asseur, et raporterent au roy que la nef estoit toute seure et saine sanz nulle casseure. Quant le roy les entendi, si rendi graces à Nostre Seigneur de ce qu’il l’avoit osté de si grant peril. Toute nuit sejornerent les mariniers jusques à l’endemain que il porent clerement veoir entour eus. Adont commanderent que tuit alassent aus avirons, et li autre se tenissent près fu voile pour veoir la contenance du vent et de quel part il venoit. Quant tuit les mariniers furent aprestez, les mestres tornerent les gouvernaus et se mistrent à la voie. Tant alerent de jour et de nuit qu’il arriverent en xi semaines au port d’Areines[413]. Lors issirent des nez et mistrent hors chevaus et armes et leur autre harnois, et puis se mistrent au chemin, et chevaucha tant le roy qu’il vint à Tarascon au disner, et puis passa le Rosne et vint au giste à Biauquaire. D’iluec s’en parti et chevaucha tant qu’il vint en France où il fu receu[414] a grant joie dou pueple de Paris et des genz de la contrée. Quant il se fu reposé, si s’en ala à Saint Denis en France[415] et visita les beneoiz cors sains qui en l’eglise reposent, et rendi graces à Dieu et aus glorieus martirs de ce qu’il estoit retorné sain et sauf, et donna à l’eglise le plus riche drap d’or que l’en poist savoir en nulle terre et i paveillon de soie mout bel et mout riche, et commanda qu’il feust mis sus les cors des glorieus martirs aus festes sollempniex.


LXX.
De pluseurs aventures[416].

Celle année que le roy vint d’outre mer, morut l’apostoile Innocent à Npales[417]. Les cardinaus eslurent Alixandre[418] qui fu nez de Compigne[419].

L’année après ensuivant les Frisons s’assamblerent et vindrent à ost contre Guillaume le roi de Romanie et l’ocistrent[420] ; et en ce temps meismes, cil d’Ast[421] firent une grant traïson, quar il viendirent le conte Thomas de Savoie[422] et ceus de Thorin[423], et si estoit leur mestre et leur capitaine[424]. Quant le roy de France sot la mauvaistié de ceus d’Ast, si commanda que touz les marcheanz qui seroient trouvez en son reamme, de la cité d’Ast et de Thorin, feussent pris et retenuz. D’autre part, Pierre de Savoie[425] frere dudit Thomas, s’en ala a grant ost avoec Boniface[426], li esleuz de Lyons sus le Rosne, et assistrent la cité de Thorin et lancierent pierres et mangonniaus et leur donnerent maint assaut, mès prendre ne la porent pour chose qu’il seussent fere. D’iluec se partirent et gasterent toute la terre environ et firent tant de domage comme il porent. Assez tost après, il rendirent le conte Thomas[427] pour la doutance qu’il orent du roi et pour le domage qui leur en pooit venir.

Il avint en ce temps meismes que le conte de Flandres et son frere[428] que la contesse de Flandres avoit eu de Guillaume de Dampierre, alerent sus le conte Florent de Hollande[429], et conmencierent sa terre à gaster. Florent assambla sa gent et vint contre eus à bataille, et se combati tant à eus qu’il ot victoire[430] et qu’il les prist et mist en sa prison[431]. Erart de Valeri[432] fu pris en celle bataille et assez autres chevaliers de France. Ice Florent estoit frere Guillaume que les Frisons avoient occis. La cause pourquoi il se combati contre le conte de Flandres, si fu pour ce qu’il estoit de la partie Jehan d’Avesnes et Baudouin enfanz de madame Marguerite contesse de Flandres[433]. Por la grant haine qu’elle avoit à ses enfanz, elle donna Valenciennes et tout Henaut à missire Karle[434] frere le roy de France, et maintenoit la dite contesse en parlement, par devant le roy, qu’il estoient bastars et qu’il ne devoient pas estre hoir de sa terre, pour ce que leur pere estoit souz diacre avant qu’il espousast la contesse. Mès les enfanz prouverent tout le contrère et se deffendirent du cas, bien et avenamment[435].


LXXI.
De pluseurs incidences[436].

Une autre aventure avint en ce temps et en celle année, que Branquelan[437] de Boulongne la Crasse qui estoit senateur de Romme fu assis de nobles hommes de la cité el capotoile. Quant il se vit si souspris il se rendi au pueple, sauve sa vie, et cil le mistrent en garde en une forterece que l’en apelle les vii soleus[438]. Quant il l’orent une piece tenu, si le rendirent aus granz segneurs de Romme. Quant il le tindrent, si le traitierent vilainement et le mistrent en prison en i chastel qui a non Passe avant[439], et l’eussent mis à mort ; mès cil de Boulongne avoient bons ostages des Romainz et bons pleges. La cause pourquoi Ronmainz l’avoient en si grant haine, estoit pour ce qu’il estoit bons justicieres et droiturier, et justiçoit aussi le riche comme le povre. Le pape manda à ceus de Boulongne, par le conseil des Romainz, qu’il rendissent les ostages qu’il tenoient, ou il entrediroit Boulongne et tout le païs entour. Et il li remanderent que ja ne les rendroient pour chose qu’il seust fere ; ançois les feroient d’angoisseuse mort morir, s’il ne ravoient Branquelan leur citoien. Endementres que ce descort estoit entre Branquelan et ceus de Romme, Florent de Holande delivra le conte de Flandres et son frere de sa prison, en tel maniere qu’il auroit à fame l’ainsnée fille le conte de Flandres[440]. Et le conte Karle d’Anjou quita tout le droit qu’il avoit en Henaut[441] par une somme d’argent qui li fu livrée.

Une autre aventure avint à Romme, qu’il fu si grant tempeste et si grant esmovement, que la terre crolla si forment que la grant cloche de Saint Silvestre de Romme commença à sonner et les tours et les fortereces de la ville à trambler. Celle année que celle tempeste fu si grant, Richart le conte de Cornouaille[442] fu couronnez à roy d’Alemaigne par la volenté le roy d’Engleterre son frere.


LXXII.
Comment le roy amenda l’estat de son reanme[443].

Aprés ce que le roy fu retournez en France, il se contint devotement envers Nostre Seigneur, et fu droituriers à ses sougiez. Si regarda que c’estoit bonne chose d’amender l’estat de son reamme. Premierement il establi à touz les sougiez qui de lui tenoient.

«[444]Nous, Looys, par la grâce de Dieu roys de France, establissons que touz noz baillis, vicontes, prevoz, maieurs, en quelque office que il soient, facent serement que tant comme il soient es offices et es baillies, il feront droit à chascun, sanz exception de personnes, aussi au povre comme au riche et à l’estrange comme au privé, et garderont les us et les coustumes qui sont bonnes et esprouvées. Et se il avient chose que cil qui sont es offices dessus dit, facent contre leur serement, et il en soient atainz, nous voulons que il en soient puniz en leur propres personnes et en leur biens et selonc leur meffet. Et seront les bailliz puniz par nous, et les autres par les bailliz. Aprés nous volons que les bailliz et noz autres sergenz feront foi qu’il garderont noz rentes et que noz droiz ne soient amenuisiez ; et après ce il ne prendront ne ne recevront par eus ne par autre, present que l’en leur face, ne or, ne argent, ne benefice personnel, ne autre chose, se ce n’est pain ou vin ou fruit, ou autre viande jusques à la somme de x livres[445]. Et voulons que nul tant soit leur privé reçoive cortoisie en leur non ne pour euls. Et avoec ce nous voulons qu’il prometent par leur serement que ja ne feront present ne ne donront à nul qui soit de nostre conseil, ne à autre qui leur apartiegne, ne aus enquesteurs qui voisent pour enquerre de leur baillies ou de leur prevostez comment il s’i maintienent. Avoec ce il prometront par leur serement qu’il ne partiront à nulles de noz rentes, ou de noz bailliz ou de noz monnoies ne à chose nulle qui noz apartiegne. Avoec ce, se li baillif sevent souz eus prevoz ou maieurs ou sergenz qui soient rapineurs usuriers, nous volons qu’il perdent nostre service et qu’il soient puniz et corrigiez de leur mauvaistié. Et pour ce que nous volons que le sairement qu’il feront soit plus fermement gardé, nous volons qu’il soit pris en plaine assise devant touz, soient clers ou chevaliers. Nous volons et establissons que tuit noz prevoz, noz sergenz, se gardent de jurer vilain sairement en despit de Dieu et de sa chiere mere, et de geus de dez et de taverne soupeçonneuse. Nous volons que la forge de dez soit abatue par tout nostre reanme et que les foles fames n’aient meisons pour loier pour fere leur pechié. Et volons que noz bailliz ne cil qui sont en noz offices achatent possessions ne rentes qui soient en leur baillies ne en autre baillie, tant comme il soient en nostre service. Et se tel achat est fet nous volons qu’il soit mis en nostre main. Nous commandons à noz bailliz que tant comme il soient en nostre service, ne marient leur enfanz à nul autre qui soient demourant en leur baillie sanz nostre especial commandement. Et volons qu’il ne metent fiuz ne fille en nulle religion qui soit en leur baillie, ne ne facent donner benefice en sainte Eglise ; ne ne volons pas qu’il prengnent procurations ne gistes es mesons de religion. Noz volons que noz bailliz et noz prevoz n’aient tant sergenz que le pueple en soit grevez, et volons qu’il soient nonmez en plaine assize quant il seront fais sergenz de nouvel. Si volons que noz sergenz qui sont envoiez pour fere aucuns commandemenz, qu’il ne soient de rienz creuz sanz letres de leur souverain. Nous volons que prevoz ne bailliz facent grief au pueple qui demeure en leur justice outre droiture, ne que nus hom soit tenuz en prison pour chose que il doie se il abandonne ses biens, fors pour nostre debte tant seulement. Nous establissons que se le debteur confesse la debte que il doit, que amende nulle n’en soit levée ; et se aucuns doivent amende pour leur meffez, nous volons que elle soit jugiée en plains plés. Et se aucuns prevoz ou abilliz menacent les genz pour avoir amende en repostaille, nous le punirons et des biens et du cors. Après ce, nous establissons que cil qui tendront noz baillies et noz prevostez soient si osez qu’il les vendent ne metent hors de leur main sanz nostre congié. Et s’il sont ii ou iii ou pluseurs qui achatent ensamble aucuns de noz officez, noz volons que li uns d’eus face l’office et le service qui apartient à ce fere. Si volons que nul de noz sergenz requiere debte que l’en li doie, par soi ne par son commandement, mès par autre, se ce n’est des debtes qui apartienent à son office. Nous deffendons à noz bailliz qu’il ne travaillent noz sougez en causes entamées par devant eus, pour remuement qu’il facent, fors en la court où il furent premierement entamées. Avoec ce nous commandons que nul homme soit dessaisi de chose que il tiengne, sanz connoissance de cause ou sanz nostre especial commandement ; et voulons que nul ne face deffensse de porter blé ou vin ne autre marcheandise hors de nostre reamme sanz cause neccessaire ou sanz nostre commandement. Et volons que touz noz bailliz sejornent jusques à xl jourz après qu’il seront osté de leur baillies, pour rendre compte et pour amender les torz fais où il seront trouvez. »

Par ces establissemenz, amenda mout le reanme de France, et commença à monteplier de pueple et de richeces, pour la franchise et pour la bonne garde que les genz d’autres nations i trouverent.


LXXIII.
De la prévosté de Paris[446].

La prevosté de Paris estoit en cel temps vendue aus bourgois de la ville ou à ceus qui acheter la vouloient. Quant il l’avoient achetée, si deportoient leur parenz et leur enfanz en assez de mauvais cas et de granz outrages qu’il fesoient au menu pueple et à ceus qui ne s’osoient revenchier. Par ceste reison estoit le menu pueple trop defoulé, ne ne pooit l’en avoir droit des riches hommes, pour les granz dons qu’il fesoient au prevost. Qui en ce temps disoit voir devant le prevost et qui vouloit son serement garder qui ne feust faus parjure, d’aucune debte ou d’aucune chose où l’en fust tenuz de respondre, le prevost en levoit amende ou il estoit domagiez ou puniz. Par les granz rapines qui estoient fetes en la prevosté, le menu pueple n’osoit demourer en la terre le roy, ançoiz demouroit es autres seignorez, si que la terre le roy estoit si vague que quant le prevost tenoit ses plez il i venoit si poi de gent que le prevost [se levoit] sans oïr personne nulle qui se vosist presenter devant lui. Avoec tout ce, il estoit tant de larrons environ le païs, que maintes plaintes en furent devant le roy. Si volt que la prevosté de Paris ne fust plus vendue, ançois manda l’evesque de Paris et li dist que ce estoit contre droit et reison que quant les genz voloient garder leur serement, ne ne voloient pas euls parjurer, qu’il en estoient puniz. « Si vous pri, » dist le roy, « sire evesque, que vous corrigiez ceste mauvaise coustume en vostre terre, et je la corrigeré en la moie. » L’evesque respondi qu’il s’en conseilleroit en son chapitre ; et quant il s’en fu conseillié, si n’en fist néent, pour la couvoitise de perdre ses amendes. Onques pour ce le roy ne lessa à enteriner son propos. Si donna bons gages à ceus qui garderent la prevosté de Paris et abati toutes mauveses coustumes dont le pueple estoit grevé et fist enquerre par tout le païs où il peust trouver homme qui feist bonne justice et roide, et qui ne soustenist plus le riche que le povre. Si li fu endité Estienne Boiliaue[447], lequel Estienne garda la prevosté si bien que les maufeteeurs s’enfouirent, ne nul n’i demoura qui tantost ne feust penduz ou destruit ; ne parenté, ne lignage, ne or ne argent ne le porroit garantir. Ice Boiliaue pendi son filluel pour ce que sa mere li dist qu’il ne se pooit tenir d’embler, et fist pendre son compere, pour ce qu’il renia i guelle de deniers que son hoste li avoit baillié à garder. Pour ce que la terre le roy fu franchie de pluseurs servages et pour le bon droit que le prevost fesoit, le pueple lessoit les autres seignorez pour demourer en la terre le roy. Si monteplia tant et amenda que les ventes et les saisines et les achaz et les autres levées valurent plus les iiii pars que quanque le roy i prenoit devant.


LXXIV.
De celui qui jura vilain serement[448].

Une foiz avint que le roy chevauchoit parmi Paris. Si oï et entendi i homme qui jura trop vilainement de Dieu. Si en fu le roy forment corroucié en son cuer, et commanda qu’il feust pris, et le fist seignier d’un fer bien chaut et ardant parmi la levre de sa bouche, pour ce qu’il eust pardurable memoire de son pechié et que li autre doutassent à jurer vilainement de leur Createur. Mout de gent murmurerent contre le roy pour ce que cil estoit si laidemement saignié. Le roy qui bien entendi leur murmurement ne s’en esmut de rienz contre eus, ançois fu remembranz de l’Escripture qui dit : « Sire Diex, il le maudiront et tu le beneiraz. » Si dist une parole qui bien fu escoutée : « Je voudroie estre aussi seigniez et en tel maniere d’un fer chaut comme cil est qui jura vilainement et jamès vilain serement ne fussent juré en mon reamme. »

La semainne emprès que cil fu seigniez le roy donna aus povres fames lingieres qui vendent viez peufres[449] et viez chemises, et as povres ferrons qui ne pevent avoir meisons, la place entour les murs des Innocens pour Dieu et en aumosne. Si en fu mout benei du pueple[450].


LXXV.
Du seigneur de Couci, pour son meffet[451].

[452]Assez tost après, avint que en l’abbaïe de Saint Nicolas du Bois[453] près de Loon, estoient demouranz iii nobles enfanz nez de Flandres, pour aprendre françois. Ices enfanz alerent jouer parmi le bois de l’abbaïe atout arçons et saetes ferrées pour berser et pour prendre connins. Si comme il chaçoient leur proie que il avoient levée el bois de l’abbaïe, il entrerent es bois missire Enjorran de Coucy[454]. Tantost furent pris et retenu des forestiers qui le bois gardoient. Quant Enjorran sot le fet par ses forestiers, il qui fu crueus sanz pitié, fist tantost prendre les enfanz qui estoient sanz malice et qui ne savoient pas la coustume du païs ne le langage. Quant li abbés de Saint-Nicolas qui les avoit en garde sot ce vilain cas, si le monstra à missire Gile Le Brun[455] qui adont estoit connestable de France ; si fu forment corrouciez, quar i des enfanz li apartenoit. Si s’en vindrent ambedui au roy de France et li requistrent qu’il leur feist droit du seigneur de Couci. Quant le roy sot la grant cruauté au sire de Couci, si le fist semondre et apeler que il venist à sa court por respondre de ce fet. Quant li sires de Couci entendi le mandement le roy, si vint à Paris et se presenta devant le roi et dist qu’il ne devoit pas respondre de ce fet devant le roy ; ançois dit qu’il en devoit respondre devant les pers de France, selonc la coustume de baronnie. A ce fu respondu du conseil le roy, que li sires de Couci ne tenoit pas sa terre en fié de baronnie ; et tout ce fu prouvé par les registres de la court de France, quar la terre de Boves[456] et la terre Golain[457], qui ont la seignorie et la digneté de baronnie, furent parties de la terre de Couci par raison de fraternité, par quoi il fu dit au seigneur de Couci, qu’il ne tenoit pas sa terre de baronnie, et couvenoit qu’il respondist devant le roy et qu’il ne pooit decliner sa court. Le roy le fist prendre par sergenz d’armes et le fist metre en la tour du Louvre en prison fermée, et li donna jour de respondre de ce fet. Au jour qui fu assené, les barons de France s’assamblerent el palès le roy, et furent touz en l’aide au seigneur de Couci. Lors fist le roy venir le sire de Couci par devant lui et li commanda qu’il respondist au cas dessus dit. Li sires de Couci, par la volenté du roy, apela touz les barons pour lui conseillier, et il y alerent presque touz, si que le roy demoura presque tout seul. L’entencion le roy estoit de faire droit jugement et de punir d’autel mort comme il avoit les enfanz fait morir, sanz soi flechir.

Quant les barons virent l’entencion du roy, si furent tuit espoenté et corroucié ; si loerent au seigneur de Couci qu’il n’atendist pas jugement, ançois se meist du tout en la merci du roy. Les barons vindrent devant le roy et li prierent mout doucement qu’il eust pitié de son baron et qu’il en preist tele amende comme il voudroit. Le roy, qui mout fu eschauffé de joustice, respondi : « Se je cuidasse que Diex me seust aussi bon gré de lui justicier comme de lessier, maintenant morust d’aussi vilaine mort comme il fist les enfanz justes et innocens morir sanz cause ; ne ja ne fust leissié pour baron nul qui li apartenist. »

A la parfin, quant le roy vit les humbles prieres de ses barons, si se flechi et s’acorda que li sires de Couci rachetast sa vie. Si fu l’amende jugiée à x mile livres de parisis ; et avoec ce il demorroit en la Sainte Terre par l’espace de iii anz pour aidier la Sainte Terre à deffendre contre Sarrazinz à ses propres cous, et establiroit ii chapelles où l’en feroit le service de sainte Eglise pour les âmes des enfanz et pour toutes autres. Quant l’amende fu tensée[458] et jugiée, le sire de Couci se hasta mout de fere le commandement du roy : si envoia à Paris xm livres. Le roy ne volt pas qu’il demourassent en son tresor, ançois en fist feire la meison Dieu de Ponthoise, et la monteplia en rentes et en terres ; et si en fist fere le dortoir aus Freres Preecheeurs de Paris, et du remenant fist fere le moustier aus Freres Meneurs de Paris. Et li sires de Couci s’en ala outre mer, qui n’osa demourer outre le terme qui li fu mis. Grant exemple doit estre à touz ceus qui tiennent justice que si très haut homme et de si grant lignage qui n’estoit acusé que de povres genz, trouva à grant paine remede de sa vie.


LXXVI.
[459]De la contenance le roy de France[460].

Quant les barons de France entendirent le grant sens et la droite justice qui estoit el bon roy, si se douterent forment et li porterent grant honneur pour ce qu’il estoit de sainte vie. Si ne fu puis nus hons qui osast aler contre lui en son reamme ; et se aucuns estoit rebelles, tantost estoit humeliez et abatu son orgueil. En ceste maniere tint le roy son reamme en pès tout le cours de sa vie puisqu’il fu repairiez de la terre d’outre-mer.[461]Quant le roy savoit aucun haut prince qui eust aucune indignacion ou aucune malivolance contre lui, laquelle il n’osoit monstrer apertement, il, par son sens l’atraioit à pès charitablement par debonnaireté et faisoit amis de ses anemis en concorde et en pès. Et si comme l’Escripture dist : « Misericorde et pitié gardent le roi et debonnereté ferme son throne[462] » ; tout aussi le throne du reamme de France fu gardé fermement et en pitié el temps du bon roy, quar misericorde et verité qu’il avoit touz jourz amée le garderent. Es causes qui estoient tornées contre lui de ses hommes et de ses sougiez, le bon roy aleguoit touz jourz contre soi ; pour ce le fesoit que cil qui estoient de son conseil et qui devoient fere droit jugement pour lui ou contre lui es causes meues contre ses sougiez, ne se declinassent de fere droit jugement pour la paour de lui. Il envoioit souvent enquesteeurs sus ses prevoz et sus ses bailliz par son reamme, et quant l’en trouvoit chose qui faisoit à amender, il faisoit tantost restablir le deffaut qui fesoit à amender. Ice meismes fesoit-il souvent fere sus la maisnie de son hostel, et fesoit punir ceus que l’en trouvoit corpables selonc ce qu’il avoient deservi. Il se gardoit mout de dire vilaines paroles, meesmement de detractions et de mençonges ; poi ou néent maudisoit, ne ja ne deist vilanie à homme, tant feust de petit estat. Especialment le roy se tenoit de jurer du tout en tout, en quelque maniere que ce feust ; et quand il juroit, si disoit : « En non de moi ». Mais i frere meneur l’en reprist ; si s’en garda du tout en tout[463] et ne jura autrement, fors tant qu’il disoit : « si est » ou « non est ». L’en ne pooit trouver homme, tant fust sages ne letrez, qui si bien jugeast une cause comme il fesoit, ne qui donnast meilleur sentence ne plus vraie.


LXXVII.
Comment le roy servoit les povres[464].

Chascun samedi avoit le roy acoustumé de laver les piez des povres en secré lieu ; et estoient par nombre iiii, les plus anciens et les plus deffès que l’en pooit trouver ; si les servoit devotement à genous et leur essuioit les piez a une touaille, et puis les besoit et leur donnoit l’iaue pour mainz laver, et puis les fesoit seoir au mengier, et en propre personne il les servoit de boivre et de mengier, et souvent il s’agenoilloit devant eus. Après ce qu’il avoient mengié, il donnoit à chasun iii sols parisis. Et se il avenoit que aucune essoine le preist, qu’il ne peust faire le service aus povres, il voloit que son confessor le feist tout aussi comme il le fesoit.

[465]Grant honneur portoit le roy à ses confessors, dont il avenoit aucune foiz que quant il seoit devant son confessor, et fenestres ou huis se debatoient ou ouvroient par la force du vent, hastivement se levoit et l’aloit fermer ou metre en tel point qu’il ne feissent noise à son confessor. Si li dist son confessor qu’il se souffrist de ce fere, et il respondi : « Vous estes mon chier pere et je sui vostre fiuz ; pourquoi je le doi fere. »


LXXVIII.
Comment le roy fesoit atenance de son cors[466].

Le roy, du consentement la royne sa fame, se tenoit par tout l’avent et par tout quaresme et par toutes les hautes vigiles, de coucher en son lit ; et après ce qu’il avoit receu le precieus cors de Jhesu Crist, il s’en tenoit par iii jourz. Il voloit que ses enfanz qui estoient parcreu et en aage oïssent chascun jour matines et la messe, vespres et complie, hautement, à note ; et vouloit qu’il fussent au sermon pour entendre la parole de Dieu, et qu’il deissent chascun jour le service Nostre Dame, et qu’il seussent letrez pour entendre les escriptures.[467]Quant il avoit soupé, si faisoit chanter complie, et puis retornoit en sa chambre et fesoit seoir ses enfanz devant lui et leur moustroit bonnes exemples des princes anciens, qui, par couvoitise, estoient deceu, et les autres par luxure et par orgueil, et que par tiex vices avoient perdu leur reammes et leur seignouries. Il fesoit à ses enfanz porter chapiaus de roses ou d’autres fleurs, au vendredi, en remembrance de la sainte couronne d’espines dont Jhesu Crist fu couronnez le jour de sa sainte passion.


LXXIX.
Comment le roy se confessoit[468].

Acoustumé avoit le roy de soi confessier touz les vendrediz de l’an devotement, et secréement touz jourz après sa confession recevoit descepline, par la main de son confessor, de v chaennes petites de fer jointes ensamble, que il portoit en une petite boite d’ivoire, en une aumosniere de soie. Itiex boites atoutes tiex chaennes donnoit-il aucunes foiz à ses privez amis pour recevoir auteles desciplines comme il fesoit. S’il avenoit que son confessor li donnast trop petiz cops, il li faisoit signe qu’il ferist plus asprement. Pour nulle haute feste, il ne lessoit à prendre sa discipline dessus dite. Lonctemps porta le roy la haire à sa char toute nue ; mès il la lessa par le commandement de son confessor pour ce qu’elle li estoit trop grieve et porta une corroie de haire. Et pour ce qu’il la lessa à porter, il commanda que son confessor en donnast xl sols aus povres chascun jour.

Acoustumé avoit le roy de jeuner touz les vendrediz de l’an, ne ne mengoit char ne sain au mercredi. Et toutes les vegilles Nostre Dame, il jeunoit en pain et en yaue, et aussi fesoit-il le vendredi benoit. Il ne goustoit de poisson ne de fruit les vendrediz de quaresme et metoit tant d’iaue en son vin qu’il le sentoit ou poi ou noient.


LXXX.
Comment le roy fist pluseurs religions[469].

Dès le temps de s’enfance, fu le roy piteus des povres et des souffreteus. Il avoit acoustumé, partout là où il estoit, que vi vins povres fussent peuz[470] en son hostel chascun jour ; en quaresme croissoit le nombre ; et souvent estoit que le roy les servoit et metoit devant eus la viande, meesmement aus hautes vegilles des festes sollempnieus. Avoec tout ce, il donna granz aumosnes et larges aus povres hospitaus, aus povres maladeries et as autres povres colleges, et aus povres qui plus ne pooient labourer par viellece ou par maladie, qu’à paine pooit estre raconté le nombre des povres qu’il soustenoit. Dont nous poons bien dire qu’il fu plus beneuré que Tytus l’empereeur de Romme, dont l’estoire raconte qu’il estoit trop forment corroucié le jour qu’il n’avoit largement donné aus povres.

Dès le commencement que il vint à son reamme tenir et il se sot apercevoir, commença-il à hedefier pluseurs moustiers et meisons de religion[471] ; entre lesquelles, Reaumont[472] fu une des nobles et de grant renon. Il fist hedefier pluseurs maisons de Preecheeurs et Freres Meneurs en pluseurs citez et en pluseurs chastiaus parmi son reamme. Il fist parfere la Meson Dieu de Paris[473] et cele de Ponthoise[474] et cele de Compigne[475] et de Vernon[476] et leur donna granz rentes. Il fonda l’abbaye Saint Mahieu de Rouam[477], et fonda l’abbaïe de Lonc-champ[478], où il mist fames de l’ordre des Freres Meneurs. Il donna plain pooir à la royne Blanche sa mere de fonder l’abbaïe du Liz delez Meleun seur Saine[479] et cele delez Ponthoise que l’en apelle Maubuisson[480]. Il fist fere la meison des avugles de la ville en celle meison, et leur fist fere une chapelle où il orront le service Nostre Seigneur. Et si fist fere la meison de Chartreuse[481] et donna aus freres qui servent iluec le souverain Createur rentes souffisanz. Et si fist fere une meison el chemin de Saint Denys en France qui fu apelée la meison aus Filles Dieu[482]. En cele meson fist metre une grant multitude de fames qui par povreté s’estoient mises au pechié de luxure, et doua la meson de iiiic livres de rente, pour la meison soustenir. Avoec ce, il fist fere pluseurs meisons de beguines[483] parmi son reanme, et leur fist mout de grâces pour leur vivre, et commanda que ja nulle n’en feust escondite qui voudroit vivre chastement.

Aucunes genz de son hostel murmurerent de ce qu’il feisoit si granz aumosnes, et li distrent qu’il ne s’en porent tenir ; et il respondi : « Je aime miex que granz despens soient fez en aumosnes pour l’amour de Dieu, que es vaines gloires de ce monde. » Ne ja, pour les granz despens que le roy fesoit en aumosnes, ne lessoit-il pas pour ce à fere granz despens en son hostel chascun jour. Largement et liéement se contenoit le roy au parlement, et estoit sa court aussi largement servie comme elle fu onques el temps à ses devanciers.

Le roy amoit toute gent qui entendoient à Dieu servir et qui portoient habit de religion. Il fist grâce aus freres Nostre Dame du Carme[484], et leur fist fere une meison seur Saine et acheta la place d’entour pour eus eslargir, et leur donna revestemenz et galice[485] et toutes choses qui sont couvenables à Dieu servir et à fere son office. Après[486], il acheta la granche à i bourgois de Paris et toutes les apartenances, et leur en fist fere i moustier dehors la porte de Montmartre. Les freres des Sacs[487] furent hebergié en une place, seur Saine, par devers Saint Germain des Prez, qu’il leur donna ; mès poi i demourerent, quar il furent quassé et abatu. Après qu’il furent abatu, les freres de Saint Augustin vindrent demourer en icelle place pour ce qu’il estoient trop estroitement hebergié. Une autre maniere de freres vindrent au roy, qui disoient qu’il estoient de l’ordre des Blanz Mantiaus[488] et li requistrent qu’il leur aidast à ce que il poissent avoir une place où il peussent demorer à Paris. Et le roy leur acheta une meison et la place entour, delez la viez porte du Temple, assez près des Tesserranz ; mès il furent abatuz au concile de Lyons que Grégoire le x fist. Après revint une autre maniere de freres qui se fesoient apeler freres de Sainte Croiz, et requistrent au roy qu’il leur aidast, et le roy le fist volentiers. En une rue les heberga, qui estoit apelée le quarrefour du Temple, qui ore est apelée la rue Sainte Croiz[489].

En ceste maniere, comme noz avons dit, avironna li roys tout Paris de gent de religion. Les congregations des religions visita souvent, et leur requeroit en chapitre, mout humblement, à genous que il priassent pour lui et pour ses amis. Lesquelles humbles prieres esmouvoient souvent les bonnes genz qui entour lui estoient, de fere bonnes œuvres et de vivre saintement.


LXXXI.
Comment le roy donnoit ses prouvendes[490].

Quant le roy donnoit aucuns benefices qui apartenoient à sa collation, il feisoit enquerre se il estoient bonnes personnes et de nete vie, sanz luxure, sanz orgueil et sanz arrogance, especialment quant evesque ou arcevesque moroit, là où il avoit son regale, par le chancelier de Paris et par autres bonnes genz ; et cil qui avoient bon renon, avoient les provendes. Il ne donnoit nul benefice à clerc nul, tant fust letrez, qui eust autre prouvende ou autre benefice, se il ne resignoit avant ceus que il tenoit. Ne ne volt donner onques ne otroier benefices ne prouvendes, se il n’eust certains tesmoins que il fust vagues et que cil qui le tenoit estoit mors.

Touz les jourz de l’an, disoit le roy les heures de Nostre Dame entre lui et son chapelain et tout le service des mors ; et quant il disoit ses heures il se gardoit de parler, se ce ne fust pour aucun pour qui il ne le peust pas bien refuser.


LXXXII.
Comment le roy envoioit ses letres privéement[491].

Une chose de memoire dingne devons bien raconter. Il avint que le roy estoit à Poissi[492] secréement avoec ses amis ; si dit que le greigneur bien et la plus haute honneur qu’il eust onques en ce monde li estoit avenue à Poisci. Quant sa gent l’oïrent ainsi parler, si se merveillierent mout de quelle honneur il disoit, quar il cuidoient que il deust miex dire que telle honneur li feust avenue en la cité de Rainz, là où il fu couronnez du reamme de France. Lors commença à souscrire le roy et leur dist que à Poisci li estoit avenue celle grant honneur, quar il i avoit receu baptesme qui est la plus haute honneur seur toutes autres. Quant le roy envoioit ses letres à ses amis secréement, il metoit : « Looys de Poissi, à son chier ami, salut. » Ne ne s’apeloit point roy de France. Si l’en reprist i sien ami, et il respondi : « Biaus amis, je sui aussi comme le roy de la feve qui au soir fet feste de sa réauté ; l’endemain par matin si n’a point de reauté. »

Le roy avoit une coustume que quant il estoit près des malades, il s’agenoilloit et leur donnoit beneïçon et prioit Nostre Seigneur qu’il leur donnast guerison ; et puis les touchoit de ses doiz là où la maladie estoit et fesoit signe de la croiz en disant les paroles de la puissance Nostre Segneur et de sa dingne vertu. Après ce qu’il les avoit tenuz et bailliez[493] selonc ce qu’il apartient à la digneté roial, il les feisoit mengier à sa court et fesoit à chascun donner pour raler en leur contrées.


LXXXIII.
Comment Marseille fu prise de par le conte Karle[494].

Il avint en ce temps, l’an de l’Incarnation M CC LVII, Karle le conte d’Anjou envoia ses propres messagers aus bourgois de Marseille et leur pria qu’il se tenissent loiaument envers lui, et que bien le devoient fere pour la contesse sa fame[495] à qui la terre et la contrée apartenoit de par le conte Reimon son pere. Il reçurent les messages et promistrent la cité à tenir de lui et toute la contrée ; mès il ne demoura guieres que les puissanz homes de Marseille monterent en si grant orgueil qu’il firent tout le commun pueple torner contre lui, et chacierent la gent au conte hors de la cité, et pluseurs en mistrent en prison. Et quant il orent ainsi fet, il s’appareillierent à armes contre le conte. Si tost comme nouvelles en vindrent à Karle, il assambla grant ost et vint seur eus a grant force de gent, et tint le siege longuement devant la cité, et fist lancier et giter pierres et mangonniaus si espessement que cil dedenz furent à grant meschief et que viandes leur faillirent. Quant il virent qu’il ne porroient longuement durer, si se rendirent à sa volenté et se sousmistrent à lui. Le conte Karle fist mener en une place touz ceus qui avoient commenciée la traïson encontre lui et commanda qu’il eussent touz les testes copées devant tout le pueple. Après, il prist toutes les fortereces et les chastiaus que Boniface[496] tenoit, qui estoit seignor de Castelaine en Prouvence, quar il avoit esté en l’aide à ceus de Marseille, et le chaça hors de la terre de Prouvence. Si comme la guerre estoit à Marseille, Branquelan[497] de Boulongne fu rapelé à estre senateur de Romme, duquel noz avons parlé avant, par le commun pueple des Rommainz. Mès il vint là à mout grant paine, pour les aguiez qui li furent fais de la gent de l’Eglise. Si tost comme il fu venus à Romme, il fist abatre toutes les tours de la cité, fors la tor au conte de Naples, et chaça touz les nobles hommes de la partie de l’Église, et domaga les cardinaus et mist souz piez pour ce qu’il li avoient esté contraires à l’autre foiz, et assist i port à Romme que l’en apelle Torice[498]. Mès une maladie le prist, dont il morut. Portez fu à Romme, là fu plaint et regretez du menu pueple pour ce qu’il estoit bons justicierres et droituriers. Pour l’amour de lui, il firent senateur de mestre Castelain[499] son oncle.

Celle année plut tant et fist si granz cretines que les blez qui estoient aus champs et es granches furent germez, et les vins ne porent meurer.


LXXXIV.
La pais du roy de France et du roy d’Engleterre[500].

Le roy Henri d’Engleterre vint en France l’an de grâce mil CC LIX[501], et vint avoec lui le conte Rogier de Glocestre a grant compaignie de barons, de prelaz et de chevaliers. Le roy le reçut moult liéement et volt qu’il demourast en son palais à Paris. Grant feste et grant solez li fu fete toute une semaine entière, et donna le roy granz dons au roy Henri et à ses barons. Quant la feste fu departie, le roy Henri ala visiter Saint Denis où il avoit sa devocion. L’abbé et le couvent le reçurent moult honorablement, et furent tuit li moine revestuz en chapes de cuer. Iluec demoura le roy i mois et plus. Au departir, il donna une coupe d’or et i grant hanap d’argent ; et le jour qu’il s’en parti, il donna sa fille à Jehan[502] fiuz au duc de Bretaigne[503] et s’en revint devers le roy de France. Lors pour tous les descors, debaz, discencions, demandes et actions qui estoient et avoient esté entre les ii roys de France et d’Angleterre, fu ordené et deliberé par leur gré et volenté en la forme et maniere qui s’ensuit.

Ci après est la teneur de la chartre comment le roy Henry d’Angleterre renonça à toute la duchiée de Normandie[504].

A tous ceuls qui ces lettres verront ou orront, Nous, Boneface[505], arcevesque de Cantorbire, primaz de toute Angleterre ; Wals[506], evesque de Worecestre ; Symon de Montfort, conte de Leicestre ; Richart de Clare, conte de Glocestre et de Herefort ; Rogier le Bigot, conte de Norfolcher[507] et mareschal de Angleterre ; Humfroy de Bomi[508], comte de Herefort et de Essex. Guillaume de Forz, comte de Albemalle[509] ; Jehan de Plessiz[510], comte de Warewik ; Hugue le Bigot, justicié d’Angleterre ; Pierres de Savoie ; Rogier de Mortemer ; Jehan Mansel, tresorier de Evervik[511] ; Phelippe Basset ; Richart de Grey ; James de Aldichel[512] et Pierres de Monfort, conseilliers nostre seigneur le roy d’Angleterre, saluz en Nostre Seigneur. Nous faisons assavoir que nous avons veue et entendue la forme de la paix qui est faite et jurée entre le noble roy de France Loys et le noble roy Henry de Angleterre, nostre seigneur, en telz paroles.

Henris, par la grâce de Dieu roys de Angleterre, sires d’Illande et dux de Aquitaine ; nous faisons assavoir à touz ceuls qui sont et qui avenir sont, que nous, par la volenté de Dieu, avec nostre chier cousin, le noble roy Loys de France, avons paix faite et affermée en ceste maniere : C’est assavoir que il donne à nous et à noz hoirs et à noz successeurs toute la droiture que il avoit et tenoit en ces trois eveschiez et es citez ; c’est à dire de Lymoges, de Caours, de Pierregort, en fiez et en demaines, sauf l’ommage de ses freres, se il, aucune chose y tiennent dont il soient si homme, et sauves les choses que il ne puet mettre hors de sa main par lettres de lui ou de ses ancesseurs ; lesquelles choses il doit pourchacier en bonne foy vers ceuls qui ces choses tiennent, que nous les aions dedenz la Toussains en un an ; ou faire nous eschange convenable à l’esgart de preudeshommes qui soient nommez d’une part et d’autre le plus convenable au proffit des deux parties. Et encores le devant dit roy de France nous donra la value de la terre de Agenois en deniers chascun an, selon qu’elle sera prisée à droite value de terre, de preudeshommes nommez d’une partie et d’autre. Et sera faite la paie à Paris, au Temple, chascun an à la quinzaine de l’Ascencion la moitié, et à la quinzaine de la Toussains l’autre. Et s’il avenoit que celle terre eschaist de la contesse Jehanne de Poitiers[513] au roy de France ou à ses hoirs, il seroit tenus, ou ses hoirs de rendre la nous ou à noz hoirs, et rendue la terre il seroit quitte de la ferme. Et se elle venoit à autres que au roy de France ou à ses hoirs, il nous donroit le fié de Agenois avec la ferme devant dite. Et s’elle venoit en demaine à nous, le roy de France ne seroit pas tenuz de rendre celle ferme. Et se il estoit esgardé[514] par la court le roy de France que pour la terre de Agenois avoir, deussions mettre ou rendre aucuns deniers par raison de gagiere, li roys de France rendroit ces deniers, ou nous tendrions et aurions la ferme tant que nous eussions eu ce que nous aurions mis pour celle gagiere.

Derechief, il sera enquis en bonne foy et de plain, à nostre requeste, par preudeshommes d’une part et d’autre à ce esleuz, se la terre que li contes de Poitiers tient en Caorsin de par sa femme, fu du roy d’Angleterre donnée ou bailliée avec la terre de Agenois par mariage ou par gagiere, ou toute ou partie à sa suer[515] qui fu mere le conte Raymon de Thoulouse derrenierement mort. Et s’il estoit trouvé qu’il eust ainsi esté, et celle terre si eschaioit ou à ses hoirs du decez la contesse de Poitiers, il la donroit à nous ou à noz hoirs. Et se elle eschaioit à autre, et il ert trouvé par celle enqueste toutesvoies que elle eust ainsi esté donnée ou bailliée, si comme il est dit dessus, après le decez de la contesse de Poitiers, il donroit le fié à nous et à noz hoirs, sauf l’ommage de ses freres, se il aucune chose y tenoient tant comme il vivroient.

Derechief, après le decès le conte de Poitiers, li roys de France ou ses hoirs roys de France, donra à nous et à noz hoirs la terre que li contes de Poitiers tient ores en Xantonge, oultre la riviere de Charente, en fiex et en demaines qui soient oultre la Charente, s’elle li eschaioit ou à ses hoirs. Et se elle ne li eschaoit, il pourchaceroit en bonne maniere par eschange ou autrement, que nous ou noz hoirs l’aions, ou il nous feroit avenable eschange à l’esgart des preudeshommes qui seront nommez d’une part et d’autre. Et de ce que il donra à nous et à noz hoirs en fiex et en demaines, nous et nos hoirs li ferons hommage lige et à ses hoirs roys de France, et aussi de Bordiaux, de Baionne et de Gascoingne, et de toute la terre que nous tenons delà la mer d’Angleterre en fiez et en demaines, et des isles, s’aucunes en y a que nous tiengnons qui soient du royaume de France, et tendrons de lui comme per de France et dux de Aquitaine. Et de toutes ces choses devant dites, li ferons nous servises avenables jusques atant que il fust trouvé quiex servises les choses devroient, et lors nous serions tenuz de faire les telz comme il seroient trouvez. De l’ommage de la conté de Bigorre, de Armeignac et de Foiensac, soit ce que droit en sera. Et li roys de France nous claime quicte, se nous ou nostre ancesseur li feismes onques tort de tenir son fyé sanz li faire hommage et sanz li rendre son servise et tous arrerages.

Derechief, li roys de France nous donra ce que cinq cenz chevaliers devroient couster raisonnablement à tenir deux ans, à l’esgart de preudeshommes qui seront nommez d’une part et d’autre ; et ces deniers sera tenuz à paier à Paris au Temple, à six paies, par deux ans. C’est assavoir : à la quinzaine de la Chandeleur qui vient prochainement, la premiere paie ; c’est à dire, la sizième partie. Et à la quinzaine de l’Ascension ensivant, l’autre partie. Et à la quinzaine de la Toussains, l’autre. Et ainsi des autres paies en l’an ensuyvant. Et de ce, donra li roys de France, le Temple ou l’Ospital, ou ambedeux ensemble, en plege. Et nous ne devons ces deniers despendre fors que ou servise Dieu et de l’Eglise, ou au proffit du royaume d’Angleterre. Et se, par la veue des preudeshommes de la terre esleus par le roy d’Angleterre et par les haulz hommes de la terre, et par ceste paix faisant, avons quicté et quictons du tout en tout, nous et nostre dui fil au roy de France et à ses ancesseurs et à ses hoirs et à successeurs et à ses freres et à leurs hoirs et à leurs successeurs, pour nous et pour noz hoirs et pour noz successeurs, se nous ou nostre ancesseur aucune droiture avons ou eusmes onques en choses que li roys de France tiengne ou tenist onques ou si ancesseur ou si frere : c’est assavoir, en la duchée et en toute la terre de Normandie, en la conté et en toute la terre d’Anjou, de Touraine et du Maine, et en la conté et en toute la terre de Poitiers ou aillieurs en aucune partie du royaume de France ou es isles, se aucunes en tient li roys de France ou si frere, ou autres de par euls et tous arrérages. Et aussi avons quitté et quittons nous, et nostre duy fil, à tous ceulz qui de par le roy de France ou de par ses ancesseurs ou de ses freres tiennent aucune chose par don, ou par eschange, ou par vente, ou par achat, ou par ascensement ou en autre semblable maniere en la duchée et en toute la terre de Normandie, en la conté et en toute la terre d’Anjou, de Touraine et du Maine, et en la conté et en toute la terre de Poitiers ou aillieurs, en aucune partie du royaume de France ou es isles dessus dites, sauf à nous et à noz hoirs nostre droiture es terres dont nous devons faire hommage lige au roy de France par ceste paix, si comme il est dessus devisé, et sauf ce que nous puissions demander nostre droiture, se nous la cuidons avoir en Agenoiz et avoir là se la court le roy de France le juge, et aussi de Caoursin.

Et avons pardonné et quicté li uns à l’autre et pardonnons et quictons tous maltalenz de contanz et de guerres, et touz arrerages, et toutes issues qui ont esté eues ou qui porent estre eues en toutes les choses devant dites, et touz domages, et toutes mises qui ont esté fait ou faites de çà ou de là en guerres ou en autres manieres.

Et pour ce que ceste paix, fermement et establement, sanz nulle enfraingnance, soit tenue a tousjours, li roys de France a fait jurer en s’âme par ses procureurs especiaulx à ce establiz, et si dui fil ont juré ces choses à tenir tant comme à chascun appartendra ; et à ce tenir ont obligié eulz et leurs hoirs par leurs lettres pendanz. Et nous, de ces choses tenir, sommes tenuz de donner seurté au roy de France des chevaliers, des terres devant dites meismes que il nous donne et des villes selon ce que il nous requerra.

Et la forme de la seurté des hommes et des villes, pour nous sera tele. Ilz jurereont qu’ilz ne donront ne conseil, ne force, ne ayde pour quoy nous ne nostre hoir venission encontre la paix. Et s’il avenoit, que Dieu ne vueille ! que nous ou nostre hoir venissions encontre, et ne le vousission amender puis que li roys de France ou si hoir roy de France nous en auront fait requerre ; cil qui la seurté auroient faite, dedenz les trois mois que il les en auroient fait requerre, seroient tenuz de estre aidanz au roy de France et à ses hoirs contre nous et noz hoirs, jusques atant que ceste chose fust amendée souffisamment à l’esgart de la court le roy de France. Et sera renouvelée ceste seurté de dix ans en dix ans à la requeste du roy de France ou de ses hoirs roys de France.

Et nous, ceste paix et ceste composicion entre nous et le devant dit roy de France affermée, à toutes les devant dites choses, et chascune, si comme elles sont dessus contenues, promettons en bonne foy pour nous et pour noz hoirs et pour noz successeurs, au devant dit roy de France et à ses hoirs et à ses successeurs loialment et fermement à garder, et que nous encontre ne vendrons par nous ne par autre, en nulle maniere ; et que riens n’avons fait ne ne ferons par quoy les devant dites choses, toutes ou aucune, en tout ou en partie aient mains de fermeté.

Et pour ce que ceste paix, fermement et establement, sanz nulle enfraingnance, soit tenue à tousjours, nous, à ce obligons nous et nos hoirs, et avons fait jurer en nostre âme par noz procureurs, en nostre presence, ceste paix si comme elle est dessus devisée et escripte, à tenir en bonne foy tant comme à nous appartendra, et que nous ne vendrons encontre ne par nous ne par autre.

Et en tesmoignage de toutes ces choses, nous avons fait au roy de France ces lettres pendanz seellées de nostre seel. Et ceste paix et toutes les choses qui sont dessus contenues, par nostre commandement especial, ont juré Edduvard[516] et Eadmont[517] nostre fil, en nostre presence, à garder et à tenir fermement, et que ilz encontre ne vendront par eulz ne par autre. Ce fu donné à Londres le lundy prochain devant la feste saint Luc l’evangeliste[518], l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil cc cinquante et nuevisme, el mois de octouvre.

Et nous, ceste paix et ceste composicion, si come elle est contenue par dessus, voulons et octroions et loons et conseillons, et en la presence au devant dit nostre seigneur le roy, et par son commandement especial, nous arcevesque et evesque, avons promis en parolles de prouvoires. Et nous, contes et barons, avons juré sur saintes euvangiles que nous yceste paix, si comme elle est dessus contenue, et toutes les choses et chascune par soy qui sont en celle paix contenues, tant comme à nous appartient, fermement et establement tendrons et garderons, et que à bonne foy travaillerons et pourchacerons que nostre sires li roys d’Angleterre et si hoir, et toutes les choses et chascune par soy qui sont contenues en ceste paix, lealment acompliront et garderont fermement. Et cest sairement avons fait en la presence des messages le noble roy de France envoiez à ce de par lui et recevanz de par lui. Et en tesmoing de ceste chose, nous avons mis noz seaulx en cestes presentes lettres. Ce fu donné ou lieu et ou jour et en l’an devant diz.

Item, en celi temps, mourut l’ainsné filz du roy de France, avant ce que le dessus dit roy Henry d’Angleterre se partisist de France, ne que la chartre dessus escripte feust donnée.[519]Et trespassa à Paris, et aprés fu porté à Saint Denys en France, et fist l’en là le servise des mors devotement. Et aprés le service, ledit roy Henry d’Angleterre et les plus nobles qui là furent, pristrent le corps et le porterent parmy la ville de Saint Denys et plus avant, bien près de demie luye, et le soustenoient à leurs espaules. Et pour ce que si noble prince ne fust trop lasse, autres gens le pristrent et le porterent jusques en l’abbaye de Reaumont, et le dit roy Henry et pluseurs autres nobles li firent compaignie. Et puis au retour de Reaumont, le roy Henry prist congié du noble roy de France et retourna en Angleterre.

[520]Item, en ce temps meismes, pape Alexandre Quint[521] de la nation de Champaigne prist le sige et y sist sept ans. Le siege fu vaquant iii mois et iiii jours.

[522]Item, ou temps de celui pape, Mainfroy filz bastart de Fedrich emperiere, portant soy comme hoir de Conradin[523] neveu de Fedrich dessus dit, lequel Conradin estoit faussement tenu pour mort, fu premierement escommenié pour ce que ou prejudice de l’Eglise, il avoit pris et mis la coronne du royaume de Sezile[524] en sa dominacion et puissance sans juste cause et à tort, et puis après fu envoiez a grant ost contre lui ; mais il ne proffita en rien et s’en retourna.

Ou temps de ce pape, les princes d’Alemaigne électeurs de l’emperiere, se deviserent en ii parties. Les uns eslurent à emperiere Alphons roy de Castelle[525] et les autres Richart conte de Cornubie[526], frere du roy d’Angleterre ; pour quoy il ot descort qui puis dura pluseurs ans.

[527]Ycelui pape, qui nommés estoit Alexandre, reprouva et dampna ii faux livres, desquiex l’un disoit que tous religieux qui preschoient la parole Dieu ne povoient estre sauvez en vivant d’aumosnes ; et enseignoit pluseurs autres erreurs contre l’estat de povreté. Et fu aucteur de celui livre un clerc nommé maistre Guillaume de Saint Amor qui fu condempné ensemble avec son œuvre et sa fausse doctrine[528].

Li autres livres affermoit, entre les autres erreurs qui y estoient contenues, que l’euvangile de Jhesu Crist et la doctrine du nouvel testament ne parmena onques homme à perfeccion, et que elle devoit estre mise en néent et condempnée après mil cc lx ans, et en l’an mil CC LX, devoit commencier la doctrine de Jehan, lequel livre l’aucteur appella l’euvangile pardurable en attribuant à ce livre toute la perfeccion de ceulz qui sont à sauver.

Item, il estoit dit en celui livre que les sacremens de la nouvelle loy devoient en yceli an mil CC LX estre évacués et anullez. Lesquelles erreurs, toute l’experience du temps et l’auctorité du pape condempna et anoienty.

Il est affermé que l’aucteur de ce livre nommé l’Euvangile pardurable[529] fu un qui avoit nom Jehan de Parme, Jacobin. Et fu ce livre publiquement ars[530].

Item, en celui temps, le vie jour du mois de septembre[531], fu quis et trouvé le corps de monseigneur saint Saturni, martir, qui fu premier evesque de Thoulouse, et fu trouvé en son moustier à Thoulouse, ouquel moustier, par la grâce et volenté de Dieu, il fait et a fait ou temps passé pluseurs et merveilleus miracles dignes de gant loenge.

Item, en celui temps commença grant turbacion de l’Université de Paris contre les povres religieus estudians en theologie, par l’entichement du devant dit Guillaume de Saint Amor. Mais après, la turbacion cessa par le pape, et l’aucteur Guillaume fu banis du royaume de France[532].

[533]Item, en celui temps, le roy de Hongrie, pour certaines terres, assailli en bataille le roy de Boesme, et avoit en son ost de diverses nacions orientales de païens environ xi mile hommes de cheval, auquel le roy de Boesme vint encontre a cent mile hommes de cheval, entre lesquiex il en y avoit vii mile tous couvers de fer. Et comme la bataille fust commenciée es fins du royaume, à l’assembler des chevaux et des armes, si grant poudre s’esdreça de terre que en plain jour, à heure de midy, homme povoit à très grande paine congnoistre l’autre, pour l’obscurité de la poudriere qui sourdoit de dessus la terre. Finablement, les Hongres, aprés ce que leur roy ot esté navrés, s’enfouyrent, et si comme ilz se hastoient de fouyr, il en chay en un flueve parfont par où ilz devoient passer vim hommes ou environ qui [furent] tous noiez et mors, sans ceuls qui furent occis en ladite bataille. Mais comme le roy de Boesme ot eue victoire et feust entrez a grant force de genz d’armes ou royaume de Hongrie, le roy de Hongrie, par ses messages li requist que il vousist faire paix et accort à li, et il luy rendroit les terres qui estoient cause du descort. Si acorderent ensemble et furent amis, et pour le temps avenir fu l’amistié confermée par mariage[534].

[535]Item, ou temps de celui Mainfroy, dont dessus est faite mencion, lequel estoit chief et refuge de tous mauvais et desloiaus qui vouloient entrer en sa terre, pour vray, l’avision d’une commete ou estoille courut devant la mutacion et ordre des maulx dessus dis ; laquelle commença environ my mois de juillet, à apparoir au commencement de la nuit vers occident. Et après aucuns jours, vers la nuit apparoit en la partie d’orient, et estendoit pluseurs rays vers la partie d’occident. Et fu son cours jusques à la fin du mois de septembre.[536]En autre cronique est ainsi escript que la semblance de celle commette estoit aussi comme d’une estoille obscure, et issoit de celle estoille aussi comme flambe, et estoit la fourme et la grandeur de li aussi comme le voile d’une nef. Chascune nuit quant la flambe de li descendoit du lé, elle croissoit en lonc ; et après, en la xe kalende d’octobre, environ l’aube du jour, fu veue en la partie de midy la flambe de la longueur d’un coute ; et s’estendoit à paines jusques à occident ; et ainsi, petit à petit atenoiant ou diminuant, s’esvanouy. Et ja soit ce que par aventure elle signifiast moult de choses en diverses parties du monde, toutesfoiz il fu trouvé pour certain que quant elle commença à apparoir, le pape mourut[537].

[538]Le roy de France ot conscience, pour la terre de Normendie que le roy Philippe Dieudonné avoit conquise et retenue par droit jugement des pers de France sus le roy Jehan d’Engleterre. Par pluseurs foiz en parlerent ensemble, et s’acorderent en la maniere qui s’ensuit.

C’est asavoir que le roy Henri, de sa bonne volenté et du consentement le roy Richart d’Alemaigne[539], et du conseil et de l’acort aus barons d’Engleterre, quita du tout en tout, pardurablement et à touz jourz au roy de France et à ses hers, tout le droit qu’il pooit avoir en la duchée de Normendie et en la terre d’Anjou et de Poitou et du Maine[540]. Pour laquelle quitance le roy li donna Gascongne et Agenois en tel maniere qu’il la tendroit en fié et en hommage du roy de France et de ses hoirs, et que il seroit apelez et entitulez es registres de France duc d’Aquitaine et per de France. Lequel homage, le roy Henri fist en la presence de ses homes et des barons de France, et promist par son serement estre bons et leaus envers son seigneur le roy de France.

Quant la pès fu confermée, le roy Henri chevaucha parmi France et regarda le païs qui mout li sembla bel. Si avint que li aisnez fiuz au roy de France morut à Paris[541] ; si fu portez à Saint Denis et fist l’en là le service des mors devotement. Après le service, le roy Henri d’Engleterre et les plus nobles qui là furent pristrent le cors et le porterent parmi la ville Saint Denis et plus avant, la moitié d’une mille à leur propres espaules. Et pour ce que si noble prince ne feust trop lasse, autres genz le porterent desci à Reaumont. Et le roy Henri et pluseurs autres nobles hommes li firent compaignie. Au retorner de Reaumont, le roy Henri prist congié et retorna en Engleterre.


LXXXV.
Comment Mainfroi fu couronnez de Sezile[542].

Il avint assez tost après que le roy Henri fu retornez en sa terre, que Mainfroi[543], prince de Tarente, prist assez de fors chastiaus et de bonnes citez el reamme de Sezile en sa main, enseignant qu’il estoit tuteur et curateur Corradin son neveu, pour ce qu’il estoit enfes ne n’estoit pas en aage de tenir terre. Après ce, il fist tant par dons et par promesses, qu’il fu corronnez à roy de Sezille et que touz les barons du païs s’i acorderent contre la volenté de l’eglise de Romme, de qui le reamme de Sezile est tenuz. Pour laquel chose et pour autres griez qui trop seroient lons à raconter, l’apostoile Alixandre esconmenia Mainfroi et le mist hors de toute digneté par sentence diffinitive, comme cil qui estoit apert anemi de sainte Eglise et avoit en sa compaignie Sarrazins et Juis, et toutes manieres de genz qui estoient contraires à sainte Eglise et à la foy crestienne.


LXXXVI.
Comment Tartarins destrintrent pluseurs terres[544].

Nouvelles vindrent au roy de France, de par le pape[545], que les Tartarins avoient destruit grant partie de la terre d’outre mer et avoient tant occis de Sarrazins que nus n’en savoit le nombre, et le soudan desconfit en champ de bataille. Avoec tout ce, il avoient desconfit le roy d’Ermenie et avoient pris Antioche, Triple[546], Damas, Halape[547] et toutes les terres environ ;[548]et estoient en grant doute les crestiens d’Acre et dou païs environ, qu’il ne les venissent occire. Et estoit leur propos, si comme aucuns crestiens disoient, de passer outre et de gaster toute crestienté. Quant le roy oï tiex nouvelles, si manda[549] les barons de France et les prelas, et leur conta comment les Tartarins avoient toute destruite la terre d’outre mer et que leur propos estoit de venir en France, si comme l’en disoit. Si s’acorderent touz les barons, par le conseil du roy, que l’en feist aumosnes au povres, et que les religions feissent pourcessions et prieres que Nostre Sires vousist garder son pueple. Avoec ce, il fu commandé au pueple qu’il se gardassent de jurer vilainement, et d’aler es tavernes pour les gloutonnies qui i sont fetes et dites. Tournoiemenz furent deffendus et joustes et hourdeiz.[550]Le roy commanda aus barons que tuit fussent garnis d’armes et de chevaus. Toutes manieres de geus furent deffenduz, fors de traire d’arc et d’arbaleste. Si avint que les Tartarins qui menoient si grant mestrise, furent soupris de diversses maladies et s’en retornerent en leur terre, et pluseurs en morurent.


LXXXVII.
De pluseurs aventures[551].

Celle année que l’en estoit en si grant doute des Tartarins, s’assamblerent les puissanz hommes de Florence et alerent contre ceus de Saine la Vielle[552] pour desconfire touz ceus qui dedenz estoient, quar cil de Saine leur avoient fet grief et domage par la force Mainfroi, en qui garde Saine la Vielle s’estoit mise. Cil de Florence avironnerent la cité de toutes pars et commencierent forment à assaillir, ne ne cuidierent pas que cil dedenz eussent si grant pooir comme il avoient, quar grant aide leur estoit venue de nouvel par le roy Mainfroy. Quant les Florentins se furent espanduz et departis entour la ville, cil dedenz issirent hors et leur coururent sus ; si en ocistrent assez et les autres enmenerent chaçant iusques dedenz Florence, et ardirent les fors bors et grant partie de la cité ; et les menerent si mal et si estroit qu’il se mistrent tuit en la seignorie Mainfroy le roy de Sezile.

Celle année trespassa sains Phelippe[553] arcevesques de Bourges[554] et l’apostoile Alixandre. Les cardinaus firent apostoile de Jaques de la cité de Troies, et fu apelez Urbain[555].


LXXXVIII.
Du mariage le roy Phelippe de France[556].

Le roy de France envoia ses messages au roy d’Aragon et li requist Ysabel[557] sa fille pour donner à Phelippe son fiuz. Le roy Jaques reçut les messages courtoisement et leur bailla sa fille ; et cil la reçurent et retornerent en France. Si tost comme il orent passé la Ricordane, le roy fu à l’encontre et la mena à Clermont en Auvergne, et tint feste sollempnel le jour de Penthecouste[558]. A celle feste furent maint haut prince et maint haut baron, qui grant joie menerent pour l’amour du roy. Por ce mariage, en signe de pais, le roy d’Arragon quita à touz jorz pardurablement au roy de France et à ses hoirs, tout le droit et toute la seingorie qu’il avoit en la cité de Carcasonne et en celle de Bigorre[559] et en cele de Amilli[560]. Et le roy de France leur quita tout le droit qu’il avoit en la conté de Besac[561] et de Dampire[562] et de Roussillon et de Barselonne. Ce fu fet l’an de grâce M CC LXII.


LXXXIX.
De la mort au conte Simon de Lincestre[563].

Assez tost après, avint en Engleterre que i chevalier de la nation de France, noble en armes, sages hom du siecle, qui estoit apelez Simon de Montfort[564], ice Simon[565] mist grant paine de destruire le vice de herisie en Aubigeois. Pour la prouece qui estoit en lui, le roy Henri d’Engleterre li donna sa seur en laquelle il engendra v enfanz : Henri, Symon, Richart, Gui, Amauri[566] et une fille qui fu mariée au prince de Gales[567]. Le roy manda ses barons et les prelas de son reamme et tint son parlement en la cité de Londres. Si parlerent de l’estat du reamme[568] et des coustumes du païs ; si parla i chevalier et dist que le reamme de France estoit bon et vertueus, et fort des genz d’Engleterre, pour ce qu’il y aloient demourer et lessoient leur propre païs, por ce qu’il n’i pooient monteplier, pour la coustume du païs qui est tele que le premier des enfanz a tout et li autre sont eschis et povres, et covient qu’il voisent querre leur soustenance en France et es estranges contrées, par quoi Engleterre n’est pas si plaine de gent comme sont ces estranges contrées. Mès se il partoient aussi comme il font en France, il entendroient à labourer les terres et les boscages, et le pueple se monteplieroit. « Par la pitié de Dieu », dist le roy, « je m’acort que ainsi soit il fait et que ceste mauvese coustume soit abatue. » A ce s’acorderent li pluseur des barons du païs et voudrent qu’il feust affermée par le serement de touz. Quant vint au jurer, le conte Symon leur dist que il gardassent bien comment il feroient le serement, quar en nule maniere, puis qu’il auroit juré à garder la constitucion, il n’iroit contre son serement. Assez tost après le roy et les barons orent autre conseil, et rapelerent la dite constitucion que il avoient promise à garder par leur serement, et vodrent que le conte Symon rapelast son serement ; et il respondi qu’il juroit ja contre son serement et que ja par lui ne seroit faussé pour ceste chose. Pour ceste chose mut grant haine et grant contens entre eus. Le roy Henri et Odouart son fiuz assamblerent grant ost contre le conte Simon ; et Rogier le conte de Glocestre[569] et ceus de Londres vindrent contre le roy à bataille et assamblerent delez une abbaïe que l’en apelle Leaus[570]. Tant ferirent et chaplerent ensamble que le roy fu menez à desconfiture ne ne pot durer contre la force au conte Simon. Si s’enfoui en l’abbaïe de Leaus et cuida eschaper ; mais le conte le quist tant qu’il le trouva et le mist en i chastel et Odouart son fiuz, et commanda qu’il feussent gardez honnestement.

Nouvelles vindrent au roy de France que le roi Henri estoit en prison par le commandement Symon de Monfort ; si en fu dolent et corrouciez. Si ala à Boulongne-seur-Mer et manda le conte Symon. Si tost comme il oït le mandement, il vint à Boulonge[571] et parlerent ensamble de la pès ; et requist le roy au conte Symon qu’il delivrast le roy Henri et son fiuz de sa prison, et que il les acorderoit ensamble si que le conte i auroit honneur et proufit. Le conte respondi que ja ne s’acorderoit se la constitucion que le roy avoit jurée n’estoit gardée à tenir fermement. Quant le roy de France vit qu’il ne porroit oster le conte de son propos, si li donna congié de retorner. Si tost comme il fu retornez, il prist en sa main, par la volenté du commun pueple les chastiaus et les fortereces du païs ; et firent aliances ensamble, lui et le conte de Glocestre, qu’il garderoient les choses communes au profit du roi et de son reamme. Si comme le conte Symon et cil de Glocestre durent donner seurté li uns à l’autre, il se descorderent et s’entredistrent paroles despiteuses, et departirent par mal talent. Quant il furent departis, le conte Rogier penssa en son cuer comment il porroit domagier le conte Simon. Si envoia par malice le meilleur destrier et le plus isnel qu’il peust trouver à Odoart, au chastel où il estoit, en autrui non que ou sien ; sur lequel destrier Odouart monta et s’enfoui de la prison au conte Simon[572], et s’en vint au conte de Glocestre et firent aliances ensamble d’aler contre le conte Symon qui garde ne s’en donnoit, ainz avoit baillié grant partie de sa gent à Symon son filz pour ce qu’il alast par le païs pour assambler vitaille. Si comme Symon retornoit à son pere, une espie le vint dire au conte de Glocestre. Si li vint au devant entre lui et Odouart atout grant gent ; si li tolirent sa proie et le cuidierent prendre, mais il s’enfoui jusques à i chastel à garant. Si ot si grant honte des garnisons qu’il avoit perdues qu’il n’osa retorner à son pere qui l’atendoit de jour en jour. Quant il l’orent enchacié au chastel, il assamblerent tout le pooir qu’il porent avoir et vindrent contre le conte Simon qui atendoit son fiuz et la gent qui estoient avoec lui. Et si atendoit le secors Henri d’Alemaigne[573], quar il li avoit juré et plevi qu’il seroit en s’aide et que ja à ce besoing ne li faudroit. Cil qui sorent que le conte avoit poi gent, alerent plus hardiement contre lui ; et estoit leur entencion d’ocirre le conte Symon et touz ses enfanz. A ce ne s’acorda pas Odouart, ançois leur pria qu’il feussent pris sanz ocirre. Simon sot bien qu’il venoient pour lui prendre ou ocirre ; si s’apresta contre eus à bataille, et furent avoec lui ses ii enfanz, Gui et Henri. Si comme il aprochoient de leur anemis, le conte dit à son fiuz : « Sachez, Henri, biaus fiuz que je morrai en ceste bataille. » Quant son fiuz l’entendi, si en ot grant pitié et li dist doucement : « Biax chier pere, alez vous en et sauvez vostre vie, et je soustendrai cest assaut en l’aide Nostre Seigneur. » « Biaus fiuz, ce n’avendra ja que je, ceste honte face, qui sui vieus et au terme de ma fin, et qui sui de si noble parenté descenduz, qui onques ne fouirent en bataille ; mès tu t’en devroies aler pour eschever ce peril, que tu ne perdes la fleur de ta jouvente, qui doiz estre successeur ton pere par prouece et par armes. »

Ne li uns ne li autres ne vodrent partir de la bataille. Le conte avoit grant fiance en Henri d’Alemaigne, quar il li avoit promis qu’il vendroit en s’aide a toute sa gent. Mais quant ce Henri vint en champ, il se torna contre lui et pluseurs barons es quiex le conte avoit fiance en leur aide. Quant le conte vit les banieres venir de toutes pars qui se retornerent contre lui ; si fu mout esbahis et corrouciez ; et ne pourquant il ne volt fouir. En ce jour avint que tout le fais de la bataille chai seur le conte Symon, qui par la prouece de ses armes dont il estoit de lonctemps apris se deffendoit ainsi fermement comme une tour ; mès tout ce ne valut neant, quar il ot poi gent, si que ses anemis aprochierent de lui et le navrerent à mort, et chai à terre de son cheval ; et ainsi la prouece et la chevalerie de lui termina par fin honorable.

D’autre part, Henri son fiuz qui se combatoit aussi comme hors du sens pour la mort de son pere, maintenoit trop viguereusement l’estour, fu abatuz et pris. Et après ce que il fu pris, fu il ocis entre les mainz d’aucuns chevaliers qui le vouloient sauver. Quant Odouart sot que Henri fu ocis, si dist que ce estoit grant mauvaistié de ocirre chevalier puis qu’il estoit pris.

Gui le plus jeune des freres chai entre les mors touz pasmez aussi comme demi mort ; lequel fu recueilli et mis hors de la presse. Aucun de la partie Odouart furent plain de si grant felonnie et orent en si grant haine le conte Symon, qu’il ne leur souffist pas de ce qu’il l’avoient ocis de pluseurs plaies, quar il furent pis, quar il li esrachierent les genitaires du cors, et puis le despecierent par pieces et lessierent le cors tout descouvert pour devourer aus oisiaus du ciel. Si tost comme il se furent d’iluec parti, les moines d’une abbaïe près d’iluec, qui est apelée Evezent[574], recueillirent le cors et le porterent ensevelir en leur abbaïe. Duquel à sa sepulture, moult de malades de diverses maladies orent santé, si comme il fu tesmoignié des genz du païs. Par quoi il appert clerement que Nostre Sires reçut en gré son martire. Ceste bataille fu l’an de grâce mil CC et LXIII.


XC.
Des messagiers le pape Urbain contre Mainfroi[575].

Pape Urbain qui fu desirrant de metre à fin la mauvaistié de Mainfroi, envoia ses messagers au roy de France[576], et li requist qu’il vousist secorre et aidier l’eglise de Romme contre le roy Mainfroi de Sezile, qui s’estoit mis et bouté en la terre et el reamme à tort et sanz reison ; lequel reamme doit estre tenuz de l’Eglise dès le temps l’empereeur Constentin qui le donna et otroia au patremoine saint Pere, et volt que quiconques en seroit roy, qu’il en feust home saint Pere et qu’il le tenist de lui. « Et comme Mainfroi ne voeille fere droit à sainte Eglise, biaus chiers fiuz, je vous prie que vous m’envoiez Karle vostre frere a tout son pooir, et nous li otroions et donnons le reamme de Sezile et la duchié de Puille ; et avoec ce nous voulons qu’il soit prince de Calabre ; et toutes ces dignetez nous li otroions jusques à la quarte ligniée qui de lui istra[577]. » Quant le roy oï les nouvelles, si se conseilla qu’il en feroit ; ne n’estoit pas sa volenté que Karle son frere i alast se il n’avoit les dignetez dessus nonmées à touz ses hoirs et à touz jourz mès. Mès Karle reçut le mandement l’Apostoile[578] liéement, et dist au roy que sa volenté estoit de secorre sainte Eglise et de li aidier a tout son pooir. Le roy ne volt pas empeechier le bon propos son frere ; si li otroia.

Tant estoit Mainfrois montez en grant estat qu’il avoit en s’aide toute la greigneur partie des citez de Ytalie, et li obeissoient comme à seigneur et à roy. Si establi ilec et en son non Poilevoisin[579] a grant compaignie de genz d’armes (il resambloit Mainfroi de contenance et de maniere mieus que nul homme), pour ce qu’il gardast les passages, que nul peust passer outre qui feust de l’aide le pape de Romme ; ne messagier ne autre ne pooit passer qui ne feust desrobez ; ou il perdoit la vie, ou il estoit mis en prison.

Nouvelles vindrent en France que Poilevoisin gardoit les passages si estroitement que nul ne pooit passer. Si manda le conte Karle qui estoit esleu à roy de Sezile Phelippe de Montfort[580], bons chevaliers et hardiz pour abatre et oster la mauvaistié Poilevoisin et pour delivrer le chemin de Romme. Ice Phelippe se mist à la voie et enmena avoec lui le marchis de Montferrant[581] et toute la commune de la cité de Melan qui à celle foiz furent de la partie aus François, quar il avoient en grant haine Mainfroi, pour ce que l’emperere son pere avoit fet abatre toutes les tours de Milan et les fortereces ; et si leur avoit osté les iii roys qui vindrent aourer Nostre Seigneur quant il fu nez, et les envoia à Coulongne sus le Rin[582].

[583]Phelippe de Montfort vint à i pas où il trouva Poilevoisin a grant ost, et avoit en s’aide toute la fort gent de Cremonne. A euls se combatirent si vertueusement, que Poilevoisin torna en fuie et cil de Cremonne, et lessierent le pas tout delivre. Phelippe et sa gent passerent outre ; si trouverent les tentes à ceus de Cremonne et leur garnisons de vins et de viandes ; si pristrent quanqu’il porent trouver de bon, et puis bouterent le feu dedens et s’en passerent outre et delivrerent les passages et les chemins, si que cil qui vouloient aler à Romme pooient passer seurement. Ce jour meismes que Phelippe de Monfort se combati, morut l’apostoile Urbain[584]. Tantost li cardinal s’assamblerent et se hasterent mout de fere pape pour le triboul où l’eglise estoit contre Mainfroi. Si firent pape de messire Gui[585] et l’apelerent Climent. Cil ot premierement fame et enfanz[586]. Après la mort sa fame, il fu evesques de son païs[587] ; et après il fu arcevesques de Nerbonne seur Mer[588] ; et après il fut cardinal de Sainte Sabine[589] et puis pape de Romme.


XCI.
Comment le conte Karle fu couronné à roy de Sezile[590].

Le conte[591] d’Anjou assembla granz genz et grant chevalerie, et les envoia droit à Romme parmi Lombardie et il s’en ala à Marseille et manda Guillaume le Cornu et Robert des Bauz, les ii plus sages hommes de mer que l’en peust trover, et savoient touz les aguiez et tous les passages de mer. Si leur dist le conte Karle tout son penssé et qu’il vouloit aler à Romme celéement. Et il respondirent que il conduiroient sauvement à l’aide de Dieu. Tantost apresterent une galie de quanque mestier estoit et se mistrent en mer le plus celéement qu’il porent, et passerent les aguiez de leur anemis, quar Mainfroi feisoit guetier le conte Karle et par mer et par terre pour ce qu’il savoit bien qu’il devoit venir à Romme. Quant le conte fu arrivé au port, nouvelles s’espandirent par le païs que le conte Karle estoit venus. Si commencierent à dire li Rommain : « Que sera de cest homme que les periz de mer ne les aguiez de ses anemis ne troublent ; verainement la vertu Nostre Seigneur est avoec lui. » L’apostoile Climent et le clergié le reçurent a grant honneur, et fu fet senateur de Romme par la volenté de touz. Assez tost après, l’Apostoile manda les cardinaus et leur dist que Mainfroi avoit mout grevé ses devanciers et dessaisis de toute la seignorie du reamme de Sezile. « Et comme le conte Karle soit venus en ceste contrée pour nous aidier, bien li devrions donner la digneté et l’onneur que ce renoié tient à tort et sanz reison, et les tresors de sainte Eglise abandonner. »

Les cardinaus respondirent : « Vicaire de Dieu, mout avez bien parlé à l’onneur de sainte Eglise et nous le volons tuit. » L’Apostoile fist asavoir au conte Karle tout son penssé et qu’il vouloit que il feust rois de Sezile, et Mainfroi le bastart en feust desposé. Les nobles hommes de Romme et de la contrée s’assamblerent au jour que le roy fu couronné[592], et firent grant feste parmi Romme ; et commença le pueple à crier « Vive le roy Karle. Vive le roy, et Mainfroi soit abatuz et condampnez ». Quant le roy Karle fu couronnez, il le couvint demourer à Romme tant que les chevaliers de France fussent venuz, quar il n’avoit pas gent dont il peust en champ venir contre Mainfroy. Mès les barons se hasterent tant que presque tuit entrerent en Romme. En l’ost de France fu Bouchart de Vendôme[593], Gui de Biaulieu l’evesque d’Auçoirre[594], Gui[595] et Phelippe de Montfort[596], Guillaume et Pierre de Biaumont[597] ; et Robert le fiuz au conte de Flandres[598] a grant chevauchiée de gent quar il avoit espousée la fille au roy ; et pour ce qu’il estoit enfes, Gille le Brun connestable de France, conduisoit son ost. Le roy fu forment lié quant ses chevaliers furent venus ; si fist tantost trousser son harnois, et issi de Romme a grant compagnie[599]. Tant fist par ses jornées qu’il entra en la terre de ses anemis et vint au pont de Chipre[600] où l’entrée est en terre de Labour et de Puille jusques à Saint Germain l’Aguillier[601]. Le chastiau de Saint Germain estoit de touz les autres du païs le plus fort et le miex garniz, et y avoit tant de gent d’armes et si grant plenté de vitaille que l’en ne cuidoit pas qu’il peust estre pris legierement. En ce chastel estoit grant partie de la gent Mainfroi, qui estoient Alemanz, Puillois et Sarrazins. Tant furent seurcuidiez[602], qu’il manderent à Mainfroi qu’il li rendroient Kallot de France mort ou pris prochainement et que ja ne seroit si hardiz qu’il les osast atendre. Mès le roy Karle ala tant avant que lui et son ost furent bien près du chastel. Si tendirent leur tentes et leur paveillons, et les garçons et les genz de pié alerent aus murs pour veoir comme le chastel estoit fort et deffensable. Les Sarrazins et les sodoiers les commencierent à moquier et à mesdire vilainement, et demanderent : « Où est Kallot, vostre chetif roy ? » Cil qui ne porent soffrir leur vilaines paroles, leur lancierent pierres, et commencierent à paleter d’une part et d’autre. Le cri commença et la noise de plus en plus, si que toute l’ost se commença à esmouvoir. Aucuns des barons de France qui avoient tenduz leur paveillons plus loing du chastel que li autre, oïrent la noise ; si s’armerent pour ce qu’il cuidierent estre seurpris et que cil de Saint Germain fussent issu hors. Tuit communement coururent à assaillir le chastel aussi comme se il ne doutassent nul peril. Là fu l’assaut grant et aspre des François, si que cil du chastel furent touz espoentez de ce qu’il se virent assaillir de toutes pars si aigrement ; si s’en torna une partie en fuie si coiement, que les François n’en sorent rienz. Bouchart de Vendôme vit une porte ouverte ; si se feri el chastel tout le premier et Jehan son frere. Là se combatirent asprement les ii freres et ferirent tant à destre et à senestre qu’il firent voie à ceus qui après eus venoient, et que la porte fu toute porprise de la gent le conte, et que François i entrerent conmunement. Quant cil du chastel se virent si avironnez, si furent si espoentez qu’il commencierent à fouir. I escuier qui estoit après le conte de Vandôme prist sa baniere et la porta en une haute tor, si que cil qui dehors estoient la porent veoir. Si commencierent à courre vers le chastel et entrerent es portes qu’il trouverent ouvertes viguereusement, et quanqu’il encontrerent de leur anemis mistrent à l’espée, et prinstrent le chastel qui mout estoit bien garniz de vins et de viandes[603].


XCII.
Comment le roy se conseilla aus barons[604].

Le premier jour du quaresme[605] fu le chastel de Saint Germain pris. Quant l’ost de France se fu reposée, le roy Karle s’en ala après ceus qui s’en estoient fouiz de Saint Germain. Quant il sorent que le roy venoit après euls, si alerent à Mainfroi leur seigneur qui s’estoit logiez devant Bounivent[606] en une plaine. Le conte Gauvain[607] et le conte Jourdain rassamblerent leur gent, quar il furent mout honteus du meschief qui leur estoit avenu. Si donnerent conseil à Mainfroi qu’il atendist le roy Karle à bataille. Et le roy ala tant avant qu’il fu près de l’ost Mainfroi qui estoit ja tout ordené à bataille es plainz de Bounivent. Si tost comme le roy Karle et sa gent orent monté une montaigne, il virent l’ost Mainfroi tout apertement. Si s’arresterent et pristrent conseil qu’il feroient d’aler seur Mainfroi. Aucuns loerent que l’en atendist à l’endemain pour les chevaus qui estoient travaillié, et avoec ce il estoit près de midi. Les autres distrent tout le contraire, quar se leur anemis qui estoient tuit prest de combatre apercevoient qu’il ne venissent à euls, il cuideroient qu’il eussent paour. Si comme il parloient ensamble, Gile le Brun connestable de France, qui avoit en garde le fiuz au conte de Flandres et toute sa gent, dist au roy : « Quelque li autre facent je me conbatrai et irai tout maintenant seur mes anemis. » Quant le roy oï le conseil Gil le Brun, si penssa i poi et li fu aviz qu’il disoit bien. Si commanda que tuit feussent armé, et fu conseillié que il feissent iii batailles en conroy aussi comme Mainfroi avoit fet. Maintenant sonnerent trompes et buisines pour les François esmouvoir à bataille. Quant il furent armé et tuit prest de combatre, le roy les amonnesta et leur dist : « Seigneurs qui estes de France nez, dont tant de proueces sont et furent jadis racontées, ne vous conbatez pas pour moi, mès pour sainte Eglise, de laquelle auctorité vous estes absols de touz voz pechiez. Regardez voz anemis qui despisent Dieu et sainte Eglise, et qui sont esconmenié, qui est commencement de leur mort et de leur dampnacion ; et si sont de diverses nations, ne ne sont pas d’une creance ne d’une foy. Ne veez vous comme il se sont contenu à Saint Germain l’Aguillier qui leur estoit souvrain refuige contre toute gent. »


XCIII.
Comment la premiere bataille Mainfroi fu desconfite[608].

Après ce que le roy ot parlé aus barons, l’evesque d’Auçoirre les assost de touz leur pechiez et leur donna beneïçon en tel maniere que il doublassent les cops de leur espées seur leur anemis. Quant les batailles furent ordenées et mises en conroi, Phelippe de Montfort et le mareschal de Mirepois[609] furent chevetains de la premiere bataille, et assamblerent à la premiere bataille Mainfroi, en laquelle il avoit el front devant grant plenté d’Alemanz, es quiex Mainfroi avoit plus grant fiance que en tout le remenant de sa gent. Au premier assaut qu’il assamblerent, les Alemanz ferirent à granz cops estenduz sus les François, si que par force il les reculerent. Quant le roi Karle vit ce, qui estoit en la seconde eschiele et qui se devoit combatre à Mainfroi, si se feri a toute sa bataille entr’eus, mout irié en son corage. Li Alemant se tindrent mout bien et longuement quar il estoient bon chevalier et aussi comme tous armez de doubles armes, si que les espées des François ne les porent empirier ne mal metre. Quant ce virent François, si sachierent petites espées courtes et agues et estroites devant, et commencierent à crier en la langue françoise : « A estoc, à estoc dessous l’esselle », là où li Alemant estoient legierement armé. A celle criée, fu la bataille grant et mortel. Les François leur lancierent les espées agues es cors, et les Alemanz tresbuschierent aussi comme blé qui verse après la faucille ; si furent tuit mort et vaincu, et poi ou neant en eschapa qui ne feussent mort et ocis. Après ce que les Alemanz furent desconfiz, le roy et sa gent se ferirent en la seconde eschiele que Gauvain conduisoit et Jourdain. Mais quant il virent que les Alemanz furent desconfiz, es quiex il avoient toute leur esperance, si ne sorent que fere de fouir. Si tost comme François aperçurent leur mauvése contenance, si leur coururent sus hastivement, qu’il ne leur eschapassent, et se combatirent si forment à euls qu’il les desconfirent touz. En celle desconfiture furent pris le conte Gauvain, le conte Jourdain et le conte Berthelemieu[610] et pluseurs autres.


XCIV.
Comment le roy conquist Bounivent[611].

Quant les ii batailles de l’ost Mainfroi furent vaincues, la tierce qui estoit de Puillois et de Sarrazins, en laquelle Mainfroi estoit, fu toute esbahie, et se douta Mainfroi forment, ne ne sot que fere ; si torna en fuie. La bataille Robert de Flandres se feri en euls et en firent grant occision. En une autre partie, furent François qui une grant partie de fuitis enchacierent vers Bounicent, et de si près qu’il se bouterent en la ville avoec eus et mistrent tout à desconfiture, quanqu’il i trouverent, et prinstrent la cité de Bounivent et fu rendue au roy Karle. Celle nuit se reposa le roy et sa gent ; l’endemain il cerchierent le champ où la bataille avoit esté et se merveillierent que Mainfroi pooit estre devenuz, et estoient en doutance que il ne feust eschapé. Toutes voies, fu il tant quis et cerchiez parmi le champ qu’il fu trouvez entre les mors tout ocis par armes[612], et fu congneuz par ceus qui avoient esté pris en la bataille. Onques ne pot l’en savoir certainement qui l’avoit ocis, pour ce qu’il avoit vestu autres armeures que les seues, car il ne vouloit pas estre congneu. Le roi commanda qu’il feust dessevrez des mors et enterrez, que les oisiaus ne devorassent sa charongne. Si fu enterrez en une voie commune près de Bounivent. Les autres barons qui furent pris en la bataille, qui estoient mestres et princes de la mauvaistié Mainfroi furent mis en liens et furent menez en diverses prisons. Quant il orent esté i an en prison, le roy leur donna leur vies et leur rendi leur terres sanz souffrir paine. Mais miex venist qu’il les eust mis en plus petit estat, car il furent tesmoing de l’Escripture qui dist : Misereamur impio, et non discet facere justiciam[613], c’est à dire : « Aiez pitié du mauvais, ja pour ce ne fera bien. »

Après ce que Bounivent fu conquis, ne demoura guieres que la fame Mainfroi[614] et ses enfanz furent renduz au roy ; et la cité de Nouchieres[615] et touz ceus du païs se rendirent à lui, et tint le roy une piece la terre et toute la contrée paisiblement. Après ces choses, avint que Henri[616], frere le roy d’Espaigne, chevalier preu en armes, sage home sanz foi et sanz loiauté, plain de tricherie, se parti de Tunes où il avoit esté sodoier, a tout grant plenté d’Espagnos au roy de Tunes, quer son frere le roy d’Espaigne l’avoit chacié hors du païs pour sa mauvaistié. Si s’en vint au roy Karle et se offri à fere son commandement. Le roy le reçut liéement pour ce qu’il estoit bon chevalier et meesmement pour ce qu’il estoit son cousin, et le monta en si grant hautece qu’il le fist senateur de Romme[617].


XCV.
Comment le roy de France fist son fiuz chevalier[618].

Celle année que Henri fu fet senateur de Romme, le roy de France assambla touz les barons et grant partie des prelas pour ce que il volt que son fiuz Phelippe, li aisnez feust chevalier et Robert d’Artois son neveu a grant plenté de nouviaus chevaliers[619]. La feste fu si grant que le pueple de Paris se tint viii jourz entierement de besongnier, et fu Paris encourtiné de dras de soie et de pailes. Les dames furent vestues de pourpres et de samis et de diverses deguiseures. Celle année meismes que messire Phelippe fu fet chevalier, Ysabel sa fame ot i enfant que ot non Phelippe[620] comme son pere. Ce fut l’an de grâce mil CC et LXVII.


XCVI.
Comment dant Henri et Corradin vindrent contre le roy Karle[621].

L’année après que le roy ot fet son fiuz chevalier, avint que les traiteurs de Puille s’asamblerent et commencierent à murmurer contre le roy Karle, et firent esmouvoir des greigneurs du païs couvertement, qu’il ne feussent aperceu. Le greigneur mestre de celle assamblée fu dant Henri d’Espaigne ; et pour couvrir leur mauvaistié, il envoierent querre Corradin neveu Mainfroi et fiuz Corrat, à qui le reamme de Sezile devoit apartenir par droit heritage[622] ; mais il s’enfoui de Sezile au duc de Baviere son oncle, petis enfes, pour la paour de Mainfroi qu’il ne le feist occire.

Corradin assambla grant gent des plus puissanz hommes de toute Alemaigne et des meilleurs chevaliers. De ceste assamblée ne de ceste traïson ne savoit riens le roy Karle qui lors avoit assis la cité de Nouchieres qui se estoit revelée contre lui[623]. Dant Henri et Corradin savoient bien que le roy estoit enbesoigniez du siege de Nouchieres ; si entrerent en la terre de Puille et se tornerent par devers Sezile, pour ce qu’il cuidierent le roy seurprendre et qu’il le poissent miex desconfire.

De ceste chose vindrent nouvelles au roy Karle ; si se merveilla mout de ce que son cousin estoit contre lui. Quant il sot que ce estoit voirs certainement, il se parti du siege de Nouchieres et assambla tant de gent comme il pot avoir et ala contre ses anemis. Tant se hasta de combatre, que à paine donna il repos aus hommes et aus chevaus, et ala tant que à i annuitier il se loga près de ses anemis, seur une petite riviere qui estoit entre les ii os ; ne ne sorent ce soir qu’il feussent si près les uns des autres. Quant vint à l’ajorner, que le temps commença à esclarcir, si que l’un ost pot veoir l’autre, Corradin et sa gent furent mout esbahi quant il virent le roy près, lequel il cuidoient estre loing. Tantost il coururent aus armes et s’apareillierent pour combatre, et ordenerent en ii batailles leur gent parmi le champ où il estoient logié. En la premiere fu dant Henri d’Espaigne, et issi premiers des herberges pour avoir la premiere bataille contre son cousin.

Le roy et sa gent qui mout estoient travaillié de la grant voie qu’il avoient fete, se dormoient en leur paveillons, ne ne cuidoient pas estre si près de leur anemis. Aucuns en y ot qui se leverent par matin et aperçurent l’ost des Alemanz qui ja estoient presque touz armez. Quant il virent leur anemis armez et ordener leur batailles pour combatre, il esmurent l’ost et crierent : Aus armes ! et se armerent tost et isnellement. Le roy qui la noise entendi se leva tantost et se fist mout bien armer, et monta seur son destrier et fist ii batailles de sa gent aussi comme Corradin avoit fet. En la premiere mist sa gent de Prouvence qui juques au jour de lors li avoient moult bien aidié ; et furent avoec euls cil de Champaigne[624] et de pluseurs autres nations. En icele bataille premiere, mist le roy iii chevaliers de France, capitaines et conduiteeurs de l’ost : Henri de Cousances[625], Jehan de Clari[626], Guillaume l’Estandart[627], bons chevaliers et seurs, desquiex le roy congnoissoit le hardement et la prouece. En la seconde mist le roy avoec lui, tuit cil de la nation de France, esquiex le roy se fioit, et par lesquiex il ot victoire. En cele heure et en ce point que le roy ordenoit ses batailles, Erart de Valeri et autres chevaliers de France qui repairoient d’outre mer par la terre de Puille, vindrent en l’ost le roy Karle et se mistrent en sa compagnie où il firent mout grant prouece, par quoi il sont digne de memoire.


XCVII.
Comment la premiere bataille le roy Karle fu desconfite[628].

Si comme les batailles furent ordenées, la premiere bataille ala contre la bataille dant Henri d’Espaigne qui venoit a grant compaignie et bien armée ; mais il furent empeechiez pour les bors de la riviere qui entre les ii oz estoit, car le rivage estoit haut et la riviere basse si qu’il ne porent passer outre ; si s’arresterent delez i pont qui estoit sus la riviere et atendirent leur anemis qui venoient contre euls, et deffendirent le pas contre la gent dant Henri. Quant dant Henri vit que sa gent ne porent passer, si s’en ala costoiant la riviere a tout une partie de sa gent jusques à i passage qu’il trouva, et quant il fu outre, il s’en vint tout le rivage jusques aus Prouvenciaus qui deffendoient l’entrée du pont et se ferirent en euls par desriere ; si les enclost, et quant il se virent enclos, il se espoenterent et cuidierent tuit estre ocis ; si tornerent en fuie vers les montaignes droit à la cité de Laigle[629], et lessierent leur capitaine a tout i poi de François qui forment le deffendirent. Seur Henri de Cousances qui portoit les armes le roy, torna tout le fais de la bataille, car ses anemis li coururent sus asprement pour ce qu’il cuidierent que ce feust le roy. Si le detrenchierent et desmembrerent tout. Jehan de Cleri et Guillaume l’Estandart se combatirent tant viguereusement, et firent tant par les cops de leur espées, qu’il percierent tout outre la presse de leur anemis et vindrent au roy Karle qui leur venoit en aide. Quant les barons virent la prouece des ii chevaliers, si les prisierent mout et pristrent grant example de bien fere en cele jornée. Dant Henri qui ot veu les Prouvenciaus fouir les chaça tant qu’il en ocist et prist une partie ; et commencierent à crier les Espagnols : « A la mort ! A la mort ! tuit serez pris et retenu, car Kalot vostre roy est mort. » Le roy Karle qui ot veu sa premiere bataille ainsi desconfite fu mout troublez en cuer ; et quant il ot i poi pensé, si li revint esperit de force et de vertu et parla à sa gent qui estoient entour lui et leur dist : « Seigneurs chevaliers renommez de force et de prouece, n’aions par paour se cil enchacent noz genz, ne de ceus que vous veez devant vous, jasoit ce qu’il soient greigneur nombre de nous, quar par l’aide Nostre Seigneur, nous les seurmonterons. Assaillons ceus qui sont devant nous et qui nous atendent à bataille avant qu’il nous assaillent, car nous les porrons legierement seurmonter. »

Quant le roy ot ainsi amonnesté sa gent, maintenant hardiece crut as François, et se rescueillirent en armes, et se conbatirent à euls forment et se ferirent mout efforciéement entre leur anemis. Ne ce ne fu pas por neant que la chevalerie de France deservi merites de loenges ; car leur anemis estoient plus assez et miex armez sanz comparaison que il n’estoient, et avoient contre euls des plus fors chevaliers du reamme d’Alemaigne. La bataille fu grant et aspre des ii parties et y ot grant cri et grant noise. Le chaplé fu grant sus les hiaumes et sus les escuz ; et la noise fu mout horrible de ceus qui moroient. Toutes choses qui esmeuvent peril de mort furent iluec veues et esprouvées. Espessement commencierent à trebuschier les Alemanz, et fu le champ tout rouge de leur sanc, ne ne cesserent François de ferir ne de chapler d’espées et de coutiaus jusques a tant que la forsenerie des Alemanz fu toute abatue, et toute la gent Corradin mise à desconfiture, ou morte ou prise. Quant Corradin vit le peril de mort et que tout le fés de la bataille tornoit seur lui, si torna plus tost en fuie que nus de ceus qui estoient en sa compagnie. En celle desconfiture furent pris les greigneurs mestres qui la traïson avoient commenciée contre le roy, et furent mis en fers et en liens. Quant ceste bataille fu ainsi finée et François les orent veincus, il se rescueillirent touz ensamble par le commandement le roy, et leur fu commandé que il ne feussent pas convoiteus de ravir les despueilles des mors ; ançois descendirent de leur chevaus et osterent leur hiaumes pour eus esventer et reprinstrent leur alaines, car il pensoient bien qu’il auroient la bataille à dant Henri d’Espaigne au retorner de la chace des Prouvenciaus.


XCVIII.
Comment dant Henri retorna contre le roy Karle[630].

Après ce que Corradin et sa gent furent desconfiz, ne demoura pas mout que dant Henri retorna arriere, qui avoit chacié les Prouvenciaus. Si monterent une montaigne, lui et sa gent, et commencierent à regarder l’ost au roy Karle et la gent Corradin qui gisoient parmi le champ. Quant dant Henri les vit enmi le champ à banieres desploiées, et les mors qui gisoient par terre, si dist à sa gent : « Seigneur chevalier plain de prouece, nous sommes aujourd’ui beneuré et plain de bonne fortune. Nous avons vaincuz touz les fuianz par delà ces montaignes, et les nostres que vous veez en cele valée, montez seur leur chevaus, ont desconfit la gent Kalot et touz ces François dont vous veez la terre couverte de leur charongnes. » Lors descendirent moult liéement de la montaigne et aprochierent des tentes le roy, et entrerent ens et burent le vin qu’il trouverent es bouciaus, et la pietaille qu’il i trouverent bouterent hors et ocistrent. Quant il orent beu le vin, il issirent des tentes et monterent seur leur chevaus, et si comme il aprochierent, il congnurent les banieres aus François et sorent bien que li Alemant estoient vaincu ; si fu leur joie tornée en tristece. Tantost se recueillirent ensamble et alerent rengié et serré à bataille contre le roy. Pour ce, ne failli pas cuer aus François ; si n’estoient il pas tant comme les Espagnos estoient. Quant François se furent reposez et il virent leur anemis si malicieusement et si serrez, si mistrent les hiaumes es testes et monterent es chevaus et les atendirent en la place où il s’estoient combatu. Erart de Valeri qui assez sot de bataille, qui près estoit du roy, si li dist : « Sire, noz anemis viennent sagement et si joins et serrez, qu’à poines porront estre percié. Dont, s’il vous plest, mestier seroit que nous ouvrissons d’aucune cautele à ce que il s’espandissent si que noz genz se boutassent en eus et peussent combatre main à main. » Le roy respondi : « Eslisiez de vostre gent ce qui vous en plera et faites ce qui vous soit profitable, et que leur bataille qui est fort et espesse puisse estre perciée. »

Erart prist xxx chevaliers preus et esleuz, et se dessevra de la compagnie le roy, ne ne fist pas samblant qu’il se vousist combatre, mès aussi comme s’il vousist fouir, et se hasta d’aler cele part où fuie apert estre plus seure. Tantost les Espagnols les escrierent à haute vois : « Il fuient ! Il fuient ! » Si se dessevrerent pour aler après, et ainsi François se ferirent entr’eus. Erart et ses compagnons retornerent arriere et se ferirent en euls d’autre part, grant cri et grant noise menant pour eus plus esbahir. Quant il furent assamblé, la bataille fu trop fort et aspre ; mais la gent dant Henri furent si charchiez d’armes doubles que les cops des espées aus François poi valoient ou noiant. Et pour ce que les Espagnos n’avoient pas acoustumé à estre si chargiez d’armes, il en furent plus pesanz et plus gours, ne ne porent si vistement ferir ne lancier contre leur adversaires. Quant les François virent ce, si commencierent à crier : « Aus bras ! aus braz acolez, getez à terre ! » Adont commencierent à prendre par espaules et les trebuschierent entre les piez des chevaus. Quant cil aperçurent ce barat que li François leur faisoient, si fire tant par force que li François ne les porent pas de legier aprochier. Gui de Monfort fu esprouvez seur touz les autres, car dès le commencement de la bataille, il se feri comme foudre en euls et fist tant qu’il les perça tout outre et retorna arriere parmi eus en abatant quanqu’il ataignoit à plain cop, si que toute la terre estoit couverte de sanc par là où il passoit. Iluec li avint que son hiaume li torna el chief si qu’à poi que l’alaine ne li failloit, ne ne pooit veoir, més il feroit à destre et à senestre, ne ne savoit où, aussi comme se il fust hors du sens. Quant Erart vit le chevalier en tel point, si en ot pitié et aprocha de lui et le prist par le hiaume, et le torna arriere à son droit. Quant Gui senti qu’il estoit pris par le hiaume, si hauça l’espée, pour ce qu’il cuida estre pris, et feri Erart i grand cop desmesuré, et eust tantost recouvré l’autre, se ne feust ce que il ne congnut à sa vois et à sa raison. D’une part et d’autre fu la bataille grant et dura longuement, tant que les Espagnols resortirent et furent touz esbahis que si poi de gent porent durer contre euls. Quant dant Henri les vit resortir, si les blasma mout et leur dist que grant honte seroit à touz jourz mès se si poi de gent les vainquoient. Lorsque il entendirent ce, il se ferirent tuit en la bataille mout fierement. François qui s’estoient i poi restraint el champ les reçurent viguereusement et recommença la bataille, si i ot grant abateiz et grant effusion de sanc, et ferirent tant François seur leur anemis qu’il tornerent en fuie. i poi les enchacierent, pour ce qu’il estoient lassez des ii batailles qu’il avoient vaincues, et leur chevaus trop travailliez pour le fais qu’il avoient soustenu si longuement. Dant Henri et sa gent fouirent par cassiaus et par villes hors chemin, en tolant et en ravissant quanqu’il pooient tolir et embler. Tant fouirent que il vindrent à Saint Benoit de Mont de Cassin et distrent à l’abbé qu’il avoient le roy Karle ocis. Mais li abbés ne vit en dant Henri fors honte et confusion ; si fist dant Henri prendre et metre en sa prison, car il amoit le roy Karle pour ce qu’il se conbatoit por l’Eglise.


XCIX.
Comment François rendirent grâces à Jhesu Crist de la victoire[631].

Quant le roy et sa gent orent ainsi dant Henri chacié du champ, il rendirent grâces à Nostre Seigneur de la grant victoire qu’il leur avoit donnée, ne ne pristrent pas la loenge du fet à euls, ançois la donnerent à la divine puissance. Après qu’il orent rendu grâces, il entrerent el champ et pristrent les despueilles et les autres biens à leur anemis, et puis alerent reposer. Ce champ où la bataille[632] fu, est apelez le champ du lyon. Et pour ce que le roy ot victoire en ce champ, il fist fere une abbaïe[633] en la place et donna rentes, terres, possessions pout xxx moines soustenir qui doivent estre en prieres et en oroisons pour le roy, et pour touz ceus qui reçurent mort en la place, de sa compaignie.


C.
Comment Corradin fu pris au port de mer[634].

Corradin se desguisa, qu’il ne feust congneu et s’en vint à i chastel qui siet seur mer[635] et se tint iluec repostement jusques atant qu’il fu anuitié, et envoia aucuns de sa gent aus mariniers pour fere marchié de passer outre. Si come il orent fet leur couvenant et leur besongne toute aprestée, nouvelles en vindrent au chastelain qui le chastiau gardoit de par le roy. Tantost fist sa gent armer et prist Corradin et toute sa gent si comme il vouloient entrer en mer ; si en fist present au roy Karle qui mout en fu liez. Li abbés de Mont de Cassin envoia ses messages au roy et li manda qu’il tenoit dant Henri d’Espaigne et que volentiers li rendroit seur telle condition qu’il ne receust mort ; mès touz jorz feust en sa prison pour ce qu’il ne perdist sa messe, et le roy li otroia volentiers.

Raoul d’Aucoi[636], qui estoit i des plus nobles hommes d’Alemaigne eschapa par dons et par promesses que il fist à Adenot le Cointe qui estoit de Paris, qui le prist en la bataille et l’en amena en sa tente. Et quant il li ot assez donné et promis, il le lessa aler en la presence d’une fame qu’il maintenoit. Si avint l’endemain que cil Raouls fu delivrés, que Adenot bati celle fame pour ce que il estoit en soupeçon d’un des clers le roy. Et quant il l’ot batue et foulée aus piez, elle s’enfoui vers les tentes et commença à crier par tentes et par paveillons : « Prenez, prenez le traitre le roy qui a lessié aler Raoul d’Aucoi un des plus granz anemis le roy. » Cil Adenot fu pris et fu la chose provée et congneue ; si fu cil Adenot jugiez et penduz, et Raoul d’Aucoi fu fet roy d’Alemaigne.


CI.
Comment Corradin et les autres contes furent jugiez[637].

Ces choses ainsi fetes, le roy amena avoec lui ses prisonniers tout droit à Naples pour fere droit jugement d’eus selonc leur meffet. Si fist assambler touz les sages hommes du païs et leur requist que il feissent bon jugement des traiteurs, qui sa mort et son domage li avoient pourchacié. Si donnerent sentence que par droit il devoient avoir les testes copées ; mès de Corradin furent-il en doute, car aucuns maintenoient pour Corradin qu’il estoit venu contre le roy pour recouvrer son heritage qui li devoit apartenir par raison de son pere, et que par ce ne devoit pas recevoir mort. A ce, se feussent tuit acordé, se ne feussent cil de Naples qui ne porent soffrir la delivrance Corradin, pour ce que Corrat son pere avoit abatu les murs de la cité de Naples et toutes les fortereces, et le pueple domagié forment. Si fu condampné à recevoir mort avoec les autres. Quant il furent ainsi condampnez par jugement, l’en fist monter i homme en haut, si que touz le porent veoir et oïr, qui raconta comment l’église de Romme avoit esté grevée et tormentée de lonc temps passé, de par la parenté Corradin, dont il estoient les uns après les autres mors escommeniez et condampnez de l’eglise de Romme de hoir en hoir, de toute honneur et de toute digneté ; et au daesrain est la mescheance tornée seur Corradin. Après ce que il ot ainsi raconté au pueple porquoi Corradin estoit condampnez, l’en le mena et touz ceus qui estoient condampnez delez une chapelle où l’en leur fist oïr Requiem et tout le service des mors, et leur donna l’en congié d’avoir confession, et furent menez au lieu où il furent decolez[638]. Le pueple avoit grant pitié de Corradin pour ce qu’il estoit enfes le plus bel que l’en peust trouver. Cil qui leur copa les testes, les fist agenoillier, et furent par nombre vi, le conte Gauvain, le conte Jourdain, le conte Berthelemieu et ses ii fiuz ; et le sizieme fu Corradin. Dant Henri d’Espaigne, qui bien avoit desservi autel mort, ne fu pas decolez pour ce que le roy l’avoit promis à l’abbé de Mont de Cassin. Si fu mis en une cage de fer, une chaenne à son col, et fu menez par toutes les citez du païs et monstrez au pueple, et racontoit l’en la grant mauvaistié qu’il avoit pourchaciée à son cousin qui senateur de Romme l’avoit fait et haucié seur touz les barons de la contrée.


CII.
De Corrat Capuche[639].

Quant le roy ot confondu ses anemis, si demoura tout le païs en pais, et le tint paisiblement en sa main fors la terre de Sezile qui est toute enclose de mer, que Corrat Capuche et autres semblables à lui s’efforcierent de retenir contre lui. Ice Corrat Capuche avoit par force et par barat acquis la grâce et la faveur de toutes les viles de Sezile, fors que de Parlene et de Mechines, les ii plus nobles citez du païs qui se tenoient fermement de la partie le roy. Quant le roy le sot, il envoia celle part Gui de Montfort, Thomas de Couci[640], Guillaume l’Estandart et Guillaume de Biaumont. Le far de Mechines passerent sanz nul destourbier et entrerent en Sezile par forces d’armes, et conquistrent touz les chastiaus et toutes les citez qui se tenoient contre le roy. Tant chacierent Corrat de cité en cité qu’il l’assistrent en i chastel fort et deffensable que l’en apelle Saint Orbe. Ce chastel leur donna poine et travail ançois qu’il le poissent prendre ne avoir conquis. Corrat fu pris par force d’armes ; si li firent les iex crever, et puis le firent pendre pour monstrer au pueple la justice le roy. Quant tout le reamme de Sezile fu conquis, et Corrat Capuche destruit, les genz du païs obeirent au roy et furent en pais jusques atant que Coustance la royne d’Arragon recommença l’estrif. Mais de ce nous terons et raconterons du bon roy de France et de sa baronnie.


CIII.
Comment le roy de France ala seconde foiz outre mer[641].

Le roy de France qui autrefoiz avoit esté outre mer, ot volenté d’aler y la seconde foiz pour ce qu’il li fu aviz que la premiere voie ne fu pas mout profitable à la crestienté. Pour ceste chose acomplir, le pape de Romme li envoia[642] le cardinal Symon prestre de Sainte Cecile. Quant le roy fut prendre la croiz, si assambla i grant parlement à Paris[643] de prelaz, de barons et de chevaliers et mout d’autre gent, et les amonnesta mout de vengier la honte et le domage que Sarrazin faisoient en la terre d’outre mer en despit de Nostre Seigneur. Après ce que le cardinal ot fet sermon à tout le pueple, le roy prist la croiz tout le premier et ses iii fiuz, Phelippe[644], Jehan[645] et Pierres[646] et grant foison de barons et de chevaliers. Les autres barons, qui à ce parlement ne furent pas, se croisierent tantost, dès ce qu’il sorent que le roy fu croisié ; si comme Alphons le conte de Poitiers, le roy de Navarre[647], le conte d’Artois[648], le conte de Flandres[649], le fiuz au duc de Bretaigne[650]. Après ce qu’il furent croisié, il pristrent terme de mouvoir touz ensamble[651] et firent aprester leur navie et leur garnisons. Quant le temps aprocha qu’il durent mouvoir, le roy fist sont testament et bailla son reamme à garder à misire Simon de Neele[652] et à l’abbé de Saint Denis, qui avoit à non Maci de Vendome[653]. Et après ce, le roy ala à Saint Denis[654] et li pria qu’il li feust en aide, et prist l’escharpe et le bourdon et l’enseigne Saint Denis. D’iluec s’en ala au bois de Vicienes reposer la nuit. L’endemain[655] se parti de la royne sa fame en soupirs et en lermes ; laquelle il ne vit onques puis.


CIV.
Comment le roy se parti du reamme de France[656].

El mois de marz l’an de grâce M CC et LXIX, se parti le roy du reamme de France pour aler outre mer. Si s’en ala droit à Cluigni l’abbaïe où il sejorna iiii jourz[657], et vint au port d’Aigue Morte[658], où touz les pelerins devoit assambler. Si tost comme le roy fu là venu, tout le pueple s’assambla de toutes pars, de barons, de chevaliers et d’autre menu pueple grant foison. Et pour ce que le port ne pooit pas prendre si grant nombre de gent, les barons et les nobles homes tornerent aus citez d’entour et aus bonnes villes, et sejournerent tant que les naves furent garnies de vitailles et d’armeures. Si comme il estoient à sejour, il avint que trop grant forsenerie mut entre les Prouvenciaus et ceus de Cathelongne, et mut pour poi d’achoison. Si s’entrecoururent sus des espées, de coutiaus et de haches. Quant François virent Prouvenciaus assaillir, si se ferirent en la mellée, et chacierent Cathelains[659] jusques dedenz les nez. Si estoient si eschaufé de corrous qu’il se ferirent en la mer jusques au col pour eus occire ; ne nul puissant home n’estoit iluec qui la forsenerie de cele gent peust departir. En celle mellée furent bien ocis c hommes, sanz ceus qui furent noiez. Le roy qui tenoit feste et court pleniere à Saint Gille, le jour de Penthecouste[660], oï la nouvelle ; si vint hastivement celle part et enquist par qui ce fait estoit commencié. Tantost qu’il sot la verité, il commanda que ceus qui l’avoient commencié feussent puniz[661].


CV.
Comment le roy entra en mer[662].

Quant la navie le roy fu toute preste si entra en sa nef[663], et furent avoec lui ses ii fiuz[664], et li autre entrerent chascun en sa nef. Les mariniers drecierent leur voiles[665] pour ce que le vent lor estoit bon, et se mistrent à la voie et siglerent pesiblement jusques au vendredi entour mienuit que le vent troubla la mer, et fist lever granz ondes et granz troubeillons qui hurterent aus nez si forment qu’il les fist departir ça et là. Le roy demanda aus mestres notonniers comment ce estoit que la mer estoit si engroissie ; et il respondirent : « Sire, noz sommes entrez en la mer de lyon qui est pas coustume orgueilleuse et plaine de tempeste ; et pour ce est elle apelée la mer du lyon et la redoutons plus que nulle autre mer. » Tant siglerent et tant nagierent qu’il passerent la mer du lyon en grant doute, et entrerent en une autre partie de mer qu’il trouverent plus debonnaire et siglerent jusques à diemenche paisiblement ; mais vers l’ajorner, le tourment fu greigneur que devant, et se douterent. Si tost comme il fu ajorné, le roy fist chanter iiii messes sanz sacrer. L’une fu du Saint Esperit, l’autre de Nostre Dame, la tierce des anges, la quarte des mors. Mès poi y avoit qui se peust soustenir tant estoit la nef souvent hurtée des ondes de mer. Assez tost après, la mer se commença à acoisier[666]. Lors alerent digner et cuidierent trouver yaues douces ; mès elles furent corrompues pour la tempeste, dont mout de gent et de chevaus morurent. Avec ce il estoient mout esbahi de ce que il ne venoient à port et que il ne prenoient terre vers Chastiau Castre[667] en Sardane, où il devoient tuit arriver et atendre l’un l’autre. Messire Phelippe, le premier fiuz le roy estoit en autel doute comme il estoient, si envoia une galie à son pere pour savoir la verité de la chose, car il li estoit avis que les mariniers de sa nef sigloient en doutance. Pour ceste chose furent mandez les granz mestres des nez devant le roy.


CVI.
Comment le roy ot doutance des mestres mariniers[668].

L’en demanda aus mariniers conbien il avoit jusques au port de Chastiau Castre, et conbien il estoient près de rivage. Les mariniers respondirent paroles doutables, et distrent que il cuidoient estre près de terre ; mès certainz n’en estoient pas. Lors firent aporter la mapemonde devant le roy et li moustrerent le siege du port de Chastiau Castre et combien il estoient près du rivage. Grant soupeçon et grant murmure fu esmeue contre les mariniers, car aucun disoient que l’en deust estre, du port d’Aigue Morte à Chestiau Castre dedens iiii jourz. Avoec tout ce, l’en disoit que le fiuz Guillaume Bon et Bel[669], qui estoit i des mestres mariniers s’estoit partiz des autres, quant la tempeste estoit en mer, atout une galie vers la terre de Barbarie. Mais le soupeçon fu à tort et sanz raison, si comme il fu puis apparissant.


CVII.
Comment les mariniers vindrent à Chestiau Castre[670].

Quant il orent parlé ensamble et moustré au roy le siege de Chestiau Castre, si s’acordierent qu’il ne siglassent plus et qu’il lessassent les nez floter toute la nuit ; mès que ce feust jusques à l’aprochier du rivage, qu’il ne frotassent à la terre ne ne hurtassent aus roches. Quant ce vint au matin, il virent la terre de Sardane ; mès le port estoint loing plus de xl miles. Tant cheminerent parmi la mer qu’il furent près du port à x milles et cuidierent tantost arriver, mès [i grant vent][671] leva qui leur fu contraires, si qu’il ne porent aprochier du port toute celle jornée. Lors geterent ancres et firent port au miex qu’il porent. Quant il furent arrivé, il envoierent une barge droit à une abbaïe qui estoit près d’iluec, où il pristrent des iaues douces et des herbes nouvelles pour conforter les malades qui grant mestier en avoient. L’endemain par matin, les mariniers voloient drecier leur voiles, mès le vent se torna contre euls. Quant il virent qu’il ne pooient prendre port pour le vent, si envoierent une barge à Chestiau Castre pour avoir nouvelles viandes. Si trouverent ceus de la ville mout rebelles et contraires qu’à peine leur vodrent-il donner des iaues douces et vin et viandes pour argent à reison. Pourquoi il le firent, si estoit pour ce que il cuidierent tuit estre pris ; et pour la doutance de ce, il porterent touz leur biens en repotailles[672]. Le roy entendi qu’il ne recevoient pas sa gent liéement, si leur envoia i chevalier et manda au chastelain que les malades de son ost peussent prendre recreation en leur chastel, et que il feissent marchié soffisant de leur viandes. Cil de la ville respondirent qu’il voloient bien que les malades eussent recreation en leur chastel, non pas dedenz la ville, mès dehors, car dedenz le chastel ne lesseroient-il nul homme demourer pour les Puiseins[673] de qui le chastel est tenuz. Quant le roy sot leur responsse si commanda que les malades feussent portez au chastel, povres et riches ; desquiex pluseurs morurent en la voie ; les autres furent hebergiez en la maison des Freres Meneurs qui demouroient au dehors du chastel, et les autres furent hebergiez en meisons de terre et de boe où leur capres[674] et lor asnes gisoient. Et si estoient les meisons du chastel bonnes et belles et deffenssables ; poi i trouverent François de vitaille, et ce qu’il i trouverent leur fu vendu chier. La poule qui n’estoit vendue que iiii genevois[675], leur fu vendue ii sols[676], et les autres viandes monterent si haut qu’à paines i pooit on avenir. Et les tornois[677] qui estoient pris pour xviii genevois ne vodrent prendre que por tornois. Le roy sot comment la besongne aloit, si leur envoia le mareschal de l’ost pour moustrer qu’il feussent plus courtois à sa gent. Il respondirent plus par paour que par amors que il feroient la volenté le roy, et que le chastel estoit en son conmandement, et qu’il i venist demourer s’il li plesoit, mès que les Genevois qui estoient mariniers le roy ne venissent pas dedenz le chastel, pour ce qu’il estoient anemis aus Puiseins leur mestres. Le mareschal respondi que le roy n’avoit que fere de leur chastel ne de leur forterece, mais tant seulement que les malades de son ost feussent cortoisement traité, et que les viandes leur feussent données à certain pris et resonnable. Il otroierent tout ; mès po ou noient en firent, fors tant seulement de pain et de vin qu’il abandonnerent plus largement. Pour laquel chose François furent corroucié et distrent au roy qu’il voloient le chastiau destruire. Mais il ne s’i volt acorder, ançois respondi qu’il n’estoit pas partiz de France pour combatre aus crestiens.


CVIII.
Comment le roy atendoit sa gent au port[678].

Si comme le roy atendoit sa gent au port de Chastiau Castre, les autres nez qui estoient parties du port de Marseille et d’Aigue Morte, vindrent aussi comme toutes ensamble au port où le roy estoit[679]. Lors s’assamblerent tuit ensamble les barons et se conseillierent quel part il iroient. Si fu acordé qu’il iroient tuit à Tunes, car le roy de Tunes avoit aucune foiz envoié messages au roy de France qu’il disoit que volentiers se crestienneroit ; mès qu’il eust couvenable achoision du fere pour la paour des Sarrazins. Pour ceste esperance s’acorderent tuit d’aler celle part. Quant cil de Chastiau Castre virent que le roy se voloit partir du port, il presenterent a roy xx pipes de vin, du meilleur qu’il eussent. Mais le roy refusa leur present et la presence de leur personnes, et leur fist dire qu’il feussent courtois aus malades de son ost ; que ce tenoit-il à grant don et à grant present.


CIX.
Comment l’ost se parti de Chestiau Castre[680].

Les mariniers drecierent leur voiles au vent qui leur fu assez debonnaire, et se partirent de Chestiau Castre et vindrent le jour de la saint Ernoul[681] au port de Tunes qui est dessouz Carthage[682]. Tantost le roy envoia l’amiraut de la mer devant pour enquerre et pour encerchier s’il avoit nul empeechement au port pour prendre terre, et qu’il seussent à dire des nez à qui il estoient et quiex genz il avoit dedenz. L’amiraut ala cele partie et trouva ii naves tutes vuides, qui estoient aus Sarrazins de Thunes, et les autres estoient aus marcheanz. Il prist tout et mist en sa seignorie et puis descendi à terre et manda au roy ce qu’il avoit trouvé et qu’il li envoiast aide. Le mestre des arbalestiers ala celle part de par le roy et raporta nouvelle que l’amiraut avoit pris terre. Le roy ne les barons ne pristrent pas terre celle vesprée, dont il furent mal avisez, quar Sarrazin qui la nouvelle sorent, vindrent au matin à pié et à cheval avironner le port de toutes pars. Mais la galie le roy où il avoit grant foison de genz d’armes se feri au port et prinstrent terre en la place meismes où l’amiraut avoit esté. Les Sarrazins furent espoentez de ce qu’il prinstrent terre ; si se reculerent en i anglet, en une ille petite, ne n’oserent plus avant venir. Et les François se mistrent fort et entrerent en une ylle qui tenoit ii milles de lonc, et commencierent les sodoiers à querre eaues douces. Tant alerent cerchant qu’il en trouverent, et Sarrazins qui les espioient leur coururent sus et en ocistrent jusques à x ; les autres furent rescous des François ; et Sarrazin s’enfouirent, qui ne les oserent atendre. La nuit se reposerent jusques au matin[683] que François aperçurent une tour qui estoit près de l’ille ; celle part vindrent et assaillirent la tour. Cil qui la devoient deffendre tornerent en fuie, et François entrerent ens et mistrent à mort ce qu’il trouverent. Si comme Sarrazin s’enfuioient, si encontrerent i amiraut qui leur venoit en aide ; si retornerent vers les François qui les chaçoient et les firent tant reculer qu’il se bouterent en la tour. Quant il les orent enclos en la tour, si pristrent feu, et vouloient ardoir ceus qui dedenz estoient, quant le mestre des arbalestiers i vint atout grant gent, si commença l’estour et se mellerent ensamble. Les Sarrazins ne porent endurer, si s’entornerent à Carthage. L’endemain François s’armerent et vindrent à bataille ordenée vers la tour et passerent outre droit à Carthage, et se logierent en une plaine où il avoit grant plenté de puis dont il arrousoient leur cortiz quant le temps estoit sec.


CX.
Comment Carthage fu prise du conseil aus mariniers[684].

Quant les barons se furent logié es plains dessous Cartage, les mariniers vindrent au roy et li distrent qu’il li rendroient Carthage s’il leur vouloit donner aide ; et il leur donna v cens sergenz à pié et iiii batailles de chevaliers. Après ce que le roy ot envoié à Carthage, ne demoura guieres que Sarrazins vindrent pateler en l’ost et à assaillir de loing ; et commencierent à traire et à lancier. Quant le mareschal de l’ost vit cel assaut, si commanda que tuit feussent armez et issi à bataille ordenée et chevaucha tant qu’il se mist entre Carthage et les Sarrazins qui paletoient. Si comme Sarrasins paletoient sanz aprochier, les mariniers assaillirent le chastel et monterent aus murs a eschieles de cordes tenanz à bons crochés de fer, et entrerent eus et prinstrent[685] quanqu’il trouverent ; ne ne perdirent les mariniers que i des leur qui fu ocis d’un dart. Tantost comme il furent ens, il monterent leur banieres par dessus les murs. Quant le roy et son ost virent Carthage pris, si alerent au devant des Sarrazins qui s’enfuioient de Carthage, et en ocistrent une partie. Les autres se bouterent es cavernes pour leur vies garantir ; mais l’en bouta le feu dedenz si qu’il furent touz mors et estainz. En celle guerre furent ocis iiic Sarrazins, sanz cil qui morurent es cavernes. Et ne pourquant pluseurs en eschaperent qui enmenerent la proie du chastel qui bien leur eust esté rescousse ; mès il n’oserent passer la baniere au mareschal.


CXI.
La semblance de Carthage[686].

Quant Carthage fu pris, le roy commanda que l’en getast hors toutes les charongnes des mors et que il feust mondefié de toutes ordures, après ce que les malades et les navrez feussent portez celle part por euls reposer. Dedenz la ville fu trové assez orge ; mès autres biens i trova l’en petit, car quant il sorent la venue le roy, il envoierent tout à Tunes, et fames et enfanz. Et pour ce que aucunes escriptures font mencion de Carthage, nous dirons la grant auctorité et la grant noblece où elle fu jadiz. Carthage qui est maintenant ramené à la semblance d’un petit chastel, fu anciennement une noble cité que la royne Dydo fonda, et estoit la real cité et la mestresse de toute Aufrique. Et furent cil de la cité jadis de si grant puissance, qu’il desconfirent par maintes foiz Romainz et assistrent par leur force. En la fin avint que les Rommainz la conquistrent ; mais ce ne fu pas sanz grant travail, car il i mistrent xl anz sanz cessier ; et mout y ot espandu grant foison de sanc. Avoec tout ce ne la porent il avoir à force, mès par cautele et par barat.


CXII.
Comment Sarrazins paleterent contre les François[687].

Quant Sarrazins qui avoient paleté aus François por rescorre la proie sorent que Carthage fu pris, si s’en retornerent. L’endemain[688] espierent que François estoient au disner ; si leur coururent sus si aspremenz qu’il couvint que les barons s’alassent armer. Quant Sarrazins les virent venir, si tornerent en fuie. Celle jornée meismes vindrent au roy ii chevaliers crestiennez de Cathelongne, de par le roy de Thunes, et li distrent que si il venoit à Tunes pour la cité assegier, que il feroit ocirre touz les crestiens qui estoient en sa terre. Le roy respondi que tant plus feroit de mal aus crestiens, et plus l’en vendroit.


CXIII.
Comment le bouteillier de France fu assailliz[689].

Une foiz avint que le conte d’Eu[690] et missire Jehans d’Acre[691] firent le guiet par nuit ; si avint que iii chevaliers sarrazins vindrent à missire Jehan et li distrent qu’il voloient estre crestien, et en signe de pais il mistrent les mains sur la teste et puis baisierent les mainz à ceus qui iluec estoient, en signe d’amour et de subjection, et se rendirent à misire Jehan d’Acre et il les fist mener à sa tente, et il demoura à son guiet. Après tantost, c autres Sarrazins vindrent à lui et jeterent leur lances jus et firent aussi comme les autres et requistrent baptesme hastivement. Ainsi comme le bouteillier et sa gent entendoient aus Sarrazins, tout plain d’autres Sarrazins se ferirent ensamble, les lances droites, en l’ost au bouteillier, si qu’il les reculerent et firent fouir. Lors commencierent à crier : « Aus armes, Aus armes », si que l’ost fu tout esmeu. Mès ançois qu’il feussent armé, les Sarrazins ocistrent lx sergenz qu’à pié qu’à cheval et puis s’enfouirent. Quant le bouteillier ot fet son guiet, si s’en retorna à sa tente et areisonna mout cruelment les Sarrazins, et les reprist de traïson ; des quiex li uns qui resambloit le greigneur mestre, commença à pluerer et soi à escuser. Ce que le Sarrazin disoit, entendi le bouteillier par i Frere Preecheur qui entendoit Sarrazin. Et quant le bouteillier le vit si forment pluerer, si en ot grant pitié et li dist qu’il ne se doutast, car puisqu’il estoit venu en fiance aus crestiens, il i trouveroit foi. « Sire » dist le Sarrazin, « je sai bien que vous m’avez soupeçonneus de ce fet, ja soit ce que je n’i aie corpes. Sachiez tout vraiement que ce a fait i chevalier qui me het, pour moi grever. Nous sommes ii des greigneurs sodoiers de l’ost au roy de Tunes, et avons chascun dessouz nous, iim et v cens chevaliers. Et mes compains qui a envie seur moi, s’aperçut que je me voloie metre en votre garde de mon gré ; si procura cest assaut que vous avez eu, pour moi empeechier envers vous, et si sai bien que nus de mes chevaliers fu en ceste bataille ; et que vous puissiez savoir ce que je vous di, lessiez aler i de mes compaignons à mes genz qui vous amenront vitaille et nous seront en aide tant comme il porront. »

Quant le boutellier ot entendu le Sarrazin, si dist au roy ce que le Sarrazin li avoit conté. Le roy commenda que l’en le lessast aler ; si porroit l’en veoir leur leauté.


CXIV.
Comment l’ost fu fermée de fossez[692].

Le roy fist fere fossez[693] entour son ost pour les Sarrazins qui les venoient trop souvent assaillir, et se fist bien fermer et enclorre que il ne porent aprochier de son ost, et se tindrent le roy et les barons d’aler à Tunes pour ce qu’il atendoient le roy de Sezile qui leur avoit mandé qu’il leur vendroit aidier prochainement. Quant les Sarrazins aperçurent que les barons feisioent fossez entour leur ost, si s’assamblerent de toutes pars et furent tant qu’à paine porent estre nombré ; et manda le roy de Tunes bataille. L’endemain par matin, Sarrazin chevauchierent à bataille ordenée et s’espandirent jusques au rivage de mer où les nez estoient, et firent semblant de tout enclorre. Quant François les virent venir, si s’armerent hastivement et issirent de leur heberges a baniere desploiée. Le conte d’Artois et sa bataille ala devers la mer si avant qu’il enclost une bataille de Sarrazins. Pierre le Chambellenc[694] torna celle part et les enclost d’autre part, si que les autres Sarrazins ne leur porent aidier. Si commença l’assaut des ii parties et lancierent les uns aus autres. Sarrazins virent bien qu’il estoient en peril, si tornerent en fuie ; mès ançois qu’il fouissent, la greigneur partie en fu ocise. En ce poigneiz fu ocis le chastelain de Biauquere et messire Jehan de Roselieres. Le roy fist retorner son ost aus tentes et aus paveillons, car il n’ot pas conseil d’aler plus avant jusques atant que le roy de Sezile feust venuz. L’endemain poi ou neant furent veuz Sarrazins pour ce qu’il firent feste à leur sabbat. Le mardi emprès, vint en l’ost messire Olivier de Termes[695] et aporta certaines nouvelles que le roy de Sezile seroit dedenz iii jourz au port de Tunes. Lors avint que Jehan Tritan conte de Nevers[696] chai en une maladie ; portez fu à sa nef ; si morut tantost. Et le juedi après, le legat[697] morut ; et mout d’autres bonnes genz morurent de diverses maladies pour le mauvais air dont il estoient avironnez et par deffaut de bonnes eaues. Le roy ot i flux de ventre premierement, et puis le prist une fievre ague dont il acoucha du tout au lit, et senti bien qu’il devoit paier le treu de nature. Lors apela Phelippe son fiuz et li commanda qu’il gardast chierement les enseignemenz qui s’ensuivent, que le bon roy avoit escript de sa main.


CXV.
Comment le roy endoctrina Phelippe son fiuz[698].

[699]Chier fiuz, la premiere chose que je t’enseigne si est que tu metes tout ton cuer en amer Dieu, car sanz ce, nus ne puet estre sauvé. Garde toi de fere pechié, ançois devrois souffrir toutes manieres de tormenz que fere motel pechié.

Se il te vient aucune adversité ou aucun torment, reçoif lei en bonne patience et en rent grâces à Nostre Seigneur et doiz pensser que tu l’as desservi. Et se Dieu te donne habondance de bien, si l’en mercie humblement.

Confesse toi souvent et eslis confessor qui soit preudomme, qui te sache enseignier que tu doiz fere et de quoi tu te doiz garder.

Le service de sainte Eglise escoute devotement.

Chier fiuz aies le cuer piteus et douz aus povres genz et les conforte et leur aide.

Fai les bonnes coustumes garder de ton reamme et les mauvaises abesse. Ne convoite pas seur ton pueple toutes ne tailles, se ce n’est pour trop grant besoing.

Se tu as aucune penssée pesant au cuer, di la à ton confessor ou à aucun preudomme qui sache garder ton secré ; si porras porter plus legierement la penssée de ton cuer.

Garde que cil de ton hostel soient preudomme et loiaus, et te souviegne de l’Escripture qui dit : Elige viros timentes Deum in quibus sit justicia et qui oderint avariciam. C’est à dire : Aime gent qui doutent Dieu et qui font droite justice et qui heent couvoitise ; et tu profiteras et gouverneras bien ton reamme.

Ne sueffre que vilanie soit dite devant toi de Dieu.

En justice tenir soies roides et loiaus envers ton pueple et envers ta gent sanz torner ça ne là. Se aucuns a entrepris querelle contre toi pour aucune injure ou pour aucun tort qu’il li soit avis que tu li faces ; allègue contre toi tant que la verité soit seue, et commande à tes juges que tu ne soies de rienz soustenuz plus que uns autres.

Se tu tiens riens de l’autrui, rent le i tantost sanz point de demeure. A ce doiz tu metre t’entente comment tes genz et ton pueple puissent vivre en pais et en droiture ; meesmement les bonnes villes et les bonnes citez de ton reamme, et les garde en l’estat et en la franchise où tes devanciers les ont gardez ; quar par la force de tes bonnes citez et de tes bonnes villes douteront li puissant homme à mesprendre envers toi. Il me souvient bien de Paris et des bonnes villes de mon reamme qui me aidierent contre les barons quant je fui nouvellement couronné.

Aime et honneure sainte Eglise ; les benefices de saint Eglise donne à bonnes personnes qui soient de bonne vie et de nete, et si les donne par le conseil de bonnes genz.

Garde toi de mouvoir guerre contre nul homme crestien, s’il ne t’a trop forment meffet, et s’il requiert merci, tu li doiz pardonner et prendre amende si souffisant que Diex t’en sache gré.

Soies, biaus douz fiuz, diligenz d’avoir bons bailliz et enquier souvent de leur fet et comment il se contienent en leur offices. De ceus de ton ostel enquier plus souvent que de nul autre, s’il sont trop couvoiteus ou trop bobencier ; car selonc nature, les membres sont volentiers de la maniere du chief. C’est asavoir ; quant li sires est sages et bien ordenez, tuit cil de son hostel i prennent example et en valent miex.

Travaille toi, biaus fiuz, que vilains seremenz soit ostez de ta terre, et especialment, tien en grant vilté Juis et toutes manieres de genz qui sont contre la foi. Pren toi garde que les despenz de ton hostel soient resonnables et amesurez.

En la fin, très douz fiuz, je te pri que tu faces secorre m’âme en messes et en oroisons. Je te doingn toutes les beneïçons que bon pere puet donner à fiuz ; et la beneïçon Nostre Seigneur te soit en aide et te doint grâce de fere sa volenté.


CXVI.
Comment le saint roy morut[700].

Après ce que le roy ot enseignié ses commandemenz à Phelippe son fiuz, la maladie le commença forment à grever. Si commanda que l’en li donnast les sacremenz de sainte Yglise, tant comme il estoit en bon memoire ; et à chascun vers du Sautier que l’en disoit il responnoit et disoit le sien selonc son pooir. Mout se dementoit le roy qui porroit preechier la foy crestiene en Tunes et disoit que bien le porroit fere frere Andrieu de Lonc Jumel pour ce qu’il savoit partie du langage de Tunes ; car aucune foiz, avoit frere Andrieu preechié à Tunes par le commandement le roy de Tunes qui mout l’amoit.

Si comme la parole aloit defaillant au bon roy, il ne finoit d’apeler les sains à qui il avoit devocion ; si comme saint Denis en France, et disoit une oroison qui est dite à la feste saint Denis : Tribue nobis quesumus Domine prospera mundi despicere et nulla ejus adversa formidare. Et puis si disoit une autre oroison de saint Jaque l’apostre : Esto Domine, plebis tue sanctificator et custos. Quant le roy senti l’eure de la mort, il se fist couchier en i lit tout couvert de cendre et mist ses mainz sus sa poitrine et regardant vers le ciel, et rendi l’esperit à Nostre Seigneur en celle heure meismes que Nostre Sires morut en la croiz pour le salut des ames. Precieuse chose est et digne d’avoir en remembrance le trespassement de tel prince ; especialment cil du reamme de France ; quar mainte bonne coustume y establi en son temps. Il abati en sa terre le champ de bataille pour ce qu’il avenoit souvent que quant i contens estoit meuz entre i povre homme et i riche, où il couvenoit avoir gage de bataille, le riche donnoit tant que tuit li champion estoient de sa partie, et le povre ne trovoit qui li vousist aidier ; si perdoit son cors ou son heritage. Maintes autres bonnes coustumes adreça et aleva parmi son reamme, et volt et commanda que tuit marcheant forain, et qui de estranges terres vendroient, que si tost comme il auroient leur marcheandise vendue, que tantost feussent paiez et delivrez sanz arrest. Pour la franchise qu’il trouverent, les marcheanz commencierent à venir de toutes pars, par quoi le reamme fu en meilleur estat que il n’avoit esté à ses devanciers.

L’endemain de la feste saint Berthelemi trespassa de ce siecle saint Looys en l’an de l’incarnation Nostre Seigneur M CC et LXX ; et furent ses ossemenz aportez en France à Saint Denys où il avoit esleu sa sepulture. En la place où il fu enterrez et en pluseurs autres, Nostre Sires le tout puissant fist mout de biaus miracles et de granz, apertement par les fais et les merites du bon roy[701].


Explicit vita beati Ludovici quondam regis Francie[702].
  1. Ce préambule, qui n’existe pas dans le ms. de la bibl. Sainte-Geneviève, ne se trouve que dans le ms. de Charles V (Bibl. nat., ms. fr. 2813, fol. 265 vo). Cf. le préambule de la Vie de saint Louis par le confesseur de la reine Marguerite, Guillaume de Saint-Pathus (éd H.-F. Delaborde, p. 1, et Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 59), et celui de la Vie du même saint par son confesseur, Geoffroi de Beaulieu (même Rec., t. XX, p. 3).
  2. Ms. 2813, l’aumaçorre.
  3. Ibid., l’aumaçourre.
  4. En marge du ms. 2813, on a ajouté : « la teneur de la charte de la renunciacion de No[r]mandie ».
  5. Ms. 2813 : « fu coronné de Sezille ».
  6. On s’est inspiré dans ce paragraphe, qui n’existe pas dans le royal ms. 16 G VI du Brit. Mus., du préambule de la Vie de saint Louis de Guillaume de Nangis ; mais on n’en a traduit que les premières lignes (cf. Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 310). Dans ce long préambule, G. de Nangis nous apprend que pour écrire la Vie de saint Louis il a suivi son confrère Gilon de Reims, mort avant d’avoir achevé son œuvre qui est perdue, et le dominicain Geoffroi de Beaulieu, confesseur du roi, dont le travail est publié (Ibid., p. 3 à 27).
  7. Cf. Gesta Ludovici octavi Franciæ regis (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XVII, p. 309-310) et Chronique latine de Guillaume de Nangis, t. I, p. 175-176. Ce premier chapitre, que l’on ne trouve pas dans la Vie de saint Louis de Guillaume de Nangis, n’existe également pas dans le royal ms. 16 G VI du Brit. Mus., fol. 388 vo.
  8. Vie de saint Louis, par Guillaume de Nangis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, texte latin p. 312, texte français p. 313. Cf. Chronique latine de Guillaume de Nangis, éd. Géraud, t. I, p. 176. L’auteur de la Vie de saint Louis, dans les Grandes Chroniques, suit en général la Vie de saint Louis de Guillaume de Nangis plutôt qu’il ne la traduit. Ainsi, pour composer ce chapitre ii, il lui emprunte seulement ce qu’elle donne de plus important sur le sacre de ce roi, tandis que le royal ms. 16 G VI du Brit. Mus. (fol. 388 vo à 391 vo) traduit dans son premier chapitre les deux premiers chapitres de la Vie de saint Louis de Guillaume de Nangis.
  9. Guillaume de Joinville, archevêque de Reims, était mort le 6 novembre 1226 et n’avait pas encore été remplacé.
  10. L’évêque de Soissons était alors Jacques de Bazoches (1219-1242). La Vita sancti Ludovici de Guillaume de Nangis dit en effet que saint Louis fu couronné « per manum venerabilis patris domini Jacobi Suessionensis episcopi, vacante sede Remensi » (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 312). Sur le sacre de saint Louis, voir Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. I, p. 433 à 436 ; la Chronique rimée de Philippe Mouskes, éd. de Reiffenberg, vers 27627 et suiv., et Théodore Godefroy, Le cérémonial français, t. I, p. 26-29.
  11. Lenain de Tillemont, op. cit., t. I, p. 436, dit que Blanche de Castille ramena son fils à Paris le lendemain du sacre.
  12. 29 novembre 1226. Saint Louis, qui était né le 25 avril 1214, avait donc douze ans sept mois et quatre jours quand il fut sacré. Sur la date de la naissance de saint Louis, voir N. de Wailly, Mémoire sur la date et le lieu de naissance de saint Louis, dans Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXVI, 1re part., p. 173-202. Cf. Élie Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 20, n. 1, et Joinville, Histoire de saint Louis, éd. N. de Wailly, §§ 69-70, 617.
  13. Vie de saint Louis, par Guillaume de Nangis (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 312-315). Cf. Chronique latine de Guillaume de Nangis, t. I, p. 177 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXX, chap. cxxx.
  14. Guillaume de Nangis, dans sa Vie de saint Louis comme dans sa Chronique, ne donne à Pierre Mauclerc que le titre de comte (comes Britanniæ), et le royal ms. 16 G VI, suivant cette leçon, ne le désigne également que sous le titre de cuens ou comte de Bretagne.
  15. Les traités d’alliance de 1226 entre Hugues de Lusignan, comte de la Marche, Thibaut, comte de Champagne, et le duc de Bretagne ont été publiés par D. Morice, Hist. de Bretagne, Preuves, t. I, col. 856, et reproduits dans le Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XVIII, p. 316, n. C.
  16. Le royal ms. 16 G VI, fol. 389, ajoute ici : « par le consentement le conte de Champaigne », suivant ainsi la leçon de Guillaume de Nangis : « ex consensu comitis Campanie ».
  17. Saint Jaques de Buiron, auj. Saint-James, Manche, arr. d’Avranches, ch.-l. de cant.
  18. Bellême, Orne, arr. de Mortagne, ch.-l. de cant.
  19. Bien que dans le ms. de la bibl. Sainte-Geneviève, ainsi que dans le ms. fr. 2813 de la Bibl. nat., on ait le, il faut les, leçon du ms. fr. 17270 de la Bibl. nat., fol. 280 vo, car Pierre Mauclerc avait ces deux forteresses en garde. Cf. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis (Ibid., p. 312).
  20. Ms. fr. 2813 : « estoit fort et deffensable ».
  21. Ms. 17270 : « Chantiere de Charcoy. » Ce serait le lieu dit la Charrière, près de Curçay, Vienne, arr. de Loudun, cant. des Trois-Moutiers. Cf. L. Rédet, Dict. top. de la Vienne.
  22. Dans le texte latin des Gesta sancti Ludovici de Guillaume de Nangis on a : « Rex siquidem Romanum cardinalem sedis apostolicæ tunc legatum in Francia, comitemque Boloniæ… in suo habebat comitatu. » Il faudrait donc, au lieu de « i cardinal de Romme », « le cardinal Romain ». C’est en effet Romain Bonaventure, cardinal de Saint-Ange, puis évêque de Porto, alors légat en France, qui est désigné ici.
  23. Philippe dit Hurepel, comte de Boulogne, fils de Philippe-Auguste et d’Agnès de Méranie.
  24. Robert dit Gatebled, fils aîné de Robert II, comte de Dreux, et d’Yolande de Coucy, était frère de Pierre de Dreux dit Mauclerc, duc de Bretagne.
  25. Mescheoir, arriver malheur.
  26. La Vie de saint Louis, t. XX, p. 312, et la Chronique latine de Guillaume de Nangis, t. I, p. 177, disent seulement : « a comitum Marchiæ et Britanniæ consortio celeriter resilivit. »
  27. Chinon, Indre-et-Loire, ch.-l. d’arr.
  28. Sur le traité de Vendôme conclu le 16 mars 1227, voir Élie Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 84 à 87 ; Lenain de Tillemont, op. cit., t. I, p. 455-459. Le texte de ce traité est publié dans Teulet, Layettes du Trésor des chartes, t. II, no 1922.
  29. Vie de saint Louis, par Guillaume de Nangis (Ibid., t. XX, p. 314 et 315). Les Grandes Chroniques donnent plus de détails sur cet épisode de la vie de saint Louis, dans ce chapitre iv, que Guillaume de Nangis, qui dans sa Chronique latine n’y fait même pas allusion.
  30. « Et pour ce que li baron de France virent le roy enfant et la royne, sa mere, femme estrange, firent-il dou conte de Bouloingne, qui estoit oncles le roy, lour chievetain » (Joinville, Histoire de saint Louis, éd. N. de Wailly, § 72).
  31. Les vassaux conjurés contre le roi étaient assemblés en force à Corbeil (Joinville, Histoire de saint Louis, éd. N. de Wailly, § 72). Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. I, p. 478.
  32. Guillaume de Nangis, dans la Vie de saint Louis, p. 314, dit : « apud Castra sub Monte Laterici », ce qui désignerait Châtres, auj. Arpajon, Seine-et-Oise, arr. de Corbeil, ch.-l. de cant.
  33. D’après Joinville (op. cit., § 73), la reine Blanche de Castille aurait été à Montlhéry avec son fils : « Et me conta li sainz roys que il ne sa mere qui estoient à Montleheri ne oserent revenir à Paris jusques à tant que cil de Paris les vindrent querre à armes. »
  34. Ce témoignage concorde bien avec celui de Joinville (op. cit., § 73) : « Et me conta que dès Montlehery, estoit li chemins pleins de gens à armes et sanz armes jusques à Paris. »
  35. Viee de saint Louis, par Guillaume de Nangis (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 314 à 317). Cf. Chronique latine de Guillaume de Nangis, t. I, p. 177-178, et Joinville, Histoire de saint Louis, éd. N. de Wailly, chap. xviii.
  36. Guillaume de Nangis ne désigne pas ces barons ; il dit seulement « quidam barones Francie ». Lenain de Tillemont (op. cit., t. II, p. 37-38) pense que ces barons étaient le duc de Bourgogne et le comte de Nevers. Ils seraient entré en campagne dans les premiers jours de juillet 1228 (cf. Élie Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 153).
  37. Chaource, Aube, arr. de Bar-sur-Seine, ch.-l. de cant. D’après la Chronique latine de Guillaume de Nangis (éd. H. Géraud, t. I, p. 178), ils auraient assiégé aussi Bar-sur-Seine.
  38. Nous avons donné les mots entre crochets d’après le ms. fr. 2813 de la Bibl. nat.
  39. Guillaume de Nangis, dans sa Vie de saint Louis et dans sa Chronique latine (éd. H. Géraud, t. I, p. 178), dit qu’il revint à Paris : « Parisius remeavit ».
  40. Vie de saint Louis, par Guillaume de Nangis (Ibid., t. XX, p. 316 à 317). Cf. Chronique latine de Guillaume de Nangis, t. I, p. 179. Dans ce chapitre, les Grandes Chroniques entrent dans plus de détails que Guillaume de Nangis dans les passages correspondants de sa Vie de saint Louis et de sa Chronique latine.
  41. Ce n’est pas en 1228 que Pierre Mauclerc serait allé en Angleterre ; il aurait débarqué à Portsmouth le 9 octobre 1229 (Élie Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 161-163).
  42. Henri III ne vint pas alors en Bretagne comme le disent les Grandes Chroniques, d’après Guillaume de Nangis dans a Vie de saint Louis (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 316) et dans sa Chronique latine (éd. Géraud, t. I, p. 179), mais resta en Angleterre (Lenain de Tillemont, op. cit., t. I, p. 526). Cf. Élie Berger, op. cit., p. 123.
  43. L’expédition de Blanche de Castille et de saint Louis en Bretagne et le siège de Bellème eurent lieu en janvier 1229 (Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. I, p. 524, et Élie Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 124, n. 1, et 125, n. 2).
  44. Laigne, bûche, bois à brûler ; ms. 2813 : « bois ».
  45. Vie de saint Louis, par Guillaume de Nangis (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 316 et 317). Cf. Chronique latine de Guillaume de Nangis, t. I, p. 179.
  46. La Haye-Pesnel, Manche, arr. d’Avranches, ch.-l. de cant. Cf. sur le siège de cette ville É. Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 128.
  47. Jean des Vignes qui, sous Philippe-Auguste et Louis VIII, fut prévôt de Senlis, devint ensuite bailli de Gisors et en 1228 succéda dans le bailliage de Rouen à Jean de la Porte ; il occupa ce poste jusqu’à sa mort qui dut survenir en 1244 ou en 1245 (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXIV, 1re partie, p. 100* à 102*, et Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics du xiiie au xviie siècle, t. I, p. 551). Guillaume de Nangis, dans la Vie de saint Louis, dit que Jean des Vignes réunit son armée en Normandie (« colligens exercitum in Normannia » ) et qu’il était « homo fidelissimus et in armis strenuissimus ». Cf. Chronique latine.
  48. À la suite de l’incidence relative à Jean des Vignes G. de Nangis ajoute dans la Vie de saint Louis : « Circa idem tempus Honorius Papa moritur : et post mortem ejus Huquelinus episcopus Hostiensis eligitur ad Papatum, et alternato nomine Gregorius nonus hujus nominis appellatur. Eodem anno quo supra in festo sanctorum Vedasti et Amandi obiit venerabilis et beatæ memoriæ Petrus de Antolio abbas ecclesiæ beati Dionysii Areopagitæ, et in festo sanctæ Scholasticæ fuit electus Odo Clementis in abbatem ejusdem ecclesiæ, eodem die confirmatus a domino Romano cardinali sedis apostolicæ legato. Item eadem die recepit regalia ; in crastino fuit benedictus ab episcopo Carnotensi. » Le royal ms. 16 G VI du Brit. Mus., fol. 390, a reproduit ces indications de G. de Nangis, mais en les abrégeant surtout pour ce qui concerne l’abbé de Saint-Denis Eude Clément.
  49. Vie de saint Louis, par Guillaume de Nangis (Ibid., t. XX, p. 318-319). Cf. Chronique latine, du même, t. I, p. 180. Voir sur cette campagne qui eut lieu au mois de juin 1230 : É. Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 175-178. Le royal ms. 16 G VI, fol. 390 vo, suivant en cela G. de Nangis, dit que Pierre Mauclerc se révolta contre saint Louis en 1229, le « tiers an » de son règne. La trahison du comte de Bretagne remontait en effet au mois d’octobre 1229 (É. Berger, op. cit., p. 163).
  50. Audon, auj. Oudon, Loire-Inférieure, arr. et cant. d’Ancenis.
  51. Chanciaus, auj. Champtoceaux, Maine-et-Loire, arr. de Beaupréau, ch.-l. de cant.
  52. Robert III dit Gatebled. La majeure partie de la fin de ce chapitre est tirée d’autres sources que celles de Guillaume de Nangis qui ne parle pas de l’intervention du comte de Dreux.
  53. Il est fait allusion ici aux trêves que Pierre Mauclerc conclut avec Louis IX, au mois de juillet 1231, après la trêve de Saint-Aubin-du-Cormier signée le 4 juillet 1231 avec Henri III, roi d’Angleterre (Layettes du Trésor des chartes, t. II, no 2144). Cf. É. Berger, op. cit., p. 198-199.
  54. Cette dernière phrase est empruntée à Guillaume de Nangis (Vie de saint Louis et Chronique latine).
  55. Vie de saint Louis, par Guillaume de Nangis (Ibid., t. XX, p. 318-319). Cf. Chronique latine, du même, t. I, p. 180. Pour écrire ce chapitre, l’auteur des Grandes Chroniques a puisé à une autre source que Guillaume de Nangis. Voici tout ce que ce dernier dit, dans sa Vie de saint Louis, au sujet de la conquête des îles Baléares et de la prise de Valence par Jacques Ier, roi d’Aragon : « Eodem anno, rex Arragonum cepit insulam, ubi beatus Vincentius martyrizatus fuit, et inde expulsis Sarracenis, Christiano nomini dedicavit. » Dans sa Chronique, ces opérations sont exposées presque dans les mêmes termes : « Rex Arragonum cepit insulam Majoricarum et Nicœnæ, atque Valentiam civitatem, ubi Vincentius martyrisatus fuit, et inde expulsis Sarracenis, Christiano nomini dedicavit ». Le royal ms. 16 G VI du Brit. Mus., fol. 390 vo, ne fait que traduire Guillaume de Nangis. Le récit des Grandes Chroniques, dans lequel sont confondues différentes expéditions qui eurent lieu à plusieurs années de distance, semble bien avoir été fait d’après des traditions orales.
  56. C’est en 1229 que Jacques Ier, roi d’Aragon, fit l’expédition contre l’île de Majorque.
  57. Les Vaus de Buryenne ; on a désigné ainsi la ville de Burriana (ancien royaume de Valence ; auj. Espagne, prov. de Castellon de la Plana), à dix kilomètres au sud de la ville de Castellon de la Plana qui fut enlevée aux Maures en 1233 par Jacques Ier, roi d’Aragon.
  58. Guisarme, sorte de hache.
  59. La ville de Majorque fut emportée d’assaut le 31 décembre 1229.
  60. Sous le nom de Vicenne, l’auteur des Grandes Chroniques a voulu sans doute désigner l’île d’Iviça.
  61. Il faut lire Vincent (cf. Guillaume de Nangis).
  62. La ville de Valence ne fut assiégée et prise qu’en 1238, à la suite d’une véritable croisade que le pape Grégoire IX avait publiée dès 1233.
  63. Ce chapitre a été puisé à d’autres sources que la Vie de saint Louis, ou la Chronique latine de G. de Nangis qui disent seulement : « His quoque temporibus, sancta Elizabeth filia regis Hungariæ, conjux landegravii Thuringiæ ducis et beatus Antonius de ordine Fratrum Minorum claruerunt » (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 318 et 319 ; Chronique latine, t. I, p. 180). Sainte Élisabeth fut canonisée le 27 mai 1235 et déjà en 1232, entre le 19 novembre et le 25 décembre, Conrad de Marbourg, qui avait été son confesseur, adressa à Grégoire IX une lettre dans laquelle il retraçait sa vie. Elle est publiée par J. P. Kuchenbecker au t. IX des Analecta Hassiaca, p. 108 à 147. Quelques années après, le moine cistercien Césaire d’Heisterbach, mort vers 1240 (cf. Histoire littéraire de la France, t. XVIII, p. 194-201), donna aussi une vie de sainte Élisabeth. Enfin, d’après le témoignage de Joinville (Histoire de saint Louis, éd. N. de Wailly, § 96), le fils de sainte Élisabeth, alors âgé de dix-huit ans, était en 1241 à la cour de France. « Et si servoit à la royne li cuens de Bouloingne, qui puis fu roys de Portingal, et li bons cuens Hues de Saint Pol, et uns Alemans de l’aage de dix-huit ans que on disoit que il avoit estei fiz sainte Helisabeth de Thuringe. » Cf. Vincent de Beauvais, Bibliotheca mundi, Douai, 1624, t. IV, p. 1279.
  64. Sainte Élisabeth de Hongrie, qui naquit en 1207, était fille d’André II, roi de Hongrie, et de Gertrude de Méranie ou d’Andechs (voir de Montalembert, Sainte Élisabeth de Hongrie).
  65. À l’âge de quatre ans elle fut fiancée à Louis VI le saint, landgrave de Thuringe, fils du landgrave Hermann qui mourut en 1216. Leurs mariage fut célébré en 1220 ; Louis VI avait alors vingt ans.
  66. Le 24 juin 1227, Louis VI partit pour la sixième croisade, conduite sous le pontificat de Grégoire IX par l’empereur Frédéric II, et mourut en route le 11 septembre suivant, ayant à peine accompli sa vingt-septième année.
  67. Les ossements de Louis VI, qui avaient été déposés à Otrante, furent au retour de la croisade ensevelis en l’abbaye de Reinharsbrunn.
  68. Élisabeth, âgée de vingt ans, fut chassée avec ses quatre enfants du château de la Wartbourg par Henri et Conrad, frères puînés de Louis VI, et obligée de se réfugier pendant la nuit à Eisenach.
  69. Egbert, évêque de Bamberg (Bavière), était frère de la reine Gertrude et ainsi oncle maternel d’Élisabeth. Il mourut en 1235 ou 1237.
  70. Marbourg, Prusse, ville de l’ancien État de Hesse-Cassel.
  71. Sainte Élisabeth mourut le 19 novembre 1231.
  72. Saint Antoine de Padoue, qui naquit à Lisbonne en 1195, mourut à Padoue le 13 juin 1231 et fut canonisé le 30 mai 1232 (cf. Acta sanctorum, juin, t. II, p. 717-718, 723).
  73. Ce fut pour exécuter la volonté de son père Louis VIII que saint Louis fonda le 24 ou le 25 février 1228 (n. st.) l’abbaye de Royaumont (Seine-et-Oise, arr. de Pontoise, cant. de Luzarches, comm. d’Asnières-sur-Oise), la construction en était déjà avancée au mois d’août suivant. On fit la dédicace de l’église le 19 octobre 1236. Cette abbaye fut élevée en un lieu qui auparavant était appelé Cuimont (G. de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 318-319, et Chronique latine, t. I, p. 181). Saint Louis avait acheté cette terre aux religieuses du prieuré de Saint-Martin de Boran (auj. Boran, Oise, arr. de Senlis, cant. de Neuilly-en-Thelle). Voir Gallia christiana, t. IX, p. 842 ; Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. I, p. 489-493, et l’abbé H. Duclos, Histoire de Royaumont, sa fondation par saint Louis et son influence en France, 1867, 2 vol. in-8o.
  74. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 319-321 ; Chronique latine, t. I, p. 181-183. Cf. Vincent de Beauvais, Bibliotheca mundi, Douai, 1624, t. IV, p. 1279.
  75. Sur cette rixe qui eut lieu les 26 et 27 février 1229 (n. st.) à Saint-Marcel, voir Mathieu Paris, Chronica majora, éd. Luard, t. III, p. 166, et Majus Chronicon Lemovicense, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXI, p. 764. Cf. Denifle, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. I, nos 62 et 84, et É. Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 130-136.
  76. Guillaume de Nangis ne fait pas allusion à l’intervention du roi d’Angleterre Henri III, qui cependant eut lieu (Denifle, op. cit., no 64, et Rymer, Fœdera, t. I, p. 195, lettres du 16 juillet 1229).
  77. Oxford. Dans ses lettres, Henri III ne désigne aucune ville.
  78. Guillaume de Nangis, VIe de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 320-321 ; Chronique latine, t. I, p. 183. Ce chapitre est plus développé que dans G. de Nangis. Il dit seulement que l’abbé de Saint-Denis, Eudes Clément, fit réparer l’abbaye après avoir pris avis de saint Louis et de sa mère Blanche de Castille, et ne fait aucune allusion à Dagobert, à Charles le Chauve ou à la lettre du pape (cf. D. Félibien, Histoire de l’abbaye de Saint-Denis, p. 227).
  79. Cf. Grandes Chroniques, t. II, p. 131.
  80. Cf. Ibid., t. IV, p. 255.
  81. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 321-323 ; Chronique latine, t. I, p. 184-185. Ce chapitre est plus concis que celui de la Vie de saint Louis. Le récit contemporain, œuvre d’un moine de Saint-Denis, dont Guillaume de Nangis s’est servi, analysé par D. Félibien, Hist. de l’abbaye de Saint-Denis, p. 228-232, et signalé par A. Molinier (Les sources de l’histoire de France, t. II, p. 28, no 1045), a été retrouvé et publié par Pierre Aubry (Revue Mabillon, 2e année).
  82. Le saint clou aurait été perdu le 27 février 1233 (n. st.) et retrouvé le vendredi saint, 1er avril suivant (G. de Nangis, Chronique latine, éd. H. Géraud, t. I, p. 184-185. Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 140).
  83. Penancier, prénitencier.
  84. Après l’épisode du saint clou, G. de Nangis, dans la Vie de saint Louis (cf. Chronique latine, t. I, p. 185), parle de la mort de Philippe Hurepel, comte de Boulogne, fils de Philippe-Auguste et d’Agnès de Méranie. Il fut enterré à Saint-Denis et serait mort le 18 janvier 1234, d’après Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 222.
  85. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 322-323 ; Chronique latine, t. I, p. 186. G. de Nangis dit dans sa Vie de saint Louis qu’il avait alors dix-neuf ans et était dans la huitième année de son règne. Voir, sur ce mariage, Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 203-207, et É. Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 222-227.
  86. Gautier III Cornut, archevêque de Sens de 1222 au 20 avril 1241.
  87. Jean II de Nesle, comte de Soissons, succéda, en 1227, dans le comté de Soissons, à son père Raoul de Nesle III. Il alla avec saint Louis en Égypte et mourut en 1270 en l’accompagnant encore dans sa seconde croisade.
  88. Marguerite était la fille aînée de Raimond Bérenger, comte de Provence, et de Béatrice de Savoie (voir Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 192-203).
  89. Le mariage de saint Louis fut célébré à Sens probablement le 27 mai 1234, et Marguerite y fut couronnée le lendemain dimanche 28 mai (Lenain de TIllemont, op. cit., t. II, p. 206 et 207, et É. Berger, op. cit., p. 224-226).
  90. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 322 à 325. Il ne parle ni du comte de Poitiers, ni de Robert d’Artois, ni de l’entrevue de Thibaut avec Blanche de Castille et de sa passion pour cette dernière.
  91. Ce serait en 1235 que Thibaut IV, comte de Champagne, commença ses armements contre saint Louis. La cause de ses armements était les prétentions qu’il émettait sur les comtés de Chartres, de Blois, de Sancerre et sur la vicomté de Châteaudun, bien que suivant le témoignage de Joinville (éd. N. de Wailly, § 87), il les ait vendus au roi pour la somme de 40, 000 liv. par. (Aubry de Trois-Fontaines, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXI, p. 616, et dans Mon. Germ. hist. Scriptores, t. XXIII, p. 938. Cf. d’Abrois de Jubainville, Histoire des ducs et des comtes de Champagne, t. IV, 1re partie, p. 271-279).
  92. Saint Louis aurait réuni son armée le 8 juin 1236 à Saint-Germain-en-Laye (Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 277, et d’Arbois de Jubainville, op. cit., p. 276) et l’aurait conduite jusqu’au bois de Vincennes (Guillaume de Nangis dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 322).
  93. Montereau-faut-Yonne, Seine-et-Marne, arr. de Fontainebleau, ch.-l. de cant.
  94. Bray-sur-Seine, Seine-et-Marne, arr. de Provins, ch.-l. de cant.
  95. Saint Louis serait ensuite rentré à Paris : « Rex cum gente sua Parisius remeavit » (G. de Nangis). Sur les affronts que Robert d’Artois aurait fait subir à Thibaut lors de son entrevue avec le roi, voir Chronique de Philippe Mouskes, éd. de Reiffenberg, vers 29165 à 29171, et Récits d’un ménestrel de Reims, éd. N. de Wailly, § 358. Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 281.
  96. Sur la prétendue passion de Thibaut IV pour la reine Blanche de Castille, voir Hist. littéraire de la France, t. XXIII, p. 775-777 ; É. Berger, Hist. de Blanche de Castille, p. 252, et surtout les Chansons de Thibaut de Champagne, publiées par A. Wallensköld, p. xv-xxi. Cf. d’Arbois de Jubainville, op. cit., t. IV, 1re part., p. 281-285.
  97. Sur Gace Brûlé, voir Hist. littéraire de la France, t. XXIII, p. 564-569. Il vécut à la fin du xiie siècle et dans le premier quart du xiiie siècle. Les Chansons de Gace Brûlé, précédées d’une bonne étude sur le poète et ses poésies, ont été publiées par Gédéon Huet dans la Société des anciens textes français, 1902, in-8o.
  98. Thibaut fit sans doute copier ses chansons dans ses châteaux de Provins et de Troyes (Hist. littéraire de la France, t. XXIII, p. 776). Cependant, d’après plusieurs témoignages, il en aurait fait peindre ou graver sur les murailles de son château de Provins. « On voit encore dans ce palais de Provins quelques vestiges des chansons que le comte Thibaut le Postume, qui les avoit composées, fit graver sur ses murailles » (Brussel, Nouvel examen de l’usage général des fiefs en France, t. I, p. 43, en note, col. 1. Paris, 1727, in-4o. Cf. les Chansons de Thibaut de Champagne, éd. Wallensköld, p. xvii, n. 3). Après avoir été déjà éditées en 1742 par La Ravalière et en 1851 par Tarbé, les Chansons de Thibaut de Champagne ont été rééditées en 1925 par A. Wallensköld dans la Société des anciens textes français, 1 vol. in-8o.
  99. Thibaut devint roi de Navarre en 1234, à la mort de Sanche VII dit le Fort (7 avril), qui était frère de Blanche de Navarre, mère de Thibaut, par conséquent son oncle et non son frere. Il fit son entrée à Pampelune le 5 mai (d’Arbois de Jubainville, op. cit., p. 268-269).
  100. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 324-325 ; Chronique latine, t. I, p. 188. Joinville, qui parle aussi des Assassins et du Vieux de la Montagne (éd. N. de Wailly, §§ 249 et 451 à 463), les confond avec les Bédouins. Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. I, p. 188-192, et t. II, p. 304-306. Sur les Assassins, voir Silvestre de Sacy, Mémoire sur la dynastie des Assassins et sur l’étymologie de leur nom, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. IV (1818), 2e partie, p. 1-84, et Du Cange, Glossaire, éd. Favre, t. X, p. ccxxxv.
  101. Haccasis. Secte des Assassins qui se confond pour la doctrine avec les Ismaëlis ou Ismaëliens, membres d’une secte chiite, c’est-à-dire schismatique aux yeux des sectateurs de Mahomet.
  102. Ce serait à Marseille qu’ils les auraient trouvés (Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 305. Il place cet événement en 1237).
  103. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 324-325 ; Chronique latine, t. I, p. 189-190. Il date par erreur ces faits de l’année 1238. Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 237-238 et 300-302.
  104. Robert était le troisième fils de Louis VIII et de Blanche de Castille ; il naquit au mois de septembre 1216, fut créé comte d’Artois par lettres données à Compiègne le 7 juin 1237 et fut tué à Mansourah le 9 février 1250 (n. st.).
  105. Robert d’Artois fut fait chevalier à Compiègne le jour de la Pentocôte (7 juin) 1237. Voir Peigné-Delacourt, Compte des dépenses de la chevalerie de Robert, comte d’Artois, à Compiègne, en juin 1237 ; extrait du t. XII des Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie.
  106. Mahaut était fille de Henri II, duc de Brabant, et de Marie de Souabe. Les fêtes du mariage de Robert d’Artois avec Mahaut furent célébrées à Compiègne en même temps que celles de sa chevalerie et la cérémonie du mariage eut lieu à l’octave de la Pentecôte, soit le 14 juin (Lenain de Tillemont, op cit., p. 300).
  107. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 324-327 ; Chronique latine, t. I, p. 190.
  108. Vaucouleurs, Meuse, arr. de Commercy, ch.-l. de cant.
  109. À la fête de la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin 1237 (Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 302-303).
  110. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Recueil des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 326 à 329 ; Chronique latine, t. I, p. 190-191. Cf. Geoffroi de Beaulieu, Vita et sancta conversatio piæ memoriæ Ludovici quondam regis Francorum, chap. xxiv.
  111. L’empereur de Constantinople était alors Baudouin II de Courtenai, fils de Pierre de Courtenai et d’Yolande, comtesse de Namur.
  112. C’est en 1236 que Baudouin II fut envoyé en Occident par son beau-père, Jean de Brienne (G. de Nangis, Chronique latine, éd. Géraud, t. I, p. 187 ; Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 307). Cf. É. Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 334. Il vint à Paris au début de l’année 1237 (Lenain de Tillemont, Ibid.).
  113. Baudouin II demandait des secours contre Jean III Ducas Vatace, dit Lascaris, empereur grec de Nicée, qui avec Jean-Asan II, roi des Bulgares, s’était ligué contre l’empire latin de Constantinople.
  114. Ce furent les Dominicains Jacques et André que saint Louis envoya à Constantinople pour dégager la sainte couronne, remise entre les mains du Vénitien Nicolo Quirino en gage de sommes avancées à l’empereur de Constantinople (Opusculum Galteri Cornuti archiepiscopi Senonensis, de susceptione coronæ spinæ Jesu Christi, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXII, p. 27-28. Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 336-344, et É. Berger, op. cit., p. 335-336).
  115. C’est à Villeneuve-l’Archevêque (Yonne, arr. de Sens, ch.-l. de cant.) que saint Louis vint au-devant de la sainte couronne et c’est dans cette ville que, le 10 août 1239 eut lieu la reconnaissance de la relique, qui fut apportée le lendemain à Sens et ensuite à Paris (Opusculum Galteri Cornuti, p. 30 et 31).
  116. Il faudrait le jeudi. Dans Guillaume de Nangis, Chronique latine, t. I, p. 191, et dans sa Vie de saint Louis, on a feria quinta, ce qui désigne bien le jeudi 18 août 1239.
  117. La sainte couronne fut déposée d’abord dans la chapelle Saint-Nicolas, qui avait été fondée dans le palais par Louis le Gros.
  118. C’est en 1241 que saint Louis acheta la relique de la vraie croix. Sur l’acquisition de cette relique qui avait été engagée par Baudouin aux Templiers de Syrie, voir L. Delisle, Mémoires sur les opérations financières des Templiers, p. 17, et N. de Wailly, Récits du xiiie siècle sur les translations faites en 1239 et en 1241 des saintes reliques de la Passion, dans Bibl. de l’École des chartes, t. XXXIX (1878), p. 401-415.
  119. Voir sur la Sainte-Chapelle, commencée en 1242, achevée en 1247, et dont la consécration eut lieu le 26 avril 1248 (li dimanche de Quasimodo), Morand, Histoire de la Sainte-Chapelle royale du palais ; Henri Stein, Le Palais de justice et la Sainte-Chapelle de Paris. Paris, D.-A. Longuet, 1912, in-12. Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 412-417.
  120. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 328 et 329.
  121. On fait allusion à la tentative que Raimond Trencavel, fils de Raimond Roger, vicomte de Carcassonne et de Béziers, fit en 1240 pour recouvrer les États dont il avait été dépouillé. Après s’être emparé de Montréal, de Limoux et de plusieurs autres villes et châteaux, il tint Carcassonne assiégée du 17 septembre au 11 octobre 1240. L’arrivée de Jean de Beaumont, chevalier de Picardie, chambellan du roi, l’obligea à se retirer à Montréal (cf. Hist. de Languedoc, nouv. éd., t. VI, p. 718-722 ; t. VII, note LVIII, p. 448-461, et Bibl. de l’École des chartes, 2e série, t. II (1845), p. 363-379. Le siège de Carcassonne (1240), par L. Douet d’Arcq).
  122. La soumission de Montréal eut lieu vers le commencement de novembre 1240 ; les principales villes prises dans le même mois sont Alet et Limoux.
  123. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 328-330 ; Chronique latine, t. I, p. 189.
  124. Thibaud IV, fils de Blanche de Navarre, sœur de Sanche VII, roi de Navarre, était donc son neveu et non son frère. Cette erreur n’a pas été commise par Guillaume de Nangis.
  125. Sanche VII mourut le 7 avril 1234 et Thibaud fut couronné le 8 mai suivant (cf. d’Arbois de Jubainville, Hist. des ducs et des comtes de Champagne, t. IV, p. 268-269).
  126. Ce fut en 1235 que Thibaud se croisa, mais il ne passa en Palestine qu’en 1239 (Aubry de Trois-Fontaines, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXI, p. 615). Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 249 et 357-360, et d’Arbois de Jubainville, op. cit., t. IV, p. 278 et 308 et suiv.
  127. Pierre Mauclerc. Voir sur son rôle dans cette croisade, Pocquet du Haut-Jussé, Les papes et les ducs de Bretagne, t. I, p. 118-127.
  128. Henri II, comte de Bar-le-Duc, fils de Thibaut Ier, succéda à son père en 1214 et mourut en 1239 des suites des blessures qu’il reçut près de Gaza.
  129. Amauri VI, comte de Montfort, fils de Simon IV, lui succéda en 1218.
  130. Sur la défaite des chrétiens à Gaza, qui aurait eu lieu le 13 novembre 1239, voir Rec. des histoires des croisades. Historiens occidentaux, t. II, p. 414 et 543 à 546, et Aubry de Trois-Fontaines, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXI, p. 625.
  131. Richard, comte de Cornouailles et de Poitou, élu roi des Romains le 13 janvier 1257, était fils de Jean sans Terre et d’Isabelle d’Angoulême. Né le 5 janvier 1209, il mourut le 2 avril 1272. Il partit pour cette croisade en 1240 et en revint en 1241.
  132. Amauri VI resta prisonnier des infidèles jusqu’en 1241. Il mourut à son retour en France, à Otrante, la même année, et son corps fut inhumé à Rome dans l’église Saint-Jean de Latran.
  133. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 330-333 ; Chronique latine, t. I, p. 192. Sur le conflit de Frédéric II avec la papauté, voir Mathieu de Paris, Chronica majora, éd. Luard, t. III, p. 532 et suiv.
  134. Grégoire IX excommunia Frédéric II le 20 mars 1239 (Mathieu de Paris, op. cit., t. III, p. 533. Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 346-351).
  135. Guillaume de Nangis donne le nom de ce légat. C’est Jacques Pecorari de Plaisance, qui fut évêque de Palestrina ou Préneste de 1231 à sa mort (21 juin 1244).
  136. Ce concile de Meaux se tint en 1240 (Labbe et Cossart, Sacrosancta Concilia, t. XI, 1re partie, col. 571. Cf. Raynaldi, Annales ecclesiastici, t. II, p. 244, n. 1). Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 396, le place au début de 1241.
  137. Guillaume de Nangis dit que retournèrent en France l’archevêque de Tours (Juhel de Mathefelon), celui de Bourges (Philippe Berruyer), l’évêque de Chartres (Aubry Cornut) « et moult de procureurs qui avec euls estoient ». Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 397.
  138. Sur le voyage du légat et des prélats qui l’accompagnèrent, voir Raynaldi, op. cit., t. II, p. 268-274. Cf. Lenain de Tillemont, p. 398-399.
  139. Le combat naval dans lequel les prélats furent pris se livra le 3 mai 1241 (Raynaldi, op. cit., t. II, p. 269). Cf. Mathieu de Paris, Chronica majora, éd. Luard, t. IV, p. 126.
  140. Dans le ms. de la bibliothèque Sainte-Geneviève on avait d’abord mis xxxii mois. On barra ensuite le premier x. Dans la Vie de saint Louis et dans la Chronique latine de Guillaume de Nangis on a : « per viginti et duos menses vacavit ». Le Saint-Siège fut en effet vacant pendant vingt-deux mois, soit du 22 août 1241, date de la mort de Grégoire IX, au 25 juin 1243, date de l’élection d’Innocent IV. Célestin IV, élu à la fin d’octobre 1241, mourut le 17 ou 18 novembre suivant, avant d’avoir été sacré. Le ms. fr. 2813 de la Bibl. nat. a répété l’erreur de xxxii.
  141. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 332-333 ; Chronique latine, t. I, p. 193. Cf. Vincent de Beauvais et Gérard d’Auvergne, dans Rec. des Hist. des Gaules, t. XXI, p. 74 et 215.
  142. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 332-333 ; Chronique latine, t. I, p. 193. Cf. Raynaldi, op. cit., t. II, p. 274-277.
  143. Dans le texte latin de la Vie de saint Louis (Gesta sancti Ludovici), ce personnage est appelé : « Gervasius de Escriniis. »
  144. Sur l’incarcération des prélats à Naples et sur les souffrances qu’ils endurèrent alors, voir Mathieu de Paris, op. cit., t. IV, p. 129-130.
  145. D’après Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. II, p. 400, Guillaume de Nangis aurait probablement commis une erreur, car l’abbé de Cluny qui, en 1244, devint évêque de Langres, était alors prisonnier de Frédéric II. Cf. Raynaldi, Annales ecclesiastici, t. II, p. 274.
  146. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 334-335 ; Chronique latine, t. I, p. 194. Cf. Joinville, Histoire de saint Louis, éd. N. de Wailly, §§ 93 à 97.
  147. Alphonse fut fait chevalier le 24 juin 1241.
  148. Alphonse épousa Jeanne, fille unique de Raymond VII, comte de Toulouse, en 1237 (Hist. de Languedoc, nouv. éd., t. VII, p. 96-97).
  149. Le comte des dépenses de la fête de Saumur a été publié par E. Boutaric dans Bibliothèque de l’École des chartes, 3e série, t. IV, p. 22, puis dans le Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXII, p. 616.
  150. Hugues X de Lusignan, comte de la Marche, avait épousé en 1220 Isabelle d’Angoulême, fille d’Aymar, comte d’Angoulême, veuve de Jean sans Terre, roi d’Angleterre, et mère d’Henri III.
  151. Selon E. Boutaric, Saint Louis et Alfonse de Poitiers, p. 47 et 48, ce serait une erreur que G. de Nangis et les Grandes Chroniques auraient empruntée à Vincent de Beauvais (Speculum historiale, liv. XXX, chap. cxlviii), car l’acte original par lequel Hugues de Lusignan se reconnaît vassal d’Alphonse est encore conservé aux Archives nationales (J 190B, no 82). Cf. Layettes du trésor des chartes, t. II, no 2928, où il est publié. Voir aussi, sur la conduite du comte de la Marche à l’égard d’Alphonse de Poitiers, Mathieu de Paris, Chronica majora, éd. Luard, t. IV, p. 178-179.
  152. Isabelle qui, en 1255, épousa Thibaut V, comte de Champagne, naquit le 18 mars 1242 (n. st.) (Guillaume de Nangis, op. cit., p. 334 et 335). Dans le texte français de G. de Nangis, on a : « el secont jour de mars ». Dans le texte latin, on a « secunda die Martis Quadragesimæ », ce qui donne le 18 mars, date adoptée par Lenain de Tillemont (t. II, p. 474), par d’Arbois de Jubainville, Hist. des ducs et comtes de Champagne, t. IV, p. 357. La date du 2 mars est adoptée par le P. Anselme, Hist. généal., t. I, p. 86. Voir aussi Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 82, note 2.
  153. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 334-336 ; Chronique latine, t. I, p. 194. Cf. Vincent de Beauvais, op. cit., liv. XXX, chap. cxlviii.
  154. Sur cette révolte du comte de la Marche contre saint Louis, voir, dans Bibliothèque de l’École des chartes, 1856 (4e série, t. II), p. 513-555, L. Delisle, Mémoire sur une lettre inédite adressée à la reine Blanche par un habitant de la Rochelle, et pour les opérations militaires, cf. Ch. Bémont, La campagne de Poitou, 1242-1243. Taillebourt et Saintes, dans Annales du Midi, t. V (1893), p. 289-314.
  155. Voir, pour l’assemblée réunie à Londres à cette occasion le 28 janvier 1242, Mathieu de Paris, t. IV, p. 180-188.
  156. Henri III, parti de Londres le 21 avril 1242, se serait embarqué le 15 mai à Portsmouth, aurait débarqué le samedi 17 mai à l’abbaye de Saint-Mahé ou Saint-Mathieu (Finistère, arr. de Brest, cant. de Saint-Renan, comm. de Plougonvelin), d’où il serait reparti le lundi 19 pour aborder le mardi 20 mai à Royan (Charente-Inférieure, arr. de Marennes, ch.-l. de cant.) (Mathieu de Paris, Chronica majora, t. IV, p. 192. Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 437-438, et Ch. Bémont, La campagne de Poitou, p. 295, note 4).
  157. Assener à son fié, saisir son fief.
  158. Le ms. 2813 a répété l’erreur « Pierre ». Il faut lire : « Pirenne » (Pyrénées).
  159. Saint Louis donna rendez-vous à son armée à Chinon pour le 28 avril (Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 439).
  160. Monstereul en Gastine, auj. Montreuil-Bonnin, Vienne, arr. de Poitiers, cant. de Vouillé. Cette ville fut prise le 9 mai 1241 (Ch. Bémont, op. cit., p. 294).
  161. Dans le texte latin de Guillaume de Nangis, on a : « turrim Birugiæ ou Berugiæ », et dans le texte français : « la tour de Beruge », auj. Béruges, Vienne arr. de Poitiers, cant. de Vouillé.
  162. Fontenay-le-Comte, Vendée, ch.-l. d’arr.
  163. Geoffroi de Lusignan, fils d’Hugues VIII de Lusignan, était frère de Gui de Lusignan, roi de Jérusalem.
  164. Cette forme erronée pour Vovent (auj. Vouvent, Vendée, arr. de Fontenay-le-Comte, cant. de la Châtaigneraie) dut être donnée par plusieurs manuscrits, soit des Gesta sancti Ludovoci (cf. éd. Pithou, 1596, p. 412), soit de la Chronique latine de Guillaume de Nangis (cf. éd. Géraud, t. I, p. 194, note 3, et Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 549). Cette ville fut prise le 6 juin (Ch. Bémont, op. cit., p. 295).
  165. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 334-335 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXX, chap. cxlviii. Sur cette tentative d’empoisonnement de saint Louis par Isabelle, cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 441-442, et E. Boutaric, Saint Louis et Alfonse de Poitiers, p. 53, note 1.
  166. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 336-339 ; Vincent de Beauvais, op. cit., liv. XXX, chap. cxlviii.
  167. Frontenay-l’Abattu, auj. Frontenay-Rohan-Rohan, Deux-Sèvres, arr. de Niort, ch.-l. de cant. Sur la prise de cette ville, voir Mathieu de Paris, op. cit., t. IV, p. 202 et 206 ; cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 442, et Ch. Bémont, op. cit., p. 298.
  168. Villiers-Couture, Charente-Inférieure, arr. de Saint-Jean-d’Angély, cant. d’Aulnay.
  169. Prée ; dans les Gesta sancti Ludovici : « Preic », auj. Prahecq, Deux-Sèvres, arr. de Niort, ch.-l. de cant.
  170. Saint-Gelais, Deux-Sèvres, arr. et cant. de Niort.
  171. Vétone serait Tonnay-Boutonne, Charente-Inférieure, arr. de Saint-Jean-d’Angély, ch.-l. de cant.
  172. Mautat, auj. Matha, Charente-Inférieure, arr. de Saint-Jean-d’Angély, ch.-l. de cant.
  173. Thors, Charente-Inférieure, arr. de Saint-Jean-d’Angély, cant. de Matha.
  174. Dans le texte latin de G. de Nangis, cette localité est appelée : Aucerrium ; dans le texte français : Aucerne, avec la vairante Aucuerre. Son emplacement n’est pas déterminé. M. Bémont (op. cit., p. 299, note 1) dit : « Les identifications proposées : Saint-Acre, Saint-Affaire, Saint-Asserre, Saint-Césaire, sont inacceptables. L’endroit devrait être cherché sur la Charente entre Taillebourg et Saintes. »
  175. Taillebourg, Charente-Inférieure, arr. de Saint-Jean d’Angély, cant. de Saint-Savinie. Sur la journée de Taillebourg, qui eut lieu le 21 juillet 1242, voir Joinville, éd. N. de Wailly, §§ 98 à 102. Cf. Ch. Bémont, op. cit., p. 300 à 305.
  176. C’est Geoffroi de Rancogne (Charente, arr. d’Angoulême, cant. de la Rochefoucauld). Sur sa querelle avec le comte de la Marche, voir Joinville, § 104.
  177. Carante, la Charente.
  178. Richard.
  179. Simon de Montfort, comte de Leicester.
  180. Vincent de Beauvais et Guillaume de Nangis ne désignent pas le prince de Galles comme se trouvant avec le roi d’Angleterre, mais le comte de la Marche.
  181. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 338-341 ; Chronique latine, t. I, p. 194-195. Cf. Vincent de Beauvais, op. cit., liv. XXX, chap. cxlviii.
  182. 22 juillet 1242.
  183. Sur la bataille de Saintes, voir Mathieu de Paris, t. IV, p. 212-213. Cf. Ch. Bémont, op. cit., p. 305-307.
  184. Alphonse, frère de Sanche II de Portugal, qui avait épousé Mathilde, comtesse de Boulogne.
  185. Blaye, Gironde, ch.-l. d’arr. Sur la fuite d’Henri III à Blaye, où on le trouve le 27 juillet, voir Mathieu de Paris, Chronica majora, t. IV, p. 217-220. Cf. Ch. Bémont, op. cit.,. 308-310, et Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 453.
  186. 23 juillet.
  187. Colombiers, Charente-Inférieure, arr. et cant. de Saintes. G. de Nangis dit que Renaud de Pons avait fait sa soumission le « mardi aprez la feste saint Jaques » (29 juillet). M. Bémont (op. cit., p. 307, note 4) dit qu’il faut la placer le 25 ou le 26 au plus tard, soit le samedi après la saint Jacques.
  188. Pons, Charente-Inférieure, arr. de Saintes, ch.-l. de cant.
  189. Le fils aîné du comte de la Marche est Hugues XI de Lusignan, dit le Brun, comte de la Marche. Il avait épousé Yolande de Dreux, fille de Pierre Mauclerc, duc de Bretagne ; il mourut en Égypte en 1250.
  190. La paix entre le comte de la Marche, Isabelle, sa femme, et saint Louis, fut conclue le 1er août 1242 au camp établi devant le ville de Pons (Layettes du trésor des chartes, t. II, no 2980). Voir aussi, no 2981, lettres d’Alphonse de Poitiers de même date reproduisant celles du comte de la Marche.
  191. Mesplin, auj. Merpins, Charente, arr. et cant. de Cognac.
  192. Crotai. Le texte latin donne Crosanum, auj. Crozant, Creuse, arr. de Guéret, cant. de Dun-le-Palleteau.
  193. Hacardi ; latin : Castrum Achardi, auj. Château-Larcher, Vienne, arr. de Poitiers, cant. de Vivonne.
  194. Ce fut par lettres du 3 août 1242 qu’Hugues de la Marche et Isabelle, sa femme, livrèrent ces villes au roi (Layettes du trésor des chartes, t. II, no 2984).
  195. Cf. Joinville, Histoire de saint Louis, éd. de Wailly, § 104.
  196. Ms. Sainte-Geneviève : « vostre ».
  197. Renaud de Pons rendit hommage au roi au camp près de Marcillac (Layettes, t. II, no 2987).
  198. Ligenon. Il faut lire : Lezignan, Geoffroi de Lusignan.
  199. C’est Ponce, sire de Mirambeau, Charente-Inférieure, arr. de Jonzac, ch.-l. de cant. (cf. Ch. Bémont, op. cit., p. 310, note 2).
  200. Mortagne-sur-Gironde, Charente-Inférieure, arr. de Saintes, cant. de Cozes.
  201. Dès le 4 août, Henri III quitta Blaye et établit son camp de l’autre côté de la Gironde, mais il ne fut à Bordeaux que le 18 (Ch. Bémont, op. cit., p. 311, note 3).
  202. La maladie décimant l’armée française, des trêves furent alors conclues pour cinq ans (Mathieu de Paris, Chronica majora, t. IV, p. 225). Elles furent ensuite ratifiées le 7 avril 1243 (Layettes, t. II, no 3075).
  203. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 340 à 343 ; Chronique latine, t. I, p. 195-196. Voir, dans Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXIX, chap. lxix ; liv. XXX, chap. xcv ; liv. XXXI, chap. iii à lii, les détails qu’il donne sur les mœurs et les invasions des Tartares. Sur les Tartares, voir aussi Joinville, §§ 471-492.
  204. Tout ce qui est dans ce chapitre fut pris par G. de Nangis dans Vincent de Beauvais, liv. XXX, chap. cxlvi et cxlvii.
  205. G. de Nangis, Arseron ou Arsarom, auj. Erzeroum, ch.-l. du pachalik d’Erzeroum et de l’Arménie turque. Cette ville aurait été prise par les Tartares en 1242 (Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. III, p. 5).
  206. Arsegne. Vincent de Beauvais : « Arsengana, Arsenga » ; G. de Nangis : « Arsanga », auj. Erzinghian, sur l’Euphrate, au sud-ouest d’Erzeroum.
  207. Vincent de Beauvais (chap. cxlvi) donne les noms de ces deux chrétiens, Guillelmus de Brundisio (Guillaume de Brindes) et Raymundus Guasco (Raimon de Gascogne).
  208. La phrase entre crochets est donnée par le ms. fr. 2813, fol. 275 vo.
  209. Cesare, l’ancienne Césarée de Cappadoce, est auj. Kaisarieh, Turquie d’Asie (Anatolie), ch.-l. de sandjak.
  210. Franiste. G. de Nangis : « Favastre », « Fanestre », l’ancienne Amastris, dans la Paphlagonie, auj. Amasra.
  211. Coine. G. de Nangis : Yconium, auj. Konieh, Turquie d’Asie (Anatolie).
  212. G. de Nangis dit : « vastaverunt Poloniam et Hungariam, et juxta mare Ponticum Russiam et Gazariam ». Les terres de Romille et de Gazarie désignent la Russie et la Crimée.
  213. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 342 à 345 ; Chronique latine, t. I, p. 196 et 197.
  214. Célestin IV mourut le 17 ou le 18 novembre 1241. Cf. p. 82, note. 1.
  215. Sinibalde Fieschi, Génois, fut élu à Anagni le 25 juin 1243 et sacré le 28.
  216. Innocent IV arriva à Lyon le 2 décembre 1244. Voir sur les causes qui déterminèrent le pape à se retirer dans cette ville : Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 50 ; Mathieu de Paris, t. IV, p. 394-395, et Élie Berger, Saint Louis et Innocent IV, dans les Registres d’Innocent IV, t. II, p. xx-xxiii.
  217. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 344-347 ; Chronique latine, t. I, p. 197. Cf. Joinville, §§ 106 et 107.
  218. Saint Louis avait contracté les germes de cette maladie dans la campagne du Poitou, où son armée avait été fortement éprouvée (Mathieu de Paris, t. IV, p. 225. Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. III, p. 58 à 64). Il aurait commencé à être malade vers le 10 décembre 1244.
  219. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 346-347 ; Chronique latine, t. I, p. 197-198. Cf. Vincent de Beauvais, Speculum historiale, t. IV, liv. XXIX, chap. lxxxviii.
  220. G. de Nangis : Grossomi, Grossoini. On a désigné ainsi les Kharismiens, peuplade des bords de la mer Caspienne, qui, chassés par les Tartares, vinrent en Terre sainte. Voir sur eux, sur la prise de Jérusalem et la bataille de Gaza livrée le 18 octobre 1244 : Mathieu de Paris, t. IV, p. 299 à 311. Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., p. 33 à 45. Voir aussi : Continuation de Guillaume de Tyr, dans Rec. des Hist. des croisades, t. II, chap. xl et xli, p. 561-566.
  221. Psaume LXXVIII, verset 1 à 3.
  222. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 346-351 ; Chronique latine, t. I, p. 198.
  223. Innocent IV qui, dès le 3 janvier 1245, avait écrit pour la convocation du concile de Lyon à l’archevêque de Sens et à d’autres prélats (Raynaldi, Annales ecclesiastici, t. II, p. 317), ne le commença que le 26 juin suivant (Mathieu de Paris, t. IV, p. 431). Cf. pour ce concile : Labbe et Cossart, Sacrosancta concilia, t. XI, 1re partie, col. 634-675, et Mathieu de Paris, Ibid., p. 431-479. Voir aussi : Élie Berger, Les registres d’Innocent IV, t. II ; Saint Louis et Innocent IV, chap. iv : Le concile de Lyon.
  224. Cette sentence de condamnation de Frédéric II fut datée du 16 juillet 1245 et le concile se sépara après sa lecture, le 17 juillet (Mathieu de Paris, t. IV, p. 445-455). Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 78, et É. Berger, op. cit., p. xciv.
  225. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 352-353 ; Chronique latine, t. I, p. 199.
  226. Dès l’année 1246, saint Louis passait des conventions avec les villes de Marseille et de Gênes pour le transport des croisés en Terre sainte (Champollion-Figeac, Documents historiques inédits tirés des collections manuscrites de la Bibliothèque royale, t. I, p. 605-609, et t. II, 2e partie, p. 50-67).
  227. Eudes de Châteauroux, cardinal, évêque de Tusculum. Voir dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. XXIV, 2e partie, p. 204 à 235, la note que lui consacre Barthélemi Hauréau.
  228. Juhel de Mathefelon (30 mars 1245 à sa mort, 18 décembre 1250).
  229. Philippe Berruyer (1236 à sa mort, 9 janvier 1261).
  230. Robert de Cressonsacq (1237 à sa mort, survenue en octobre 1248 en Chypre).
  231. Garnier (1238 à sa mort, 7 septembre 1249).
  232. Guillaume de Bussy (1237 à sa mort, 23 août 1258).
  233. Dans G. de Nangis, on a : « Hugo de Castellione, comes Sancti Pauli et Blesensis » ; c’est donc Hugues V, fils aîné de Gaucher de Châtillon et d’Élisabeth de Saint-Pol, qui devint comte de Blois par son mariage avec Marie d’Avesnes, comtesse de Blois.
  234. Jean Ier, dit le Roux, fils de Pierre Mauclerc, qui succéda à son père en 1237.
  235. Hugues X de Lusignan.
  236. Jean de Montfort, fils d’Amaury VI.
  237. Raoul II, fils aîné d’Enguerrand III, fut tué à la Massoure, le 9 février 1250.
  238. G. de Nangis ne parle pas de l’envoi d’un cardinal, mais dit seulement : « L’en preecha de la croys es parties de Hainau et du Liege. » « Circa fines Hanoniæ vel Alemanniæ prædicabatur crux. »
  239. Henri, landgrave de Thuringe, beau-frère de sainte Élisabeth, fut élu roi des Romains le 17 mai 1246 (Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, chap. ccxv. Cf. Mathieu de Paris, t. IV, p. 544, et Raynaldi, op. cit., t. II, p. 348).
  240. Conrad, fils de Frédéric, fut vaincu par Henri de Thuringe (Mathieu de Paris, t. IV, p. 545 ; Lenain de Tillemont, t. III, p. 109).
  241. Les Frères Mineurs étaient frère Jean du Plan-Carpin et frère Benoit Polonais.
  242. Les Frères Prêcheurs étaient frère Ascelin et frère Simon de Saint-Quentin. La relation de Jean du Plan-Carpin a été donnée par Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI. Cf. Bergeron, Voyages faits principalement en Asie dans les XIIe, XIIIe, XIVe et XVe siècles. La Haye, 1735, in-4o, et Abel de Rémusat, Mémoires sur les relations politiques des princes chrétiens et particulièrement des rois de France avec les empereurs mongols, dans Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. VI, p. 419 et suiv.
  243. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 352-355 ; Chronique latine, t. I, p. 200. Cf. Élie Berger, Saint Louis et Innocent IV, chap. v : L’entrevue de Cluny et le mariage de Charles d’Anjou.
  244. Saint Louis vint à Cluny vers le 30 novembre 1245 et ses négociations avec Innocent IV durèrent sept jours (Mathieu de Paris, t. IV, p. 484. Cf. É. Berger, op. cit., p. cix).
  245. Jacques Ier, dit le Conquérant.
  246. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 354-355 ; Chronique latine, t. I, p. 200.
  247. 27 mai 1246.
  248. Amédée III, qui succéda, le 20 janvier 1233, à son père Thomas Ier et mourut le 24 juin 1253. Une de ses sœurs, Béatrix, avait épousé Raymond-Bérenger IV, comte de Provence, père de la reine Marguerite.
  249. Béatrix de Provence, fille et héritière de Raymond-Bérenger IV et ainsi sœur de la reine Marguerite. Le mariage de Béatrix et de Charles, frère de saint Louis, aurait été célébré le 31 janvier 1246 (cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. III, p. 106, et É. Berger, op. cit., p. cxvi).
  250. Les comtés d’Anjou et du Maine furent donnés à Charles par lettres de saint Louis datées d’Orléans au mois d’août 1246 (d’Achery, Spicilège, t. XI, p. 372).
  251. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 354-355 ; Chronique latine, t. I, p. 200 et 201 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. liii.
  252. 1247, d’après G. de Nangis.
  253. Iconium. D’après G. de Nangis, Vie de saint Louis, ce miracle aurait eu lieu au mois de juin 1247.
  254. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 354-355 ; Chronique latine, t. I, p. 201.
  255. Henri, landgrave de Thuringe, mourut au commencement de 1247, avant le 15 mars (Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 110).
  256. Guillaume, comte de Hollande, neveu d’Henri, duc de Brabant, fut élu roi des Romains le 3 octobre 1247 (Lenain de Tillemont, Ibid., chap. cccxxxiii, et Art de vérifier les dates, in-fol., t. III, p. 205).
  257. Pontigny, Yonne, arr. d’Auxerre, cant. de Ligny-le-Châtel. Saint Edme mourut le 16 novembre 1240 à Soisy (Seine-et-Marne, arr. de Provins, cant. de Bray-sur-Seine) et son corps fut enterré à Pontigny. Canonisé le 16 décembre 1246, la levée de son corps eut lieu le 27 mai 1247 (Lenain de Tillemont, op. cit., t. II, p. 387 et 390). La vie de saint Edme a été donnée par Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. lxvii-lxxxviii.
  258. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 356-357 ; Chronique latine, t. I, p. 201 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. lxxxix.
  259. 12 juin.
  260. Pour la manière dont saint Louis se vêtait, cf. Joinville, § 667.
  261. Eudes de Châteauroux, cardinal-évêque de Tusculum, légat du pape en France.
  262. La Roche-de-Glun, Drôme, arr. de Valence, cant. de Tain. Le seigneur de ce château était Roger de Clorège. Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 199. Joinville (§ 124) dit que saint Louis fit abattre ce château « pour ce que Rogiers, li sires dou chastel, estoit criez de desrober les pelerins et les marchans ».
  263. Aigues-Mortes, Gard, arr. de Nîmes, ch.-l. de cant.
  264. 25 août.
  265. La flotte dut attendre deux jours un vent favorable et ne quitta Aigues-Mortes que le vendredi 28 août (G. de Nangis).
  266. Saint Louis arriva au port de Limisso, dans l’île de Chypre, la nuit du 17 au 18 septembre (Ibid.). Sur le séjour de saint Louis dans l’île de Chypre, voir L. de Mas-Latrie, Histoire de l’île de Chypre sous le règne de la maison de Lusignan, t. I, p. 342-351.
  267. Le roy de Chypre était alors Henri de Lusignan, fils de Hugues, qui, en 1246, avait été reconnu roi de Jérusalem.
  268. Sous le nom de soudan de Babylone, on désigne le sultan d’Égypte, qui était alors Malek-Saleh Nagem-Eddin Ayoub. Cf. Joinville, § 144, et Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 215 à 219.
  269. Pierre de Montoire, fils de Jean IV, comte de Vendôme, mourut le 29 mars 1249.
  270. Dreux de Mello, fils de Guillaume de Mello Ier, seigneur de Saint-Bris, était encore en Égypte, sur le Nil, au mois de décembre 1249, date à laquelle il composa avec saint Louis au sujet des droits qu’il prétendait avoir sur les châteaux de Loches et de Châtillon-sur-Indre (Layettes du trésor des chartes, t. III, no 3834). Il mourut en 1252 (P. Anselme, Hist. généal., t. VI, p. 61).
  271. Archambaud XI, sire de Bourbon, fils d’Archambaud X et de Béatrix de Mello, mourut le 15 janvier 1249.
  272. Jean Ier, fils aîné de Robert III, comte de Dreux.
  273. Sous le nom de Tharse, on désigne la Tartarie ; on a dans le latin : De nunciis Tartarorum.
  274. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 358-361, et Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xc. Cf. Joinville, §§ 133, 134 et 471. Pour ce chapitre et les chapitres suivants jusqu’au chapitre l exclusivement, voir la lettre écrite de Chypre, le 31 mars 1249, par Eudes de Châteauroux à Innocent IV. G. de Nangis l’a reproduite en grande partie dans sa chronique. Elle est publiée par d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 213-224.
  275. Nicosie ou Lefkosia, ch.-l. de l’île de Chypre.
  276. Latin : « missi quidam nuncii a quodam magno viro Ercalthay nomine de gente Tartarorum ». Suivant A. de Rémusat, op. cit., p. 437, Ercalthay serait Ilchi-Khataï, commandant mongol de la Perse et de l’Arménie. Ses envoyés auraient débarqué en l’île de Chypre le 19 décembre 1248, soit le samedi avant Noël, et auraient présenté leurs lettres au roi le lendemain (Ibid., p. 439). Sur le caractère de cette ambassade, voir p. 440-445.
  277. Sur André de Longjumeau, frère prêcheur, mort après 1253, voir Histoire littéraire de la France, t. XVIII, p. 447.
  278. Baudas, Bagdad.
  279. Damiette fut pris, le 5 novembre 1219, par Jean de Brienne, roi de Jérusalem, et rendu aux Sarrazins au mois de septembre 1221 (Lenain de Tillemont, op. cit., t. I, p. 274 et 287).
  280. Cette lettre avait été transcrite dans celle d’Eudes de Châteauroux à Innocent IV (d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 216). Cf. Vincent de Beauvais, op. cit., liv. XXXI, chap. xci.
  281. Dans le texte latin, on ne donne que les noms de deux messagers ; « per… Sabeldin Monfac David, et per Marchum ».
  282. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 361 à 363 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcii. Cf. d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 217.
  283. Henri Ier, roi de Chypre, succéda en 1218 à son père Hugues de Lusignan, qui avait épousé Alix de Champagne. Il mourut en 1253.
  284. Sous ce nom d’Emeline, on désigne Stéphanie de Lampron, seconde femme d’Henri Ier, qui était sœur d’Hayton Ier, roi d’Arménie.
  285. Dans le texte latin, on a : sorori suæ Emelinæ reginæ, nobili viro Johanni de Ybelim fratri suo, conestabularius Armeniæ salutem. C’est don le connétable d’Arménie qui adresse sa lettre au roi et à la reine de Chypre et à Jean de Belin.
  286. Dans G. de Nangis, cette ville est appelée Sautequant ; ce serait Samarkand (A. de Rémusat, op. cit., p. 434).
  287. Gion, l’ancien Oxus, auj. l’Amou-Daria.
  288. Divers ; latin : « plurimque facierum ».
  289. Caiuk-Khan, petit-fils de Gengis-Khan, qui fut mis sur le trône le 24 août 1246 et mourut le 22 juin 1249 (Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, chap. ccl et cccx).
  290. On a dans le texte latin : « Quidam enim eorum erant in India, alii vero in terra de Chatha, alii in Russia et alii in terra de Chascat et de Tangath. Hæc est terra, de qua tres reges in Bethlehem venerunt Christum adorare. »
  291. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 362-365 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xciii. Cf. d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 220-222.
  292. Moisac. On a voulu désigner Mossoul : le texte latin donne : « A soldano Mussule que scilicet olim vocabatur Ninive. »
  293. Eudes de Châteauroux et G. de Nangis : « Distat per quadraginta dietas a terra quam modo inhabitat ille magnus rex Cham. »
  294. Le Prêtre-Jean aurait été un prêtre nestorien qui, au milieu du xiie siècle, se serait emparé des régions orientales de l’Asie et de l’Inde. Son successeur fut vaincu et tué par Gengis-Khan, qui aurait épousé sa fille. Voir sur lui : Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. x ; Du Cange, Glossaire, éd. Favre, t. X, p. ccxxxii ; Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 419. Cf. Joinville, chap. xciii et xciv.
  295. Eudes de Châteauroux et G. de Nangis : « Malassias. »
  296. Lenain de Tillemont (Vie de saint Louis, t. III, p. 223) dit qu’il « n’est pas aisé à croire » que le khan ait reçu le baptême.
  297. Selon Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 224, ce Bacon ou Bachon « n’estoit nullement disgracié ».
  298. Les mots entre crochets ont été rétablis d’après la traduction de G. de Nangis.
  299. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 364-367 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xciv.
  300. Cf. Joinville, §§ 134 et 471.
  301. Eudes de Châteauroux nous donne les noms de ces envoyés et la date de leur départ : « Octavo vero kaL Februrarii (25 janvier) dicti nuncii a rege Franciæ licentiam receperunt ; et vi kal. dicti mensis (27 janvier) Nichossiam exierunt, et cum eis fratres Prædicatorum Andreas, Johannes et Willelmus, quos rex mittit ad dictum regem Tartarorum » (d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 222. Cf. G. de Nangis).
  302. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 366-369 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcv. Cf. d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 214, et Champollion-Figeac, Documents historiques inédits tirés des collections manuscrites de la Bibliothèque royale, t. I, p. 646, no xxiv.
  303. Sur le conflit qui s’éleva entre le soudan d’Égypte, Malek-Saleh Nagem-Eddin Ayoub, et celui d’Alep, Malek-Nacer Youssof, voir Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, chap. xxclix. Cf. Joinville, §§ 144 et 145.
  304. Sous ce nom ou sous le nom de Chamelle, comme dans Joinville (§§ 533, 534, 536, 537), on désigne la ville d’Émèse sur l’Oronte, auj. Homs en Syrie.
  305. Le grand maître du Temple depuis 1247 était Guillaume de Sonnac, qui fut tué le 11 février 1250. Cf. p. 149, note 2.
  306. Bibl. nat., ms. fr. 2813 : « autretant » ; ms. fr. 17270 : « autant ».
  307. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 368-369. Cf. d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 215.
  308. Eudes de Châteauroux : « sexcentos balistarios ».
  309. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 368-369 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcvi. Cf. d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 213-214.
  310. Geoffroi IV, vicomte de Châteaudun (P. Anselme, Hist. généal., t. III, p. 316).
  311. Jean de Montfort, qui mourut peu après (1249) en Chypre.
  312. Le légat Odon ou Eudes de Châteauroux, évêque-cardinal de Tusculum.
  313. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 368-371 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcvi. Cf. d’Achery, Spicilège, t. VII, p. 223.
  314. Eudes de Châteauroux, G. de Nangis et Vincent de Beauvais disent : « unus consul Januensis ».
  315. Le patriarche de Jérusalem était Robert II, qui, après avoir été évêque de Nantes, devint patriarche au mois de mai 1240 et mourut en 1254.
  316. Gui de Château-Porcien.
  317. Humbert V de Beaujeu, connétable depuis 1241, qui mourut en mai 1250.
  318. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 370-371 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcvii.
  319. Saint Louis et ses troupes entrèrent dans les vaisseaux le jour de l’Ascension, 13 mai 1249, et le samedi suivant, 15, il donna ordre d’aller sur Damiette, mais, le temps n’étant pas favorable, la flotte resta au port de Limisson jusqu’au mercredi 19 (G. de Nangis). Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 235-237.
  320. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 370-373 ; Chronique latine, t. I, p. 203 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcvii. Cf. Joinville, chap. xxxii à xxxiv.
  321. Paphos, auj. Bafa, bon port de l’île de Chypre.
  322. La flotte resta au port de Limisson depuis le vendredi 21 mai jusqu’au dimanche de la Trinité 30 mai, attendant un vent favorable (G. de Nangis, Joinville, §§ 146-147). Cf. Lenain de Tillemont, t. III, p. 237-238.
  323. Guillaume de Ville-Hardouin, prince d’Achaïe ou de Morée.
  324. Hugues IV.
  325. 30 mai 1249.
  326. 4 juin.
  327. D’après Lenain de Tillemont (op. cit., t. III, p. 242), c’était l’île de Gisa.
  328. Jean de Brienne en 1218.
  329. G. de Nangis le désigne ainsi : « unus qui erat villæ capitaneus » ; c’était donc le gouverneur de Damiette.
  330. Sur la prise de Damiette, voir les lettres publiées dans les additamenta de Mathieu de Paris, t. VI, nos 80, 81, 82.
  331. G. de Nangis dit une lieue : « per unam leucam ».
  332. Le 6 juin.
  333. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 372-373 ; Chronique latine, t. I, p. 203-204 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcviii. Cf. Joinville, chap. xxxv.
  334. G. de Nangis dit que la mosquée avait été déjà consacrée à la Vierge lorsque Damiette fut pris, en 1219 : « quia dudum in altera ejusdem urbis captione beatæ Mariæ virginis ecclesiæ deputatus fuerat et appropriatus ».
  335. Les chrétiens enfermés par les eaux en 1221 furent obligés de rendre Damiette aux Sarrasins (Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. I, p. 285-287).
  336. Alphonse de Poitiers ne prit pas la mer le 24 juin ; mais il s’embarqua à Aigues-Mortes le 25 août et débarqua à Damiette le 24 octobre suivant : « in crastino sancti Bartholomæi Apostoli mare apud Aquas Mortuas intravit, et die Dominica ante festum Apostolorum Simonis et Judæ apud Damietam applicuit » (G. de Nangis). Cf. Joinville, §§ 179 à 183, et Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, p. 271.
  337. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 374-375 ; Chronique latine, t. I, p. 205 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcix. Cf. Joinville, § 184. Voir surtout, pour les chapitres liv à lx des Grandes Chroniques, la lettre de saint Louis envoyée d’Acre au mois d’août 1250, dans laquelle il fait connaître comment il fut pris et délivré, et qui est la source des récits de Vincent de Beauvais et de Guillaume de Nangis (F. Duchesne, Historiæ Francorum scriptores, t. V, p. 428).
  338. La Maçoure, auj. Mansourah, ch.-l. de prov. sur la branche orientale du Nil, à 59 kilomètres sud-ouest de Damiette.
  339. Cf. Joinville (§§ 185 et 186) pour un combat qui fut livré le 6 décembre 1249. Voir aussi Lenain de Tillemont (op. cit., t. III, p. 291) pour d’autres combats livrés le 7 et le 13.
  340. Les croisés arrivèrent devant Masourah le mardi 21 décembre (G. de Nangis, Vincent de Beauvais). Lenain de Tillemont (Ibid., p. 291) dit le 19 ou le 21.
  341. Le sultan Malek-Saleh mourut dans la nuit du 25 au 26 novembre (Lenain de Tillemont, t. III, p. 286).
  342. Touran-Schah, fils de Malek-Saleh, était alors en Mésopotamie (Lenain de Tillemont, t. III, p. 287). Cf. Joinville, § 287.
  343. Farhadin est Fakr-Eddin, fils du scheik Sadr-Eddin. Joinville (§ 196) le nomme Scecedin. Voir sur lui : Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, chap. cclxxi.
  344. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 374-377 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. xcix. Sur les luttes des croisés contre les Sarrasins sur le canal d’Aschmoum - Thenah et autour de Mansourah, voir Joinville, chap. xli-lvi.
  345. Le canal d’Aschmoum-Thenah.
  346. L’émir Fakr-Eddin, ainsi que le comte d’Artois, furent tués dans la bataille livrée le jour du mardi gras 1250 (8 février).
  347. Se desclostrent, se débandèrent.
  348. Ce serait le grand maître du Temple Guillaume de Sonnac, qui fut tué le 11 février 1250 (voir Joinville, §§ 218, 219 et 270). Cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. III, chap. cclxxvi, cclxxvii et p. 316, et Mathieu de Paris, t. V, p. 149-153.
  349. 9 février.
  350. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 376-377 ; Chronique latine, t. I, p. 205. Voir Joinville, chap. lvii à lxi ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. c. Cf. Mathieu de Paris, t. V, p. 155-157.
  351. Ce fut le 22 février 1250 que Touran-Schah prit possession du royaume d’Égypte. Il vint peu après à Mansourah (Lenain de Tillemont, t. III, p. 317).
  352. Saint Louis donna ordre de revenir sur Damiette le mardi 5 avril 1250 au soir (Joinville, § 304).
  353. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 376-379 ; Chronique latine, t. I, p. 205-206 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. c. Cf. Joinville, chap. lxii, et Mathieu de Paris, t. V, p. 157-159.
  354. Joinville, qui parle du dévouement de Geoffroi de Sargines en cette circonstance, ne fait pas allusion à Guillaume de Bourg-la-Reine, ni Guillaume de Nangis. Un sergent de ce nom figure dans les tablettes de cire de Jean Sarrazin ; on ne saurait dire que c’est le même personnage (cf. Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXI, à la table).
  355. Saint Louis fut pris le 6 avril 1250 (Lenain de Tillemont, t. III, p. 326-327).
  356. Eudes de Châteauroux.
  357. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 378-381 ; Chronique latine, t. I, p. 207 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. ci. Cf. Joinville, chap. lxvii à lxxvi, et Mathieu de Paris, t. V, p. 160-164.
  358. Allusion à la trêve conclue le 18 février 1229 entre Malek-Kamel et Frédéric II (cf. Lenain de Tillemont, t. III, p. 22).
  359. Joinville (§§ 342 et 343) dit qu’il fut demandé à saint Louis pour sa rançon un million de besants d’or valant cinq cent mille livres de monnaie française et qu’ensuite il fut convenu qu’il rendrait Damiette pour sa rançon et quatre cent mille livres pour celle de ses gens. Cf. Lenain de Tillemont, t. III, chap. cclxxxix et dissertation de Du Cange sur la rançon de saint Louis, dans Glossaire, éd. Favre, t. X, p. 65.
  360. Cf. Joinville, chap. lxix, et Lenain de Tillemont, t. III, chap. ccxv.
  361. Le même épisode est rapporté par l’anonyme de Saint-Denis (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 55), par le confesseur de la reine Marguerite, Guillaume de Saint-Pathus (Ibid., p. 68 et éd. Delaborde, p. 24) et par Joinville (§ 353). Ce dernier donne le nom de ce Sarrasin : Faraquataye ou Faraquataie : soit Faress-Eddin Octay. Cf. Lenain de Tillemont, t. III, chap. ccxvii.
  362. Cf. Vie de saint Louis, par Guillaume de Saint-Pathus, éd. Delaborde, p. 23 et 24.
  363. Damiette fut rendue aux Sarrasins le 6 mai 1250 au soleil levant et le roi et les autres prisonniers furent délivrés le même jour au soir (Joinville, chap. lxxii à lxxiv. Voir aussi chap. lxxv et lxxvi, pour le paiement de la rançon qui se fit dans les journées des 7 et 8 mai).
  364. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 380-381 ; Chronique latine, t. I, p. 207 ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. cii.
  365. Saint Louis fut six jours en mer pour aller de Damiette à Acre (Joinville, § 404). Il arriva à Acre le 12 ou le 14 mai (Lenain de Tillemont, t. III, p. 381).
  366. Sur la délivrance des prisonniers d’Égypte, où saint Louis envoya Jean de Valenciennes, voir Joinville, chap. xci et xcii. Cf. Lenain de Tillemont, t. III, chap. ccciv.
  367. Vincent de Beauvais et Guillaume de Nangis ne disent que quatre cens.
  368. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 380-383. Cf. Joinville, chap. lxxxii-lxxxv ; Vincent de Beauvais, Speculum historiale, liv. XXXI, chap. cii.
  369. D’après Joinville (chap. lxxxiii), la majorité du conseil du roi l’engageait, au contraire, à rentrer en France. Cf. Lenain de Tillemont, t. III, p. 389.
  370. Malek-Nacer Youssof, prince d’Alep, qui devint soudan de Damas en 1250 après la mort de Touran-Schah. Voir, dans Joinville, § 444, les propositions qu’il fit au roi et, § 464, la réponse de saint Louis.
  371. Saint Louis renvoya ses deux frères en France, Alphonse, comte de Poitiers, et Charles, comte d’Anjou (Joinville, §§ 438 et 442). Ils s’embarquèrent au commencement du mois d’août (Lenain de Tillemont, t. III, p. 391 ; É. Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 386).
  372. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 382-383 ; Chronique latine, t. I, p. 206-207.
  373. Henri, qui avait été élu roi des Romains en 1220, mourut le 12 février 1242 (Huillard-Bréholles, Historia diplomatica Frederici secundi. Introduction, p. clxxix).
  374. Manfred, fils de Frédéric II et de Bianca Lancia, était né en 1232 ; son père lui donna la principauté de Tarente (Huillard-Bréholles, op. cit., p. ccviii).
  375. Frédéric II mourut le 13 décembre 1250 (Lenain de Tillemont, t. III, chap. ccxlii ; Huillard-Bréholles, op. cit., p. cci).
  376. Innocent IV, qui était encore à Lyon le 11 avril 1251, se trouvait à Vintimille le 7 mai suivant. Après avoir séjourné à Pérouse, à Assise et au Latran de 1251 à 1254, on le trouve à Anagni du 2 juin au 11 octobre 1254 (Élie Berger, Registres d’Innocent IV, t. IV, p. 562-570).
  377. Avengne, Anagni.
  378. Conrad IV avait épousé en 1246 Élisabeth, fille d’Othon, duc de Bavière.
  379. Naples, assiégée depuis le 18 juin 1253, fut obligée de se rendre le 10 octobre suivant (Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. VI, p. 16).
  380. Conradin fut décapité à Naples le 29 septembre 1268.
  381. Conrad IV mourut le 20 ou le 21 mai 1254 (Lenain de Tillemont, op. cit., t. VI, p. 17).
  382. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 382-383 ; Chronique latine, t. I, p. 207-208. Cf. Mathieu de Paris, t. V, p. 246-253, et Chronique de Primat, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXIII, p. 8 à 10. Voir Lenain de Tillemont, t. III, chap. cccxiv et cccxv, et E. Berger, Hist. de Blanche de Castille, p. 393-401.
  383. Mathieu de Paris (t. V, p. 248) dit « Post Pascha », soit après le 16 avril, date de Pâques en 1251.
  384. Une troupe de Pastoureaux alla à Orléans, elle y entra le 11 juin (Mathieu de Paris, t. V, p. 249-250).
  385. Le maître de Hongrie et un bon nombre de ceux qui le suivaient furent tués entre Morthomiers et Villeneuve-sur-Cher (Cher, arr. de Bourges, cant. de Charost).
  386. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 384-385 ; Chronique latine, t. I, p. 209. Sur ce conflit entre l’université de Paris et les ordres mendiants, voir Dr Max Bierbaum, Bettelorden und Weltgeistligkeit an der Universität Paris. Texte und Untersuchungen zum literarischen Armuts und Exemtionsstreit des 13 Jahrhunderts (1255-1272). Münster in Westf., 1920, in-8o (Franziskanische Studien, Beiheft 2).
  387. Sur Guillaume de Saint-Amour, qui fut chanoine de Beauvais, recteur de l’université de Paris et mourut en 1272, voir Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. VI, p. 135-228, 307-312, et dans Denifle, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. I (voir à la table les nombreux textes qui se rapportent à lui et aux querelles qu’il souleva).
  388. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 384-385 ; Chronique latine, t. I, p. 210. Cf. Geoffroi de Beaulieu, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 17, chap. xxviii.
  389. Vers le mois de novembre.
  390. Blanche mourut le 26 ou le 27 novembre 1252 à Paris et fut enterrée à Maubuisson le 29 novembre (E. Berger, Histoire de Blanche de Castille, p. 415. Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. III, chap. cccxx et t. VI, p. 268).
  391. Orly, Seine, arr. de Sceaux, cant. de Villejuif. Voir sur cet épisode des serfs d’Orly : Marc Bloch, Blanche de Castille et les serfs du chapitre de Paris, dans Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. XXXVIII (1911), p. 224-272.
  392. Châtenay, Seine, arr. et cant. de Sceaux.
  393. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 384-385 ; Chronique latine, t. I, p. 209.
  394. Fromages de gain, fromages d’automne, c’est-à-dire faits du lait tiré après la moisson.
  395. Ces deux religieux, qui partirent de Saint-Denis le 24 mars 1253, y furent de retour à Noël (D. Luc d’Achery, Spicilège, t. II, p. 816).
  396. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 384-385. Voir Joinville, §§ 470, 561, 562, 582, 615, 616, pour les travaux que saint Louis fit exécuter dans plusieurs villes de la Palestine. Cf. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. xxvi ; Guillaume de Saint-Pathus, Vie de saint Louis, éd. Delaborde, p. 26 et 110.
  397. Villes de Syrie situées toutes sur la Méditerranée : Acre ou Saint-Jean d’Acre, Jaffa, l’ancienne Joppé, Césarée, aujourd’hui Kaiserieh-Caïffa, Saethe, aujourd’hui Saïda, l’ancienne Sidon. Voir aussi Lenain de Tillemont, t. III, p. 403, 404-413, 448-449, pour les travaux effectués par saint Louis dans ces villes. Dans une lettre écrite à son frère Alphonse, comte de Poitiers, le 11 août 1251, au camp devant Césarée, saint Louis lui dit qu’on travaille chaque jour aux fortifications de cette ville et qu’une grande partie de la muraille est déjà terminée (Champollion-Figeac, Documents historiques inédits tirés des collections manuscrites de la Bibliothèque du roi, t. I, p. 646-648).
  398. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 384-387 ; Geoffroi de Beaulieu, Vita sancti Ludovici, ibid., p. 14.
  399. Guillaume de Nangis et Geoffroi de Beaulieu disent que saint Louis partit le 24 mars 1251 « de Sophoria ». Ils désignent ainsi la ville de Séphoris, l’ancienne Diocésarée, capitale de la Galilée entre Nazareth et Cana. Il aurait été de retour à Césarée le 29 mars (Lenain de Tillemont, t. III, p. 412).
  400. Archedeclin est le nom qui, au moyen âge, est donné au marié des noces de Cana (Saint Jean, chap. ii, versets 8 et 9 ; cf. Du Cange, vo Architriclinus).
  401. Blanche naquit à Jaffa ; la reine Marguerite vint, peu après la naissance de Blanche, à Saïda (Joinville, § 593).
  402. Saint Louis aurait appris la mort de sa mère à Jaffa (Geoffroi de Beaulieu, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 17. Cf. Joinville, chap. cxix).
  403. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 386-389. Sur le sac de Saïda, voir Joinville, chap. cvii.
  404. Sur l’expédition contre Bélinas, l’ancienne Césarée de Philippe, auj. Banias, voir Joinville, chap. cxi et cxii.
  405. Cf. Joinville, § 582, et surtout Guillaume de Saint-Pathus, confesseur de la reine Marguerite, Vie de saint Louis, éd. H.-F. Delaborde, p. 100 et 101.
  406. Cf. Joinville, chap. cxx ; Geoffroi de Beaulieu, Vita et sancta conversatio piae memoriae Ludovici quondam regis Francorum, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 17.
  407. Geoffroi de Sargines resta en Palestine jusqu’à sa mort (Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. IV, p. 30 et 31).
  408. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 388-391. Cf. Joinville, chap. cxx à cxxx.
  409. Saint Louis s’embarqua le 24 avril avec la reine et ses enfants et quitta Acre le 25 (Joinville, § 617).
  410. Cf. Joinvile, §§ 615 et 616.
  411. Cf. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. xxix.
  412. Cf. Joinville, chap. cxxii et cxxiii et §§ 13 à 16 et 39. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. xxx. Voir aussi Guillaume de Saint-Pathus, Vie de saint Louis, éd. H.-F. Delaborde, p. 29 et 77.
  413. « Ad portum qui dicitur Dahires in terra Provinciae » (G. de Nangis). C’est Hyères (Var, arr. de Toulon), où saint Louis aborda le 10 juillet 1254 (Lenain de Tillemont, t. IV, p. 40 ; cf. Joinville, chap. cxxx).
  414. « A grant honneur et » (B. N., ms. fr. 2813, fol. 286).
  415. Saint Louis, qui fut le samedi 5 septembre à Vincennes, alla le lendemain à Saint-Denis et fit son entrée à Paris le 7 (Lenain de Tillemont, t. IV, p. 44).
  416. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 384, 389, 390-391 ; Chronique latine, t. I, p. 214-245.
  417. Innocent IV mourut à Naples le 7 décembre 1254.
  418. Alexandre IV, neveu de Grégoire IX, élu pape à Naples le 12 décembre 1254, y fut sacré le 20 du même mois.
  419. Alexandre IV naquit à Segni, dans la campagne de Rome, et non à Compiègne. Ce qui causa cette erreur est sans doute une mauvaise lecture de la Vie de saint Louis de Guillaume de Nangis où l’on met : « Alexandres li quars nez de Champaigne », traduisant ainsi le texte latin des Gesta sancti Ludovici et de la Chronique : « Natione Campanus. »
  420. Guillaume II, comte de Hollande, roi des Romains, fut tué en Frise le 28 janvier 1256.
  421. Ast. Asti, Piémont.
  422. Thomas de Savoie est Thomas II, comte de Maurienne, fils de Thomas Ier, comte de Savoie, et de sa seconde femme Marguerite de Faucigny. Il devint comte de Flandre par son mariage avec Jeanne, fille aînée de Baudouin IX, comte de Flandre. Il était l’oncle de Marguerite, reine de France.
  423. Thorin, Turin.
  424. Les Grandes Chroniques ont mal traduit la phrase de Guillaume de Nangis : « Eodem anno Taurinenses in festo beati Clementis (23 novembre), de consilio Astensium, ceperunt dominum suum Thomam comitem Sabaudiae. »
  425. Pierre, frère de Thomas, devint comte de Savoie en 1263.
  426. Boniface, frère de Thomas, ne fut pas élu de Lyon, mais successivement évêque de Belley, puis de Valence, il succéda, en 1243, à saint Edmond, archevêque de Cantorbéry. L’élu de Lyon était son frère Philippe qui, en 1268, résigna l’archevêque de Lyon et succéda à son frère Pierre dans le comté de Savoie (cf. Lenain de Tillemont, op. cit., t. IV, p. 87).
  427. Thomas aurait été délivré le 18 février 1257.
  428. Gui de Dampierre, qui, en 1280, devint comte de Flandre, et Jean de Dampierre, fils de Marguerite II, dite de Constantinople, comtesse de Flandre, et de son second mari, Guillaume de Dampierre.
  429. Florent, fils de Florent IV, comte de Hollande, et frère de Guillaume II, fut, en 1256, tuteur de son neveu Florent V, successeur de son père Guillaume II. Il mourut le 26 mars 1258.
  430. Bataille de West-Kappel (4 juillet 1253) (Lenain de Tillemont, op. cit., t. IV, p. 13-14).
  431. Ils ne furent délivrés qu’en 1256 (ibid., p. 24, 25).
  432. Érard de Valery, fils de Jean de Valery, avait accompagné saint Louis dans sa croisade en 1248. Connétable de Champagne et chambrier de France, il mourut entre juin 1276 et novembre 1277 (P. Anselme, Hist. généal., t. VIII, p. 405).
  433. Jean et Baudouin d’Avesnes étaient fils de Marguerite, comtesse de Flandre, et de son premier mari, Bouchard d’Avesnes. Comme Bouchard avait été sous-diacre, leur mariage fut cassé et, en 1223, Marguerite se remaria à Guillaume de Dampierre (Lenain de Tillemont, t. III, p. 131-142). Sur le conflit qui s’éleva entre les d’Avesnes et les Dampierre et le rôle de saint Louis dans ce conflit, voir Ch. Duvivier, Les influences française et germanique en Belgique au xiiie siècle. La querelle des d’Avesnes et des Dampierre. Bruxelles, 1894, 2 vol.
  434. Charles, comte d’Anjou, qui s’empara du Hainaut dans les années 1253-1254 (Lenain de Tillemont, t. IV, p. 14-20).
  435. Voir, sur l’accord ramené par saint Louis entre Marguerite et ses enfants, Lenain de Tillemont, t. IV, p. 20-27.
  436. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Recueil des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 390-395 ; Chronique latine, t. I, p. 216-217.
  437. Sur Brancaleone degli Andalo et son action à Rome, voir G. Rovere, Brancaleone degli Andalo senatore di Roma. Udine, 1895. in-8o, et A. de Boüard, Le régime politique et les institutions de Rome au moyen âge (1252-1347), p. 17-23.
  438. VII soleus. Latin : « septem soles », les sept soleils, lieu de la ville de Rome.
  439. Selon Gregorovius (Geschichte der Stadt Rom im Mittelalter, 2e éd., t. V, p. 310, note 2), ce serait Passarano.
  440. Béatrix, fille de Gui de Dampierre, comte de Flandre, qui mourut en 1296, trois mois avant Florent V.
  441. Par sentence arbitrale du 24 septembre 1256, rendue à Péronne, saint Louis ratifia le jugement de 1246 assurant le Hainaut à Jean d’Avesnes après la mort de sa mère (Lenain de Tillemont, t. IV, p. 24).
  442. Richard, comte de Cornouailles, fut couronné roi des Romains, à Aix-la-Chapelle, le 17 mai 1257 (Mathieu de Paris, t. V, p. 640). Cf. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. IV, chap. ccclviii.
  443. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 392-399. Cf. Joinville, chap. cxl.
  444. L’ensemble du texte de l’ordonnance reproduit ici d’après G. de Nangis est conforme plutôt au texte de l’ordonnance de 1256 (Ord., t. I, p. 78-80) qu’à celui de l’ordonnance de décembre 1254 (Ord., id., p. 67-75) rendue dans le même but, mais plus développée.
  445. Dix sols… en la sepmaine (Ord., t. I, p. 78).
  446. Cf. Joinville, Histoire de saint Louis, chap. cxli, qui a emprunté ce chapitre aux Grandes Chroniques. Cf. Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics du XIIIe au XVIIe siècle, t. I, p. 535 à 542.
  447. Étienne Boileaue, qui avait été prévôt d’Orléans, fut prévôt de Paris dès le mois de mars 1261 (n. st.). Il mourut probablement en charge entre le 25 décembre 1269 et le mois d’avril 1270. Voir sur lui : Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXIV, 1re part., p. *23-*26, et surtout Borrelli de Serres, op. cit., t. I, p. 531-572.
  448. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 398-399. Cf. Joinville, chap. cxxxviii ; Geoffroi de Beaulieu, Vita et sancta conversatio piæ memoriæ Ludovici quondam regis Francorum, chap. xxxiii ; Vie de saint Louis par Guillaume de Saint-Pathus, éd. H.-F. Delaborde, p. 27.
  449. Viez peufres, vieilles friperies.
  450. Ce paragraphe n’est pas tiré de Guillaume de Nangis. Ce dernier dit seulement que saint Louis « fit faire une nouvelle œvre pour le pourfit dou peuple de Paris » « cum tunc temporis ipse dominus rex quoddam opus Parisiis fieri proecepisset quod communi utilitati conferre non modicum videbatur », sans désigner l’œuvre. Le 24 février 1303, le prévôt de Paris, vidimant des lettres de Philippe III le Hardi du mois de janvier 1279 (n. st.), reconnaissait que les « povres femmes linghieres vendeuses de petis sollers et povres et pitoiables personnes vendeurs de menues fripperies » avaient été mises en saisine pour vendre leurs dites denrées d’une place vide « tenant aus murs de la cloison du cimmetiere des Innocens de Paris », mais sans indiquer le roi qui leur avait concédé ce droit. Dans le Recueil des ordonnances des rois de France, t. V, p. 107, où les lettres du prévôt de Paris et celles de Philippe III furent publiées, sans se préoccuper des souscriptions de Robert II, duc de Bourgogne, et d’Humbert de Beaujeu, connétable, on proposa dans une note de corriger 1279 en 1189 et d’attribuer à Philippe-Auguste les lettres de Philippe III. M. René de Lespinasse, au t. III des Métiers et corporations de la ville de Paris, p. 62 et 65, note 1, acceptant sans contrôle la maladroite correction du Recueil des ordonnances et bien que les lettres de Philippe III eussent été analysées à leur date (janvier 1279) par J. Tardif dans les Monuments historiques, cartons des rois, no 902, dit alors que Philippe-Auguste maintint aux pauvres femmes marchandes de friperie et de lingerie le privilège de vendre dans la rue qui longe le mur du cimetière des Saints-Innocents, quand nous pouvons voir par les Grandes Chroniques que ce privilège leur fut concédé par saint Louis.
  451. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 398-401. Cf. Vie de saint Louis par Guillaume de Saint-Pathus, confesseur de la reine Marguerite, éd. H.-F. Delaborde, p. 136-139.
  452. Voir, sur cette affaire du sire de Coucy, Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. IV, p. 180-192 et J. Tardif, Le procès d’Enguerran de Coucy, dans Bibl. Éc. des Chartes, t. LXXIX (1918), p. 5 à 44 et 414 à 454.
  453. Saint-Nicolas-au-Bois, Aisne, arr. de Laon, cant. de Coucy.
  454. Enguerrand IV de Coucy, fils d’Enguerrand III, succéda à son frère Raoul II, qui avait été tué à Mansourah le 8 février 1250. Il mourut le 20 mars 1311.
  455. Gilles, sire de Traisgnies et de Silly, dit le Brun, fut connétable de France après Humbert V de Beaujeu, qui mourut en mai 1250. Gilles le Brun mourut en 1269 (cf. Lenain de Tillemont, t. III, p. 381, et Joinville, § 30).
  456. Boves, Somme, arr. d’Amiens, ch.-l. de cant.
  457. Golain est une faute pour Gournay. Peut-être Gournay-sur-Aronde, Oise, arr. de Compiègne, cant. de Ressons-sur-Matz.
  458. Bibl. nat., ms. fr. 2813, tauxée.
  459. « De la grant sapience le roy de France » (Bibl. nat., ms. fr. 2813, fol. 288).
  460. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 400-403.
  461. Cf. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 13.
  462. Proverbes, chap. xx, verset 28.
  463. Cf. Joinville, § 686 ; G. de Saint-Pathus, op. cit., p. 124.
  464. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 402-403. Cf. Guillaume de Saint-Pathus, Vie de saint Louis, p. 79 à 82 ; Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. ix ; Joinville, §§ 690 et 720-722.
  465. Cf. Geoffroi de Beaulieu, chap. x.
  466. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 402-404. Cf. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. xi et xiii ; G. de Saint-Pathus, op. cit., p. 129.
  467. Cf. Joinville, § 689.
  468. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 404-405. Cf. G. de Saint-Pathus, op. cit., p. 119-123.
  469. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 406-407. Cf. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. xix ; Guillaume de Saint-Pathus, op. cit., p. 87-89, et Joinville, chap. cxlii et cxliii, dans lesquels il reproduit ce chapitre des Grandes Chroniques.
  470. Peuz, nourris.
  471. Sur toutes les fondations faites par saint Louis, voir Lenain de Tillemont, t. V, p. 298-324.
  472. Sur la fondation de Royaumont, voir ci-dessus, chap. xii.
  473. Voir dans Coyecque, L’Hôtel-Dieu de Paris au moyen âge, t. I, p. 124-125, la liste des privilèges concédés à cet établissement par saint Louis.
  474. Il fit rebâtir l’Hôtel-Dieu de Pontoise en 1260 (Lenain de Tillemont, t. IV, p. 191, et t. V, p. 305).
  475. Voir Lenain de Tillemont, t. IV, p. 220-221.
  476. Ce fut en 1256 et en 1260 que saint Louis accrut l’hôpital de Vernon et lui fit de grands dons (Ibid., p. 95-96).
  477. L’acte de fondation de Saint-Mathieu de Rouen est de juin 1264 (Ibid., p. 234).
  478. Ce fut avec sa sœur Isabelle qu’il fonda le monastère de Longchamp. Les premières religieuses y entrèrent le 23 juin 1260 (Ibid., t. V, p. 306).
  479. C’est en 1248 que fut fondée l’abbaye de Notre-Dame-du-Lys, près de Melun (Ibid., t. III, p. 172).
  480. L’acte de fondation de l’abbaye de Maubuisson est du mois de mars 1242 (Ibid., t. II, p. 475).
  481. Les Chartreux s’établirent à Vauvert le 21 novembre 1257 et, au mois de mai 1259, saint Louis confirma la donation de cette maison en leur faveur (Jaillot, Recherches critiques sur la ville de Paris, t. V : Quartier du Luxembourg, p. 44).
  482. L’institution des Filles-Dieu remonte à 1225, date à laquelle Guillaume d’Auvergne fit bâtir près de Saint-Lazare une maison pour y placer des femmes de mauvaise vie nouvellement converties. Saint Louis agrandit leur maison et leur concéda des revenus (Léon Le Grand, Les Maisons-Dieu et les léproseries du diocèse de Paris au milieu du XIVe siècle, p. 194-206, et Jaillot, op. cit., t. II : Quartier Saint-Denis, p. 22).
  483. Pour les dons faits par saint Louis à plusieurs maisons de Béguines, voir Lenain de Tillemont, t. V, p. 312-313. Cf., pour les Béguines de Paris, Jaillot, op. cit., t. III : Quartier Saint-Paul, p. 4.
  484. Saint Louis, qui, à son retour de terre sainte, en 1254, amena avec lui les Carmes, les établit à Paris au Champ-au-Plâtre, où plus tard furent les Célestins (Jaillot, op. cit., t. III : Quartier Saint-Paul, p. 4 et 25, et t. IV : Quartier Saint-Benoît, p. 25).
  485. Galice, calices. Cf. Joinville, § 727.
  486. Un membre de phrase omis dénature le sens de ce passage. Il faut, d’après Joinville, § 727 : « Après, il pourveut les freres de Saint-Augustin et leur acheta la granche, etc… » Ils auraient été établis dans l’ancienne rue des Vieux-Augustins (Lenain de Tillemont, t. V, p. 303 ; Jaillot, op. cit., t. V : Quartier Saint-André-des-Arcs, p. 27).
  487. Au mois de novembre 1261, saint Louis donna aux Frères des Sacs ou Sachets une maison située sur la paroisse Saint-André-des-Arts. Supprimés par le concile de Lyon, en 1274, leur maison fut donnée en avril 1293 par Philippe le Bel aux Augustins (Jaillot, op. cit., t. V : Quartier Saint-André-des-Arcs, p. 31 et 32).
  488. Sous le nom de Blancs-Manteaux, on désigne les Religieux, serfs ou serviteurs de Sainte-Marie qui vinrent à Paris en 1258. Supprimés au concile de Lyon, en 1274, leur maison fut donnée, en 1297, aux Guillemites, qui prirent le nom de Blancs-Manteaux (Jaillot, op. cit., t. III : Quartier Sainte-Avoie, p. 18).
  489. En février 1259 (n. st.), à la sollicitation de saint Louis, Robert de Sorbon donna aux Frères de Sainte-Croix une maison qu’il avait achetée en la Bretonnerie ; en échange, le roi lui donna d’autres maisons dans la rue Coupegueule (Jaillot, Ibid., p. 31).
  490. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 408-409. Cf. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. xx, et Joinville, § 692.
  491. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 408-411. Cf. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. xxxiv, xxxv.
  492. Poissy, Seine-et-Oise, arr. de Versailles, ch.-l. de cant.
  493. Bailliez, soutenus, conduits. — Paulin Paris, t. IV, p. 362, qui n’a pas compris ce mot, a imprimé « baisié ».
  494. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 410-411 ; Chronique latine, t. I, p. 217-218.
  495. Béatrix de Provence, fille et héritière de Raymond-Bérenger IV, que Charles d’Anjou, frère de saint Louis, avait épousée le 31 janvier 1246 (voir ci-dessus, chap. xxxix).
  496. Boniface, seigneur de Castellane. Guillaume de Nangis, dans son récit, a confondu l’expédition de Charles d’Anjou contre Marseille en 1257 avec l’expédition de 1262 et avec les événements de 1263-1264. L’expédition de 1257 se termina par un traité conclu au début de juin 1257 sans répression sanglante. Ce fut dans l’expédition de 1262 que le château de Castellane fut pris ainsi que d’autres forteresses. Et, enfin, ce fut seulement en 1264 que Charles d’Anjou procéda à des exécutions pour réprimer la conspiration de 1263. Voir sur ces événements : R. Sternfeld, Karl von Anjou als Graf der Provence (1245-1265) ; Bourrilly, Essai sur l’histoire politique de la commune de Marseille, des origines à la victoire de Charles d’Anjou (1264), et Félix Portal, La république marseillaise du XIIIe siècle (1200-1263).
  497. Brancaleone, qui avait été emprisonné en 1256, fut rétabli sénateur de Rome en 1257 et mourut en 1258 (Mathieu de Paris, Chronica majora, éd. Luard, t. V, p. 547, 662, 723). Cf. A. de Boüard, Le régime politique et les institutions de Rome au moyen âge, p. 21-23.
  498. Latin : « In obsidione Corneti. » C’est la ville de Corneto, Italie, prov. de Rome, qui est désignée ici.
  499. L’oncle de Brancaleone, ne fut sénateur de Rome que jusqu’à la fin de l’année 1258 (A. de Boüard, op. cit., p. 23).
  500. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 410-413 ; Chronique latine, t. I, p. 220-221. Cf., sur la conclusion de cette paix avec l’Angleterre, Lenain de Tillemont, t. IV, p. 162-180.
  501. Henri III, roi d’Angleterre, s’embarqua à Douvres le 14 novembre 1259. Cf. Flores historiarum, éd. H.-R. Luard, t. II, p. 437-438.
  502. Jean II, duc de Bretagne, fils aîné de Jean Ier et de Blanche de Champagne, épousa Béatrix, fille de Henri III.
  503. Dans le ms. fr. 17270 de la Bibl. nat., on a le même texte que dans le ms. de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, mais le ms. fr. 2813, fol. 290, de la Bibl. nat. ajoute : « Et s’en revint devers le roy de France », et toute la suite de ce chapitre jusqu’à : « Le roy de France ot conscience » (p. 221).
  504. Cf. Rymer, Fœdera, 1816, t. I, p. 390. Dans ses lettres, Henri III reproduit les termes des lettres de saint Louis publiées à la page 389. Voir, sur ce traité, Michel Gavrilovitch, Étude sur le traité de Paris de 1259, entre Louis IX, roi de France, et Henri III, roi d’Angleterre, 1899, in-8o, dans Bibl. de l’École des hautes études.
  505. Boniface de Savoie, archevêque de Cantorbéry de 1240 au 18 juillet 1270.
  506. Walter Cantilupe, évêque de Worcester de 1237 au 12 février 1266.
  507. Norfolcher, Norfolk.
  508. Bomi, Bohun.
  509. Albemalle, Aumale.
  510. Duplessis.
  511. Jean Mansel, trésorier d’York.
  512. De Aldichel, de Audelée.
  513. Jeanne, fille de Raymond VII, comte de Toulouse, qui, en 1237, avait épousé Alphonse, comte de Poitiers, frère de Louis IX.
  514. Esgardé, jugé.
  515. Jeanne d’Angleterre, sœur du roi Richard, mère de Raymond VII, comte de Toulouse, mort le 27 septembre 1249.
  516. Édouard, fils aîné de Henri III qui, en 1272, lui succéda et fut Édouard Ier.
  517. Edmond, second fils de Henri III, qui devint ensuite comte de Lancastre.
  518. 13 octobre 1259.
  519. Le ms. fr. 2813 reproduit dans la fin de ce paragraphe ce qui est donné plus loin p. 222 et 223 par le ms. de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
  520. Bernard Gui, Flores Chronicarum, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXI, p. 698.
  521. C’est Alexandre IV qui occupa le siège pontifical du 20 décembre 1254 au 25 mai 1261. Avant l’élection d’Urbain IV, son successeur, le siège fut vacant du 25 mai au 29 août 1261 (cf. ci-dessus, chap. lxx).
  522. Bernard Gui, op. cit., ibid. Cf. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 414-415 ; Chronique latine, t. I, p. 219-220.
  523. Conradin, petit-fils de Frédéric II et neveu de Mainfroy, fut exécuté en 1268 par Charles d’Anjou.
  524. Manfred se fit couronner roi de Sicile le 11 août 1258.
  525. Alphonse X, roi de Castille, fils de saint Ferdinand III et de Béatrix de Souabe.
  526. Richard, comte de Cornouailles.
  527. Bernard Gui, op. cit., ibid.
  528. Le livre de Guillaume de Saint-Amour contre les ordres mendiants fut condamné par une bulle d’Alexandre IV du 5 octobre 1256 (Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. VI, p. 202).
  529. Sur l’Évangile éternel de Joachim de Flore et sur Jean de Parme, voir Xavier Rousselot, Étude d’histoire religieuse aux XIIe et XIIIe siècles : Joachim de Flore, Jean de Parme et la doctrine de l’Évangile éternel. Paris, 1867, in-8o, et Hist. littéraire de la France, t. XX, p. 23-36.
  530. En 1255, d’après Bernard Gui. En marge du fol. 292 du ms. fr. 2813, une autre main ajouta : « Nota, la condempnation de l’euvangile perdurable. »
  531. 1258. Cf. Bernard Gui, op. cit., ibid.
  532. Le 9 août 1257. Alexandre IV défendit à Guillaume de Saint-Amour, qui était en Italie, de rentrer en France (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 211).
  533. Bernard Gui, op. cit., ibid. Cf. Guillaume de Nangis, Chronique latine, t. I, p. 221. Il est sans doute fait allusion, dans ce paragraphe, à la victoire que Przemislas-Ottocare II, roi de Bohême, remporta, le 13 juillet 1260, sur Béla IV, roi de Hongrie.
  534. D’après l’Art de vérifier les dates, aux rois de Hongrie, Constance, fille de Béla IV, aurait épousé Przemislas-Ottocare II, roi de Bohême, mais aux rois de Bohême, on donne à ce dernier, comme seconde femme, Cunégonde, nièce de Béla IV, après la mort de sa première femme, Marguerite d’Autriche.
  535. Guillaume de Puylaurens, Historia Albigensium, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 773.
  536. Bernard Gui, op. cit., ibid., t. XXI, p. 699.
  537. Bernard Gui, ibid., p. 699, nous donne le nom de ce pape : « Dicta cometa primo apparente, Urbanus papa obiit. » C’est donc Urbain IV, qui mourut le 2 octobre 1264.
  538. L’addition du ms. fr. 2813 se termine ici. La fin du chapitre, à partir de : « Le roy de France ot conscience », donne la leçon du ms. de la Bibliothèque Sainte-Geneviève qui fait suite à la phrase : « il donna sa fille à Jehan fiuz au duc de Bretaigne ». Cf. ci-dessus, p. 208.
  539. Richard, fils de Jean sans Terre, comte de Cornouailles, roi des Romains ou d’Allemagne.
  540. Cf. Joinville, §§ 65, 678 et 679.
  541. Louis, troisième enfant de saint Louis, mais son fils aîné, naquit le 25 février 1244, fut accordé avec Bérengère de Castille au mois d’août 1255, mourut à Paris dans les premiers jours de l’année 1260 et fut enterré à Royaumont le 13 janvier suivant (Lenain de Tillemont, t. V, p. 241-242).
  542. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 412-413 ; Chronique latine, t. I, p. 219-220.
  543. Toute cette partie jusqu’à « le mist hors de toute digneté » a été omise par le ms. fr. 2813, fol. 292 vo, de la Bibl. nat. On a seulement : « … Mainfroy fu derechief de par le pape escommenié, et le mist… », etc. Le titre fut ainsi changé au début de ce chapitre : Comment Mainfroy fu deposé. La leçon du ms. fr. 17270 de la Bibl. nat. est la même que celle du ms. de la Bibl. Sainte-Geneviève.
  544. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 412-415. Sur l’invasion des Tartares en Syrie et en Palestine, voir Lenain de Tillemont, t. IV, p. 416-466.
  545. Le ms. fr. 2813 a omis « de par le pape » et abrégé ce chapitre.
  546. Triple, Tripoli.
  547. Halape, Alep.
  548. La fin de cette phrase a été supprimée dans le ms. fr. 2813.
  549. Guillaume de Nangis dit que saint Louis les convoqua à Paris pour le dimanche de la Passion, 4 avril 1261 (n. st.).
  550. Cette phrase a été supprimée dans le ms. fr. 2813.
  551. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 414-415 ; Chronique latine, t. I, p. 222.
  552. Sienne, Italie, ch.-l. de la prov. de Sienne. Sur ces luttes entre Sienne et Florence en 1260, voir Giovanni Villani, Historie Fiorentine, dans Muratori, Rerum italicarum scriptores, t. XIII, col. 205 et suiv.
  553. Le bienheureux Philippe Berruyer mourut le 9 janvier 1261 (n. st.) ; son successeur fut Jean de Sully.
  554. Cette dernière partie depuis et l’apostoile est omise dans le ms. 2813.
  555. Jacques Pantaléon, né à Troyes, évêque de Verdun et patriarche de Jérusalem, fut, après la mort d’Alexandre IV, élu pape le 29 août 1261. Il prit le nom d’Urbain IV.
  556. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 414-415 ; Chronique latine, t. I, p. 223.
  557. Isabelle, fille de Jacques Ier, roi d’Aragon. Voir, sur ce mariage et sur les conventions conclues à cette occasion, Lenain de Tillemont, t. IV, p. 141-147 et 248-251. Cf. Joseph de Laborde, Layettes du trésor des chartes, t. III, no 4412. Conventions passées entre les deux rois à Corbeil, le 11 mai 1258, au sujet du futur mariage de Philippe avec Isabelle.
  558. 28 mai 1262.
  559. Bigorre, latin : « Biterri. » Il faudrait donc Béziers, Hérault, ch.-l. d’arr.
  560. Amilli. Millau, Aveyron, ch.-l. d’arr.
  561. Conté de Besac, latin : « Comitatus de Besaudo », Besalu, Catalogne.
  562. Dampire, latin : « Ampuriarum », Ampurias, Catalogne.
  563. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 414-419 ; Chronique latine, t. I, p. 224-225, 228, 229.
  564. Simon de Montfort, fils de Simon IV de Montfort, tué le 25 juin 1218 au siège de Toulouse, passa en Angleterre, où il obtint le comté de Leicester, qu’il tenait de sa grand’mère Amicie, héritière de ce comté, femme de Simon III dit le Chauve, comte de Montfort. Il épousa Aliénor, sœur d’Henri III, roi d’Angleterre, le 7 janvier 1238 (voir sur lui Charles Bémont, Simon de Montfort, comte de Leicester, Paris, Picard, 1884).
  565. D’autres manuscrits, tels que les mss. fr. de la Bibl. nat. 2608, fol. 344, vo, 17270, fol. 308, etc., après Montfort, continuent ainsi la phrase : « lequel s’estoit mis en grant paine ».
  566. Sur la destinée des fils de Simon de Montfort, voir Ch. Bémont, op. cit., p. 243-258.
  567. Llewellyn, prince de Galles.
  568. Cf. Ch. Bémont, op. cit., p. 190-192.
  569. Le comte de Gloucester était alors Gilbert de Clare et non Roger (Ch. Bémont, op. cit., p. 212).
  570. Lewes, Angleterre, comté de Sussex. Cette bataille fut livrée le 14 mai 1264 (Ch. Bémont, op. cit., p. 212-213).
  571. Les négociations de Boulogne traînèrent en longueur à la fin de 1264 et au début de 1265 sans aboutir à un résultat (Ibid., p. 222-223).
  572. Édouard s’échappa le 28 mai 1265 (Ch. Bémont, op. cit., p. 239).
  573. Henri d’Allemagne, fils de Richard de Cornouailles, roi de Germanie.
  574. Evesham, Angleterre, comté de Worcester. Simon de Montfort y fut tué avec son fils Henri le 3 août 1265 (Ch. Bémont, op. cit., p. 241-242).
  575. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 418-419 ; Chronique latine, t. I, p. 226-227.
  576. C’est au mois de mai 1264 qu’Urbain IV envoya en France Simon, cardinal de Sainte-Cécile, pour conclure avec saint Louis et avec Charles, son frère, l’affaire de Sicile (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 42-45).
  577. Le pape lui donna le royaume de Sicile pour lui et pour ses héritiers sans restriction et non pas seulement jusqu’à la quatrième génération (cf. Lenain de Tillemont, t. VI, p. 44).
  578. C’est en 1265 que Clément IV donna le royaume de Sicile à Charles d’Anjou (d’Achéry, Spicilège, t. IX, p. 214-245).
  579. Poilevoisin. C’est le marquis Oberto Pallavicini ou Pelavicino qui, né à Plaisance, prit, dès 1234, parti pour l’empereur Frédéric II contre le pape Grégoire IX. Devenu le chef des Gibelins dans l’Italie septentrionale, il fut vaincu par Charles d’Anjou et mourut en mai 1269.
  580. Philippe de Montfort II, seigneur de Castres et de la Ferté-Alais, fils aîné de Philippe de Montfort Ier, seigneur de Tyr, mourut avant 1274 (P. Anselme, Hist. généal., t. VI, p. 80).
  581. Le marquis de Montferrat.
  582. Ce fut en 1162, après avoir détruit Milan, que Frédéric Barberousse envoya à Cologne les reliques des trois rois mages possédées auparavant par la ville de Milan.
  583. Voir, sur la marche des Français à travers la Lombardie, Giovanni Villani, Historie Fiorentine, dans Muratori, t. XIII, col. 227-228.
  584. Urbain IV mourut à Pérouse le 2 octobre 1264.
  585. Gui Foulquois, qui prit le nom de Clément IV, fut élu pape à Pérouse, le 8 actobre 1264.
  586. Marié avant d’entrer dans les ordres, il eut deux filles qui se firent religieuses.
  587. Il fut évêque du Puy en 1257, le 27 mai. On a dans le latin : « Podiensis episcopus effectus. » C’est donc par erreur que l’on a mis : « Il fu evesques de son païs », car Clément IV était né à Saint-Gilles (Gard, arr. de Nîmes, ch.-l. de cant.).
  588. Le 10 octobre 1259.
  589. En 1261.
  590. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 418-421 ; Chronique latine, t. I, p. 227-231.
  591. Charles (ms. fr. 2813, fol. 294).
  592. Charles d’Anjou fut couronné à Saint-Jean-de-Latran le 6 janvier 1266 (Paul Durrieu, Les archives angevines de Naples, t. II, p. 165).
  593. Bouchard V, comte de Vendôme, qui mourut avant 1271 (P. Anselme, Hist. généal., t. VIII, p. 726).
  594. Gui II de Mello, qui fut évêque d’Auxerre de mars 1247 au 19 septembre 1270, date de sa mort. Voir abbé Lebeuf, Mémoires concernant l’histoire ecclésiastique et civile d’Auxerre, in-4o, t. I, p. 379-399.
  595. Gui de Montfort, fils de Simon de Montfort, comte de Leicester.
  596. Philippe de Montfort, fils de Philippe de Montfort, seigneur de Tyr.
  597. Guillaume et Pierre de Beaumont seraient de la maison de Beaumont-le-Vicomte au Maine (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 61-62).
  598. Robert, seigneur de Béthune, fils aîné de Gui de Dampierre, comte de Flandre, auquel il succéda en 1305. Il avait épousé Blanche, fille aînée de Charles d’Anjou.
  599. Charles aurait quitté Rome le 20 janvier (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 66).
  600. Chipre, auj. Ceprano, sur le Garigliano, Italie, prov. de Frosinone.
  601. Saint-Germain-l’Aguillier, autrefois San Germano, auj. Cassino, Italie, prov. de Caserte.
  602. Seurcuidiez, présomptueux.
  603. Le château de San Germano fut pris le 10 février 1266 (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 69).
  604. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 422-425.
  605. Le mercredi des cendres tombait le 10 février 1266.
  606. Bénévent, Italie (Campanie), ch.-l. de prov.
  607. Gauvain est Galvan, surnommé Lancea, oncle maternel de Manfred, qui fut décapité le 29 octobre 1268, avec Jourdain, autre parent de Manfred, le même jour que Conradin (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 3 et 127).
  608. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 424-427.
  609. Gui de Levis III, seigneur de Mirepoix (1261-1299). Voir sur lui Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, t. I, p. 28-43.
  610. Le comte Barthélemi fut exécuté, en même temps que les deux autres et que Conradin, le 29 octobre 1268.
  611. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 427-429 ; Chronique latine, t. I, p. 231-232.
  612. La bataille de Bénévent fut livrée le 26 février et le corps de Manfred fut retrouvé le 28 (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 70-75).
  613. Isaie, chap. xxvi, verset 10.
  614. Manfred avait épousé Béatrix, fille d’Amédée, comte de Savoie, veuve du comte de Saluces.
  615. Nouchières. Lucera, ville de Capitanate, Italie, prov. de Foggia.
  616. Henri de Castille, fils de Ferdinand III, roi de Castille, et de Béatrix de Souabe, prit ensuite le parti de Conradin. Fait prisonnier après la défaite de ce dernier, il ne fut délivré qu’en 1294 et mourut en 1304 (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 98-106 et 130).
  617. Henri de Castille fut fait sénateur de Rome au mois de juillet 1267 (ibid., t. VI, p. 103).
  618. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 428-429 ; Chronique latine, t. I, p. 232-233.
  619. Ils furent armés chevaliers le jour de la Pentecôte, 5 juin 1267.
  620. Philippe le Bel naquit, en 1268, à Fontainebleau.
  621. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist des Gaules et de la France, t. XX, p. 428-431 ; Chronique latine, t. I, p. 233-234.
  622. Conradin prit le titre de roi de Sicile dès 1266 (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 94).
  623. Ce fut au début de l’année 1268 que Lucera se révolta contre Charles d’Anjou.
  624. Cil de Champaigne, ceux de Campanie. Guillaume de Nangis dit : « ad supplementum legionis illius, Campanos, Lombardos et alios quotquot habuit barbaræ nationis voluit adhiberi ».
  625. Henri de Cousances ou de Courances, bailli de Mâcon de 1254 à 1260, sénéchal de Limousin (1265-1266), fut tué en août 1268 à la bataille de Tagliacozzo (voir sur lui H. Stein, Annales de la Soc. du Gâtinais, t. IX, p. 203-219, et Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXIV, 1re part., p. *173 et *200).
  626. Jean de Clari, Jean de Cléry.
  627. Guillaume l’Estendart était sénéchal de Provence (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 117).
  628. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 430-433.
  629. Laigle. Aquila, Italie, ch.-l. de la prov. d’Aquila dans les Abruzzes.
  630. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 434-437.
  631. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 436-437.
  632. Charles remporta la victoire de Tagliacozzo le 23 août 1268 (Lenain de Tillemont, t. VI, p. 120-123).
  633. Notre-Dame-de-la-Victoire, abbaye de Bernardins (Ibid., p. 123).
  634. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 436-437. Chronique latine, t. I, p. 234.
  635. Astura, ville de la campagne romaine à l’embouchure de l’Astura.
  636. Ce serait Rodolphe de Habsbourg (cf. Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 493).
  637. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 436-439. Chronique latine, t. I, p. 234.
  638. Cette exécution eut lieu le 29 octobre 1268.
  639. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 438-439.
  640. Thomas II de Coucy, seigneur de Vervins, fils de Thomas de Coucy et de Mahaut de Rethel, mourut avant 1276 (André Du Chesne, Histoire généalogique des maisons de Guines, d’Ardres, de Gand et de Coucy, p. 424).
  641. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 438-441. Chronique latine, t. I, p. 235. Cf. Joinville, chap. cxliv.
  642. Le cardinal Simon était déjà en France depuis le mois de mai 1264 ; Urbain IV l’y avait alors envoyé pour les affaires de Sicile (Lenain de Tillemont, t. V, p. 13, et t. VI, p. 42). Le cardinal Simon de Brion fut élu pape le 22 février 1281 et prit le nom de Martin IV.
  643. Cette assemblée se fit le 25 mars 1267 (Lenain de Tillemont, t. V, p. 14).
  644. Le futur Philippe III le Hardi.
  645. Jean, comte de Nevers.
  646. Pierre, comte d’Alençon.
  647. Thibaut V, comte de Champagne, roi de Navarre, qui avait épousé Isabelle, fille de saint Louis.
  648. Robert, le fils de celui qui fut tué à Mansourah.
  649. Gui de Dampierre.
  650. Jean II, fils aîné de Jean Ier dit le Roux et de Blanche de Champagne.
  651. Au mois de février 1268, saint Louis avait juré de partir dans deux ans (Lenain de Tillemont, t. V, p. 62).
  652. Simon, sire de Nesle, vivait encore au mois de mai 1282. Il déposa alors pour la canonisation de saint Louis (voir sur lui Lenain de Tillemont, t. V, p. 127 à 129).
  653. Mathieu de Vendôme succéda comme abbé de Saint-Denis à Henri déposé au mois de mai 1257 et mourut le 25 septembre 1286 (Lenain de Tillemont, t. IV, p. 115, et t. V, p. 124 à 126, et D. Félibien, Hist. de l’abbaye royale de Saint-Denys en France, p. 242-256).
  654. Saint Louis fut à Saint-Denis le 14 mars 1270 (Lenain de Tillemont, t. V, p. 132).
  655. De Saint-Denis saint Louis revint à Paris où il passa la journée du 15. Il passa à Vincennes la nuit du 15 au 16 et partit de Vincennes le 16 mars (Ibid., p. 132-133).
  656. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 440-443.
  657. iii jours (ms. fr. 2813 et 17270). Il dut passer à Cluny la fête de Pâques qui, en 1270, tomba le 13 avril (Lenain de Tillemont, t. V, p. 136).
  658. Saint Louis dut être à Aigues-Mortes dans la première moitié du mois de mai, car le 8 il était déjà à Sommières, Gard, arr. de Nîmes, ch.-l. de cant. (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXI, p. 423).
  659. D’après le ms. fr. 2813 ; le ms. de Sainte-Geneviève avait mis par erreur châtelains.
  660. 1er juin.
  661. G. de Nangis dit qu’il les fit pendre : « Principales injuriæ jussit morte patibuli puniendos. »
  662. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 442-443.
  663. Saint Louis s’embarqua le mardi 1er juillet (G. de Nangis. Cf. d’Achery, Spicilège, t. II, p. 550).
  664. Pierre, comte d’Alençon, monta seul dans le bateau du roi, Philippe son fils aîné, le comte d’Artois et le comte de Nevers montèrent chacun dans leur bateau (Ibid.).
  665. Le mercredi matin (Ibid.). Voir dans Champollion-Figeac, Documents historiques inédits tirés des collections manuscrits de la Bibliothèque royale, t. I, p. 507 à 604 et p. 609 à 615, les conventions passées avec des Génois et des Marseillais, de 1268 à 1270, pour l’affrètement des vaisseaux et le transport des troupes.
  666. Acoisier, apaiser.
  667. Latin « Callaricanus portus ». Cagliari, Sardaigne, au sud de l’île.
  668. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 444-445.
  669. « Filius Guillermi Bonebel » (G. de Nangis).
  670. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 444 à 447.
  671. Les mots entre crochets sont données par le ms. fr. 2813, fol. 299.
  672. Repotailles, cachettes.
  673. Puiseins, Pisans. Latin « quia hoc eis erat prohibitum a Pisanis suis dominis et magistris ».
  674. Capres, chèvres.
  675. Latin : « quatuor denarios januenses ».
  676. Latin : « duos solidos turonenses ».
  677. Il faudrait douze tournois. On a dans le texte latin : « Quia duodecim turonensis prius decem et octo januenses valebant, et tunc nolebant recipere pro januensibus nisi denarios turonenses », c’est-à-dire qu’ils ne voulaient pas reconnaître aux tournois leur valeur supérieure d’un tiers à la monnaie de Gênes.
  678. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 446-449.
  679. Ils arrivèrent à Cagliari le vendredi 11 juillet (G. de Nangis). Cf. Lenain de Tillemont, t. V, p. 148.
  680. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 448 à 451.
  681. La Saint-Arnoul est le 18 juillet ; c’est le jour où les croisés débarquèrent. « Erat autem dies Veneris in festo S. Arnulphi, quando Franci ad portum occupandum de navibus exierunt » (G. de Nangis).
  682. La flotte française partie de Cagliari le mardi 15 juillet arriva devant Tunis le jeudi 17 (G. de Nangis). Cf. Lenain de Tillemont, t. V, p. 151, et d’Achery, Spicilège, t. II, p. 550.
  683. Samedi 19 juillet.
  684. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 450 à 453.
  685. Le château de Carthage fut pris le jeudi 24 juillet (G. de Nangis). Cf. d’Achery, Spicilège, t. II, p. 550.
  686. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 452-453.
  687. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 452-453.
  688. Vendredi 25 juillet.
  689. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 452-455.
  690. Alphonse de Brienne, comte d’Eu, chambrier de France, qui mourut devant Tunis en 1270. Il était fils de Jean Ier de Brienne, roi de Jérusalem.
  691. Jean de Brienne dit d’Acre, bouteiller de France, frère d’Alphonse de Brienne. Il mourut en 1296.
  692. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 454-457.
  693. Ce fossé aurait été commencé le dimanche 27 juillet (Lenain de Tillemont, t. V, p. 157).
  694. Pierre de Villebéon, second fils d’Adam de Villebéon, chambellan de France, mourut devant Tunis en 1270. Son corps fut rapporté à Saint-Denis et enterré aux pieds du roi (P. Anselme, Hist. généal., t. VIII, p. 439).
  695. Olivier de Termes, un des plus braves chevalier de son siècle, était fils de Raimon de Termes et d’Ermessinde de Courtsavi. Après avoir pris le parti de Trencavel, il fit sa soumission au roi à Pontoise au mois de mai 1241. En 1246, il renouvela cette soumission et prit la croix avec saint Louis l’année suivante. Revenu de Terre sainte en 1255, il y retourna en 1264 et en 1267. En juillet 1270, il vint rejoindre saint Louis devant Tunis. Renvoyé en Terre sainte par Philippe le Hardi au mois d’avril 1273, il y mourut le 12 août 1275 (Hist. de Languedoc, nouv. éd., t. VI, p. 340, 630, 725, 786, 834, 856-857).
  696. Jean, comte de Nevers, second fils de saint Louis, mourut le 3 août. Il était né au mois de mai 1250 à Damiette pendant la captivité de son père d’où lui fut donné le surnom de Tristan.
  697. Le légat du pape Raoul Grosparmi, qui, avant d’être cardinal-évêque d’Albano, fut évêque d’Évreux, mourut le 10 août.
  698. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 458-461. Cf. Joinville, chap. cxlv. Geoffroi de Beaulieu, Vita sancti Ludovici, chap. xv, et Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 26. Guillaume de Saint-Pathus, Vie de saint Louis, éd. H.-F. Delaborde, p. 64 à 71.
  699. Voir, sur les Enseignements de saint Louis à son fils, les études de Paul Viollet dans la Bibl. de l’École des chartes, 1869, p. 129 à 148 ; 1874, p. 1 à 51 ; 1912, p. 490-504, et N. de Wailly, Ibid., 1872, p. 386 à 442, et du comte François Delaborde, Ibid., 1912, p. 73 à 100 et 237-262. — Cf. Ch.-V. Langlois, La Vie en France au moyen âge du XIIIe au milieu du XIVe siècle, t. IV, Paris, 1928, p. 23-46.
  700. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 460-463. Chronique latine, t. I, p. 236-237. Cf. Joinville, chap. cxlvi. Geoffroi de Beaulieu, Vita sancti Ludovici, chap. xliv, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 23, et une lettre de Philippe III du 12 septembre 1270, dans F. Duchesne, Historiæ Francorum scriptores, t. V, p. 440.
  701. À la fin de l’histoire de saint Louis, dans les mss. fr. de la Bibl. nat. 2813, fol. 301 vo et 17270, fol. 317, on a : « Ci faut l’istoire du roy Loys, le religieux homme et de bonne vie et de sainte et de bonne memoire. »
  702. Dans le manuscrit de la bibliothèque Sainte-Geneviève, au fol. 375 ro, au début de la seconde colonne, on a ajouté, de la même encre et de la même écriture, les vers suivants :

    « Anno milleno bis centum septuadeno
    Tunis catholicus decessit rex Ludovicus.
    Annos sexdecies numeres et mille ducentis
    Addas quinque ; scies tunc annos Omnipotentis
    Quando, sequente die veneris post festa Mathie,
    Rex qui cuncta regit Mainfredi cornua fregit
    Per vires Karoli. Christo sit gloria soli. »