Les Hautes Montagnes/50

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(p. 105-108).

50. En route pour Phanis.

À la pointe du jour les compagnons de Phanis de la veille se sont mis en route, et avec Andréas en plus.

« On va prendre un raccourci, a dit Andréas. Allons directement au sapin, par ici. »

Ils ont pris au travers et sont arrivés au sapin.

De là Andréas a bien observé les lieux, vers le haut.

« Évidemment, a-t-il dit, d’ici Phanis ne se sera pas aventuré vers le bas. Il sera parti vers les sommets, j’en suis sûr. Donc on va aller par ici. »


Ils ont avancé entre les hêtres et les yeuses, hors sentier, ouvrant eux-mêmes le chemin qui devrait les mener au devant de Phanis. Et quel chemin était-ce ?

Ils sont arrivés en haut de précipices sauvages et dénudés. Ces précipices descendaient profondément et dessinaient le grand défilé. La voix y faisait écho.

Du regard on pouvait voir ce terrible précipice tout entier.

« Et si Phanis avait glissé là quelque part et était tombé au fond ? »

Chacun s’était fait cette remarque, mais ils avaient peur d’en parler aux autres.

Ils sont montés haut sur le rebord du défilé. Ils se sont penchés pour voir en bas mais avec beaucoup de précautions, s’agrippant aux pierres ou à une racine.

Ils ne pouvaient rien voir. Ils ont crié, mais leur voix descendait dans le chaos du défilé, ricochait sur les pierres, remontait ensuite et l’écho leur répondait : « Phanis ! » Comme pour leur dire qu’il valait mieux perdre espoir.


Par où aller ? Descendre au fond de la cluse ? Ils mettraient leur vie en danger. Monter sur l’escarpement et avancer vers les sapins ? Rebrousser chemin et prendre une autre piste ?

Ils se sont arrêtés pour réfléchir. Dans ce lieu sauvage, leur courage diminuait, il n’était plus celui du départ.

Ils ont décidé de retourner plus bas, là où ils avaient laissé les arbres, et de là prendre un autre chemin.

Ils ont fait demi-tour et ont marché, soucieux. Ils allaient l’un derrière l’autre. Personne ne parlait. Ils avaient le cœur lourd. Phanis n’a jamais fait de mal à aucun d’eux ! Et maintenant il disparaîtrait comme ça ? Ils rentreraient à la maison sans lui ?


— Les gars ! a dit soudainement Andréas, s’arrêtant.

Les cœurs ont fait un bond dans les poitrines des autres.

— Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce que tu as vu ? lui criaient-ils.

— Rien, je n’ai rien vu ; mais dites-moi une chose. La première fois que nous sommes allés au Petit Village, qui d’entre nous a donné ses chaussures au savetier pour y mettre des clous ?

— Moi, dit Mathieu.

— Moi aussi, dit Dimitrakis.

— Il vous a mis combien de clous aux talons ? Vous vous rappelez ?

— Quatre.

— Pareil pour moi.

— Mais il en a mis quatre à tout le monde ? Vous vous souvenez ?

— À Georges il en a mis six, dit Mathieu. Georges en voulait plus. Et six à Phanis.

— Et six à Phanis ? a crié Andréas. C’est sûr ?

— Oui, je m’en rappelle.

Alors Andréas a dit en se baissant prudemment au sol : « Là, les six clous de Phanis ».

Ils se sont baissés pour voir une trace de pas imprimée sur la terre molle. Elle était si nette qu’on pouvait compter tous les clous.

— Il est passé par ici, a dit Andréas.

Ils ont tous commencé à sauter de joie.

— Doucement, dit Andréas, Doucement, ne me les effacez pas. Marchez prudemment. La première empreinte va nous guider. Vous avez vu ! Le pied est tourné par ici. Ça veut dire qu’il est allé par ici. Mais où est-ce qu’il a bien pu aller ? Peut-être vers ce rocher ?

Il montrait le rocher du Maure.

Ils l’ont regardé sans savoir que c’était le rocher du Maure. Et ils sont allés dans cette direction en cherchant d’autres empreintes.