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Les Hautes Montagnes/64

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(p. 138-140).

64. Les arbres morts.

Ils passèrent près d’anciens fours, où en d’autres temps les charbonniers préparaient du charbon de bois. Ils s’arrêtèrent un peu là et l’ingénieur en chef leur expliqua de quelle façon on fait le charbon de bois.

Il leur dit que pour faire du charbon de bois, on entasse beaucoup de bois dans un four. On couvre le four de terre, si bien que l’air ne peut rentrer. Ensuite, par un trou laissé exprès, on met le feu au bois confiné.

Recouvert, le four brûle lentement, et à feu ralenti, petit à petit le bois devient du charbon.


— Et les arbres ? demanda Mathieu.

— Pour les charbonniers c’est comme pour les bûcherons, dit l’ingénieur, ils ne coupent que les arbres que nous leur disons de couper, et de cette façon ils n’abîment pas la forêt. Le mieux, c’est que la plupart du charbon est obtenu sans couper d’arbre. On le trouve dans la terre. Et je vais vous expliquer pourquoi.

« Il y a des milliers d’années les forêts étaient si denses qu’aucun animal ne pouvait y entrer pour pâturer.

« C’est avec difficulté que vivaient ici des lions, des ours, des loups, et de grands oiseaux avec des ailes immenses et des griffes d’acier.

« Pour vivre, chaque fauve mangeait, autant qu’il pouvait, les plus petits que lui. Dans ces sous-bois le soleil n’arrivait pas à pénétrer. Il faisait nuit en plein jour.

« Ces forêts ont vieilli et leurs arbres sont tombés au sol. Et puis la terre s’est ouverte à cause de tremblements de terres et de cataclysmes, si bien que les arbres furent enterrés dans des grandes tombes très profondes.

« Au fil des années, d’autres forêts ont poussé et grandi elles-aussi comme les premières puis ont vieilli et sont tombées. Et la terre s’ouvrait et les enterrait. Et encore d’autres poussaient.


« Que sont devenues ces forêts mortes ? Elles n’ont pas disparu. Aujourd’hui, quand on creuse très profond, on les retrouve. Ce ne sont plus des arbres comme avant. Dans la terre leur bois est devenu du charbon, dur comme la pierre et noir anthracite.

« Et aujourd’hui comme les hommes sont nombreux et ont besoin de grands feux pour leurs travaux, ils ouvrent la terre et trouvent autant de charbon qu’ils veulent.

« Avec ça on anime les machines, on fait fonctionner les usines, les chemins de fer et les bateaux. Imaginez combien il y a de machines et tout le charbon dont elles ont besoin.

« Qui aurait dit que ces arbres morts seraient utiles après des milliers d’années ! Et bien c’est ça la forêt. Elle est bonne pour l’homme de mille façons, sur de longues durées. Elle ne s’épuise jamais ; elle vit et nous est utile, elle meurt et nous est utile.


« Cependant pour que l’arbre nous donne tout le bois qu’il nous offre, il faut qu’il vive avec des milliers d’autres arbres. Parce que comme les hommes, les arbres aussi vivent ensemble, nombreux, aux endroits qui leurs conviennent, et ils s’aident les uns les autres.

« Ensemble ils luttent contre l’hiver rude et l’été brûlant. Ensemble ils grandissent, font de grands troncs et lancent des branches fortes.

« De cette façon se crée une grande société en haut des montagnes, que nous appelons forêt. Comme celle-ci ! »