Les Hautes Montagnes/65

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(p. 140-142).

65. À la scie hydraulique.

Au moment où l’ingénieur disait tout cela, ils étaient entrés dans la forêt. Ils ont d’abord marché longtemps au milieu des pins ; ensuite, alors qu’ils avançaient plus haut, ils sont entrés au milieu des sapins droits et souples.

« Encore plus haut, dit l’ingénieur, il y a une forêt de hêtres ; mais maintenant nous allons rester ici à la scie. Nous sommes arrivés. »


La scie hydraulique fonctionnait comme un moulin. L’eau tombait d’un conduit et par avec son élan elle déplaçait une grande scie droite. Tous les troncs que les bûcherons coupaient dans la forêt étaient amenés ici. La scie les taillait et en faisait du bois d’ouvrage : planches, traverses, poutres.

Quelles quantités de bois qu’il y avait ici ! Ils en avaient empilé en grands tas ; continuellement la scie coupait et continuellement on en amenait.


Une petite branche sort de terre et en quarante, cinquante ans, elle donne ces grandes poutres.

Quels biens donnera tout ce bois aux hommes ! On en fera des maisons, des bateaux, des églises, des ponts. On en fera des voitures, des meubles, des boites, des tonneaux, des rames, des paniers, des livres.

Avec ce bois on fera mille choses, lourdes et légères, des plus grandes aux plus petites ; depuis le mât du bateau jusqu’aux petites pointes en bois pour agrafer nos chaussures.

Voilà ce que le soleil et la pluie ont façonné ! Ce que nous donne la forêt !


« Venez voir comment on transporte le bois » dit l’ingénieur.

Ils allèrent jusqu’au bord pour regarder en bas du précipice. Au fond ils voyaient la Roumèle. À partir de cet endroit la Roumèle avait beaucoup d’eau puisqu’elle arrivait tout droit de ses sources, sans se disperser nulle part.

Ils l’ont tous saluée en levant la main : « Salut, Roumèle ! Tu es toujours près de nous ! »

Du sommet où ils étaient, jusqu’au fleuve en bas, les bûcherons lançaient les troncs et les poutres et tout ça filait sur la paroi et descendait avec élan à la rivière.

À la rivière, à nouveau des bûcherons les récupéraient. Ils les jetaient au milieu et ils les guidaient pour avancer dans l’eau en les suivant sur la rive. Quand ils s’arrêtaient sur une pierre quelconque ou quand il s’en accumulait beaucoup, les bûcherons les aidaient à glisser plus loin.

Ainsi la Roumèle les emportait jusqu’à la plaine du bas, là où elle devient un fleuve large. Et de là encore lentement elle les emportait jusqu’à la mer. Là ils étaient récupérés et menés à l’usine.

« D’ici la montagne va à la plage » dit l’ingénieur aux enfants.


Le bois que les bûcherons envoyaient à ce moment vers le fleuve servirait pour un bateau. Il y avait de différentes essences : du pin, du chêne, du hêtre.

En plus de ce bois, pour le bateau, on descendait par un autre chemin deux troncs de sapin très hauts, attachés derrière des mules: pour faire les mâts.

Devant ce spectacle les enfants ont été pris d’une envie. Il leur vint à l’esprit les vagues et les voyages dont ils avaient entendu parler, et ils voulaient prendre le large…

Andréas et Phanis ont pensé à la mer qu’ils avaient vue sous le grand soleil.

À ce moment la mère du chef des bûcherons, une vieille, très vieille qui n’y voyait plus, chantait, assise sur une pierre, pour le nouveau navire, ces quelques paroles…