Les Hautes Montagnes/69

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(p. 148-149).

69. La tempête sur les cabanes des enfants

Le cataclysme s’est arrêté d’un coup, comme si rien n’était arrivé !

De nouveau le soleil a illuminé le crépuscule et un parfum montait de la terre.

Les enfants rentrent chez eux et parlent de la tempête en chemin. Celle-ci leur jetait de l’eau par les fenêtres, et eux ils la regardaient, sans se soucier de se faire mouiller ou d’avoir froid.

Leurs vêtements sont trempés ; mais que n’ont-ils pas vu ! Rien que pour la tempête ça valait le coup d’aller en montagne.

Que seront devenues les cabanes ? Que sera-t-il advenu des enfants restés là-bas ? Costakis, Georges, Spyros, Kaloyannis, Foudoulis ? Ils ont tellement pensé à eux quand est tombé le déluge !

Ils descendent en vitesse. En chemin ils regardent la terre. C’est à peine si elle humide ; elle a bu toute l’eau et elle est encore assoiffée.


Dès qu’ils se sont trouvés face à leurs maisons, ils ont tout de suite appelé pour se faire entendre. Les cinq enfants qui étaient restés là sont sortis l’un après l’autre. Ils allaient bien, mais pas les cabanes.

Trois cabanes étaient écroulées et éparpillées. L’eau en avait emporté les branches et beaucoup de choses qui se trouvaient à l’intérieur.

Elle a emporté quelques couvertures, l’étagère, deux bidons et deux miches de pain. La boite de Spyros, même la tempête n’en a pas voulu.

En tout cas Spyros l’a prise et a jeté lui-même toutes les rouillures qu’il y avait dedans. Depuis qu’il a trouvé la pierre, il a décidé de ne plus collectionner des choses inutiles.

— Et vous, où vous êtes-vous cachés ? demanda Mathieu.

— Elle nous a tous surpris ici à l'intérieur, répondirent-ils. On a barricadé la porte avec un matelas et on l’a maintenu longtemps avec force. En tout cas la cabane n’a pas du tout pris l’eau et du coup on s’en est bien sortis…

Quand les bûcherons ont construit les cabanes, ils ont tout prévu, même l’orage. La plus grande cabane a été couverte d’un chrami, tissé en laine de chèvre ; ça résiste à tout.


Le soir ils ont appris, par un paysan qui passait par-là pour aller à Pétra, que plus bas la tempête avait provoqué une catastrophe. Le village d’Yeuse, c’est fini !

Une forte averse venue des coteaux a noyé les maïs, les tabacs et les trèfles. L’eau déversée par le torrent a emporté un pont, et de là elle s’est précipitée dans le village. Des maisons sont détruites à Yeuse, des chèvres et des moutons se sont noyés, et même des vaches. Il paraît que trois Yeusois qui luttaient pour sauver leur maison ont été emportés par le flot.

En entendant cette catastrophe, les enfants sont restés tristes et muets. Le paysan, lui, secouait la tête et ajouta au sujet des Yeusois : « Vu qu’ils n’ont pas laissé la moindre racine sur les coteaux, à qui la faute ? Ils ont eux-mêmes amené l’eau qui les a noyés. »