Les Hautes Montagnes/68

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(p. 146-147).

68. La tempête.

À l’extérieur de la petite maison les bûcherons avaient installé, il y a longtemps, une très grande table pour manger.

Elle n’était ni rabotée, ni ornementée. Elle était faite de bouts de bois superflus, cloués ensemble. Que du bois et des clous.

— Les bûcherons ne sont pas menuisiers, dit l’ingénieur. Et pourtant regardez, les enfants, ce qu’ils ont fait minutieusement avec du bois inutilisé.

Ils s’installèrent à cette table, l’ingénieur et tous les enfants. Il invita aussi le plus vieux bûcheron à s’assoir avec eux.


Depuis peu le temps est chaud et lourd. Subitement le ciel s’est couvert.

Au moment où ils avaient fini le repas, les enfants ont senti dans l’air une odeur étrange. C’est la tempête qui arrive.

Ils se sont tournés pour regarder au loin ; au loin les montagnes avaient disparu.

Une brume, à couper au couteau, s’était installée entre le ciel et la terre. On aurait dit que la tempête cherchait un endroit où s’abattre.

Un moment elle s’est retirée vers la plaine, ensuite elle a changé de route pour repartir en arrière sur le Verdoyant.

Les arbres se sont agités, ils se sont inclinés pour se dire quelque chose l’un l’autre.


La foudre est tombée. Cinq vipères dorées se sont tortillées la queue au sol et la tête dans le ciel.

L’air a refroidit subitement. Un grand fracas s’est fait entendre. Le temps de courir dans la maison, la tempête était arrivée et voulait y entrer.

Les enfants poussaient sur la porte de l’intérieur, elle, elle poussait de l’extérieur. Il a fallu qu’ensemble ils y mettent toutes leurs forces pour la fermer et la verrouiller.

Alors la tempête est passée par les fenêtres. Elle les a brisées toutes les deux, les a jetées sur le plancher et elle a déversé des trombes d’eau à l’intérieur.


Par les fenêtres cassées on voyait les ravages à l’extérieur. Pluie et grêle tourbillonnaient et dansaient. C’était comme si des tonneaux de verre se répandaient, se cassaient et par-dessus d’autres se renversaient, et d’autres encore sur les débris.

On entendait comme un terrible crac de verre et de clous.

Avec aux fenêtres la pluie qui les chassait, les enfants réfugiés dans les coins. Pourtant ils voulaient voir. Ils pleins de craintes et d’admiration.

Dehors cinq bûcherons ont vigoureusement frappé à la porte. Ils s’étaient réfugiés sous un arbre touffu pour se protéger. Les enfants leurs ont ouvert pour les laisser entrer.


Une fois passée par là, la tempête a foncé de l’autre côté des Trois-Pics. Elle filait à cent à l’heure.

Elle a brisé des arbres par le milieu comme un coup d’épée, en a déracinés d’autres ; de grands troncs sont tombés au sol, d’autres sont restés debout sans branches ni feuilles.

Un petit pin qu’ils avaient vu lutter dans la tempête se tenait maintenant de nouveau droit et fringant.

Au bout de quelques minutes la tempête était loin. On la voyait à peine, comme de la brume éloignée.

Alors tout est redevenu calme. Pas une feuille ne bougeait. Les arbres debout se recueillaient.