Les Hautes Montagnes/75

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(p. 157-163).

75. Le mariage d’Aphrodo.

La belle-famille arrive. Elle vient sur des chevaux habillés de rouge et de vert…

Devant il y a le pope avec sa barbe blanche. Il y a aussi la bannière ornée une pomme rouge à la pointe.

Suivent le parrain, le mari et les parents ; les hommes en fustanelle toute blanche, les femmes avec les colliers de pièces d’or sur la poitrine.

Tous les enfants sont invités au mariage. Ils sont en route avec M. Stéphane et vont aux cabanes des Valaques.


Dans une cabane, les femmes et les filles ont préparé la mariée. Tout le temps de la préparation, les violons ont joué un air triste.

Dès qu’elle fût prête, elles ont demandé à un enfant d’apporter les souliers blancs de mariée que son époux a amenés. L’enfant choisi pour ça doit encore avoir son père et sa mère.

Elles ont choisi Foudoulis. Lui, il a sa mère et son père, et sa mamie, et son papy ; et ils ont tous de bonnes dents. Il s’est penché pour chausser la mariée et elle l’a embrassé sur ses joues roses.


Le soir eurent lieu les épousailles. Le pope a récité beaucoup de vœux tirés d’un livre couvert de cire. Le pope chantait avec le chantre, et le vieil Athanase aidait aussi un peu.

Il a entendu ça de nombreuses fois le vieil Athanase. Il a marié tant de filles et de fils qu’il sait tout ça presque par cœur.

Après le couronnement, le parrain a jeté un tissu de soie rose sur les épaules de la mariée et de l’époux.


Le soir la table fût dressée devant les cabanes. La mariée s’est assise d’un côté avec les belles-mères, et de l’autre côté les hommes. Les premiers cousins de la mariée, Lambros avec eux, ont apporté les plats et offert le vin.

Les femmes et les filles préparent la mariée

Quand le pope a levé la main pour ajuster son chapeau, tout le monde s’est tu, car on a compris qu’il allait dire le tropaire. Alors, le vieux pope de Colombe avec sa barbe blanche a chanté de sa voix forte et belle l’hymne à la Vierge.


Ensuite vint le tour du vieil Athanase de chanter.

Le pope le regarda en souriant

Aux mariages de sa maison il chante toujours la première chanson après l’éloge.

L’éleveur, tenant immobile sa tête toute blanche, a dit cette chanson, doucement et sûrement :

Un solide vieillard,
pas non plus si vieux que ça,
à cent-neuf ans,
abreuvait son grison.
Il parcourait les montagnes
Et regardait les arbres.
« Vous les montagnes, hautes montagnes,
aujourd’hui qu’est le printemps
ne me rajeunissez-vous pas
mon grison et moi ?
comme rajeunissent
et se renouvellent
tous ces buissons,
les branches millénaires ?
que je redevienne jeune
comme je l’étais autrefois ?

Le pope, entendant que le vieil Athanase voulait rajeunir, le regarda en souriant.


Ensuite les beaux-parents de la mariée chantèrent cette chanson :

Un poussin pleure à la rivière.
Par hasard je passe par là
Je m’arrête et lui demande :
— Pourquoi pleures-tu mon poussin ?
— Hier j’étais chez ma maman
et ce soir chez ma belle-mère.


Et les beaux-parents du marié de nouveau ont chanté :

Sors, dame et belle-mère
pour recevoir la perdrix
pour recevoir la perdrix
qui marche gaillarde



Regardez-la, regardez-la
soleil et lune appelez-la
regardez-la, comme elle marche
comme un ange avec l’épée



Là où tu t’es approchée pour entrer
tu vas paraître soleil et lune



Sors, dame et belle-mère
pour la mettre dans une cage
qu’elle gazouille comme un oiseau.


Le lendemain matin ils chargèrent la dot.

La mariée s’avança pour monter sur son cheval paré. Comme les cimes, ses joues étaient rouges du le soleil qui se levait à cet instant.

Alors qu’elle disait au-revoir, sa mère, son frère, sa famille, toute la descendance du vieil Athanase pleuraient. Les larmes coulaient abondamment. Voilà les deux rivières qu’Aphrodo a vues dans son rêve !

Aphrodo embrassa longuement Lambros. Ensuite elle embrassa les enfants autant que Lambros ; elle embrassa Phanis et Dimos sur les deux joues, elle embrassa Andréas, Foudoulis et Costakis.

Foudoulis versa une larme. Phanis versa une larme. Les violons jouèrent pour le départ, les filles chantèrent :

Va notre mariée
notre fille…
Elle est partie au jardin,
aux rosiers…

Le frère du marié tira la bride du cheval de la mariée ; par respect pour elle, il va faire tout le chemin à pied.

La belle famille s’est mise en route, est montée sur la colline, elle part pour Colombe. Maintenant ils semblent très loin.

Peu après ils ont disparu derrière la montagne.

Aphrodo, notre bonne Aphrodo !