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Les Martyrs/Livre dix-neuvième

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Garnier frères (Œuvres complètes de Chateaubriand, tome 4p. 258-271).

Livre Dix-Neuvième.

Retour de Démodocus au temple d’Homère. Sa douleur. Il apprend la nouvelle de la persécution. Il part pour Rome, où il croit qu’Hiéroclès a fait conduire Cymodocée. Cymodocée est baptisée dans le Jourdain par Jérôme. Elle arrive à Ptolémaïs, et s’embarque pour la Grèce. Une tempête suscitée par les ordres de Dieu fait aborder Cymodocée en Italie.

Qui pourra jamais dire l’amertume des chagrins paternels ?

Après la séparation fatale, les esclaves avoient reconduit Démodocus à la citadelle d’Athènes. Il passa la nuit sous un portique du temple de Minerve, afin de découvrir aux premiers rayons du jour la galère de Cymodocée. Lorsque l’étoile du matin parut sur le mont Hymette, les larmes du vieillard coulèrent avec une nouvelle abondance.

« Ô ma fille ! s’écria-t-il, quand reviendras-tu de l’Orient, ainsi que cet astre, pour réjouir ton père ! »

L’aurore éclaira bientôt les flots solitaires où l’on cherchoit en vain quelque voile ; mais on apercevoit encore sur les vagues aplanies la trace blanchissante des vaisseaux que l’on ne voyoit plus. Déjà le soleil sortant de l’onde doroit et brunissoit à la fois la face de la mer. Des nues sereines étoient arrêtées çà et là dans l’azur du ciel de l’Attique ; quelques-unes, teintes de rose, flottoient autour de l’astre du jour, comme l’écharpe des Heures. Ce spectacle ne fit qu’irriter la douleur du prêtre d’Homère. Il pousse des sanglots : depuis que sa fille étoit au monde, c’est la première fois qu’il voit loin d’elle se lever le soleil. Démodocus refuse tous les soins de son hôte, qui, témoin d’une pareille douleur, s’applaudissoit d’avoir vécu jusque alors sans enfants et sans épouse : ainsi le berger, au fond d’une vallée, écoute en frémissant le bruit du canon lointain ; il plaint les victimes tombées sur le champ de bataille, et bénit ses rochers et sa cabane.

Dès le jour suivant, Démodocus voulut quitter Athènes et retourner en Messénie. Sa douleur ne lui permit pas de suivre longtemps les chemins qu’il avoit parcourus avec Cymodocée. À Corinthe, il prit la route, d’Olympie, mais il ne put supporter la joie et l’éclat des fêtes qu’on célébroit alors au bord de l’Alphée. Lorsque, après avoir franchi les montagnes de l’Élide, il aperçut les sommets de l’Ithome, il tomba sans mouvement entre les bras de ses esclaves. Bieutôt on le rappelle à la vie : bientôt, pâle et tremblant, il arrive au temple d’Homère. Déjà le seuil des portes étoit jonché de feuilles flétries ; l’herbe croissoit dans tous les sentiers : tant les pas de l’homme s’effacent promptement sur la terre ! Démodocus entre au sanctuaire de son aïeul ; la lampe étoit éteinte. On voyoit sur l’autel les cendres du dernier sacrifice que le père de Cymodocée avoit offert aux dieux pour sa fille. Démodocus se prosterne devant l’image du poëte.

« Ô toi, dit-il, qui es maintenant toute ma famille, chantre des douleurs de Priam, pleure aujourd’hui les maux du dernier rejeton de ta race ! »

En ce moment une des cordes de la lyre de Cymodocée se rompit, et rendit un son qui fit tressaillir le vieillard. Il relève la tête ; il aperçoit la lyre suspendue à l’autel.

« C’en est fait, s’écrie-t-il, ma fille va mourir ! les Parques m’annoncent son destin en brisant la corde de sa lyre. »

À ce cri les esclaves accourent au temple, et entraînent malgré lui Démodocus.

Chaque jour augmentoit ses ennuis ; mille souvenirs déchiraient son cœur. C’étoit ici qu’il instruisoit sa fille dans l’art des chants, c’étoit là qu’il se promenoit avec elle. Rien n’est cruel comme la vue des lieux que nous avons habités au temps du bonheur, lorsque nous avons perdu ce qui faisoit le charme de notre vie. Les citoyens de Messène furent touchés des chagrins de Démodocus : ils lui permirent d’interrompre des fonctions sacrées qu’il n’exerçoit qu’au milieu des larmes. Ses jours dépérissoient ; il marchoit à grands pas vers le tombeau ; les lettres de sa fille, égarées dans l’Orient, ne parvenoient point jusqu’à lui. La famille de Lasthénès ne pouvoit donner ses soins au vieillard : elle étoit persécutée, et la mère d’Eudore venoit de mourir. Que de victimes le prêtre d’Homère immole à des dieux sourds à sa voix ! Que d’hécatombes promises si Neptune ramène Cymodocée aux rives du Pamysus ! Le jour s’éteint, le jour renaît, et retrouve Démodocus main dans le sang, interrogeant les entrailles des taureaux et de génisses. Il s’adresse à tous les temples ; il va consulter des aruspices jusqu’au sommet du Ténare. Tantôt il revêt une robe de deuil et frappe aux portes d’airain du sanctuaire des Furies ; il présente aux fatales sœurs des dons expiatoires, comme si ses malheurs étoient des crimes. Tantôt il se couronne de fleurs, il affecte un air riant avec des yeux baignés de larmes, afin de se rendre propice quelque divinité ennemie des pleurs. S’il est des rites depuis longtemps abandonnés, des cérémonies pratiquées aux siècles d’Inachus et de Nestor, Démodocus les renouvelle, il feuillette les livres sibyllins ; il ne prononce que des mois réputés heureux ; il s’abstient de certaines nourritures ; il évite la rencontre de certains objets ; il est attentif aux vents, aux oiseaux, aux nuages ; il n’est point assez d’oracles pour son amour paternel ! Ah, déplorable vieillard ! écoute les sons de cette trompette qui retentit au sommet de l’Ithome : ils t’apprendront la destinée de ta fille.

Le commandant de Messène parcouroit les campagnes avec une suite nombreuse, proclamant Galérius empereur, et publiant l’édit de persécution. Démodocus ne sait s’il a bien entendu ; il court à Messène : tout lui confirme son malheur. Un vaisseau venu d’Orient au port de Coronée raconte en même temps que la fille d’Homère, enlevée de Jérusalem, a été conduite à Hiéroclès. Que fera Démodocus ? L’excès de l’adversité lui donne des forces : il se décide à voler à Rome, à se jeter aux pieds de Galérius, à réclamer Cymodocée. Avant de quitter le temple du demi-dieu, il consacre au pied de la statue d’Homère une petite galère d’ivoire et un vase à recueillir des larmes : offrande et symbole de son inquiétude et de sa douleur ! Ensuite il vend ses pénates, la pourpre de son lit, le voile nuptial d’Épicharis, destiné à Cymodocée ; il emporte avec lui sa fortune entière pour racheter l’enfant de son amour. Soins inutiles ! Le ciel ne vouloit point céder sa conquête, et tous les trésors de la terre n’auroient pu payer la couronne de la nouvelle chrétienne.

Cymodocée n’appartenoit plus au monde. En recevant les eaux du baptême, elle alloit prendre son rang parmi les esprits célestes. Déjà elle avoit quitté la grotte de Bethléem avec Dorothée. Elle marchoit, au lever du jour, par des lieux âpres et stériles. Jérôme, vêtu comme saint Jean dans le désert, montroit le chemin à la catéchumène. Bientôt ils arrivent au dernier rang des montagnes de Judée qui bordent les eaux de la mer Morte et la vallée du Jourdain.

Deux hautes chaînes de montagnes, s’étendant du nord au midi, sans détours, sans sinuosités, s’offrent aux yeux des trois voyageurs. Du côté de la Judée, ces montagnes sont des monceaux de craie et de sable qui imitent la forme de faisceaux d’armes, de drapeaux ployés ou de tentes d’un camp assis au bord d’une plaine. Du côté de l’Arabie sont de noirs rochers perpendiculaires, qui versent à la mer Morte des torrents de soufre et de bitume. Le plus petit oiseau du ciel n’y trouveroit pas un brin d’herbe pour se nourrir ; tout y annonce la patrie d’un peuple réprouvé ; tout semble y respirer l’horreur de l’inceste d’où sortirent Ammon et Moab.

La vallée comprise entre ces deux chaînes de montagnes présente un sol semblable au fond d’une mer depuis longtemps retirée : des plages de sel, une vase desséchée, des sables mouvants et comme sillonnés par les flots. Çà et là des arbustes chétifs croissent péniblement sur cette terre privée de vie : leurs feuilles sont couvertes du sel qui les a nourries, et leur écorce a le goût et l’odeur de la fumée ; au lieu de villages, on aperçoit les ruines de quelques tours. Au milieu de la vallée passe un fleuve décoloré : il se traîne à regret vers le lac empesté qui l’engloutit. On ne distingue point son cours au milieu de l’arène, mais il est bordé de saules et de roseaux où se cache l’Arabe qui attend la dépouille du voyageur et du pèlerin.

« Vous voyez, dit Jérôme à ses deux hôtes étonnés, des lieux fameux par les bénédictions et les malédictions du ciel : ce fleuve est le Jourdain ; ce lac est la mer Morte ; elle vous paroît brillante, mais les villes coupables qu’elle cache dans son sein ont empoisonné ses flots. Ses abîmes sont solitaires et sans aucun être vivant ; jamais vaisseau n’a pressé ses ondes ; ses grèves sont sans oiseaux, sans arbres, sans verdure ; son eau, d’une amertume affreuse, est si pesante que les vents les plus impétueux peuvent à peine la soulever. Ici le ciel est embrasé des feux qui consumèrent Gomorrhe. Cymodocée, ce ne sont pas là les rives du Pamysus et les vallons du Taygète. Vous êtes sur le chemin d’Hébron, dans les lieux où retentit la voix de Josué lorsqu’il arrêta le soleil. Vous foulez une terre encore fumante de la colère de Jéhovah, et que consolèrent ensuite les paroles miséricordieuses de Jésus-Christ. Jeune catéchumène, c’est par cette solitude sacrée que vous allez chercher celui que vous aimez ; les souvenirs de ce désert grand et triste se mêleront à votre amour pour le fortifier et le rendre plus grave : l’aspect de ces bords désolés est également propre à nourrir ou à éteindre les passions. Fille innocente, les vôtres sont légitimes, et vous n’êtes point obligée, comme Jérôme, de les étouffer sous des fardeaux de sable brûlant ! »

En parlant ainsi, ils descendoient dans la vallée du Jourdain. Cymodocée, tourmentée d’une soif dévorante, cueille sur un arbrisseau un fruit semblable à un citron doré, mais lorsqu’elle le porte à sa bouche, elle le trouve rempli d’une cendre amère et calcinée.

« C’est l’image des plaisirs du monde, » s’écrie le solitaire.

Et il continue son chemin en secouant la poussière de ses pieds.

Cependant les pèlerins s’avançoient vers un bois de tamarin et d’arbres de baume qui croissoient au milieu d’une arène blanche et fine ; tout à coup Jérôme s’arrête et montre à Dorothée, presque sous ses pas, quelque chose en mouvement dans l’immobilité du désert : c’étoit un fleuve jaune, profondément encaissé, qui rouloit avec lenteur une onde épaissie. L’anachorète salue le Jourdain, et s’écrie :

« Ne perdons pas un moment, fille trop heureuse ! Venez puiser la vie à l’endroit même où les Israélites passèrent le fleuve en sortant du désert, et où Jésus-Christ voulut recevoir le baptême de la main du Précurseur. Ce fut de la cime de ce mont Abarim que Moïse découvrit pour vous la terre promise, ce fut au sommet de cette montagne opposée que Jésus-Christ pria pour vous pendant quarante jours. À la vue des murs en ruine de Jéricho, faisons tomber la barrière de ténèbres qui environne votre âme, afin que le Dieu vivant y puisse pénétrer. »

Aussitôt Jérôme descend dans le fleuve, Cymodocée y descend après lui. Dorothée, unique témoin de cette scène, se mit à genoux sur la rive. Il sert de père spirituel à Cymodocée, et lui confirme le nom d’Esther. Les flots se divisent autour de la chaste catéchumène, comme ils se partagèrent au même lieu autour de l’arche sainte. Les plis de sa robe virginale, entraînés par le courant, s’enflent au loin derrière elle ; elle incline sa tête devant Jérôme, et, d’une voix qui charme les roseaux du Jourdain, elle renonce à Satan, à ses pompes et à ses œuvres. L’anachorète, puisant l’eau régénératrice avec une coquille du fleuve, la verse, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, sur le front de la fille d’Homère. Ses cheveux, dénoués, tombent des deux côtés de sa tête sous le poids de l’onde rapide qui suit et déroule leurs anneaux : ainsi la douce pluie du printemps humecte des jasmins fleuris et glisse le long de leurs tiges parfumées. Oh ! qu’il étoit attendrissant ce baptême furtif dans les eaux du Jourdain ! Combien elle étoit touchante cette vierge qui, cachée au fond d’un désert, déroboit, pour ainsi dire, le ciel ! Seule, la souveraine beauté parut plus belle en ce lieu, lorsque, les nuées s’entr’ouvrant, l’Esprit de Dieu descendit sur Jésus-Christ en forme de colombe et que l’on entendit une voix qui disoit : Celui-ci est mon fils bien aimé. »

Cymodocée sort des ondes pleine de foi et de courage contre les maux de la vie : la nouvelle chrétienne, portant Jésus-Christ dans son cœur, ressembloit à une femme qui, devenue mère, trouve tout à coup pour son fils des forces qu’elle n’avoit pas pour elle-même.

En ce moment, une troupe d’Arabes se montra non loin du fleuve. Jérôme, d’abord effrayé, reconnut bientôt une tribu chrétienne, dont

il avoit été l’apôtre. Cette petite Église, où Dieu étoit adoré sous une

Baptême de Cymodocée.
tente, comme aux jours de Jacob, n’avoit point échappé à la persécution. Les soldats romains lui avoient enlevé ses cavales et ses troupeaux : les chameaux seuls lui étoient restés. Le chef les avoit appelés

de loin, en s’enfuyant dans la montagne, et ils s’étoient empressés de le suivre : ces fidèles serviteurs avoient porté à leurs maîtres le tribut d’un lait abondant, comme s’ils avoient deviné que ces maîtres n’avoient plus d’autre nourriture.

Jérôme vit dans cette rencontre la main de la Providence.

« Ces Arabes, dit-il à Dorothée, vous conduiront chez nos frères de Ptolémaïs, où vous trouverez facilement un vaisseau pour l’Italie. »

« Gazelle au doux regard et aux pieds légers, vierge plus agréable qu’une source limpide, dit le chef des Arabes à Cymodocée, ne crains rien : je te conduirai partout où tu le désireras, si Jérôme, notre père, l’ordonne. »

Le jour étant trop avancé pour se mettre en marche, on s’arrête au bord du fleuve, on égorge un agneau qu’on fait rôtir tout entier ; on le sert sur un plateau de bois d’aloès : chacun déchire une partie de la victime ; on boit un peu de ce lait que le chameau puise dans un sable aride et qui conserve le goût de la datte savoureuse. La nuit vient. On s’assied autour d’un bûcher. Attachés à des piquets, les chameaux forment un second cercle en dehors des descendants d’Ismael. Le père de la tribu raconte les maux que l’on faisoit souffrir aux chrétiens. À la lueur du feu, on voyoit ses gestes expressifs, sa barbe noire, ses dents blanches, les diverses formes qu’il donnoit à son vêtement dans l’action de son récit. Ses compagnons l’écoutoient avec une attention profonde : tous penchés en avant, le visage sur la flamme, tantôt ils poussoient un cri d’admiration, tantôt ils répétoient avec emphase les paroles de leur chef ; quelques têtes de chameaux s’avançoient au-dessus de la troupe et se dessinoient dans l’ombre. Cymodocée contemploit en silence cette scène de pasteurs de l’Orient ; elle admiroit cette religion qui civilisoit des hordes sauvages et les portoit à secourir la foiblesse et l’innocence, tandis que les faux dieux ramenoient les Romains à la barbarie et étouffoient dans leur cœur la justice et la pitié.

Au premier rayon de l’aurore, toute la troupe rassemblée offrit au bord du Jourdain ses prières à l’Éternel. Le dos d’un chameau, paré d’un tapis, fut l’autel où l’on plaça les signes sacrés de cette Église errante. Jérôme remit à Dorothée des lettres pour les principaux fidèles de Ptolémaïs. Il exhorta Cymodocée à la patience et au courage, en se félicitant d’envoyer une épouse chrétienne à son ami.

« Allez, lui dit-il, fille de Jacob, autrefois fille d’Homère ! reine de l’Orient, vous sortez du désert brillante de clarté. Bravez les persécutions des hommes. La nouvelle Jérusalem ne pleure point assise sous le palmier comme la Judée captive de Titus ; mais, victorieuse et triomphante, elle cueille sur ce même palmier l’immortel symbole de sa gloire ! »

En achevant ces mots, Jérôme prend congé de ses hôtes et retourne à la grotte de Bethléem.

La tribu arabe conduit les deux fugitifs, par des montagnes inaccessibles, jusqu’aux portes de Ptolémaïs. La souveraine des anges, qui ne cessoit de veiller sur Cymodocée, l’avoit soutenue miraculeusement au milieu de ses fatigues. Afin de la dérober aux yeux des païens, elle l’enveloppa d’un nuage, ainsi que Dorothée. Tous deux entrèrent dans Ptolémaïs sous ce voile. L’église, qui n’étoit point encore abattue, leur annonce la demeure du pasteur. En ces jours de tribultions, des chrétiens persécutés étoient des frères que l’on recevoit avec respect et tendresse ; on les cachoit au péril de sa vie, et les secours de la charité la plus vive leur étoient prodigués. On annonce au pasteur que deux étrangers se présentoient à sa porte ; il s’empresse de descendre. Dorothée, sans prononcer une parole, se fait reconnoître au signe du salut.

« Des martyrs ! s’écrie aussitôt le pasteur. Des martyrs ! Béni soit le jour qui vous amène à ma demeure ! Anges du Seigneur, entrez chez Gédéon : ici vous trouverez la moisson dérobée aux Moabites. »

Dorothée remet au pasteur les lettres de Jérôme, et raconte en même temps les malheurs de Cymodocée.

« Quoi ! s’écria le prêtre, c’est là l’épouse de notre défenseur ! c’est là cette vierge dont l’histoire retentit dans toute la Syrie ! Je suis Pamphile de Césarée et j’ai connu jadis Eudore en Égypte. Fille de Jérusalem, que votre gloire est grande ! Hélas ! votre illustre protectrice, Hélène la sainte, ne peut plus rien pour vous : elle est elle-même arrêtée. Les ministres d’Hiéroclès vous cherchent de tous côtés ; il faut quitter promptement cette ville ; mais il est encore des ressources : où voulez-vous porter vos pas ? »

Dorothée, dont la foi n’a pas la même ardeur que celle de Jérôme, et qui ne pénètre pas comme lui les desseins du ciel ; Dorothée, qui mêle encore à sa religion des tendresses humaines, ne croit pas que Cymodocée puisse se rendre auprès de son époux.

« C’est vous livrer à Hiéroclès, dit-il, sans espoir de sauver ni même de voir Eudore, s’il est tombé entre les mains de nos ennemis. Souffrez que je vous accompagne chez votre père. Votre présence lui rendra la vie. Nous vous cacherons dans quelque grotte inconnue et j’irai chercher à Rome le fils de Lasthénès. »

« Je suis jeune, répondit Cymodocée, et sans expérience ; conduis-moi, ô le plus doux des hommes ! ta fille chrétienne doit obéir à tes conseils. »

Il ne se trouva dans le port de Ptolémaïs qu’un seul vaisseau faisant voile pour Thessalonique : la nouvelle chrétienne et son généreux conducteur furent obligés d’en profiter. Ils se cachèrent sous des noms inconnus, et quittèrent ce port que saint Louis, sauvé des mains des infidèles, devoit, tant de siècles après, illustrer de ses vertus. Hélas ! Cymodocée alloit chercher son père aux bords du Pamysus, et le vieillard lui-même la demandoit inutilement aux flots du Tibre ! Étranger dans Rome, sans protecteur, sans appui, il avoit compté sur Eudore ; et le confesseur, séparé des hommes, ne pouvoit plus l’entendre ni le secourir.

Au pied du mont Aventin sous les murs du Capitole, s’élevoit une antique prison d’État, dont l’origine remontoit au siècle de Romulus. Les complices de Catilina avoient entendu du fond de ce cachot la voix de Cicéron, qui les accusoit dans le temple de la Concorde. La captivité de saint Pierre et de saint Paul purifia dans la suite cet asile des criminels. C’est là qu’Eudore attendoit chaque jour l’ordre qui devoit le livrer aux juges. C’est là qu’il avoit reçu la nouvelle de la mort de sa mère, comme le commencement de son sacrifice. Il avoit souvent adressé à la fille d’Homère des lettres pleines de religion et de tendresse : les unes avoient été arrêtées par les persécuteurs, les autres s’étoient perdues sur les flots ; mais dans la prison même il goûtoit quelques-unes de ces consolations et de ces joies douloureuses qui ne sont connues que des chrétiens. Chaque jour lui amenoit des compagnons d’infortune et de gloire.

Lorsqu’un opulent laboureur recueille ses moissons nouvelles, il entasse dans une grange spacieuse, et les grains qui seront foulés par le pied des mules, et ceux qui rendront leurs trésors sous les coups du fléau, et ceux qu’un cylindre pesant détachera de la paille légère ; le village retentit des cris du maître et des serviteurs, de la voix des femmes qui préparent le festin, des clameurs des enfants qui se jouent autour des gerbes, du mugissement des bœufs qui traînent ou qui vont chercher les épis jaunissants : ainsi Galérius rassemble de toutes les parties du monde dans les prisons de saint Pierre les chrétiens les plus illustres : froment des élus, récolte divine qui doit enrichir le bon Pasteur ! Eudore voit arriver tour à tour des amis qu’il avoit jadis rencontrés au fond des Gaules, en Égypte, en Grèce, en Italie : il embrasse Victor, Sébastien, Rogatien, Gervais, Protais, Lactance, Arnobe, l’ermite du Vésuve, et le descendant de Persée, qui se préparoit à mourir pour le trône de Jésus-Christ plus royalement que son aïeul pour la couronne d’Alexandre. L’évêque de Lacédémone, Cyrille, vint aussi augmenter les joies du cachot. À chaque reconnoissance c’étoient des transports, des cantiques à la divine providence, des baisers de paix. Ces confesseurs avoient transformé la prison en une église où l’on entendoit nuit et jour les louanges du Seigneur. Les chrétiens qui n’étoient point encore enfermés envioient le sort de ces victimes. Les soldats qui gardoient les martyrs étoient souvent convertis par leurs discours ; et les geôliers, remettant les clefs en d’autres mains, se rangeoient au nombre des prisonniers. Un ordre parfait étoit établi parmi ces compagnons de souffrances. On eût cru voir une famille tranquille ; et bien réglée, au lieu d’une foule d’hommes qui marchoient à la mort. De pieuses fraudes servoient à procurer aux confesseurs tous les soulagements de l’humanité et de la religion. Dix persécutions avoient rendu l’Église habile. Des prêtres, des diacres, déguisés en soldats, en marchands, en esclaves, des femmes, des enfants même, par d’ingénieuses et saintes impostures, pénétroient dans les prisons, au fond des mines et jusqu’au pied des bûchers. Du fond d’une retraite ignorée, le pontife de Rome dirigeoit au dehors les mouvements du zèle. Une fidélité inviolable, celle de la religion et du malheur, étoit le lien de tous les frères. Non-seulement l’Église secouroit ses enfants, elle veilloit encore sur les infortunés d’une religion ennemie ; elle les recueilloit dans son sein : la charité lui faisoit oublier ses propres douleurs, pour ne s’occuper que des besoins du misérable.

Les fidèles, rassemblés dans les prisons, étoient témoins des aventures les plus merveilleuses. Combien Eudore fut surpris un jour de reconnoître, déguisée sous l’habit d’une servante du cachot, la belle et brillante Aglaé !

« Eudore, lui dit-elle, Sébastien a été percé de flèches à l’entrée des catacombes ; Pacôme s’est retiré dans les déserts de la Thébaïde ; Boniface a tenu parole : il m’a envoyé ses reliques sous le nom d’un martyr ; Boniface a confessé Jésus-Christ ! Priez le ciel d’accorder le même honneur à une malheureuse pécheresse ! »

Une autre fois on entendit un grand tumulte, et Genès, cet acteur fameux, fut introduit dans la prison.

« Ne me craignez plus, s’écria-t-il en entrant, je suis votre frère ! Tout à l’heure encore je blasphémois vos saints mystères ; j’amusois la foule autour de moi ; dans mes jeux criminels, j’ai demandé le martyre et le baptême. Aussitôt que l’eau m’a touché, j’ai vu une main qui venoit du ciel et des anges lumineux au-dessus de ma tête ; ils ont effacé mes péchés dans un livre. Tout à coup changé, j’ai crié sérieusement : « Je suis chrétien ! » On rioit, on refusoit de me croire. J’ai raconté ce que j’avois vu. On m’a battu de verges, et je suis venu mourir avec vous. »

En achevant ces mots, Genès embrasse Eudore. Le fils de Lasthénès, au milieu des confesseurs, attiroit tous les regards. L’ermite du Vésuve lui rappeloit leur rencontre au tombeau de Scipion, et les espérances qu’il avoit dès lors conçues de sa vertu. Les confesseurs des Gaules lui disoient :

« Vous souvenez-vous que nous avons souhaité de nous trouver réunis à Rome, connue nous le sommes maintenant ? Vous étiez encore bien loin de la gloire qui vous couronne aujourd’hui. »

Tandis que les prisonniers s’entretenoient de la sorte, ils virent entrer, sous la casaque d’un soldat vétéran, un homme chargé d’années ; ils ne l’avoient point encore remarqué parmi les chrétiens qui servoient les cachots ; il apportoit aux martyrs le saint viatique que Marcellin envoyoit à l’évêque de Lacédémone. La sombre lumière de la prison ne permettoit pas de découvrir les traits du vieillard. Il demande Eudore ; on le lui montre en prière : il s’approche de lui, le prend dans ses bras affoiblis, et le presse sur son cœur en versant des larmes. Enfin il s’écrie avec des sanglots d’attendrissement :

« Je suis Zacharie ! »

« Zacharie ! répète Eudore saisi de joie et de trouble, Zacharie ! Vous, mon père ! vous, Zacharie ! »

Et il tombe aux genoux du vieillard.

« Ah ! mon fils, dit l’apôtre des Francs, relevez-vous ! C’est à moi à me prosterner. Que suis-je auprès de vous, qu’un vieillard inutile et ignoré ! »

On s’assemble autour des deux amis ; on veut savoir leur histoire ; Eudore la raconte : des larmes coulent de tous les yeux. Le fils de Lasthénès demande à Zacharie quel conseil de la Providence l’a ramené des bords de l’Elbe aux rivages du Tibre.

« Mon fils, répond le descendant de Cassius, les Francs ont été vaincus par Constance. Pharamond m’avoit donné à une petite tribu qui, totalement subjuguée, fut transportée auprès de la colonie d’Agrippine. La persécution est survenue : comme elle ne règne point encore dans les Gaules, où César protège les chrétiens, les évêques de Lutèce et de Lugdunum ont choisi un certain nombre de prêtres pour servir les confesseurs dans les autres parties de l’empire. J’ai cru devoir me présenter de préférence à des jeunes gens, dont l’âge, plus que le mien, est digne de la vie. On a bien voulu accepter ma prière, et j’ai été envoyé à Rome. »

Zacharie apprit ensuite à Eudore l’heureuse arrivée de Constantin auprès de son père, la maladie de Constance et la disposition des soldats, qui réservoient la pourpre à son fils. Cette nouvelle ranima le courage des chrétiens, et les soutint dans ces moments d’épreuves. Eudore n’avoit jamais été sans espérance, quoique les chrétiens eussent perdu leurs puissantes protectrices : Prisca avoit accompagné son époux à Salone, et Valérie avoit été exilée en Asie par Galérius. Du fond même des prisons, Eudore suivoit un plan pour le salut de l’Église et du monde ; il vouloit engager Dioclétien à reprendre l’empire, et il lui avoit envoyé un messager au nom des fidèles.

L’Église entière s’appuyoit sur le courage, la prévoyance et les conseils d’Eudore, et Cymodocée réclamoit en vain la protection de son époux. Elle voguoit vers les rivages de la Macédoine. Des hommes affreux l’environnoient. Des soldats et des matelots, plongés du matin au soir dans la débauche et dans l’ivresse, insultoient à chaque instant l’innocence. Ils s’aperçurent bientôt que Dorothée et la fille de Démodocus étoient chrétiens. Il y a dans la croix une vertu qui se trahit aux regards du vice. Cette découverte augmenta l’insolence de ces barbares. Tantôt ils promettoient au couple infortuné de le livrer aux bourreaux en arrivant au rivage ; tantôt ils le menaçoient de le jeter dans la mer pour apaiser le courroux de Neptune ; ils faisoient retentir aux oreilles de Cymodocée des chants abominables, et sa beauté enflammant leur brutal désir, il était à craindre qu’ils n’en vinssent aux derniers outrages.

Dorothée défendoit l’innocence avec la prudence d’un père et le courage d’un héros. Mais que pouvoit un seul homme contre une troupe de tigres furieux ?

Le Fils de l’Éternel, accompagné des chœurs célestes, revenoit dans ce moment des bornes les plus reculées de la création. Il étoit sorti des demeures incorruptibles pour rendre la vie et la jeunesse à des mondes vieillis. De globe en globe, de soleil en soleil, ses pas majestueux avoient parcouru toutes ces sphères qu’habitent des intelligences divines et peut-être des hommes inconnus aux hommes. Rentré dans le sanctuaire impénétrable, il s’assied à la droite de Dieu ; ses regards pacifiques tombent bientôt sur la terre. De tous les ouvrages du Tout-Puissant, il n’en est point à ses yeux de plus agréable que l’homme. Le Sauveur aperçoit le vaisseau de Cymodocée ; il voit les périls de cette victime innocente qui doit attirer sur les gentils la bénédiction du Dieu d’Israël. Si le ciel a permis que cette nouvelle chrétienne fut éprouvée, c’est pour lui donner la force de surmonter les dernières afflictions qui la couvriront d’une gloire immortelle. Mais l’épreuve est assez longue. Cymodocée n’ira point s’égarer loin du théâtre de sa victoire. Le jour de son triomphe est venu, et les décrets éternels appellent au lieu du combat la vierge prédestinée.

Par un signe au milieu de la nue, Emmanuel fait connoître à l’ange des mers la volonté du Très-Haut. Aussitôt le vent, qui jusque alors avoit été favorable au vaisseau de Cymodocée, expire : un calme profond règne dans les airs ; à peine des brises incertaines se lèvent tour à tour de divers côtés, rident la surface unie des flots et viennent agiter les voiles sans avoir la force de les soulever. Le soleil pâlit au milieu de son cours, et l’azur du ciel, traversé de bandes verdâtres, semble se décomposer dans une lumière louche et troublée. Des sillons plombés s’étendent sans fin dans une mer pesante et morte ; le pilote, levant les mains, s’écrie :

« Neptune ! que nous présagez-vous ? Si mon art n’est pas trompeur, jamais plus horrible tempête n’aura bouleversé les flots. »

À l’instant il ordonne d’abattre les voiles, et chacun se prépare au danger.

Les nuages s’amoncellent entre le midi et l’orient : leurs bataillons funèbres paroissent à l’horizon comme une noire armée, ou comme de lointains écueils. Le soleil descendant derrière ces nuages les perce d’un rayon livide, et découvre dans ces vapeurs entassées des profondeurs menaçantes. La nuit vient : d’épaisses ténèbres enveloppent le vaisseau ; le matelot ne peut distinguer le matelot tremblant auprès de lui.

Tout à coup un mouvement parti des régions de l’aurore annonce que Dieu vient d’ouvrir le trésor des orages. La barrière qui retenoit le tourbillon est brisée, et les quatre vents du ciel paroissent devant le dominateur des mers. Le vaisseau fuit et présente sa poupe bruyante au souffle impétueux de l’orient ; toute la nuit il sillonne les vagues étincelantes. Le jour renaît et ne verse de clarté que pour laisser voir la tempête : les flots se dérouloient avec uniformité. Sans les mâts et le corps de la galère, que le vent rencontroit dans sa course, on n’auroit entendu aucun bruit sur les eaux. Rien n’étoit plus menaçant que ce silence dans le tumulte, cet ordre dans le désordre. Comment se sauver d’une tempête qui semble avoir un but et des fureurs préméditées ?

Neuf jours entiers le navire est emporté vers l’occident avec une force irrésistible. La dixième nuit achevoit son tour lorsqu’on entrevit, à la lueur des éclairs, des côtes sombres qui sembloient d’une hauteur démesurée. Le naufrage parut inévitable. Le patron du vaisseau place chaque marin à son poste, et ordonne aux passagers de se retirer au fond de la galère, ils obéissent, et ils entendent la fatale planche 50 refermer sur eux.

C’est dans ces moments que l’on apprend bien à connoître les hommes. Un esclave chantoit d’une voix forte ; une femme pleuroit en allaitant l’enfant qui bientôt n’auroit plus besoin du sein maternel ; un disciple de Zénon se lamentoit sur la perte de la vie. Pour Cymodocée, elle pleuroit son père et son époux, et prioit avec Dorothée celui qui sait nous retrouver jusque dans les flancs des monstres de l’abîme.

Une violente secousse entr’ouvre la galère, un torrent d’eau se précipite dans la retraite des passagers ; ils roulent pêle-mêle. Un cri étouffé sort de cet horrible chaos.

Une vague avoit enfoncé la poupe du navire : la fille d’Homère et Dorothée sont jetés au pied des degrés qui conduisoient sur le pont. Ils y montent à demi suffoqués. Quel spectacle ! Le vaisseau s’étoit échoué sur un banc de sable ; à deux traits d’arc de la proue, un rocher lisse et vert s’élevoit à pic au-dessus des flots. Quelques matelots, emportés par la lame, nageoient dispersés sur le gouffre immense ; les autres se tenoient accrochés aux cordages et aux ancres. Le pilote, une hache à la main, frappoit le mât du vaisseau, et le gouvernail, abandonné, alloit tournant et battant sur lui-même avec un bruit rauque.

Restoit une foible espérance : le flot, en s’engouffrant dans le détroit, pouvoit soulever la galère et la jeter de l’autre côté du banc de sable. Mais qui oseroit tenir le gouvernail dans un tel moment ? Un faux mouvement du pilote pouvoit donner la mort à deux cents personnes. Les mariniers, domptés par la crainte, n’insultoient plus les deux chrétiens ; ils reconnoissoient au contraire la puissance de leur Dieu, et les supplioient d’en obtenir leur délivrance. Cymodocée, oubliant leurs outrages et ses périls, se jette à genoux, et fait un vœu à la Mère du Sauveur. Dorothée saisit le timon abandonné ; les yeux tournés vers la poupe, la bouche entr’ouverte, il attend la lame qui va rouler sur le vaisseau ou la vie ou la mort. La lame se lève, elle approche, elle se brise : on entend le gouvernail tourner avec effort sur ses gonds rouillés ; l’écueil voisin semble changer de place, et l’on sent, avec une joie mêlée d’un doute affreux, le vaisseau soulevé et emporté rapidement. Un moment du plus terrible silence règne parmi les matelots. Tout à coup une voix demande la sonde : la sonde se précipite ; on étoit dans une eau profonde ! Un cri de joie s’élève jusqu’au ciel !

Étoile des mers, patronne des navigateurs, le salut de ces infortunés fut un miracle de votre bonté divine ! On ne vit point un dieu imaginaire lever la tête au-dessus des vagues et leur commander le silence, mais une lumière surnaturelle entr’ouvrit les nuées : au milieu d’une gloire, on aperçut une femme céleste portant un enfant dans ses bras et calmant les flots par un sourire. Les mariniers se jettent aux genoux de Cymodocée et confessent Jésus-Christ : première récompense que l’Éternel accorde aux vertus d’une vierge persécutée !

Le vaisseau s’approche doucement de la rive, où s’élevoit une chapelle chrétienne abandonnée. On précipite au fond de la mer des sacs remplis de pierres attachés à un câble de Tyr et l’ancre sacrée, dernière ressource dans les naufrages. Parvenu à fixer la galère, on se hâte de l’abandonner. Comme une reine environnée d’une troupe de captifs qu’elle vient de délivrer de l’esclavage, Cymodocée descend à terre, portée sur les épaules des matelots. À l’instant même elle accomplit son vœu. Elle marche à la chapelle en ruine. Les matelots la suivent deux à deux, demi-nus et couverts de l’écume des flots. Soit hasard, soit dessein du ciel, il restoit dans cet asile désert une image de Marie à moitié brisée. L’épouse d’Eudore y suspendit son voile tout trempé des eaux de la mer. Cymodocée prenoit possession d’une terre réservée à sa gloire : elle entroit triomphante en Italie.


fin du livre dix-neuvième.