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Les Martyrs/Remarques sur le livre V

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Garnier frères (Œuvres complètes de Chateaubriand, tome 4p. 391-397).

LIVRE CINQUIÈME.


1re Remarquepage 71.

Nous fréquentions surtout à Naples le palais d’Aglaé, etc. ; jusqu’à la fin du dernier alinéa de la même page.

L’histoire d’Aglaé et de saint Boniface, martyrs, est peut-être la plus agréable de toutes les histoires de nos saints. J’en donne dans le texte un précis trop exact pour qu’il soit nécessaire d’y ajouter quelque chose dans la note : il suffira de savoir que tout ce que dit Aglaé sur les cendres des martyrs, et tout ce que lui répond Boniface, est conforme à la vérité historique. On verra, dans le xvie livre, quelle fut la fin d’Aglaé, de saint Sébastien, de saint Pacôme, de saint Boniface, de saint Génès Celui-ci a fourni à l’abbé Nadal le sujet d’une tragédie. (Voyez Fleury, Hist. ecclés., t. II, in-4o ; Acta SS. Mart. ; Vies des Pères du désert, t. Ier.)

Une partie essentielle de mon plan est d’offrir le tableau complet du christianisme à l’époque de la persécution de Dioclétien. J’ai eu soin de rappeler les noms de presque tous les martyrs et saints du ive siècle et de les lier plus ou moins au sujet par un mot ou par un souvenir. Ces misères échappent à la plupart des lecteurs, mais elles coûtent à l’écrivain, et, en dernier résultat, elles font pourtant qu’un ouvrage est plein et nourri de faits ou qu’il est dépourvu de sens et de lecture. D’ailleurs, il est peut-être assez piquant de voir agir ces grands personnages dont on nous conta l’histoire dans notre enfance, et qui de persécuteurs des chrétiens qu’ils étoient sont devenus souvent des saints illustres.


2e. — page 71.

Chaque matin, aussitôt que l’aurore, etc.

Cette description de Naples a été faite sur les lieux ainsi que celle de Rome. J’ai des preuves que les peuples de ce beau pays, si sensibles au charme de leur climat et aux grands souvenirs de leur patrie, ont reconnu la fidélité de mon tableau.


3e. — page 71.

Parthénope fut bâtie sur le tombeau d’une sirène.

Parthénope est Naples, comme chacun sait.

Tenet nunc Parthenope. Elle fut fondée par des Grecs. Voilà pourquoi Eudore dira plus bas que les danses des Napolitaines lui rappeloient les mœurs de la Grèce.


4e. — page 73.

Des roses de Pœstum dans des vases de Nola.

Les roses, selon Virgile, fleurissoient deux fois à Pœstum. On connoît les beaux temples qui marquent encore l’emplacement de cette petite colonie grecque. Les vases antiques appelés vases de Nola sont dans les cabinets de tous les curieux. Nola étoit une ville près de Naples. Auguste y mourut.


5e. — page 73.

Se retirant vers le tombeau de la nourrice d’Énée.

Tu quoque littoribus nostris, Æneia nutrix,
Æternam moriens famam, Caieta, dedisti.

(Æneid., liv. VII, v. 1.)

Gaète est à l’ouest, par rapport à Naples, et le soleil, en descendant sur l’horizon, passe derrière le Pausilippe. On sait que le Pausilippe est une longue et haute colline, sous laquelle on a percé le chemin qui mène à Pouzzol. C’est à l’entrée de ce chemin souterrain que se trouve le tombeau de Virgile.

Pline fut englouti par les laves du Vésuve, sur le rivage de Pompeia. (Voyez Pline le jeune, Epist.) La Solfatare est une espèce de plaine ou de foyer de volcan, creusé au centre d’une montagne. Quand on y marche, la terre retentit sous vos pas ; le sol y est brûlant à une certaine profondeur, l’argent s’y couvre de soufre, etc Tous les voyageurs en parlent.

Le lac Averne, le Styx, l’Achéron, lieux ainsi nommés aux environs de la mer et de Baïes, et admirablement décrits dans le vie livre de l’Énéide. Tous ces lieux existoient aussi en Égypte et en Grèce.


6e. — page 73.

Nous retrouvions les ruines de la maison de Cicéron, etc. ; jusqu’à l’alinéa.

Cicéron avoit une maison de campagne près de Baïes ; on en montre encore les ruines. Pour le naufrage d’Agrippine, pour sa mort, pour le fameux ventrem feri, voyez Tacite (Ann., xiv, 5, 6, 7). Quant à Caprée, tout le monde connoît le séjour qu’y fit Tibère, et la vie infâme qu’il y mena.


7e. — page 74.

Aux trois sœurs de l’Amour, filles de la Puissance et de la Beauté.

Les Grâces, sœurs de l’Amour, et filles de Vénus et de Jupiter. Eudore parle ici comme il le faisoit dans le cours de ses erreurs.


8e. — page 74.

Le front couronné d’ache toujours verte et de roses qui durent si peu, etc. ; jusqu’au dernier alinéa de la même page.

On reconnoîtra ici facilement Horace, Virgile, Tibulle, Ovide. Le lecteur a vu l’antiquité grecque dans les premiers livres, voici l’antiquité latine. On ne m’accusera pas de choisir ce qu’il y a de moins beau parmi les anciens, pour faire mieux valoir les beautés du christianisme.


9e. — page 74.

Notre bonheur eût été d’être aimés aussi bien que d’aimer.

Cette pensée est de saint Augustin : elle est délicate et tendre, mais elle n’est pas sans affectation et sans recherche, et je l’ai trop louée dans le Génie du Christianisme (t. III, liv. iv, ch. 2). Au reste, tout ce morceau est dans le ton de la morale chrétienne, prompte à nous détromper des illusions de la vie. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que ce ton ne forme point un contraste violent avec ce qui précède, et que si l’on n’en étoit averti, on ne s’apercevroit point qu’on est passé des poëtes élégiaques aux Pères de l’Église.


10e. — page 75.

Un jour, errant aux environs de Baïes, nous nous trouvâmes auprès de Literne.

Literne, aujourd’hui Patria. Voyez encore ma lettre à M. de Fontanes, citée dans les notes du livre précédent.


11e. — page 76.

Quand vous voyez l’Africain rendre une épouse à son époux.

Personne n’ignore cette histoire.


12e. — page 76.

Quand Cicéron vous peint ce grand homme.

Il nous reste un fragment de Cicéron connu sous le titre de Songe de Scipion. Cicéron suppose que Scipion l’Émilien eut un songe pendant lequel Scipion l’Africain l’enleva au ciel, et lui fit voir le bonheur destiné aux hommes de bien. (Voyez l’Itin., tom. II, pag. 233 et 234, édition de 1830.)


13e. — page 76.

Ma mère qui est chrétienne.

C’est sainte Monique.


14e. — page 76.

Un homme vêtu de la robe des philosophes d’Épictète.

Les premiers solitaires chrétiens étoient de véritables philosophes. Quelques anachorètes n’avoient pour toute règle que le Manuel d’Épictète.


15e. — page 77.

J’étois assis dans ce monument.

Les tombeaux des anciens, et surtout ceux des Romains, étoient des espèces de tours. Plusieurs solitaires en Égypte habitoient des tombeaux.


16e. — page 77.

Je suis le solitaire chrétien du Vésuve.

On a remarqué dans cette histoire le morceau des Litanies ; il offre au moins le mérite de la difficulté vaincue. On sait qu’il y a de nos jours un ermite établi sur le mont Vésuve : c’est une sentinelle avancée qui expose perpétuellement sa vie pour surveiller les éruptions du volcan. Je fais ainsi remonter le dévouement religieux jusqu’à Thraséas.


17e. — page 77.

Des pirates descendirent sur ce rivage.

Fait historique.


18e. — page 78.

Un édifice d’un caractère grave.

C’est une chose singulière que les plus anciennes églises bâties avant la naissance de l’architecture gothique ont un caractère de gravité et de grandeur que les monuments païens du même âge n’ont pas. J’ai fait souvent cette remarque à Rome, à Constantinople, à Jérusalem, où l’on voit des églises du siècle de Constantin, siècle qui au reste n’étoit pas celui du goût.


19e. — page 79.

Sa voix avoit une harmonie…

Un critique, dans un extrait malheureusement trop court, et dont tout le monde a remarqué le ton excellent et les manières distinguées, a bien voulu m’appliquer ce passage. Je ne me flatte point de mériter un pareil éloge : je n’avois en vue, en écrivant ceci, que de peindre l’éloquence, le style et la personne même de Fénelon. En effet, on peut remarquer que cela s’applique de tous points à l’auteur du Télémaque.


20e. — page 80.

Que Jérôme se préparoit à visiter les Gaules, etc.

Saint Jérôme voyagea dans tous les pays, et se fixa ensuite dans la Judée, à Bethléem, où nous le retrouverons.


21e. — page 80.

Je ne sais… si nous nous reverrons jamais.

L’auteur a vu des personnes s’attendrir à la lecture de cette lettre. Le flattoit-on ? Étoit-ce une de ces politesses convenues par lesquelles on trompe un auteur ? Il ne sait.


22e. — page 80.

Comme Eudore alloit continuer son récit, etc.

Le récit étant très-long, je l’ai interrompu plusieurs fois pour délasser le lecteur ; j’ai même osé le couper entièrement vers le milieu, par le livre de l’Enfer. Cette innovation dans l’art, la seule que je me sois permise, étoit apparemment nécessaire et très-naturelle, car personne ne l’a remarquée.


23e. — page 80.

Des glands de phagus, etc.

Le phagus étoit une espèce de chêne ou de hêtre d’Arcadie : il portoit le gland dont on prétend que les premiers hommes se nourrissoient. (Voyez Théophraste.)


24e. — page 81.

Lorsqu’un fils d’Apollon.

C’étoit Ulysse qui pleuroit en entendant le Démodocus d’Homère chanter les exploits des Grecs aux festins d’Alcinoüs. (Odyss., viii.)


25e. — page 81.

Maximien avoit été obligé.

Faits historiques. Toutes les fois que j’ai pu rappeler au lecteur l’amour naissant de Cymodocée pour Eudore, l’ambition de Galérius, la haine de César pour Constantin et pour les fidèles, enfin le nom et les projets d’Hiéroclès, je me suis empressé de le faire ; le sujet n’est jamais tout à fait hors de vue.

L’empereur Valérien, dont on parle ici, fut pris par les Parthes et écorché vif, les uns disent après sa mort.


26e. — page 82.

J’entre hardiment dans la caverne.

Je comptois peu sur le succès de ce morceau, et cependant il a réussi. D’après l’histoire, il est très-probable que Prisca et Valérie étoient chrétiennes. Il faut remarquer que les catacombes dont je donne la description sont celles qui prirent dans la suite le nom de Saint-Sébastien, parce que ce martyr y fut enterré ; et Sébastien est ici présent au sacrifice. Le charmant tombeau de Cécilia Métella est en effet où je le place. Tout cela est exact et fait d’après la vue des lieux. M. Delille avoit peint les catacombes désertes ; il ne me restoit qu’à représenter les catacombes habitées, pour ne pas engager une lutte trop inégale avec un grand poëte et de beaux vers.


27e. — page 83.

C’est ce Grec sorti d’une race rebelle.

La rivalité d’Hiéroclès et d’Eudore, l’amitié d’Eudore et de Constantin, la haine de Galérius contre les chrétiens se développant, la foiblesse de Dioclétien s’accroît : le récit tient de toutes parts à l’action.


28e. — page 84.

Cependant telle est la force de l’habitude, et peut-être le charme attaché à des lieux célèbres.

J’ai éprouvé ce sentiment très-vif en quittant Rome. De tous les lieux de la terre que j’ai visités, c’est le seul où je voulusse retourner, et où je serois heureux de vivre.


29e. — page 85.

La voie Cassia, qui me conduisoit vers l’Étrurie, etc., etc.

Les détails de ce voyage sont vrais. Il n’y a, je crois, aucun voyageur qui ne reconnoisse Radigofamini à ces mots, planté de roches aiguës, à ce torrent qui se replie vingt-quatre fois sur lui-même, et déchire son lit en s’écoulant. Les monticules tapissés de bruyères sont la Toscane, etc.


30e. — page 85.

Sa fuite est si lente, que l’on ne sauroit dire de quel côté coulent les flots.

« Flumen est Arar… incredibili lenitate, ita ut oculis in utram partem fluat judicari non possit. » (Cæs., de Bell. Gall.)

Ubi Rhodanus ingens amne prærapido fluit,
Ararque dubitans quo suos cursus agat
Tacitus, quietus alluit ripas vanis.
(Sen., in Apocolocyntosi.)

Fulmineis Rhodanus qua se fugat incitus undis
Quaque pigro dubitat flumine mitis Arar :
Lugdunum jacet, etc.

(Jul. Cæs., Scaliger.)


31e. — page 86.

Dont la cité est la plus belle et la plus grande des trois Gaules.

Trèves. Les choses sont bien changées.