Les Merveilles de la science/Locomobiles - Supplément
CHAPITRE PREMIER
Dans la Notice des Merveilles de la science sur les Locomobiles[1], nous avons dit qu’à l’origine, ces machines étaient uniquement destinées aux travaux agricoles, c’est-à-dire à la mise en action des appareils mécaniques dont l’agriculture fait usage, tels que charrues, moissonneuses, machines à battre et à semer, etc. ; mais depuis sa création, on a vu grandir le rôle de la locomobile, qui a trouvé place dans beaucoup d’ateliers et manufactures.
La locomobile proprement dite, c’est-à-dire le moteur rural construit de manière à pouvoir être remorqué facilement de place en place, est resté, depuis 1870, à peu près étrangère au grand mouvement de perfectionnement qui a été imprimé aux machines fixes à vapeur, et qui leur a apporté de si profondes et de si utiles modifications. La raison de cet état stationnaire de la locomobile agricole, nous l’avons déjà donnée dans les Merveilles de la science, en les termes suivants, qu’on nous permettra de reproduire.
« Destinée à être traînée partout, même dans les mauvais chemins de traverse des campagnes ; devant être mise en œuvre par des personnes peu expérimentées et d’une intelligence ordinaire ; enfin ne fonctionnant que par intervalles, et non d’une manière continue, la locomobile rurale demande une construction peu compliquée. Il faut pouvoir, à chaque instant, la démonter, la remonter sans peine, la visiter pièce par pièce. Ses organes doivent être assez simples pour que le charron du village ou un serrurier intelligent puissent exécuter presque toutes les réparations qu’elle demande. L’économie d’eau et de combustible n’est ici qu’une question secondaire à côté de la simplicité des organes » [2].
Par son but même et par les conditions dans lesquelles elle est appelée à fonctionner, la locomobile agricole est donc condamnée à rester simple, robuste et légère ; et dès lors, elle ne se prête que difficilement aux perfectionnements qui ont si heureusement transformé les machines fixes, en portant particulièrement sur le mécanisme de la distribution de la vapeur. L’amélioration dans le rendement, réalisée dans ces machines, par suite de l’économie de vapeur, et de la précision de leur fonctionnement, ne saurait être obtenue sur une locomobile qu’au prix de la complication de son mécanisme et de l’augmentation de son poids. Or, nous venons de voir que la condition contraire, c’est-à-dire la simplicité est précisément le caractère essentiel d’une locomobile.
Les constructeurs des premières locomobiles en France, M. Calla, et ses successeurs actuels, MM. Chaligny et Guyot-Sionnest, ont, toutefois, perfectionné la locomobile primitive, de manière à rendre l’appareil plus commode dans son emploi pratique et moins dispendieux. La figure ci-dessus, qui représente la locomobile rurale que construisent aujourd’hui MM. Chaligny et Guyot-Sionnest, permettra d’en juger.
Le cylindre est entouré d’une enveloppe préservatrice du refroidissement. Un certain degré d’extension peut être donné à la vapeur, grâce à une détente variable à la main. Le foyer est disposé de manière à utiliser le mieux possible la chaleur.
Le cylindre est placé près du foyer. La tige du piston actionne, par l’intermédiaire d’une bielle, un arbre coudé, sur lequel se trouve la poulie-volant.
Sur le même arbre sont calés deux excentriques, l’un pour la commande du tiroir, l’autre pour actionner la pompe d’alimentation, qui puise l’eau dans une bâche indépendante de la locomobile et non représentée sur notre dessin. Le régulateur de vapeur est mis en mouvement par une vis sans fin et un engrenage hélicoïdal.
La chaudière comprend : 1o un corps cylindrique renfermant un faisceau tubulaire ; 2o une chambre à parois planes, où sont disposés le cendrier et le foyer. Le plafond de cette partie est cylindrique, et on y a placé, à portée de la main du chauffeur, la prise de vapeur et son robinet, deux soupapes de sûreté et un manomètre. Au-dessus de la porte du foyer se trouvent le tube et les robinets indicateurs de niveau d’eau.
Les locomobiles rurales ne pouvaient, cependant, rester complètement en dehors des perfectionnements économiques qui ont changé la face des divers genres de machines à vapeur. Le système compound s’est introduit, depuis quelques années, dans les locomobiles rurales. L’élévation de la pression de la vapeur et le fractionnement de la détente dans deux cylindres, qui caractérisent le système compound, n’ont pas, d’ailleurs, empêché la locomobile de rester aussi simple et aussi facile à conduire que l’ancienne machine. Sans doute elle a perdu en légèreté, mais son augmentation de poids est largement compensée par l’économie réalisée sur le combustible.
Cette dernière considération est importante, car la vapeur, comme force motrice, ne peut être que difficilement utilisée dans les localités où le combustible est rare et cher. Dans ces conditions, le travail des machines à vapeur ordinaires, à simple détente, serait très coûteux. Il était donc important, pour favoriser l’extension des moteurs à vapeur ruraux, de pouvoir réaliser une économie notable sur le combustible.
Grâce à l’emploi du système compound, les locomobiles peuvent aujourd’hui fonctionner dans des régions agricoles privées de charbon, et dans lesquelles le peu de moyens de communication ne permet d’y faire arriver le combustible qu’à grands frais.
Nous donnons (fig. 266) la vue d’une locomobile à système compound, construite par MM. Ruston et Proctor, de Lincoln (Angleterre).
Le cylindre admetteur, B, qui n’est pas visible dans la figure, et le cylindre détendeur, A, sont placés tous deux côte à côte, à l’arrière de la chaudière, au-dessus de la boîte à feu. Ils sont l’un, et l’autre, pourvus d’une enveloppe de vapeur, et fondus d’une seule pièce, avec une bride qui est solidement boulonnée à la chaudière.
La vapeur pénètre dans le cylindre A, à la partie postérieure, venant d’une boîte en fonte séparée, C, qui contient une soupape équilibrée et les deux soupapes de sûreté, de sorte qu’une seule communication avec la chaudière est nécessaire pour ces trois organes. Une disposition spéciale permet de purger complètement les enveloppes de vapeur de l’eau de condensation. Les deux pistons agissent sur l’arbre moteur, D, placé à l’avant de la chaudière, près de la cheminée, au moyen de deux coudes situés à 90° l’un de l’autre.
Cette machine fonctionne sans condensation. Une partie de la vapeur d’échappement se rend dans la cheminée, où elle sert à activer le tirage ; l’autre partie est employée à réchauffer l’eau d’alimentation. Sur l’arbre moteur, au delà du palier de droite, et du côté opposé au volant, V, est calé un excentrique, E, qui met en mouvement la pompe d’alimentation F. Celle-ci est à action continue, et son débit calculé de façon à maintenir le niveau de l’eau constant dans la chaudière. Un robinet de réglage assure le refoulement dans la bâche d’alimentation, G, de l’excès d’eau aspirée, mélangée avec une partie de la vapeur d’échappement. L’arbre moteur est en acier. Il est supporté par de forts paliers, munis de longs coussinets en bronze réglables, qui sont solidement attachés aux cylindres.
La chaudière est établie pour une pression de huit atmosphères.
Bien que fonctionnant sans condensation, ces machines ne consomment guère plus de 1kg,15 à 1kg,25 par cheval-vapeur et par heure, ce qui présente une économie de 40 p. 100 sur les locomobiles ordinaires.
Les constructeurs anglais, désireux de faciliter l’extension de l’emploi des locomobiles, ont eu recours à une autre modification fort essentielle, car elle porte sur la nature du combustible employé pour le chauffage. Ils ont aménagé le foyer de la locomobile pour lui permettre de brûler la paille, les tiges de coton et de maïs, les roseaux, et d’une manière générale les résidus végétaux de l’agriculture.
Ces locomobiles permettent d’utiliser des matières sans grande valeur ; et ce sont les seules qu’on puisse employer dans les régions où le prix du combustible rendrait impossible l’emploi des moteurs à vapeur ordinaires.
Nous donnons (fig. 267) la coupe du foyer d’une locomobile construite par MM. Clayton et Schuttleworth, de Lincoln (Angleterre), pour le chauffage à la paille, ainsi d’ailleurs qu’au charbon et au bois.
Cette locomobile ne diffère de la locomobile ordinaire que par le prolongement de la partie inférieure de la boîte à feu, qui vient composer un foyer. Ce qui, dans une machine ordinaire, est la boîte à feu, sert ici de chambre de combustion, séparée par un pont du fourneau dans lequel brûle la paille. L’augmentation de l’espace et de la surface de chauffe obtenue par cette disposition était nécessaire pour le développement et l’absorption complète de la masse énorme de flamme que produit la paille en brûlant.
La paille peut être chargée par intervalles, en quantités considérables, dans le fourneau, ce qui donne le temps à l’homme de service de graisser la machine.
Toute autre substance végétale de rebut peut être employée aussi bien que la paille. S’il paraît préférable de chauffer au bois ou au charbon, le levier-sabot, la chaîne, la poulie, la porte à coulisse et le plan incliné, ainsi que les barreaux de la grille, peuvent être retirés aisément, et remplacés par les portes à feu et les grilles ordinaires.
La figure 268 représente une autre locomobile, pour le chauffage à la paille, que construisent, en Angleterre, MM. Ransomes, Sims et Jefferies. L’alimentation de paille se fait automatiquement. L’appareil pour cette alimentation est entraîné par l’arbre moteur, au moyen d’une courroie. Il consiste principalement en deux rouleaux placés devant la porte de la boîte à feu et tournant en sens inverse l’un de l’autre.
La paille est introduite par les rouleaux sous la boîte à feu, en forme d’éventail, ce qui expose tout le combustible à l’action du feu et assure sa parfaite combustion.
Pour mettre la machine en pression, ce qui se fait aussi facilement avec la paille qu’avec tout autre combustible, les rouleaux doivent être tournés à la main, mais aussitôt qu’il y a assez de pression pour faire marcher la machine, les rouleaux sont mus directement par l’arbre moteur.
Un homme suffit pour conduire cette machine.
Une machine chauffée avec la paille ne demande pas plus de service qu’une machine chauffée au charbon. Il faut brûler environ 8 à 10 gerbes de paille pour battre 100 gerbes de froment.
La figure 269 représente une locomobile construite par MM. Proctor et Ruston, de Lincoln, avec un fourneau pour le chauffage à la paille mais d’un type un peu différent de celui qui vient d’être décrit. Le chargement du combustible s’effectue au moyen d’une trémie. La paille, les tiges de cotonniers, les résidus de maïs et tous autres rebuts végétaux, brûlent parfaitement dans ce foyer. Le mécanisme moteur est le même que pour les locomobiles précédentes. Ces machines constituent, sous une forme transportable, les moteurs les plus avantageux au point de vue de l’économie et de la force, relativement à l’espace occupé.
CHAPITRE II
Si la locomobile rurale ne pouvait subir de grands perfectionnements, les locomobiles considérées comme moteurs à toute fin ont pénétré de plus en plus dans les villes et dans les industries manufacturières, où, sans faire double emploi avec les machines à vapeur fixes, elles se substituent, dans bien des cas, aux moteurs animés.
La locomobile proprement dite peut être définie une machine motrice essentiellement caractérisée par la solidarité du mécanisme et du générateur de vapeur, et qui est montée sur des roues, de façon à pouvoir être facilement remorquée tout entière dans les lieux où elle doit créer l’énergie, sans qu’on ait besoin de démonter aucune de ses parties.
Entre les locomobiles et les machines à vapeur fixes, est venue prendre place une nouvelle classe de moteurs, destinés à satisfaire à des besoins spéciaux. Ce sont les machines à vapeur demi-fixes, ou machines demi-fixes. Moins mobiles que les premières, beaucoup plus légères et plus facilement transportables que les secondes, elles se rapprochent néanmoins davantage des locomobiles, auxquelles elles ont emprunté leur principe fondamental, à savoir la solidarité du mécanisme avec la chaudière et le foyer qui lui servent de support et de bâti. Si donc les machines demi-fixes constituent un nouveau genre de moteurs, elles doivent pourtant être considérées comme une modification utile et profonde des locomobiles primitives.
La machine à vapeur fixe, qui nécessite une installation complète et dispendieuse, des chaudières puissantes, des fondations solides, un local spacieux et aménagé spécialement pour la recevoir, ne saurait être adoptée lorsqu’on prévoit la cessation prochaine des besoins à satisfaire. Dans certaines entreprises qui n’exigent pas, en raison de leur peu de durée et de leur peu d’importance, une machine fixe, on a avantage à employer un moteur à vapeur léger, pour éviter les frais des fondations, que l’on puisse facilement transporter et rapidement installer dans le premier local venu, qui occupe peu de place, mais qui soit pourtant plus stable qu’une locomobile. Dans ce cas, la machine demi-fixe est tout indiquée.
Nous citerons en exemple une installation d’éclairage électrique, qui doit durer un certain temps, mais qui n’a pas un caractère définitif, et qu’il faut mettre rapidement en état de fonctionner, quitte à la supprimer aussi promptement qu’on l’a établie. On peut citer encore les chantiers des grands travaux où l’on a besoin de force motrice pour la préparation mécanique des bétons et mortiers, pour les manutentions des fardeaux et l’élévation des matériaux de toutes sortes, pour faire fonctionner des pompes d’épuisement, etc., etc. On aura grand profit, dans tous ces cas, à employer une machine à vapeur demi-fixe.
C’est pour répondre à ces besoins nouveaux de l’industrie que les constructeurs de machines à vapeur ont créé un type spécial, un passe-partout, pour ainsi dire, en d’autres termes le type demi-fixe.
Les machines à vapeur demi-fixes destinées à être conduites par des mains plus expérimentées que celles qui suffisent à la conduite des locomobiles rurales, et qui doivent être moins souvent transportées d’un lieu à un autre, ont pu, tout en restant robustes, recevoir des perfectionnements que ne comportait pas la rusticité des locomobiles agricoles. Presque toutes les machines demi-fixes que l’on construit aujourd’hui sont pourvues du système Compound.
Nous donnons (fig. 270) la vue de la machine demi-fixe construite à Paris par l’usine Cail. On y reconnaît facilement l’agencement général de la locomobile Cail qui a été simplement privée de ses roues.
Cette machine peut être transportée presque de toutes pièces. Le cylindre et toute la transmission de mouvement reposent sur le corps cylindrique de la chaudière ; ce qui en assure la solidarité, et les rend indéformables. Portée à la partie antérieure par un patin en fonte, et à la partie postérieure, par la base circulaire du foyer, elle n’a pas besoin de fondations spéciales : il suffit de trouver, pour l’établir, un sol résistant.
Le générateur se compose de deux parties : un corps cylindrique horizontal, B, et un corps cylindrique vertical, A. Ce dernier, qui repose sur le cendrier, contient la boîte à feu, et porte, à la partie supérieure, une soupape de sûreté à levier, S, ainsi que la prise de vapeur, D. La vapeur arrive, par le tuyau G, dans le cylindre, C ; l’arbre moteur, F, situé près de la cheminée, I, porte deux volants, V, V, qui permettent de transmettre le mouvement à deux appareils différents. Cette machine fonctionne sans condensation ; une partie de la vapeur d’échappement passe dans le réchauffeur, R, situé au-dessous du corps cylindrique.
La machine à vapeur demi-fixe construite par les successeurs de Calla, MM. Chaligny et Guyot-Sionnest et que représente la figure 271, est munie du système Compound et est pourvue d’un condenseur. La chaudière est composée de deux parties ; un corps cylindrique horizontal, E, qui porte le mécanisme et une partie à base rectangulaire, F, qui contient la boîte à feu. Les deux cylindres, A et B, de dimensions différentes, sont entourés d’une enveloppe de vapeur. Les distributions de vapeur sont opérées par de simples tiroirs à coquille.
La vapeur, après avoir agi dans le petit cylindre, A, passe dans un réservoir intermédiaire, puis dans le grand cylindre, B, où elle travaille à nouveau, en complétant sa détente. L’alimentation d’eau est assurée par un tuyau, G, et par une pompe à action continue, H, qui est mise en mouvement par un excentrique, J, calé sur l’arbre moteur. Celui-ci porte encore un volant, V, et une poulie, P, qui communique le mouvement aux pompes du condenseur.
Le condenseur à injection d’eau, C, qui reçoit par le tuyau, K, la vapeur sortant des cylindres, est indépendant. Il se compose de la chambre de vide, d’une pompe à air et de ses boîtes à clapets, d’un arbre, M, portant le volant, S, et la poulie motrice, R.
M. J. Boulet, à Paris, construit également une locomobile demi-fixe Compound, entièrement ramassée et qui a l’avantage de tenir peu de place. La figure 272 donne une vue en perspective de cette machine.
La chaudière tubulaire ne se compose que d’un corps cylindrique, A, monté sur deux patins, P, P. La distribution de la vapeur se fait par tiroirs avec détente variable, par le régulateur dans le petit cylindre. Cette détente est du système à plaques glissantes, variante de la détente Mayer. (Voir la machine à vapeur fixe du Creuzot, décrite dans la Notice sur la machine à vapeur.)
Dans le Supplément aux machines à vapeur, nous avons donné le détail des cylindres et de la distribution, en parlant de la machine Compound fixe de M. J. Boulet [3]. Ainsi que nous l’avons dit, le petit cylindre C reçoit la vapeur à pleine pression. C’est dans le grand cylindre B que se fait la détente. Le petit cylindre est muni d’une enveloppe de vapeur entourant la surface cylindrique et l’intérieur de la boîte à tiroirs. Le fond d’arrière seul est amovible, celui d’avant est venu de fonte avec le cylindre ; ces fonds sont à circulation de vapeur. L’enveloppe de vapeur du petit et du grand cylindre se trouve constamment en communication avec la chaudière.
La vapeur d’échappement du petit cylindre contourne l’enveloppe, à sa partie supérieure, s’y réchauffe, et se rend à la boîte de distribution du grand cylindre, en faisant le tour de celui-ci. La distribution de vapeur du grand cylindre se compose d’un tiroir à coquille à deux orifices, commandé par un excentrique circulaire.
Le joint hermétique des pistons est assuré par une longue bague brisée, ou segment composé de deux anneaux agissant par leur élasticité naturelle.
Un réchauffeur se trouve placé dans l’intérieur du bâti. Ce réchauffeur, composé de tubes autour desquels circule la vapeur d’échappement, permet de réchauffer l’eau d’alimentation avant son introduction dans la chaudière, on réalise ainsi une économie de combustible et on assure la régularité de la pression.
Nous donnons (fig. 273) la vue extérieure d’une machine demi-fixe, construite à Paris par MM. Veyher et Richemond. Cette machine n’est autre chose que leur machine Compound que nous avons longuement décrite dans le Supplément à la machine à vapeur [4], mais montée sur une chaudière à retour de flamme, et à foyer amovible, au lieu d’être établie sur un massif de maçonnerie.
Nous ne la décrirons pas, ce que nous avons dit de la machine fixe de MM. Veyher et Richemond se rapportant absolument à leur machine demi-fixe. Nous représentons seulement la chaudière qui est adaptée à cette machine, et qui est, comme il vient d’être dit, à foyer amovible.
Cette particularité, propre aux anciennes chaudières dites Chaudières Thomas et Laurens, fait leur supériorité sur la chaudière tubulaire des locomotives. En effet, la faculté de pouvoir retirer en dehors les tubes à fumée, rend le nettoyage plus facile que dans les générateurs tubulaires des locomotives.
La figure 274 donne une vue de cette chaudière. Elle comporte un corps cylindrique, EE, et un bouilleur, FF. La partie amovible, A, est formée d’une seule série de tubes disposés sur une circonférence concentrique à un tube de gros diamètre. Afin de faciliter, au moment du nettoyage, l’extraction du faisceau tubulaire on fait porter la partie antérieure sur un petit chariot, comme le montre la figure ci-dessous.
Sur le bouilleur se trouvent les branchements nécessaires à l’alimentation, un dôme de prise de vapeur, D, avec un trou d’homme, deux soupapes de sûreté, S, un sifflet avertisseur et un tube indicateur de niveau d’eau.
Nous donnons (fig. 275) le dessin d’une machine demi-fixe à un cylindre et à enveloppe de vapeur, construite par MM. Ruston et Proctor, de Lincoln (Angleterre). La disposition générale est la même que celle de la locomobile des mêmes constructeurs précédemment décrite. Comme dans cette dernière locomobile, le cylindre, A, est à la partie postérieure, et la vapeur d’admission sort d’une boîte en fonte, B, qui contient une soupape équilibrée, ainsi que les soupapes de sûreté. La tige du piston actionne, par l’intermédiaire d’une bielle, un arbre coudé, sur lequel se trouve la poulie-volant, V. L’alimentation d’eau se fait également par une pompe, C, à action continue, mise en mouvement par un excentrique calé sur l’arbre. Le support d’avant, D, forme un réservoir d’eau pour l’alimentation de la chaudière. Le réchauffage de l’eau s’y fait au moyen d’une partie de la vapeur d’échappement.
Tant que la locomobile n’a eu à faire mouvoir que des outils agricoles ou autres appareils marchant à une faible vitesse, elle n’avait pas besoin de posséder une allure bien rapide. Mais son usage, se généralisant, l’a souvent appelée à commander des appareils qui doivent marcher à une très grande vitesse. Pour éviter les transmissions de mouvement, qui auraient enlevé à la locomobile une partie de ses avantages, et pour avoir une commande directe, autant que possible, il fallait augmenter la vitesse du moteur.
Par exemple, dans les installations d’éclairage électrique, où l’emploi de la locomobile ou de la machine fixe s’impose, pour actionner directement les machines dynamo-électriques, qui doivent marcher elles-mêmes à une très grande vitesse, il faut des moteurs d’une excessive rapidité.
Nous donnons ci-dessous une vue perspective de la locomobile à grande vitesse de MM. Locoge et Rochart, de Lille, construite spécialement en vue de l’éclairage électrique.
Dans cette locomobile, l’arbre moteur, D, est placé vers le milieu de la machine ; il est mis en mouvement par deux paires de cylindres, AB, A′B′, placées l’une à l’avant, l’autre à l’arrière, et il porte deux coudes à 180° l’un de l’autre. Chacune des paires de cylindres constitue une petite machine Compound, à simple effet, c’est-à-dire que la vapeur n’agit jamais que sur une des faces de chaque piston, aussi bien dans les cylindres admetteurs, que dans les cylindres détendeurs. La vapeur est amenée par les tuyaux, C, C′, dans les deux petits cylindres, AA′, d’où elle passe dans les grands cylindres, BB′. Cette disposition a pour but de ne faire travailler les parties frottantes du mécanisme que pendant une demi-révolution, et de leur permettre de se reposer pendant l’autre demi-révolution. Une partie de la vapeur d’échappement va activer le tirage de la cheminée, l’autre partie vient réchauffer l’eau d’alimentation dans une bâche de forme demi-cylindrique placée sous le corps même de la chaudière. L’alimentation est faite par un injecteur.
Pour les installations d’éclairage électrique qui présentent une certaine importance, on fait usage des machines à vapeur demi-fixes, montées sur patins, marchant à grande vitesse, avec le système Compound ou le système ordinaire ; mais si les foyers lumineux doivent se déplacer, assez souvent par exemple dans le cas des lampes disséminées sur un grand espace, et où les parties à éclairer ne sont pas toujours les mêmes, ou encore dans les applications de la lumière électrique à l’art militaire, c’est la locomobile proprement dite, toujours prête à se déplacer, que l’on continue d’employer.
Les constructeurs anglais sont allés plus loin dans cette voie. MM. Ransomes, Sims et Jefferies construisent une locomobile pour l’éclairage électrique à grande vitesse, munie à l’avant d’une plate-forme pour l’appareil électrique, lequel est, de cette façon, porté par la locomobile elle-même, ce qui facilite encore la rapidité des déplacements.
La figure 277 représente cette dernière machine. Un bon régulateur de vapeur assure une grande constance dans la vitesse, malgré les variations de résistance, ce qui est indispensable pour que la force motrice employée à produire la lumière électrique demeure toujours égale. Le même régulateur permet, en outre, de changer la vitesse de la machine, sans l’arrêter, ce qui est important quand le nombre des lampes électriques vient à varier dans le même point.
Le cylindre, A, est situé à l’avant de la machine, près de la cheminée, G, et l’arbre moteur, B, à la partie postérieure, au-dessus de la boîte à feu. L’arbre moteur porte deux volants, V, V, qui, par l’intermédiaire de courroies, commandent les poulies, R, R, des machines dynamo-électriques, E, placées côte à côte sur la plate-forme, P. Celle-ci porte une plaque mobile, sur laquelle sont fixées les dynamos. On règle la tension des courroies de commande en avançant cette plaque glissante au moyen de vis.
CHAPITRE III
Dans les constructions des maisons et édifices, la locomobile fait l’office du manouvrier ou du cheval, pour préparer le mortier ou le béton nécessaire à la maçonnerie. Une locomobile fait tourner un arbre de couche, pourvu d’une large poulie (fig. 278). Une courroie, posée sur cette poulie, met en action le mécanisme au moyen duquel l’eau, d’une part, le ciment et la chaux, d’autre part, sont versés en proportions convenables, dans des vases d’un volume déterminé, et après s’être mélangés dans un baquet, sont soumis à l’agitation, pour composer un mélange intime qui constitue le mortier, ou ciment. Cet appareil accélère beaucoup le travail des maçons.
Aujourd’hui, dans les chantiers de maçonnerie d’une certaine importance, c’est une locomobile qui hisse les matériaux au niveau de chaque étage de la construction. Une courroie va de l’axe moteur de la locomobile à un arbre tournant, muni d’une chaîne, pouvant s’enrouler et se dérouler autour de cet arbre, lequel élève les matériaux, pierre taillée, plâtre, pierre meulière, etc., jusqu’au niveau occupé par les travailleurs.
On voit dans la figure 278 l’installation d’un moulin à mortier, mû par une locomobile. Le moulin est formé d’une auge circulaire, dont le fond est constitué par une plaque tournante, sur laquelle travaillent deux meules.
La locomobile pourrait aussi bien commander l’arbre d’un malaxeur ou d’une bétonnière, munie de palettes.
Nous donnons figure 279 la vue d’une installation d’épuisement dans des travaux hydrauliques. La locomobile met en mouvement une pompe centrifuge, montée sur roues, afin d’en rendre le transport plus facile.
Les pompes à eau, qu’elles soient à pistons, rotatives ou d’un système quelconque, sont presque toujours actionnées par des locomobiles. Nous représentons (fig. 280) une pompe à pistons, actionnée par une locomobile, de MM. Chaligny et Guyot-Sionnest.
La pompe représentée sur cette figure comprend :
1o Une transmission, recevant le mouvement du moteur et le transmettant, par des engrenages intermédiaires, aux bielles pendantes ; cette transmission, rassemblée sur une même plaque de fondation en fonte, est fixée à la margelle du puits ;
2o Deux pompes à pistons plongeurs, conjuguées, reliées entre elles par des plaques de refoulement et d’aspiration, avec un réservoir d’air et un coude de refoulement, d’une part, avec le tuyau d’aspiration, et le clapet de retenue d’autre part. Ces pompes sont fixées au fond du puits, sur des traverses en chêne. Les frottements au contact de l’eau sont en fer ou en fonte sur bronze, afin d’éviter l’oxydation ; les clapets sont en cuir ou en bronze. Les pistons ont trois courses variables, correspondant environ à la moitié, aux trois quarts et à la totalité du débit nominal.
Dans les pompes de 6 mètres cubes, la commande peut se faire à la main ou par courroie ; dans les pompes de 10 à 20 mètres cubes, les roues d’engrenage sont à denture de Cormier. Si la conduite de refoulement a plus de 50 mètres de longueur, il est prudent d’augmenter les dimensions du réservoir d’air, et d’adjoindre une soupape de sûreté, afin d’éviter les ruptures par coups d’eau.
3o Les tiges, pour une profondeur moyenne, sont en fer creux, de façon à leur donner plus de légèreté, et en même temps plus de rigidité.
4o Le moteur à vapeur est du type locomobile. La chaudière est à foyer intérieur et carré, à tubes de laiton. Elle est indépendante de toute maçonnerie, pour éviter les dislocations que produisent les alternances de chauffage et d’arrêt. On peut, d’ailleurs, y brûler toutes sortes de combustibles, charbon, tourbe, menus bois, etc. Le mécanisme qui est horizontal, est d’un entretien très facile.
Dans toute élévation d’eau, la puissance du moteur devra être calculée sur le pied de 140 mètres cubes d’eau élevés en une heure, à un mètre de hauteur, par un cheval-vapeur. En se basant sur cette donnée, un simple calcul de proportionnalité permet, dans toutes circonstances, connaissant le débit d’une source et la hauteur à laquelle doit être élevée l’eau, d’évaluer la force de la machine nécessaire pour conduire la pompe. Ce chiffre comprend l’excès de charge provenant des frottements des organes mécaniques, et ceux de l’eau dans une conduite verticale.
Pour les alimentations intermittentes, l’emploi d’une machine locomobile offre l’avantage de pouvoir déplacer facilement le moteur resté libre pendant le chômage et de l’utiliser à d’autres travaux.
Dans les constructions sur pilotis, pour soulever le mouton qui doit enfoncer les pieux dans le fond des rivières, c’est une locomobile, amenée sur un radeau, qui élève le mouton, pour le laisser ensuite retomber de tout son poids. Il suffit, pour cela, de lâcher la vapeur dans l’air, en tirant un cordon, qui fait ouvrir une soupape donnant issue à cette vapeur ; ce qui permet à la masse du mouton de tomber par son seul poids.
Nous donnons dans la figure 281 la vue, en élévation et en coupe, d’une sonnette à battre les pieux, construite par M. G. Lacour, de La Rochelle.
Fig. 281. — Mouton à vapeur de M. G. Lacour, de La Rochelle (élévation) (A), coupe longitudinale (B), coupe horizontale (C). | Fig. 282. — Mouton à vapeur de M. G. Lacour, de La Rochelle. |
Le bâti de l’appareil est formé par une pyramide en bois, à base triangulaire, dont une des faces est verticale, et porte les deux montants, qui servent à guider le mouton dans sa chute. Ce bâti est porté par un chariot roulant, qui lui permet de se déplacer sur une voie ferrée le long de la ligne suivant laquelle on veut enfoncer les pieux. Le chariot porte également une chaudière à vapeur verticale.
Le mouton dont la figure 281 donne l’élévation latérale (A), la coupe verticale (B) et une coupe horizontale (C), est constitué par une masse en fonte de grand poids, A, creuse à l’intérieur, de manière à former une espèce de corps de pompe. Dans la tête du pieu à enfoncer est fixée une tige de fer, f, qui pénètre dans l’intérieur du mouton, et qui porte, à sa partie supérieure, un piston, e. Le mouton peut prendre ainsi un mouvement de va-et-vient de haut en bas et de bas en haut, en glissant le long du piston et de sa tige, f. À la partie supérieure du mouton se trouve un robinet à trois voies, g, qui peut mettre l’intérieur du mouton en communication, soit avec l’atmosphère, soit avec la chaudière à vapeur, par l’intermédiaire d’un tuyau flexible.
Si l’on vient à introduire la vapeur à la partie supérieure du mouton, par le conduit h, dans l’espace compris entre le piston e et le fond supérieur du mouton, comme le piston est fixe c’est le mouton B qui se soulève, le long de la tige f.
Quand, au moyen du robinet de manœuvre g, on ferme l’admission de vapeur h, et qu’on ouvre l’échappement k, le mouton retombe, en vertu de son poids, et vient frapper sur la tête du pieu, qu’il enfonce d’une certaine quantité.
La chute maximum du mouton est naturellement égale à la longueur de sa cavité. m est une lumière destinée à limiter la course du mouton et à empêcher la rupture de l’appareil, au cas où on oublierait d’ouvrir l’échappement, lorsque le piston est arrivé à la partie supérieure de sa course. Quand la lumière m a dépassé le piston, la vapeur s’échappe par cette ouverture, et l’ascension du mouton est arrêtée.
Les grues à vapeur se voient fréquemment dans nos ports de mer et sur les quais des fleuves et rivières des grandes villes. Sur la Seine, à Paris, elles fonctionnent continuellement. La force de la vapeur mise en jeu dans une locomobile, placée elle-même au bord de l’eau, élève hors du bateau les marchandises à décharger, et les transporte, soit sur le quai, soit sur les voitures, ou charrettes, qui doivent les emporter.
La figure 283 représente une grue, de petites dimensions, montée sur un chariot en fer, qui lui permet de se déplacer sur une voie ferrée. Cette grue dont on peut voir plusieurs spécimens en action sur les bords de la Seine, à Paris, est construite par MM. Caillard frères, du Havre.
La chaudière, qui est verticale et placée en porte à faux, sert de contrepoids, lorsque la grue est en charge. Un cylindre à vapeur actionne le treuil, sur lequel s’enroule la chaîne, qui passe sur la poulie, placée à la partie supérieure de la flèche. Un autre cylindre permet à la plate-forme de la grue, par l’intermédiaire d’un pignon et d’une crémaillère circulaire, fixée sur le chariot, de prendre un mouvement de giration autour de son axe.
La figure 284 représente une grue tournante à pivot fixe et à flèche courbe, construite, comme la précédente, par MM. Caillard frères, du Havre.
Cette grue, qui s’installe à demeure dans un atelier ou dans un magasin, est isolée du générateur de vapeur. Un cylindre, A, met en mouvement, au moyen du plateau manivelle, B, un premier arbre, C, qui, par des engrenages, fait tourner l’arbre du treuil de la chaîne. Celle-ci est supportée, jusqu’à la partie supérieure de la flèche, par deux galets, G, G. Le mouvement de rotation de la grue s’effectue autour du pivot P. Il est obtenu à l’aide d’un second cylindre à vapeur, d’un pignon R, et d’une crémaillère circulaire, S, solidaire du pivot.
La figure 285 représente une grue semblable à celle que nous avons représentée dans la figure 284, mais qui est montée sur un ponton flottant, en tôle, lequel vient se placer entre le quai et le bateau ; ce qui facilite le déchargement rapide des charbons, du sable et autres matières. Le pivot de la grue est monté directement sur le ponton, au lieu de l’être sur un chariot roulant.
Cette grue ne se distingue des autres que par la dimension de sa flèche, qui est beaucoup plus longue. Elle est, quelquefois, suivant les besoins, pourvue d’un propulseur à hélice, qui lui permet de se déplacer le long des quais, ou en rivière, et qui est actionné par la grue elle-même.
Les dragues et tous les engins de ce genre employés dans les grands travaux de terrassements peuvent être considérés, en quelque sorte, comme des locomobiles actionnant directement un outil solidaire avec elles, puisque la chaudière, la machine et l’outil forment un ensemble qui peut se déplacer de lui-même. Nous formons (figures 286 et 287) un groupe de la réunion de quelques grues-pontons, et de dragues à vapeur sur pontons sur un terrain fixe.
L’excavateur Couvreux dont nous donnons le dessin dans la figure ci-dessus, et qui est construit à Paris par M. L. Boulet, est une véritable drague terrestre. Sur une voie ferrée placée le long de l’excavation, au bord supérieur du talus, se déplace un truc, porté par quatre essieux, et sur lequel sont montés l’élinde, E, ainsi que la flèche qui supporte l’extrémité de l’élinde, et qui permet de faire varier son inclinaison, enfin la chaudière et la machine à vapeur V. Celle-ci met en mouvement la chaîne à godets G, G, le treuil qui permet de relever l’extrémité de l’élinde, et enfin l’ensemble de l’appareil sur la voie ferrée.
Les godets de la chaîne viennent successivement entamer le talus, en y creusant une sorte de sillon ; puis l’excavateur se déplace un peu le long de la voie ferrée, pour venir creuser un sillon voisin. Quand la tranchée est élargie, on déplace la voie de l’excavateur parallèlement à elle-même, et on recommence les mêmes opérations. Derrière l’excavateur et sur une voie parallèle, circulent les wagonnets dans lesquels viennent se vider les godets de la chaîne qui se sont remplis de terre et de déblais.
L’excavateur universel que nous représentons dans la figure ci-dessus, est un engin qui se prête à l’exécution d’une tranchée ou à la formation d’une cuvette quelconque, en attaquant le terrain par le bas. Cet appareil mécanique a l’avantage de permettre de creuser le sol de front, et d’avancer sans déplacer la voie sur laquelle il se meut. Il rejette les produits derrière lui, dans des wagons placés sur les voies mêmes où se déplace l’excavateur.
Sur un truc porté par deux essieux, se trouve une petite machine à vapeur, V, qui donne le mouvement d’avancement à l’ensemble et le mouvement de rotation à une couronne mobile M portée par des galets, et qui sert de base à toute la partie pivotante de l’appareil. Cette partie comprend un bâti massif, une machine avec sa chaudière, une flèche, une chaîne, un couloir, une élinde E et un treuil de soulèvement T.
Pendant le dragage, la partie pivotante peut prendre un mouvement d’éventail, à droite et à gauche de l’axe des voies ; ce qui permet à l’appareil de déblayer le terrain qui se trouve devant lui, à la largeur nécessaire. Elle peut même prendre une position perpendiculaire aux voies, si l’on veut travailler en élargissement.
Un ressort double placé à la partie supérieure de l’élinde, lui permet de remonter parallèlement à son axe, lorsqu’il se présente sous les godets un obstacle insurmontable. L’élinde, qui s’est soulevée sous l’effort, redescend sous l’impulsion du ressort, et le godet suivant vient piocher à son tour l’obstacle, jusqu’à ce qu’il ait cédé et soit entré dans un des godets. L’application de ce ressort évite les ruptures dans le mécanisme, lorsque la résistance du terrain est anormale.
Les godets à déversement automatique ont l’immense avantage de pouvoir draguer dans les terrains les plus agglutinatifs, comme argile, terre glaise, sans que, pour cela, le cube des déblais extraits soit inférieur à celui obtenu dans de bons terrains, tels que gravier et sable. Ils permettent, en outre, d’augmenter le cube des déblais dragués dans tous les terrains en général ; et cela par le seul fait de l’augmentation de vitesse, que le déversement forcé du godet permet de donner à la chaîne dragueuse.
La construction des godets est très simple. Le dossier est mobile. Une came à deux tablettes est installée au centre du tourteau supérieur de la drague : chacune de ces tablettes, en tournant, vient alternativement pousser le dossier du godet, en lui faisant décrire un arc de cercle autour de son articulation supérieure. La came est calée sur l’arbre de telle façon que lorsque le godet se présente au-dessus du couloir, le dossier a fait sa course, et par conséquent, a complètement chassé, en dehors du godet, toute la matière qui y était contenue.
Deux taquets, disposés à l’intérieur du godet, limitent la course du dossier, et l’empêchent de tomber par devant. Il conserve cette position jusqu’à ce que la résistance du terrain le force à reprendre sa place primitive.
MM. Ruston et Proctor, de Lincoln (Angleterre), construisent un appareil assez différent des excavateurs ordinaires et qui porte le nom de terrassier à vapeur (fig. 290).
Le truc porteur est un châssis rectangulaire formé de poutrelles en fer très résistantes et fortement assujetties entre elles par des pièces transversales. Ce châssis constitue une plate-forme qui supporte les différents organes de l’appareil. Il est monté sur quatre roues à boudins, et muni de crics-supports, destinés à l’immobiliser et à supporter l’effort de la poussée, quand le terrassier est en action.
La machine et la chaudière sont verticales. Cette dernière, d’une force de dix chevaux-vapeur, est à tubes bouilleurs transversaux. La machine est à deux cylindres, à enveloppe de vapeur. En avant de la machine est boulonnée sur le châssis, une tour composée de plaques en fer forgé, consolidées par des poutrelles. À sa base se trouve un spacieux réservoir d’eau, destiné à alimenter la chaudière, tout en donnant de la stabilité à l’appareil. Cette tour porte une flèche en fer forgé.
L’outil excavateur est un godet formé par une épaisse plaque de fer munie d’une partie tranchante en acier, et armée de quatre pointes d’acier, qui séparent la terre et les pierres. Une porte, qui se referme automatiquement, et que l’on ouvre au moyen d’une corde, permet, quand il est plein, de vider le godet au-dessus des wagons.
Ce godet, fixé à l’extrémité d’un bras en bois de chêne, est porté par une chaîne de fer, que renforcent des plaques en fer. Il se meut entre les côtés de la flèche de la grue. Afin de donner plus ou moins de profondeur à l’entaille faite par le godet, on règle la longueur du bras au moyen d’un engrenage à crémaillère relié, par une chaîne de Vaucanson à une roue à main, actionnée par un homme, qui se tient à l’avant sur une plate-forme circulaire construite au pied de la flèche de la grue.
Pour faire fonctionner le terrassier à vapeur, on abaisse le godet jusqu’à ce que son bras soit vertical. La machine à vapeur est mise en marche, et le godet est chassé en avant, de bas en haut, dans la terre, la profondeur de l’entaille étant calculée de manière que le godet se remplisse.
Lorsqu’il a repris sa position, la flèche de la grue est mue circulairement jusqu’à ce que le godet soit amené au-dessus de wagons qui circulent sur des voies situées à droite et à gauche de celle réservée au terrassier. On tire sur une corde agissant sur un loquet qui retient le fond du godet ; celui-ci s’ouvre, et le contenu du godet tombe dans les wagons. Alors la flèche de la grue est ramenée à sa première position, pour une nouvelle entaille ; la porte du godet se ferme automatiquement, et celui-ci est prêt pour une nouvelle opération.
En fouillant, déchargeant et avançant continuellement, le godet peut se remplir de 50 à 75 fois par heure, et enlever de 500 à 800 mètres cubes de matières dures, par jour. Si les terres sont tendres il peut déblayer et charger en wagons jusqu’à 1 000 mètres cubes, en 10 heures de travail.
Une autre application importante de la locomobile consiste à l’utiliser pour actionner directement une pompe à eau faisant corps avec le moteur. C’est la création des puissantes pompes à incendie modernes qui a permis de combattre avec succès les incendies les plus redoutables, et leurs désastreux résultats, au milieu des nombreuses agglomérations d’habitations.
Aujourd’hui, toutes les grandes villes d’Europe et d’Amérique possèdent des pompes à incendie à vapeur, construites sur des types différents, mais qui ont été étudiées toutes avec le plus grand soin. Elles peuvent être transportées avec une excessive rapidité, à la première alerte, sur le lieu du sinistre, et elles sont mises rapidement en pression, de manière à fournir un débit d’eau très considérable.
C’est en Amérique que les pompes à incendie à vapeur ont pris naissance. Le premier de ces appareils fut imaginé, vers 1860, par MM. Lee et Larned. En Angleterre, les premiers types furent créés par MM. Shand et Mason, et par M. Merryweather, de Londres.
La figure 291 représente une pompe à incendie à vapeur à deux cylindres, construite par MM. Merryweather. C’est une pompe à grande vitesse, conçue de manière à pouvoir fournir un travail énergique, tout en offrant une grande légèreté.
Le bâti de la machine se compose de deux longerons en tôle fixés à la chaudière. Le poids est réparti également sur les quatre roues, de manière que la machine peut, sans aucun danger, être traînée avec rapidité, et qu’on peut, en toute sécurité, la faire passer par les mauvaises routes.
La machine à vapeur, complète en elle-même, est entièrement indépendante du bâti. Les cylindres, qui sont horizontaux, actionnent directement deux pompes, également horizontales, et dont les pistons sont reliés aux pistons à vapeur par des tiges d’acier. Les tiroirs sont commandés par un excentrique placé au-dessus des tiges de pistons.
Les deux pompes, fondues d’une seule pièce, sont en bronze. Les soupapes d’aspiration et de refoulement sont placées dans une chape, qui se trouve elle-même au-dessous des cylindres, protégeant ainsi ces derniers contre les pierres et graviers, en suspension dans l’eau. La surface des soupapes est assez grande pour que, quelle que soit la vitesse à laquelle marche la machine à vapeur, les pompes s’emplissent complètement à chaque course, sans aucun effet nuisible. Les orifices d’aspiration et de refoulement de la pompe, sont munis de cloches à air en cuivre, dont l’une, celle du refoulement est pourvue d’un appareil spécial ayant pour but de maintenir à l’intérieur une constante quantité d’air, ce qui permet à la pompe de lancer un jet puissant et régulier.
Nous donnons dans les figures 292 et 292 bis deux coupes de la chaudière à vapeur de cette pompe. Cette chaudière, qui est verticale, est pourvue d’une enveloppe d’eau, B, entourant le foyer, ce qui rend inutile l’emploi des briques réfractaires. La disposition des tubes à fumée, dont les uns (C, C) sont verticaux et les autres (D, D) horizontaux présente une grande surface de chauffe, tout en permettant une large circulation d’eau et un excellent tirage. Les joints boulonnés F, F, permettent de visiter l’intérieur de la chaudière. K, est la grille du foyer, A.
Le mécanisme étant placé à l’avant de la chaudière, la porte du foyer est facilement accessible, de telle façon qu’on peut la chauffer pendant qu’on dirige la machine vers le lieu de l’incendie.
La figure 292 est une coupe verticale de la chaudière et la figure 292 bis une autre coupe verticale, prise à angle droit de la première.
La vapeur peut être produite en 3 minutes à partir de l’allumage. La pression de 6 kilogrammes peut être obtenue dans l’espace de 6 à 10 minutes, suivant la quantité d’eau contenue dans la chaudière ; et une fois atteinte, cette pression se maintient facilement.
L’alimentation d’eau de la chaudière se fait, soit au moyen d’une pompe à action directe, qui prend son eau dans la pompe principale ou dans un réservoir quelconque, soit au moyen d’un injecteur installé sur la chaudière, soit enfin au moyen d’un robinet qui, lorsqu’il est ouvert, permet le refoulement dans la chaudière du contenu total de la pompe à chaque course.
Cette pompe peut débiter jusqu’à 4 250 litres par minute, tout en donnant un jet unique de 52 mètres de hauteur, ou plusieurs jets dérivés, de hauteur moindre.
À la gare du chemin de fer de l’Est, à Paris on trouve plus de vingt de ces pompes anglaises.
La figure 293 représente une pompe à vapeur due aux mêmes constructeurs, c’est-à-dire à MM. Merryweather, mais n’ayant qu’un seul cylindre, et par conséquent une moindre puissance.
Plusieurs constructeurs français ont entrepris la fabrication des pompes à incendie à vapeur. Il faut citer d’abord la ville de Paris, comme ayant fait exécuter des pompes d’un grand débit et d’une grande facilité de transport.
C’est un ancien capitaine des sapeurs-pompiers de Paris, M. Thirion, qui a tracé le plan et fait exécuter les deux modèles de ces pompes actuellement en service à Paris. Un de ces modèles, de la force de 30 chevaux-vapeur, débite 1 500 litres d’eau par minute ; l’autre, de la force de 40 chevaux, fournit 2 000 litres par minute.
La compagnie de Fives-Lille a récemment étudié le type d’une nouvelle pompe à incendie, qu’elle livre à différentes villes de la France et de l’étranger, et où l’on trouve réalisés divers perfectionnements importants.
Nous donnons, dans la figure 294, le dessin de cet appareil mécanique. L’ensemble de la pompe à vapeur est porté par un châssis horizontal monté sur roues, avec ressorts et avant-train. La chaudière est fixée à l’arrière, entre les longerons du châssis.
L’appareil mécanique, formé de trois cylindres moteurs à vapeur et de trois corps de pompe à eau, est fixé entre les longerons, à l’avant de la chaudière, et tous les mécanismes sont disposés de façon à rendre les manœuvres promptes et faciles.
Au-dessus des cylindres à vapeur et des pompes, le châssis supporte une caisse servant de siège au cocher et à quatre pompiers, et formant armoire, pour renfermer des pièces de rechange et l’outillage nécessaire au fonctionnement de la pompe.
Chaudière. — La chaudière est verticale, à tubes pendentifs, à circulation d’eau.
Elle se compose de deux parties, A et B, assemblées par des boulons ; la partie cylindrique, A, porte tous les appareils de sûreté, qui n’ont aucune liaison avec la partie B. Celle-ci est conique, à double paroi, de façon à former une mince enveloppe d’eau autour du foyer : elle porte la plaque et le faisceau des tubes à fumée. Un certain nombre de ces tubes partant de la plaque tubulaire et aboutissant aux parties basses de l’enveloppe du foyer, y établissent une circulation active de l’eau soumise à l’ébullition. Des regards sont ménagés dans l’enveloppe extérieure en face des tubes de circulation, pour permettre de les tamponner au besoin. La partie cylindrique supérieure, A, de la chaudière porte aussi deux trous de bras, qui rendent accessible toute la surface de la plaque tubulaire, et permettent de tamponner ceux des tubes qui viendraient à fuir trop abondamment ou à se rompre. Grâce à cette disposition, on peut laisser tomber la pression, tamponner le tube défectueux et remettre la chaudière en pression, dans un espace de temps de 20 à 25 minutes.
À droite et à gauche de la porte du foyer se trouvent deux caisses à charbon, H, dont les fonds sont réunis par un marchepied, sur lequel se tient le chauffeur, pendant le trajet de la pompe au lieu d’incendie.
Un injecteur, I, fixé à la partie arrière du châssis, à portée de la main du chauffeur, sert à l’alimentation de la chaudière, quand la pompe à vapeur ne fonctionne pas. L’aspiration de cet injecteur se fait dans une caisse à eau, G, placée à l’avant de la chaudière et suspendue au châssis.
Cylindre à vapeur moteur et distribution de vapeur. — Les cylindres moteurs employés pour actionner les pompes à piston sont à action directe. La machine de Fives-Lille en possède trois, C, C′, C″, — disposés horizontalement et fixés à l’avant de la chaudière entre les longerons du châssis. Les tiges des pistons moteurs sont placées en prolongement de celles des pompes et les plongeurs de ces dernières sont reliés par des bielles à un arbre à trois manivelles, calées à 120 degrés. Cette disposition évite l’emploi des volants que l’on trouve dans quelques pompes à incendie.
Les tiroirs de distribution de vapeur sont placés à la partie supérieure des cylindres, dans une même boîte fermée par un couvercle unique dont le démontage peut se faire avec facilité et où la vapeur débouche en a par une conduite commune.
La distribution est à détente fixe, sans emploi d’excentriques ; le mouvement des tiroirs est obtenu à l’aide de leviers articulés sur un arbre transversal et prenant leur mouvement sur les tiges de pistons. Ce mécanisme est combiné de telle manière que la tige d’un piston commande le tiroir d’un autre cylindre, de cette manière les mouvements se produisent avec une régularité parfaite.
Pompes à eau. — Les trois corps de pompes à eau, D, D′, D″, sont fondus en bronze, d’une seule pièce. Toutes les trois sont à simple effet à l’aspiration et à double effet au refoulement.
Les clapets d’aspiration des trois pompes sont fixés sur la table du tuyau commun d’aspiration et isolés par le cloisonnement des pompes. Les pistons sont formés d’un disque portant des clapets multiples et d’un plongeur dont la section est moitié de celle des corps de pompe. On a ainsi un refoulement constant pour une aspiration intermittente ; car, dans chacune des courses simples du plongeur, la moitié du volume d’eau aspirée par le piston se trouve refoulée. L’eau s’écoule toujours ainsi dans la même direction, de son entrée à sa sortie des pompes ; ce qui est une condition essentielle pour des pompes à mouvement rapide.
Tous les clapets sont en caoutchouc et s’ouvrent par soulèvement, et non par emboutissage. Des ressorts à boudin en laiton, agissant sur une platine métallique qui couvre presque toute la surface des clapets, assurent la fermeture hermétique de ceux-ci, qui retombent sans chocs et sans bruit sur leurs sièges, et font donner aux pompes fonctionnant à une vitesse relativement grande, un volume d’eau très peu différent du volume engendré par les pistons.
La réduction relative de la vitesse est évidemment une condition de bonne conservation des organes de la machine ; ce qui n’empêcherait pas, en cas de besoin, de demander à cette pompe un surcroît de débit.
Le tuyau de refoulement, commun aux trois corps de pompe, se divise en deux sorties d’eau, pour alimenter deux lances. Une valve, manœuvrable à volonté, au moyen d’un levier, permet d’ouvrir l’un ou l’autre des deux orifices ou les deux à la fois, mais elle ne peut, dans aucune position, fermer ensemble les deux orifices, ce qui écarte tout danger de rupture des pompes par un excès de pression.
Le conduit de refoulement porte un robinet à soupape, dont la boîte peut faire communiquer le refoulement avec l’aspiration au moyen de tubulures. En actionnant le volant de cette soupape à vis de rappel, on en modifie, selon le besoin, le degré d’ouverture, de manière à régler le débit des pompes pour les lances, sans modifier l’allure de la machine. Une soupape de sûreté, qui a son siège dans la boîte de ce robinet à soupape, prévient tout excès de pression.
Deux réservoirs d’air sont placés, l’un à l’aspiration et l’autre au refoulement des pompes.
L’arbre à manivelles est porté par quatre paliers fondus avec les corps de pompes à eau. Toutes les pièces du mouvement sont ainsi solidaires les unes des autres ; ce qui ne permet aucune perturbation dans les positions relatives de ces pièces.
L’un des trois corps de pompe porte une pompe alimentaire dont le mouvement est à la main du mécanicien, comme tous les autres organes de commande de la machine. L’aspiration de cette pompe se fait, soit dans la caisse à eau G de l’injecteur, soit sur le refoulement même des pompes principales, lorsque celles-ci fonctionnent.
Toutes les pièces en contact avec l’eau sont en bronze ou en cuivre, pour éviter l’oxydation.
Accessoires de la pompe à vapeur. — La pompe est munie de tous les accessoires nécessaires à son fonctionnement. Les armoires de la caisse contiennent l’outillage à main de la chaudière, de la machine et des pompes.
Des supports fixés aux longerons du châssis, reçoivent, à droite et à gauche, entre les roues, six tuyaux d’aspiration en caoutchouc avec spirale intérieure d’une longueur de 14 mètres environ. Deux lances courtes sont placées verticalement de chaque côté du siège du cocher ; deux autres lances, plus longues, sont attachées horizontalement, de chaque côté du coffre, sous les planchettes formant le marche-pied du siège des pompiers.
À l’avant, sous le marchepied du cocher, sont suspendus deux tuyaux de refoulement, enroulés, ayant chacun 20 mètres de longueur, qui sont vissés, à l’avance par leurs raccords sur les tubulures de sortie d’eau, de sorte que ces tuyaux, une fois déroulés, sont immédiatement prêts au service.
Éclairage. — L’éclairage de la pompe est fait par quatre lanternes à réflecteurs à bougies, dont deux, de grande dimension, sont placées à droite et à gauche du siège du cocher, et deux, de plus petite dimension, éclairent la partie arrière de la chaudière et ses accessoires.
L’emploi de l’huile a été écarté à cause des inconvénients qu’il présente, par suite de l’épaississement de l’huile après un certain temps d’inactivité.
À partir du moment où le feu est placé sous le foyer, l’aiguille du manomètre se meut après 4′50, et la pression est de 5k, au bout de 9′45″.
Avec une hauteur d’aspiration de 2m,80, la pompe de Fives-Lille fournit un jet qui, verticalement, atteint une hauteur de 40 mètres. Avec une hauteur d’aspiration de 6m,50, elle fournit un jet horizontal de 45 mètres. À la vitesse de 215 tours, par minute, le débit peut atteindre 2 048 litres d’eau par minute. À la vitesse normale de 190 tours, il atteint encore 1 804 litres.
Une des applications de la locomobile que nous devons consigner dans ce Supplément, c’est le compresseur à vapeur pour l’empierrement des routes, parce que nous en avons fait mention dans les Merveilles de la Science [5].
Nous avons dit que ce volumineux et puissant appareil a été construit, à Paris, pour la première fois, par M. Ballaison, et nous en avons donné un dessin. Le compresseur à vapeur a été beaucoup perfectionné depuis cette époque. M. Gellerat, à Paris, l’a considérablement amélioré, ou, pour mieux dire, l’a entièrement transformé.
Nous donnons, dans la figure 295, la vue extérieure, dans la figure 296 la coupe longitudinale du côté gauche, dans la figure 297 le plan de la transmission du mouvement aux rouleaux, et dans la figure 298 la vue en bout du dernier modèle de compresseur à vapeur de M. Gellerat.
Le compresseur à vapeur se compose (fig. 295 et 296) d’un châssis très robuste, sur lequel sont établies les caisses à eau et à charbon, la chaudière, la machine motrice et la transmission.
Ce châssis s’appuie, au moyen de ressorts, sur les bouts des essieux autour desquels tournent les rouleaux. Les essieux sont fixés, par l’une de leurs extrémités, dans une plaque de garde. Cette extrémité de l’essieu porte un renflement sphérique, qui est emprisonné dans la partie évasée d’une boîte en fer, dénommée boîte à coulisse et qui fait partie de la plaque de garde. L’autre extrémité des essieux est libre, et peut se déplacer dans le sens horizontal, avec les ressorts, pour les besoins de la direction courbe.
La chaudière est tubulaire et toute semblable à celle d’une locomotive. Sur le corps de la chaudière se trouvent (fig. 296) un dôme de vapeur, A, placé au-dessus du foyer, et deux cylindres, B, horizontaux, placés côte à côte, dont les pistons actionnent, au moyen de manivelles calées à 90 degrés, un arbre D, sur lequel est monté un volant V.
La distribution de vapeur s’opère facilement, au moyen de deux paires d’excentriques et de deux coulisses de Stephenson. Un arbre oblique E transmet le mouvement de l’arbre moteur d, d, à un troisième arbre horizontal, F (fig. 296 et 297) situé en dessous du châssis. Enfin cet arbre F met en mouvement deux pignons CC′ (fig. 297) qui agissent au moyen de chaînes de Galle GG′ sur deux arbres, fixés dans les rouleaux, parallèlement à leur axe, et qu’on appelle tocs. Le bout saillant du toc pénètre dans un coussinet spécial qui se meut entre deux des bras des roues RR′ qui porte la chaîne de Galle. Ce coussinet peut glisser dans le sens de son axe, qui coïncide avec un rayon de la roue, en même temps qu’il peut osciller autour de cet axe.
L’ouverture du coussinet qui reçoit le bout du toc, est évasée dans le sens du rayon de la roue, de façon à permettre les légères trépidations de l’essieu dans cette direction ; par l’intermédiaire du toc, la roue porte-chaînes conduit parfaitement le rouleau, quelle qu’en soit la position.
L’appareil de direction du compresseur à vapeur est placé du côté gauche de la machine. Un volant a, muni d’une poignée, commande un arbre vertical b, qui, par transmission d’angle, commande à son tour un arbre horizontal d, e, fileté, en sens inverse, des deux côtés. La vis de direction rapproche ou écarte deux écrous rattachés aux bouts libres des essieux par des tirants, suivant que l’on veut faire tourner le véhicule dans un sens ou dans l’autre.
Chaque machine doit être conduite par deux hommes, un machiniste et un pilote. Pour graisser, il faut suspendre la marche, ces deux ouvriers étant indispensables pour assurer la direction. En leur adjoignant un chauffeur, le graissage peut se faire presque entièrement en marche, et il en résulte une économie sérieuse.
Les compresseurs à vapeur sont établis d’après trois types pesant respectivement 30 tonnes, 25 à 27 tonnes et 18 tonnes. Ces trois types ont été jusqu’ici employés par la ville de Paris.
Le compresseur dont nous donnons les vues perspectives et les coupes est du deuxième type. Voici ses dimensions principales :
Surface de chauffe totale |
26m,40 |
Diamètre des cylindres |
0m,230 |
Course des pistons |
0m,360 |
Diamètre des rouleaux |
1m,450 |
Longueur des rouleaux |
1m,625 |
Poids à vide |
22 à 24 t. |
Poids moyen en charge |
25 à 27 t. |
Vitesse moyenne de marche sur chaussée à cylindrer |
4 kil. |
Le cylindrage des chaussées effectué par le compresseur à vapeur, donne à la surface de la chaussée une forme parfaite, en même temps qu’il lui assure une longue durée.
Ce résultat est l’effet combiné d’un poids et d’une vitesse considérable. Sur les chaussées liaisonnées par le rouleau à chevaux, autrefois en usage, l’empierrement n’est solidifié que sur une croûte de très mince épaisseur, et presque toujours par l’emploi de matières d’agrégation en excès. Il suffit alors de quelques charrois pesants pour y creuser des ornières, qui désagrègent la chaussée et la détruisent rapidement.
Au point de vue de la rapidité du travail, la vitesse ordinaire des compresseurs est de trois et demi à quatre kilomètres par heure, en cours de cylindrage, et de quatre à six kilomètres par heure, sur une chaussée en bon état d’entretien.
Les rouleaux mus par les chevaux parcourent au plus 2 200 mètres par heure, lorsqu’ils effectuent un long trajet ; mais si leur parcours est peu étendu, leur vitesse réduite — temps d’arrêt pour le retournement compris — n’est que de 1 631 mètres par heure. Cette vitesse moyenne résulte d’observations nombreuses.
Les vitesses moyennes des deux engins comparés sont donc entre elles comme neuf et quatre. Cette supériorité de vitesse, combinée avec le poids des compresseurs à vapeur, lequel est double, triple ou quadruple de celui des rouleaux à chevaux, permet d’exécuter rapidement, — c’est-à-dire en une séance de six à huit heures, au plus, — des travaux de cylindrage qui exigeraient trente-six à quarante heures par l’ancien procédé.
Un rouleau compresseur à vapeur de 27 tonnes, peut, dans une journée de 10 heures, cylindrer 400 mètres de longueur, sur une route de 5 mètres de largeur, empierrée avec une épaisseur de 0m,10 à 0m,15, soit 2 000 mètres de surface.
Cette rapidité de travail a pour conséquence nécessaire une grande économie, mais cet avantage n’est pas le seul. On a constaté, dans Paris, que les chaussées liaisonnées par les compresseurs à vapeur ne nécessitent pas un renouvellement de l’empierrement aussi fréquent que lorsqu’elles étaient consolidées par les rouleaux à chevaux. Telle chaussée qui, par l’ancien mode, devait être rechargée tous les six mois, dure au moins un an, et quelquefois dix-huit mois, sans réparation, lorsqu’elle a été cylindrée, dans de bonnes conditions, par les compresseurs à vapeur. Cette longue durée s’explique par la plus grande homogénéité de la couche solidifiée, et par l’emploi d’une moindre quantité de matières d’agrégation.
CHAPITRE IV
Nous avons exposé, dans les Merveilles de la Science, les diverses tentatives faites jusqu’en 1870 pour appliquer les locomobiles à la traction sur les routes ; en d’autres termes, nous avons décrit les voitures à vapeur, ou machines routières. On comprend qu’on ait eu l’idée de modifier la locomobile de façon à lui permettre de remorquer, sur les routes ordinaires, des convois de voyageurs ou de marchandises, en évitant ainsi les frais considérables occasionnés par l’installation d’une voie ferrée. On espérait arriver à construire une machine automobile, comme la locomotive ordinaire, présentant assez d’adhérence et de puissance pour circuler sur les pentes moyennes, pouvant s’arrêter et se remettre en marche avec rapidité et facilité, en réalisant une économie sensible sur les moteurs animés.
Outre la machine routière de M. Lotz, de Nantes, dont nous avons parlé dans la Notice sur les Locomobiles, des Merveilles de la Science [6], deux autres machines routières figuraient à l’Exposition universelle de 1867.
La voiture à vapeur construite par M. Albaret, de Liancourt (Aisne) rappelait, par son aspect, une locomotive qui serait portée sur deux roues. Le foyer contenu dans un cylindre vertical servait à chauffer une chaudière tubulaire horizontale, en tôle d’acier. Les cylindres moteurs sont placés sur la chaudière, entre les roues de devant et celles de derrière. Une chaîne sert à transmettre à l’essieu moteur des roues l’action de la vapeur. Les deux roues motrices, qui ont 1m,40 de diamètre, peuvent être rendues, à volonté, fixes ou articulées, alternativement ou simultanément. Le combustible est placé à l’arrière, dans une caisse établie au-dessus des grandes roues ; enfin, le réservoir d’eau est disposé autour de la chaudière.
La force de la machine à vapeur est de 10 chevaux ; la surface de chauffe de la chaudière est de quinze mètres carrés, le poids de la machine en charge, de 10 800 kilogrammes.
Cette machine fut employée, pendant deux ans, dans les départements du Jura et du Nord, et l’on put constater qu’elle traînait, en moyenne, malgré des rampes de 5 à 6 centimètres par mètre, 12 000 kilogrammes environ, à la vitesse maxima de 4 à 6 kilomètres, pour une consommation de 3 kilogrammes par heure et par force de cheval. D’après un calcul approximatif, cette voiture à vapeur pourrait traîner, sur une route de niveau, un poids allant juqu’à 20 tonnes.
Une voiture à vapeur, qui se rapproche beaucoup de la précédente, par la disposition de la chaudière et des cylindres, est celle qui fut construite par M. Larmanjat. Elle n’a qu’une seule roue directrice, sans avant-train. Le constructeur avait eu l’idée de la pourvoir de deux roues auxiliaires, d’un diamètre beaucoup plus petit que celui des roues motrices. Par un mécanisme très simple, les roues pouvaient se substituer l’une à l’autre, suivant les besoins ou les difficultés du terrain ; celle qui n’était pas utile était soulevée, et demeurait fixe au-dessus du sol.
Le trajet d’Auxerre à Avallon et retour, représentant 108 kilomètres, fut effectué, avec cette voiture à vapeur, traînant une lourde diligence chargée de quinze personnes, à une vitesse de 14 kilomètres à l’heure, en moyenne.
En 1869, une machine routière construite par MM. Rientzy et Garnier, fit, pendant quelque temps, le service entre Paris et Champigny. Elle traînait, avec une vitesse triple de celle des omnibus ordinaires, deux voitures, contenant chacune vingt-huit voyageurs.
L’entreprise des voitures à vapeur de Paris à Champigny n’a pas eu de suite ; cela n’a pas empêché beaucoup de constructeurs de s’appliquer à perfectionner la machine routière à vapeur.
La voiture à vapeur construite par M. de Cambiaire, en 1881, était si légère que deux personnes la soulevaient aisément. Elle pouvait, toutefois, traîner six personnes, à travers rampes et contours, avec une docilité de marche qui permettrait de la confier à la main la plus novice.
L’appareil de M. de Cambiaire est un chariot à siège transversal, porté sur quatre roues légères, d’environ 30 centimètres de rayon ; il est assez bas pour qu’on y monte sans marchepied. Chacune des deux roues de l’avant-train pivote, sans changer de place, avec la fourchette verticale qui la supporte ; et au moyen d’une traverse horizontale, qui sert de gouvernail, ce double mouvement est rendu concordant et simultané.
Quant aux deux autres roues, c’est sur leur essieu que s’exerce la force motrice, au moyen de deux chaînes qui le rendent alternativement solidaire d’un second arbre parallèle, situé plus en avant. Les cylindres moteurs, couchés horizontalement et côte à côte, à la partie antérieure du mécanisme, sont de très faibles dimensions. La course des pistons étant très réduite, leur mouvement est assez précipité pour suffire à la vitesse que la voiture peut recevoir.
Le mécanisme est protégé contre la poussière et les chocs, par les planches placées sous les pieds des voyageurs. Les roues sont enveloppées de bandes de caoutchouc.
Le générateur de vapeur est la pièce originale de la voiture de M. de Cambiaire. Qu’on se figure un épais cylindre, de cuivre rouge, d’un diamètre d’environ 20 centimètres, dressé à l’avant : c’est le réservoir de la chaudière. Il est surmonté du dôme de vapeur, coulé aussi en cuivre et d’un diamètre égal. Au-dessous, une boîte de tôle, un peu conique, la base tournée en bas, est supportée par le châssis. Sur la surface intérieure de cette boîte rampent, en hélice, plusieurs tubes de cuivre, en communication avec le réservoir. Ce serpentin, ou plutôt ces serpentins accouplés, reçoivent le coup de feu sur une surface de chauffe d’environ un mètre carré de développement, mais sous un si petit volume apparent, qu’on est étonné de la quantité de travail fournie par ce récipient. Enfin, comme base de cette espèce de colonne, la caisse du foyer est supportée au-dessous des tubes de vaporisation ; elle s’emboîte dans leur enveloppe de tôle. Quand on veut éteindre ou amortir, on peut la descendre, puis la détourner sur la droite au moyen d’une manivelle.
La voiture emporte avec elle sa provision d’eau et de coke.
La sécurité est assurée par divers accessoires, qui permettent de manier sans aucun danger le récipient de vapeur dans lequel se produit une assez forte pression, et par la petite quantité d’eau chaude qu’il contient, et qui ne dépasse jamais un volume de deux à trois litres.
L’inventeur, afin de donner quelque élégance à ce véhicule, avait sacrifié, en quelque sorte, la cheminée, qu’il détournait sous la voiture, pour la rendre invisible, ce qui, en route, ne peut nuire au tirage.
La voiture à vapeur qui a marché, en 1884, sur l’avenue de la Grande-Armée, à Paris, était de MM. A. de Dion, G. Bouton et C. Trépardoux.
Le châssis de la voiture porte le générateur à vapeur et les cylindres. Ce châssis réunit deux trains, au moyen de ressorts appliqués par derrière et par devant. À l’arrière sont deux roues directrices, garnies de caoutchouc, ainsi que les deux roues du devant. Une manivelle se trouve sur chaque essieu de l’arrière ; elle est reliée, au moyen d’une bielle d’accouplement, laquelle est mue par le levier directeur qui se trouve à la droite du conducteur. Deux freins de Prony produisent l’arrêt ou le ralentissement. Ces freins sont accouplés à un levier de manœuvre, à la gauche du conducteur, qui exerce son action sur les deux grandes roues du devant.
Il y a deux moteurs à vapeur indépendants ; leurs cylindres ont 7 centimètres de diamètre et la course des pistons est de 10 centimètres, 960 coups de piston à la minute correspondent à 450 tours de roues ou 40 kilomètres à l’heure. La vapeur s’échappe autour du foyer, en se surchauffant, pour sortir par la cheminée. C’est dans le réservoir d’eau que se fait l’échappement de l’alimentateur ; le liquide arrive ainsi dans la chaudière presque à l’ébullition.
Le générateur de vapeur est nouveau ; un manchon, avec deux enveloppes, porte tout ce qui est nécessaire à une chaudière.
Un tube cylindrique est réuni au manchon extérieur, par un grand nombre de tubes inclinés. L’eau est ainsi maintenue entre les deux enveloppes cylindriques, dans les tubes et dans le cylindre vertical, C’est autour du faisceau des tubes que les flammes circulent ; 1 kilogramme de coke suffit pour vaporiser 9 kilogrammes d’eau.
La chaudière est pourvue d’un alimentateur à niveau constant et automoteur. Cette partie se compose d’une pompe à double effet, ayant un moteur qui prend sa vapeur sur la chaudière, à la hauteur du niveau d’eau.
Cette voiture fonctionnant sans apparence de sortie de la vapeur fait très peu de bruit ; elle peut tourner sur une circonférence de 2m,50 de rayon.
M. Trépardoux, à Paris, a construit quelques voitures à vapeur de ce modèle.
La voiture à vapeur, à système compound, construite par MM. Foden, à Londres, est une locomotive routière, se prêtant à la commande d’appareils installés à demeure.
Cette machine a une puissance nominale de 8 chevaux.
Comme on le voit sur la figure 299, les roues motrices ont un diamètre considérable : elles mesurent 2m,08 de diamètre, et leur jante a une grande largeur (0m,38) pour donner à la machine une assise convenable sur un sol peu consistant. Afin d’éviter que les roues patinent sur les terrains secs et durs et sur les pentes, on les a garnies de chevrons, qui, en pénétrant légèrement dans la chaussée, viennent augmenter l’adhérence de la machine.
On a cherché, comme les circonstances l’imposent, du reste, à mettre les organes de commande à l’abri de la poussière et des trépidations engendrées par les inégalités du sol. Dans ce but, le châssis portant la chaudière et le mécanisme est suspendu sur des ressorts à spirale, disposés de telle sorte que leur flexion ne modifie pas la position relative des axes de transmission.
Les deux arbres A et B (fig. 300), susceptibles de trépidations, dont l’un est l’essieu moteur et l’autre le troisième arbre de mouvement, sont reliés par deux cadres, O, en acier fondu, qui embrassent, de chaque côté de la machine, les boîtes à coulisse des coussinets. Ces cadres sont traversés à la partie supérieure par une petite tige c surmontée d’un plateau en contact avec le ressort de suspension logé dans le cylindre F. On peut régler l’amplitude des oscillations de chacun des ressorts, au moyen de vis à écrou et contre-écrou, placées sous les coussinets.
Grâce à cette disposition, la machine reste suspendue sur ses ressorts, tout en maintenant une distance invariable entre les axes principaux de la commande motrice. Pour une installation fixe où il est inutile de conserver la suspension élastique, on donne à cette dernière la rigidité nécessaire à l’aide des vis se trouvant à la partie supérieure des boîtes à ressort.
Comme on le voit, les portées des arbres A et B consistent en des rotules D, qui permettent le passage de la locomobile sur des accidents de terrain, sans produire le coïncement des ressorts de suspension.
Les tiroirs sont placés sur les côtés et à l’extérieur des cylindres, pour être d’un accès facile, et la détente est obtenue au moyen d’un dispositif sensiblement analogue à la distribution Farcot.
Sur le dos du tiroir principal traversé de part en part par les ouvertures d’admission, se trouve un tiroir de détente qui, dans la position moyenne, laisse ces orifices ouverts et dont le mouvement est provoqué par son frottement sur le premier. Un régulateur modifie automatiquement le degré de détente de la vapeur.
Voici des données intéressantes sur la machine Compound routière qui fut envoyée en 1887 au concours de Newcastle par MM. Foden :
Diamètre du corps de chaudière, 0m,76 ;
Longueur de la boîte à feu, 0m,53 ;
Largeur de la boîte à feu, 0m,61 ;
Hauteur de la boîte à feu au-dessus de
la grille, 0m,66 ;
Surface normale de la grille, 0m²,33 ;
Surface de grille effective, 0m²,28 ;
Nombre de tubes, 76 ;
Diamètre extérieur des tubes, 40 millimètres ;
Longueur des tubes, 1m,67 ;
Surface de chauffe de la boîte à feu, 1m², 76 ;
Surface de chauffe des tubes, 16m², 45 ;
Surface de chauffe totale, 18m², 66 ;
Surface de chauffe par cheval indiqué au frein, 1m², 035 ;
Surface de chauffe par décimètre carré de grille, 56dc,15 ;
Section totale des tubes, 8dc,63 ;
Rapport de la section des tubes à la surface de grille, 0,26 ;
Pression de la chaudière, 17k,57 ;
Diamètres des cylindres, 121 et 242 millimètres ;
Course des pistons, 254 ;
Nombre de tours, 156 ;
Puissance indiquée au frein 18 chevaux ;
Eau consommée par cheval indiqué et par heure, 7k,87 ;
Eau vaporisée par kilog. de charbon, 9k,06 ;
Consommation de charbon par cheval indiqué et par heure, 0k,85.
Ces résultats sont favorables, comparativement à ceux que fournissent les machines similaires, dans lesquelles il y a 5 ou 6 tonnes de plus de métal à entretenir à une haute température. Ils sont dus, en partie, à la pression très élevée à laquelle fonctionne la chaudière. Celle-ci est du type de locomotive, et construite, ainsi que ses tubes, entièrement en acier ; puis essayée à 56 atmosphères. Ce métal est, du reste, employé pour tous les organes de fatigue du moteur ; l’arbre coudé est à plateaux équilibrés et d’une seule pièce avec ses excentriques.
Nous donnons enfin (fig. 301) la vue d’une locomotive routière construite par MM. Ruston et Proctor, de Lincoln (Angleterre ) qui a pu faire un service de voyageurs dans d’assez bonnes conditions, sur une route bien entretenue.
Nous venons de passer en revue les principaux types des voitures à vapeur construits dans ces dernières années. Hâtons-nous de dire que ces tentatives ne paraissent pas, du moins jusqu’à ce jour, avoir réalisé les espérances qu’elles avaient fait naître, ni avoir obtenu un bien grand succès pratique, malgré les avantages économiques qu’elles peuvent présenter dans certains cas particuliers.
Fait assez singulier, c’est pour le service des transports militaires que les locomobiles routières sont entrées dans la pratique. Dans ces circonstances, en effet, la question d’économie est secondaire. Au moment d’une mobilisation générale, il peut se faire qu’on ne trouve pas assez de chevaux pour transporter tout le matériel de guerre sur le théâtre des opérations stratégiques. Les locomotives routières sont susceptibles, dans ce cas, de rendre de grands services, surtout dans les pays munis de bonnes routes.
C’est pour cela, c’est-à-dire en vue d’une mobilisation, que la plupart des gouvernements, dans ces dernières années, ont préparé des approvisionnements de machines à vapeur routières. L’Angleterre en a mis en dépôt dans tous les ports de guerre, et elle en possède aussi un certain nombre dans les villes de l’Inde. La Russie et l’Italie en ont également plusieurs en réserve.
En France, des expériences furent faites, en avril 1876, sur une machine à vapeur construite par MM. Aveling et Porter, de la force de 8 chevaux-vapeur. Cette machine remorqua, du fort de Montrouge à celui de Chatillon, avec une vitesse de 6 à 8 kilomètres à l’heure, quatre pièces de canon de seize, de marine, représentant un poids total de 22 tonnes.
À la suite de cette expérience favorable, on a mis en service, dans quelques établissements d’artillerie, un certain nombre de locomotives routières, dont quelques-unes ont été achetées aux maisons anglaises Aveling et Porter, mais dont le plus grand nombre a été construit à Paris, par l’usine Cail.
En temps de paix, ces machines sont journellement utilisées dans nos places fortes, pour le transport des lourds fardeaux, et elles ont été d’un grand secours pour l’armement des forts de Paris. En temps de guerre, on les utiliserait, soit à la suite des armées, pour le transport des approvisionnements de deuxième ligne, soit dans les parcs de siège, ou dans les places fortifiées.
Les divers organes de ces machines sont disposés de manière à souffrir le moins possible des trépidations occasionnées par les inégalités du sol, et à être à l’abri de la poussière du chemin, qui est toujours nuisible au bon fonctionnement de tels appareils. Tous ces organes sont assez simples pour pouvoir être réparés aisément par un ouvrier qui n’est pas mécanicien de sa profession.
Dans certains modèles, tels que la machine de Cail, afin de donner plus de douceur au roulement, le châssis portant la chaudière et les organes moteurs est suspendu sur des ressorts ; ce qui a, toutefois, le grave inconvénient de faire varier la position relative de certains organes de transmission du mouvement.
L’arbre transmet le mouvement aux roues motrices, par l’intermédiaire d’un système d’engrenage différentiel ; ce qui permet aux roues de prendre, dans les courbes, des vitesses différentes, sans glisser, et par suite, sans cesser d’être roues motrices.
Ce mouvement différentiel qui complique un peu le mécanisme n’existe pas sur toutes les machines. Les roues sont alors calées sur l’essieu, mais dans les changements de direction, on est naturellement forcé de décaler l’une d’elles.
L’arrêté ministériel du 20 avril 1886, relatif à la circulation des machines routières, prescrivant l’emploi exclusif de bandages sans saillies, les roues motrices des locomotives Cail sont garnies de cubes de bois jointifs, qui leur donnent une adhérence suffisante, tout en fournissant une surface plane de roulement.
Dans les locomotives routières, construites spécialement en vue des opérations de la guerre, le foyer est disposé de façon à permettre, dans le cas où l’on ne pourrait se procurer du charbon de terre, d’utiliser du bois ou tout autre combustible.
CHAPITRE V
À l’exception de l’emploi tout spécial que nous venons de mentionner, les voitures à vapeur n’ont pas, jusqu’à ce jour, rendu de bien grands services. Elles peuvent cependant, pour l’usage agricole, cumuler avec profit leur fonction de moteur proprement dit, avec celle d’agent de traction.
En effet, soit que la locomobile ait à fournir la puissance, dans une exploitation rurale de très grande étendue, soit qu’elle appartienne à un entrepreneur qui les loue aux petits propriétaires, dans l’un et l’autre cas, il faut, non seulement la transporter de place en place, souvent à d’assez grandes distances, mais encore déplacer avec elle les engins qu’elle doit mettre en mouvement, et qui peuvent être souvent lourds et encombrants, tels que batteuses, élévateurs de paille, etc.
De là l’idée d’aménager la locomobile de manière à lui permettre, une fois le travail terminé en un lieu, de se transformer en machine routière, et de remorquer derrière elle la batteuse, l’élévateur et autres engins, montés eux-mêmes sur des roues.
Nous donnons (fig. 303 et 304) deux vues représentant le double service d’une pareille machine. Dans la première, la locomobile met en mouvement la batteuse et l’élévateur qui place la paille en meule, au sortir de la batteuse. Dans la seconde, la même machine remorque, sur une route, la batteuse et son élévateur de paille, pour aller fonctionner ailleurs.
Ce sont surtout les constructeurs anglais qui se sont engagés dans cette dernière voie. Ils fabriquent des machines locomobiles routières de types différents, mais qui peuvent toutes remplir le but que nous venons d’indiquer.
On est même allé jusqu’à munir l’avant de la locomobile d’une flèche amovible et démontable. La locomobile devient alors une véritable grue à vapeur, et elle peut servir à l’enlèvement des fardeaux.
En multipliant ainsi le nombre des usages auxquels peut être appliquée la locomobile rurale, et en lui assurant de ne jamais rester inactive, on a pu réellement vulgariser son emploi, et en faire un véritable moteur applicable à toute fin.
Nous donnons (fig. 305) la vue perspective d’une machine à vapeur routière, construite par MM. Ransomes, Sims et Jefferies, de Londres, qui peut servir à faire travailler les batteuses, pour la culture à vapeur, pour les scieries, les pompes, etc., et qui peut également servir pour le transport des produits agricoles.
Le cylindre est à enveloppe et à circulation de vapeur. L’essieu principal porte un tambour, qui permet, au moyen d’un câble métallique, d’appliquer toute la force de la machine à la batteuse, pour la tirer d’un endroit difficile. Sur les routes ordinaires, de telles machines remorquent des charges de 8 à 15 tonnes, avec une vitesse de 2 kilomètres 1/2 à 5 kilomètres à l’heure.
La figure ci-dessus représente une autre machine routière affectée à ce double emploi. Construite par MM. Appleby frères, de Londres, elle peut fonctionner comme locomobile routière et comme locomobile rurale.
En résumé, nos constructeurs français fabriquent des moteurs destinés à remorquer des voitures ou des chars sur des routes bien entretenues, et se rapprochant plus ou moins, par leur forme, des locomotives de nos chemins de fer. Les constructeurs anglais fabriquent des appareils plus rustiques, se rapprochant du type des locomobiles rurales. Les roues sont fortes, larges et à bordure striée ; le mécanisme à vapeur est peu différent de celui des locomobiles des campagnes. Les voitures à vapeur françaises sont suspendues sur des ressorts, tandis que, dans le type anglais, moins délicat, il n’existe aucun intermédiaire élastique pour supporter le poids de la voiture.
Les constructeurs anglais et français sont encore partagés sur la manière d’imprimer la direction au véhicule, c’est-à-dire pour obliquer ou tourner. Faut-il appliquer l’action de la vapeur aux roues de derrière ou à celles de devant ? On a adopté successivement les deux systèmes ; mais on place de préférence la roue motrice à l’arrière. Faut-il, pour obtenir la direction, placer à l’avant-train une petite roue, qui, manœuvrée par un conducteur, comme une sorte de gouvernail, produise la direction du mouvement dans un sens déterminé ? C’est ce que font la plupart des constructeurs ; mais l’utilité de cette disposition est contestée.
Un autre point sur lequel les opinions diffèrent beaucoup, c’est le mode de transmission du mouvement. Les constructeurs anglais ont adopté la chaîne, pour lier l’arbre moteur de la machine à vapeur à l’essieu porteur des roues. Ils donnent encore la préférence aux engrenages. MM. Clayton et Ransomes emploient des engrenages doubles, et triples, pour passer, de 60 à 100 tours par minute de l’arbre moteur, aux 12 et 25 tours de la roue, et ils n’ont jamais eu à se plaindre de la rupture des dents d’engrenage. Mais nos constructeurs demeurent fidèles à la chaîne de Vaucanson, comme agent de transmission.
Dans les appareils anglais et français, la distribution de la vapeur se fait toujours au moyen de l’organe mécanique qui est en usage dans les locomotives, et qui porte le nom de coulisse de Stéphenson, manœuvrée par un long levier, aboutissant à un excentrique coudé, ce qui permet de changer rapidement l’introduction de la vapeur, et par conséquent, le sens du mouvement de la voiture.
La surface de chauffe des chaudières des voitures à vapeur est, en général, de 1 mètre 20 centimètres carrés à 1 mètre 30 centimètres carrés, par force de cheval.
Le frein employé chez les constructeurs anglais et français est toujours le frein ordinaire, à sabot.
Sur les appareils anglais, le mécanisme étant presque tout entier exposé à l’extérieur, sa visite et son entretien sont faciles, avantage que ne présentent pas au même degré les appareils construits en France, sauf celui de M. Lotz, de Nantes.
Quel poids peut entraîner, à une vitesse déterminée, une voiture à vapeur ? Peut-on remorquer ainsi des fardeaux d’un tonnage considérable ? C’est là la question fondamentale ; car si tout devait se réduire à la possibilité de traîner quelques voitures sur les routes ordinaires, c’est-à-dire de remplacer les chevaux d’une diligence ou ceux d’un omnibus, sans pouvoir suffire à de puissants services de roulage, les chemins de fer n’auraient guère à s’inquiéter d’une telle concurrence. Mais sur ce point essentiel les données précises, expérimentales, font entièrement défaut ; il faut s’en tenir à quelques renseignements, qui sont insuffisants pour établir un calcul digne de confiance. L’état de la route, l’époque de la saison, l’habileté du mécanicien, sont autant de conditions dont il faut tenir compte, et qui ont empêché jusqu’ici d’arriver à une évaluation rigoureuse du nombre de tonnes de marchandises que pourra traîner une voiture à vapeur, par chaque unité de force de cheval.
Dans un article sur les locomobiles routières, publié dans le Journal pratique d’agriculture, par M. Doublet, nous trouvons cependant quelques chiffres qui représentent la puissance des voitures à vapeur par force de cheval, la consommation de charbon et le prix de ces machines :
« Poids total en charge par force de cheval, dit l’auteur : machines anglaises, 960 kilog. ; machines françaises, 650 kilog.
Consommation de charbon par cheval et par heure : 2 kilog. 50 à 5 kilog.
Charge traînée par cheval-vapeur : machines anglaises, 2 à 3 tonnes ; machines françaises, 1 200 à 1 500 kilog.
Prix d’achat par force de cheval décroissant à mesure que sa puissance augmente : machines anglaises, 1 100 à 800 francs ; machines françaises, 2 000 à 1 000 francs.
« Il ne faut pas cependant, ajoute M. Doublet, attacher à ces chiffres une importance trop absolue : ils ne peuvent être donnés qu’à titre d’indications générales. Les éléments de comparaison manquent encore pour établir, au sujet des machines routières, des points de départ certains et hors de discussion. »
Ainsi, tout, dans cette question, est encore hésitation et tâtonnements. Ce n’est pas une raison pour en détourner nos regards ; c’est, au contraire, un motif pour que l’homme de progrès l’examine avec intérêt et curiosité. Si notre esprit ressent une vive satisfaction lorsqu’il contemple un système, un appareil mécanique, dûment achevé et perfectionné, qui semble avoir atteint les dernières limites de l’art, il ne doit pas éprouver un moindre attrait à considérer, à leur naissance, les inventions qui attendent leurs progrès du travail et du temps.
Le calcul indique, en résumé, que la traction par la vapeur, sur les routes ordinaires, en prenant pour base la voiture à vapeur de M. Lotz, varierait de 14 à 64 centimes par tonne et par kilomètre, tandis qu’avec la traction par des chevaux, la dépense serait de 45 centimes à 1 franc 15 centimes. L’économie en faveur de la voiture à vapeur, comparée au roulage, est donc sensible.
Tous ces chiffres sont assurément incertains, et aucune évaluation précise ne saurait être encore présentée, quant au prix de revient de la traction sur les routes par l’action de la vapeur. Mais ce qui est établi, c’est la possibilité de faire marcher des voitures de ce genre, en toute sécurité, sur les chemins ordinaires. On a vu circuler à Paris, à Marseille, à Nantes, etc., des locomobiles routières. Presque jamais le passage de ces véhicules anormaux n’a amené les embarras que l’on redoutait. C’est avec surprise que l’on a reconnu que les chevaux qui parcourent la même route ne s’effrayent que très rarement, à la vue de ces nouveaux véhicules de fer et de feu. Aussi, un arrêté ministériel a-t-il autorisé la circulation des voitures à vapeur sur les routes ordinaires, en fixant les conditions administratives auxquelles doit satisfaire tout entrepreneur qui voudra établir un service de transport public avec un appareil de ce genre.
Mais s’il est bien prouvé maintenant que l’on peut remorquer de lourds chargements sur les routes ordinaires, au moyen d’une machine locomobile à vapeur, il faut reconnaître, comme nous le disions tout à l’heure, que la question est encore très mal résolue, tant pour la théorie générale que pour la pratique. Tout reste à faire pour constituer la théorie scientifique de ce nouveau moteur, et pour fournir des données sérieuses sur sa valeur pratique.