Les Merveilles de la science/Machine à vapeur - Supplément
Dans la Notice sur la Machine à vapeur, qui forme le début des Merveilles de la science, nous avons étudié, sous le rapport historique et technique, cette machine admirable qui transforma, au siècle dernier, toute l’industrie des nations de l’Europe, et qui a été, dans notre siècle, l’agent le plus puissant du progrès économique et social dans les deux mondes.
Dans la partie historique de cette Notice, nous avons raconté les débuts, la création définitive et les perfectionnements de la machine à vapeur, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Nous avons exposé, à cette occasion, les travaux de Denis Papin, de Newcomen, de Savery, de James Watt, d’Olivier Evans, de Marc Seguin, de Georges Stephenson, etc.
Dans la partie technique, nous avons décrit les deux types de machines à vapeur anciennement admis, c’est-à-dire les machines à haute pression et à basse pression, et expliqué le jeu des organes divers qui composent l’ensemble de ces puissants appareils.
Nos descriptions se sont arrêtées à l’année 1870, époque de la publication des derniers volumes de cet ouvrage. Dans le supplément à cette Notice, nous avons à faire connaître les progrès qu’a faits, depuis l’année 1870 jusqu’à ce jour, l’emploi de la vapeur dans les machines fixes.
Et ces progrès, disons-le tout de suite, sont considérables.
Alors que les machines à vapeur employées dans les manufactures et les usines, vers 1870, brûlaient environ 4 kilogrammes de charbon, pour produire, pendant une heure, la force d’un cheval-vapeur, les machines actuelles ne consomment que 750 grammes de charbon, pour produire le même travail, pendant le même temps.
Cette économie énorme dans la production de la vapeur explique, en partie, la révolution qui s’est faite, depuis 1870, dans les conditions et les résultats du travail industriel de tous les peuples producteurs, en Europe et en Amérique. Les prodigieux développements qu’a pris la fabrication manufacturière, l’excès notable et constant de la production sur la consommation, ont amené les États de l’Europe à chercher une expansion coloniale, pour créer un débouché nouveau aux innombrables produits de leurs manufactures.
La généralisation de l’emploi des machines et des machines-outils dans les ateliers, grands et petits, pour la fabrication des objets de toute sorte, — la disproportion permanente entre la vente et la production, — l’élévation des salaires, résultant de l’augmentation du prix de toutes choses, — les crises ouvrières qui en résultent, et qui éclatent en tous pays, — toutes ces victoires du travail, mêlées de déceptions sociales, tous ces triomphes de la science et de l’art, semés de craintes pour l’avenir, peuvent être attribués aux progrès réalisés par la machine à vapeur, depuis l’année 1870 jusqu’à l’heure actuelle.
Comment nos ingénieurs et nos constructeurs sont-ils parvenus à ce résultat extraordinaire, de produire, avec 750 grammes de houille, le même travail qu’on obtenait autrefois avec 4 kilogrammes du même combustible, dans les machines à vapeur ? C’est ce que nous allons étudier avec le lecteur.
Il est un principe, de démonstration récente, et qui peut être comparé, sous le rapport de son importance et de sa portée, aux plus grandes découvertes que l’histoire des sciences ait jamais enregistrées : nous voulons parler du principe de la conservation de l’énergie, mis en lumière par les travaux des Mayer, des Joule, des Hirn, etc., etc.
En vertu de ce principe, la lumière, l’électricité, la chaleur, la force, ne sont que des manifestations différentes de l’énergie. Si l’on considère plus particulièrement la chaleur et la force, on démontre facilement aujourd’hui qu’il y a équivalence entre la chaleur absorbée dans une machine à vapeur ou une machine thermique en général, et le travail mécanique produit par cette machine. En d’autres termes, une calorie donne toujours naissance à un travail mécanique égal à 425 kilogrammètres, et réciproquement, ce travail de 425 kilogrammètres peut régénérer une quantité de chaleur égale à une calorie.
L’idéal de la machine thermique, c’est-à-dire de la machine qui emprunte son effet à la chaleur seule, serait celle qui permettrait de recueillir ce travail de 425 kilogrammètres pour une calorie produite dans le foyer de la chaudière. Pouvons-nous espérer ce merveilleux résultat ? Hélas ! non, il s’en faut de beaucoup ; car nos machines à vapeur les plus perfectionnées ne peuvent utiliser plus de la sixième partie de la chaleur développée par la combustion du charbon dans le foyer.
Il ne faut pas, cependant, désespérer des ressources de la science et de l’art ; car nous venons de voir quelle économie énorme de charbon on fait actuellement dans les machines mues par la vapeur.
Examinons par quels moyens on est arrivé à se rapprocher du type idéal dont nous parlions tout à l’heure.
Pour avoir une machine à vapeur industriellement parfaite, il faut satisfaire à deux conditions :
1o Produire la plus grande quantité de vapeur possible avec un poids de charbon brûlé ;
2o Utiliser cette vapeur en lui faisant rendre tout le travail mécanique qu’elle peut donner.
Il faut, pour cela, posséder, d’une part, un moyen aussi avantageux que possible, de produire la vapeur, c’est-à-dire une chaudière irréprochable ; d’autre part, un mécanisme moteur parfait. Ce qui nous conduit à étudier successivement : 1o la chaudière à vapeur, 2o la machine motrice.CHAPITRE PREMIER
Pendant très longtemps, on a employé uniquement, pour produire la vapeur destinée à actionner les machines motrices à vapeur, les chaudières à bouilleurs, que nous avons décrites dans les Merveilles de la science[1], avec tous leurs accessoires : soupape de sûreté, manomètre, sifflet d’alarme, indicateur du niveau d’eau, flotteur, etc.
Ces chaudières donnaient un assez bon rendement : environ 70 pour 100 de la chaleur dégagée par le combustible étaient utilisés. Mais, outre leur inconvénient d’être très encombrantes, et d’exiger de très gros massifs de maçonnerie, avec de solides fondations, elles présentaient l’énorme défaut de donner lieu à des explosions excessivement dangereuses.
Si une explosion vient à se produire, par défaut d’alimentation d’eau, ou par toute autre cause accidentelle, sa gravité doit être proportionnelle au volume de l’eau que contient la chaudière ; car au moment où l’accident se produit, toute cette masse d’eau surchauffée se transforme instantanément en vapeur, ce qui amène les désastres effroyables que l’on connaît.
Les conséquences des explosions de chaudières à vapeur sont telles qu’il suffit, pour les apprécier, de laisser la parole aux chiffres.
Un savant anglais, M. Edward Marten, ingénieur en chef de la Midland Company, pour l’inspection des chaudières à vapeur, cite, dans un ouvrage paru en 1866, 1 046 explosions de chaudières à vapeur qui ont tué, dit-il, « 4 076 personnes et en ont blessé 2 603 ».
Une deuxième statistique du même auteur, faisant suite à la précédente, et relative aux explosions survenues en Angleterre de 1866 à 1876, donne le résultat de 622 explosions de chaudières à bouilleurs, ayant tué 776 personnes, et en ayant blessé 1 303.
Nous n’avons pas sous les yeux de statistiques anglaises plus récentes. Nous relevons, toutefois, dans l’Enginneering du 21 mars 1880, le récit d’une explosion de chaudière aux forges de Walsall (Angleterre), qui tua sur le coup 25 ouvriers, et en blessa grièvement trente autres.
En France, d’après les statistiques publiées au Journal officiel, les explosions survenues de 1868 à 1880 sont au nombre de 269, ayant occasionné 319 tués et 378 blessés. En 1883, il y a eu 17 explosions, qui ont occasionné la mort de 40 personnes et en ont blessé 20.
C’est pour éviter ces tristes conséquences que l’on a été conduit à abandonner, dans un grand nombre d’usines, les chaudières à bouilleurs, et à reprendre l’idée des chaudières multitubulaires, dont un constructeur anglais, Perkins, avait doté l’industrie, vers 1820, et que Marc Seguin imita ou, pour parler plus exactement, renversa, lorsqu’il construisit cette admirable chaudière tubulaire qui amena toute une révolution dans l’industrie, en permettant la création de la locomotive.
Dans la chaudière Perkins, l’eau remplit les tubes, et le feu est à l’extérieur. Au contraire, dans la chaudière tubulaire que Marc Seguin appliqua aux locomotives, alors en voie de création, l’eau est à l’extérieur des tubes, et les tubes livrent passage au gaz et à la fumée du foyer. Ces deux systèmes sont donc le contre-pied, l’opposé l’un de l’autre ; ce qui n’empêche pas qu’ils ne soient excellents tous les deux, car ils reviennent, l’un et l’autre, à augmenter, dans des proportions considérables, la surface offerte à l’action du feu, et par conséquent, la quantité de vapeur produite par la chaudière, dans un temps donné. Le constructeur Perkins, qui, d’ailleurs, remarquons-le, avait été précédé, pour cette création, par le Français Charles Dallery, comme on peut le voir dans l’histoire que nous avons donnée des travaux de cet inventeur, dans notre Notice sur les Bateaux à vapeur[2], avait donc créé, vers 1820, la chaudière multitubulaire à circulation d’eau dans les tubes ; et Philippe de Girard, l’inventeur de la filature mécanique du lin, avait également construit, en 1818, des chaudières multitubulaires qu’il appliquait à faire mouvoir des bateaux à vapeur naviguant sur le Danube. Mais ce système était entièrement délaissé et oublié, lorsque les dangers de la chaudière à bouilleurs et son peu d’économie amenèrent nos constructeurs à reprendre, vers 1850, les chaudières du système Perkins.
L’une des premières en date et la plus remarquable des chaudières multitubulaires est celle de M. Belleville, constructeur de Paris. M. Belleville créa son premier modèle de chaudière à tubes en 1850, et depuis cette époque, il l’a perfectionné sans cesse, avec une persévérance peu commune. Il est ainsi arrivé à son générateur du type dit de 1877, qui est plein d’ingénieuses combinaisons. Nous donnons dans les figures 1 et 2 une vue d’ensemble de la chaudière inexplosible de cet inventeur.
C, Collecteur-épurateur de vapeur et d’eau d’alimentation. — D, Tuyau de retour d’eau de l’épurateur, C, au déjecteur, E. — E, Récipient déjecteur des dépôts calcaires. — F, Tube collecteur d’alimentation des éléments, G. — G, Éléments amovibles communiquant avec le collecteur d’alimentation, F, et l’épurateur de vapeur, C. — H, Sécheur de vapeur. — I, Registre-valve de la cheminée commandé par le régulateur automatique de combustion et de pression, J. — K, Grille en fer à barreaux ondulés. — S, soufflerie.
A, Robinet gradué d’alimentation. — B, Colonne de niveau d’eau, surmontée de l’automoteur d’alimentation, B′. — C, Collecteur-épurateur de vapeur et d’eau d’alimentation. — G, Éléments amovibles communiquant avec le collecteur d’alimentation, F, et l’épurateur de vapeur, C. — H, Sécheur de vapeur. — I, Registre-valve de la cheminée commandé par le régulateur automatique de combustion et de pression, J. — K, Grille en fer à barreaux ondulés.
Dans ces deux figures, où l’on suppose la chaudière partagée en deux, comme on partagerait une orange, le lecteur remarquera les organes suivants :
1o Un système de grille en fer, K, composé de barreaux ondulés et de barreaux droits intercalés. Cette disposition donne à l’ensemble de la grille une parfaite solidité, en ce que tous les barreaux se contre-butent les uns les autres en des points très rapprochés. Les espaces vides réservés entre eux pour le passage de l’air forment comme de petits triangles très allongés. L’air nécessaire à la combustion se trouve ainsi divisé en lames minces, réparties très également sur toute la surface de la grille. Cette dernière condition donne lieu à un refroidissement assez notable pour que le mâchefer n’y adhère jamais.
2o Une soufflerie, S, envoyant un courant de vapeur sur la grille, K, et qui a pour but de réaliser une meilleure combustion des gaz. En effet, quelque bien réglée que soit l’épaisseur du combustible, il y a toujours de l’oxyde de carbone produit. Il importe de brasser les gaz pendant qu’ils sont encore très chauds, afin que l’oxygène de l’air puisse réagir sur l’oxyde de carbone et le transformer en gaz acide carbonique. On évite ainsi une perte considérable de chaleur.
3o Le récepteur de chaleur, ou générateur de vapeur proprement dit, G. C’est dans ce récepteur que doit se faire la transmission de la chaleur des gaz de la combustion à l’eau contenue dans l’appareil.
Le récepteur de chaleur, G, se compose d’éléments générateurs, ainsi construits. Chaque élément est formé d’un certain nombre de tubes assemblés en spirale à l’aide de boîtes de raccordement. Chacun de ces éléments est amovible, indépendant des autres, et constitue, en quelque sorte, une unité distincte ; ce qui donne une très grande facilité pour le transport, le montage et les réparations.
4o Un conduit rectangulaire, F, pour l’alimentation d’eau, disposé transversalement au-dessus des portes du foyer, et qui, tout en servant de point d’appui à la partie antérieure des éléments générateurs de vapeur, communique avec chacun d’eux à l’aide d’un raccordement à joints.
5o Un collecteur-épurateur, C, de vapeur et d’eau d’alimentation, disposé transversalement au-dessus du générateur de vapeur, et à l’abri des effets de la température et de l’action corrosive des gaz provenant de la combustion. Cet organe communique avec la partie supérieure de chaque élément générateur à l’aide d’un raccordement à joint conique.
Le collecteur-épurateur précipite les dépôts calcaires par le réchauffement rapide de l’eau d’alimentation, et il sépare complètement la vapeur des vésicules d’eau et des corps étrangers qu’elle peut entraîner au sortir des éléments.
6o Un récipient déjecteur, E, des dépôts calcaires, qui communique avec le tuyau d’alimentation et le collecteur-épurateur, au moyen d’un tube, D. Ce déjecteur opère la séparation méthodique et la retenue des dépôts ou résidus quelconques d’une densité plus grande que celle de l’eau, et qui sont entraînés par l’eau se rendant de l’épurateur aux éléments générateurs. Ces dépôts, ou résidus, peuvent être extraits du déjecteur, pendant la marche, aussi souvent qu’on le juge utile, à l’aide du robinet placé à sa base.
7o Un sécheur de vapeur, H, disposé sous la couverture du générateur. Ce sécheur est composé d’une série de tubes formant une seule circulation, que parcourt la vapeur venant du collecteur-épurateur, et qui se sèche avant de se rendre dans la conduite générale de vapeur.
8o Un régulateur automatique d’alimentation et de niveau d’eau, B B′ (fig. 2) et dont nous donnons ci-contre (fig. 3 et 4), une élévation et une coupe.
Fig. 3. Chaudière Belleville. Régulateur-automatique d’alimentation d’eau (coupe). | Fig. 4. — Chaudière Belleville. Soupape du régulateur-automoteur d’alimentation d’eau (coupe). |
Ce dernier appareil procure une régularité parfaite d’alimentation et de hauteur de niveau d’eau dans les divers éléments d’un même générateur, quels que soient l’allure de marche et le volume d’eau à vaporiser.
À cet effet, un réservoir en fonte, A (fig. 3), est mis en communication, par sa partie inférieure, avec le collecteur d’alimentation d’eau, et par sa partie supérieure avec le collecteur de vapeur. En vertu du principe des vases communicants, le niveau de l’eau y est le même que dans la chaudière. Voici comment fonctionne ce petit système mécanique. Un flotteur, C, plonge dans le réservoir en fonte, A, et l’extrémité de la tige qui le termine actionne un levier, D, contenu dans la même boîte en fonte. L’autre extrémité du levier, D, actionne une tige F, qui sort, par un presse-étoupe, de la boîte, et commande un levier extérieur, F, lequel fait mouvoir la soupape, G, de l’automoteur d’alimentation.
L’eau monte-t-elle dans la chaudière ? la soupape, G, se ferme (fig. 4). L’eau descend-elle ? la soupape s’ouvre, et règle ainsi le débit de l’eau d’alimentation, qui arrive par le conduit K, et se rend, par le conduit L, dans le collecteur-épurateur de vapeur.
Un sifflet d’alarme avertit le chauffeur si l’eau descend au-dessous d’un certain niveau. Celui-ci peut alors ouvrir tout grand le robinet A (fig. 2), et envoyer assez rapidement une grande masse d’eau dans la chaudière.
9° Un régulateur automatique de combustion et de pression.
Cet appareil commande un registre-valve, I (voir fig. 1 et 2). La cuvette, A, de ce régulateur, que représente en coupe la figure 5, est en communication avec la pression du générateur, par l’intermédiaire du robinet, J. Cette pression, en agissant sur une série de minces ressorts en acier, C, C, fait ouvrir ou fermer la valve, I (fig. 1 et 2), grâce au levier horizontal, F, qui oscille autour de l’axe O, sous l’impulsion de la tige verticale, GH.
Nous venons de décrire, d’une manière très détaillée, les nombreux organes qui entrent dans la composition de la chaudière multitubulaire Belleville. Examinons maintenant comment ces organes fonctionnent successivement, pour produire de la vapeur sèche, utilisable dans les cylindres d’une machine motrice à vapeur.
Et d’abord, comment se fait l’alimentation d’eau ? On se sert, dans la chaudière Belleville, d’une pompe alimentaire dont l’examen particulier nous entraînerait dans trop de détails. Bornons-nous à dire que cette pompe envoie l’eau au générateur par le clapet B (fig. 3 et 4), qui règle son débit et qui pénètre dans le collecteur-épurateur C (fig. 2, page 5), que nous avons déjà mentionné, mais dont nous donnons une coupe particulière dans les figures 6 et 7.
L’eau pénètre dans ce collecteur-épurateur par l’extrémité de droite. Elle est injectée par la tuyère, D ; de telle sorte que la rapide élévation de sa température au contact de la vapeur détermine la précipitation instantanée des sels calcaires à l’état pulvérulent. L’eau d’alimentation ayant ainsi atteint une température qui est sensiblement celle de la vapeur traverse le collecteur-épurateur, dans toute sa longueur, pour se rendre par le tuyau de retour, F, au récipient-déjecteur, E (fig. 1), où elle abandonne les dépôts calcaires précipités, ainsi que les autres corps étrangers qu’elle a pu entraîner avec elle.
L’eau se rend ensuite dans le tube collecteur d’alimentation, F (fig. 1), d’où elle se répartit entre les éléments générateurs, G, en passant par la tubulure à joint conique qui relie chacun d’eux avec le tube collecteur. Elle pénètre ainsi dans chaque élément, en raison du besoin de la vaporisation, de manière à maintenir dans chacun d’eux la même hauteur de niveau normale déterminée pour le meilleur travail et réglée par l’automoteur d’alimentation B, B′ (fig. 2).
Au sortir de chaque élément, la vapeur d’eau pénètre dans le cylindre collecteur épurateur, C (fig. 6 et 7), en passant par une tubulure à joint conique. Cette tubulure dirige le courant contre une cloison circulaire disposée de manière à développer une action centrifuge qui détermine la séparation de la vapeur d’avec l’eau et les autres corps étrangers qu’elle entraîne.
La quantité d’eau ainsi retenue dans l’épurateur est, en moyenne, quatre ou huit fois plus grande que celle de l’eau d’alimentation, à laquelle elle se mêle, pour faire retour aux éléments générateurs. Après avoir abandonné ses dépôts et autres impuretés dans le récipient-déjecteur, E, la vapeur essorée, à sa sortie de l’épurateur, circule dans le sécheur, S, pour se rendre ensuite à la conduite générale de vapeur.
Les générateurs Belleville produisent généralement la vapeur à très haute pression : ils sont habituellement timbrés à 12 kilos par centimètre carré (11 atmosphères).
Pour le service des machines motrices, il convient de limiter et de régulariser la pression de la vapeur. On emploie pour cet usage le régulateur-détendeur de vapeur, que représentent les figures 8 et 9.
Fig. 8. — Régulateur-détendeur de vapeur de la chaudière Belleville (vu de côté). | Fig. 9. — Régulateur-détendeur de vapeur de la chaudière Belleville (coupe). |
Cet appareil se compose d’une cuvette, A, dans laquelle est disposée une soupape équilibrée, B, commandée par un piston, C, qui se meut en traversant un presse-étoupes, D, garni de pâte semi-métallique. Le piston est relié à un levier extérieur, E, chargé par un poids G et par la tension d’un ressort à boudin F, qui fait équilibre, dans la mesure voulue, à la pression de la vapeur détendue agissant sur le piston.
Tel est le mode de fonctionnement de la chaudière Belleville, qui est vraiment inexplosible, car si l’un des tubes vient à se disjoindre, la vapeur qu’il renferme s’échappe dans le foyer, et produit tout au plus une extinction du combustible.
Dans la chaudière Belleville, chaque élément, formé de deux files verticales voisines de tubes superposés, constitue un serpentin. La vapeur qui se forme dans les diverses parties de la longueur de cet appareil doit parcourir un long chemin, pour se rendre au collecteur épurateur de vapeur. La longueur de ce serpentin, peut atteindre jusqu’à 40 mètres. Ce long circuit, à faible section transversale, produit une notable résistance au dégagement de la vapeur, et amène un entraînement d’eau considérable.
C’est pour atténuer ces inconvénients que M. Belleville a imaginé son collecteur épurateur de vapeur, et son régulateur automatique d’alimentation d’eau.
Pour éviter les inconvénients qui résultent de l’entraînement d’eau, M. Collet, constructeur de Paris, a adopté un système plus simple. Nous donnons dans la figure 10 une coupe de ce générateur.
L’appareil évaporatoire est composé d’éléments, indépendants les uns des autres, et formés, chacun, de deux files verticales de sept tubes vaporisateurs, A. Le faisceau tubulaire est placé au-dessus de la grille, sous une inclinaison d’environ 9 pour 100 vers l’arrière. Les tubes pénètrent, à l’avant, dans un collecteur commun, vertical, C, de section rectangulaire, en fonte malléable, et chacun d’eux s’emmanche à l’arrière dans une boîte, V, carrée à l’extérieur, également en fonte malléable. Ces pièces en fonte moulée doivent être fabriquées avec le plus grand soin, vérifiées et éprouvées avec la dernière rigueur.
Un boulon, D, D (fig. 11), presse contre leurs sièges les bouchons, E, de l’avant et de l’arrière, en même temps qu’il assure les deux joints des extrémités du tube. On emploie pour les joints des bouchons une rondelle d’amiante trempée dans l’huile au moment du montage.
Le collecteur représenté dans la figure 11, par les lettres C, C, est divisé en deux parties par une cloison verticale, dans laquelle s’engagent des tubes, B, B, en tôle mince agrafée, concentriques aux tubes vaporisateurs, A, et un peu moins longs que ces derniers.
Revenons à la figure 10, qui donne une coupe du générateur Collet. Les quatre collecteurs communiquent avec un réservoir cylindrique, G, placé au-dessus. L’alimentation d’eau se fait dans ce réservoir à l’aide d’une pompe, ou d’un injecteur, de manière à y entretenir le niveau de l’eau à la hauteur de l’axe. Tout le faisceau tubulaire baigné par les gaz chauds venant du foyer est ainsi rempli d’eau, ce qui n’a pas lieu dans le générateur Belleville. Le réservoir (fig. 10) porte un niveau d’eau, N, une soupape de sûreté, M, et un manomètre, L. Du réservoir, l’eau descend dans les collecteurs en avant de la cloison, et entre dans les tubes intérieurs, pour gagner le fond des tubes vaporisateurs, A.
La vapeur engendrée chemine dans l’espace annulaire compris entre les deux tubes, débouche en arrière de la cloison, dans les collecteurs, et monte dans le réservoir. Comme on le voit dans la figure 12, il se forme deux courants inverses, séparés par une cloison, et qui ne peuvent ainsi se gêner mutuellement. Cette circulation est activée par l’échauffement plus intense de la partie extérieure.
Du réservoir, G (fig. 10), la vapeur descend par le tuyau, I, dans un groupe, H, de 16 tubes horizontaux, placés à la partie supérieure du fourneau. La vapeur circule dans ces tubes, où elle se sèche et se rend au robinet K, de prise de vapeur. Les boîtes N, de l’arrière des tubes, reposent simplement les unes sur les autres et forment ainsi une cloison sur toute la hauteur du faisceau tubulaire.
On voit que le générateur Collet ne comporte pas les nombreux accessoires combinés par M. Belleville : collecteur-épurateur de vapeur, régulateur automatique d’alimentation, régulateur automatique de combustion. Le but de ces dispositifs, dans les chaudières Belleville, est de combattre les inconvénients provenant de la très faible quantité d’eau qu’elle contient, et de la très petite surface offerte au dégagement de la vapeur. Dans la chaudière Collet, la quantité d’eau et la surface du dégagement de la vapeur sont, grâce au réservoir, beaucoup plus importantes.
Mais si l’adjonction d’un réservoir d’eau et de vapeur permet toutes ces simplifications, elle entraîne une conséquence, dont il faut tenir compte.
Une chaudière qui contient un assez grand volume d’eau chaude et de vapeur, sous pression, ne peut pas être, théoriquement, considérée comme absolument inexplosible. Le réservoir n’étant pas exposé au feu ne présente pas, sans doute, de grandes chances d’accident ; mais en cas d’explosion, celle-ci serait plus dangereuse qu’avec un appareil exclusivement tubulaire.
Cette remarque s’applique, d’ailleurs, à toutes les chaudières multitubulaires que nous allons décrire, et qui sont, toutes, pourvues d’un réservoir d’eau et de vapeur.
13
Nous représentons, dans la figure ci-dessus, l’installation de trois générateurs Collet d’une production de 7 500 kilos de vapeur à l’heure.
La chaudière de Naeyer, comme la chaudière Collet, supprime, par sa construction, les entraînements d’eau qui ont lieu dans la chaudière Belleville. Elle contient une masse de liquide assez considérable, et par suite, elle réunit aux avantages des chaudières multitubulaires ceux des chaudières à bouilleurs. Nous donnons une perspective de cette chaudière dans la figure 14.
Le lecteur remarquera ici les mêmes organes que dans les chaudières précédentes.
Et d’abord, des tubes générateurs, A, disposés au-dessus d’une grille, G. Les gaz de la combustion, au lieu de s’échapper par la partie supérieure de la chaudière, sont obligés, par une chicane, C, de suivre le chemin indiqué par la flèche, et ils s’écoulent par un carneau souterrain, dont on voit l’entrée en F. De petites portes, p, p, permettent d’agiter, avec un ringard, le combustible sur la grille. De grandes portes, P, P, forment le devant de la chaudière. En s’ouvrant, elles permettent de voir d’un coup d’œil tout l’intérieur du générateur, et d’en nettoyer les diverses parties.
On remarquera encore un réservoir d’eau et de vapeur, M. Le tube collecteur d’alimentation d’eau, B, est relié à ce réservoir par un tuyau vertical. Le réservoir, M, porte un dôme de prise de vapeur, D, ainsi que deux soupapes de sûreté, S, S′. Il est mis en communication avec un manomètre métallique m, et avec la partie supérieure d’un niveau d’eau, E, qui est relié, par sa partie inférieure, avec le tube collecteur d’alimentation d’eau B.
Il convient de signaler encore le mur en briques réfractaires, a, appelé autel, le cendrier, K, plein d’eau, et ses deux portes t, t. De petites voûtes séparent le réservoir, M, de la fumée et des gaz de la combustion.
Ce qui donne son cachet à ce système de chaudière tubulaire, c’est la disposition spéciale des tubes. Nous en donnons un dessin de détail dans la figure 15. Ce dessin est une coupe des tubes à leur extrémité antérieure et des boîtes de raccord qui les relient.
Ces tubes, comme le montre la coupe suivant AB, sont disposés en quinconce. Ils sont reliés deux à deux, horizontalement, par des boîtes, b, b′, b″ etc., et verticalement, par des boîtes B, B′, B″, etc. Il est facile de reconnaître que la vapeur qui se sera formée dans le tube t′ montera dans le réservoir supérieur, en suivant le chemin 1′1, 22′, 3′3, etc., en passant successivement dans les boîtes b, B, b′, B′, b″, B″, etc. Les boîtes b et B sont reliées entre elles au moyen de bagues en fer, à emboîtement conique et à joint précis. Ce joint est parfaitement étanche à sec, sans interposition de caoutchouc, de mastic, ni d’aucune matière quelconque. Chacune des boîtes de communication est maintenue au moyen de deux boulons à marteau, t, t′, etc.
L’ensemble des tubes 1, 1′ ; 2, 2′ ; 3, 3′ ; etc., forme une série. Chaque chaudière se compose d’un nombre plus ou moins grand de séries juxtaposées, communiquant chacune, à leur extrémité inférieure, avec un collecteur d’alimentation, B, placé au bas et à l’arrière de la chaudière (fig. 14). Ce collecteur sert à la répartition de l’eau dans les différentes séries de tubes, ainsi qu’à la purge de la chaudière. Les tubes sont inclinés de l’avant à l’arrière, dans le but de favoriser la circulation, et de faciliter le dégagement rapide de la vapeur, laquelle, au fur et à mesure de sa production, se rend directement par les boîtes b B, b′ B′ au réservoir supérieur M (fig. 14).
Nous donnons, dans la figure 16, une coupe longitudinale de la chaudière de Naeyer. Le lecteur y remarquera un appareil additionnel qui n’était pas représenté sur la figure 14, et qui s’appelle le réchauffeur d’eau d’alimentation.
Cet appareil se compose d’un certain nombre de tubes disposés en quinconce, comme ceux du générateur, et dans lesquels l’eau d’alimentation circule en serpentant de bas en haut, c’est-à-dire en sens inverse de la marche des gaz chauds, qui suivent alors le chemin indiqué par les flèches. Cette disposition permet de dépouiller les gaz de la plus grande partie de leur chaleur, et de ne les laisser échapper dans le tuyau de la cheminée qu’à 100° environ, seulement elle exige un très fort tirage, c’est-à-dire une cheminée très élevée.
Nous pouvons, à l’aide de la figure 16, décrire le fonctionnement de l’appareil dit réchauffeur d’eau d’alimentation.
Voyons, pour commencer, de quelle manière se fait l’alimentation d’eau.
Comme dans la chaudière Belleville, le système adopté débarrasse presque complètement l’eau des sels calcaires qu’elle renferme.
L’eau venant de l’appareil d’alimentation (pompe, injecteur, etc.) arrive en T, dans un tube horizontal. De ce tube, elle passe dans le serpentin, R, chauffe par les chaleurs perdues des gaz provenant de la combustion du charbon, et elle y acquiert une température de + 80° à + 90°. Elle sort du serpentin par le tube J, et se rend dans le réservoir supérieur, M, où elle est injectée dans le courant de vapeur. L’eau, portée alors brusquement à une température de + 140° à + 150°, laisse précipiter, à l’état pulvérulent, les sels calcaires qu’elle contient.
L’eau, ainsi purifiée, se rend au collecteur d’alimentation, B, par l’intermédiaire d’un tuyau de trop-plein, V, placé à l’arrière du réservoir.
Quant aux dépôts calcaires, comme le mouvement du liquide dans le réservoir est très lent, leur décantation s’opère presque complètement. Ils se réunissent, sous forme de boue, dans un décanteur spécial, d’où l’on peut facilement les retirer, à l’aide d’un robinet de purge, sans être obligé d’arrêter le générateur.
Du collecteur d’alimentation, l’eau se répartit dans le faisceau tubulaire, en montant dans les boîtes, de l’arrière des tubes.
Le problème de la production de la vapeur sèche est résolu, dans les chaudières de Naeyer ; car aussitôt que la vapeur se produit dans les tubes bouilleurs, elle se dégage immédiatement à l’extrémité antérieure de chacun d’eux, et gagne, par les boîtes, le réservoir supérieur.
Il n’y a donc pas entraînement d’eau. De plus, dans le collecteur de vapeur, M, des dispositions intérieures forcent la vapeur à faire un long parcours, et l’amènent toujours parfaitement sèche au dôme, où se fait la prise de vapeur.
Des regards, munis de portes, sont pratiqués dans les parois latérales de la chaudière, et permettent le nettoyage de différentes parties. On voit ces portes dans les dessins pittoresques que nous donnons des installations diverses des chaudières de Naeyer. Ces portes servent également à introduire entre les tuyaux une lance à vapeur, qui chasse la suie en très peu de temps. Cette opération peut se faire pendant la marche.
Les chaudières peuvent être construites avec ou sans réchauffeur d’eau d’alimentation. Sans réchauffeur, les chaudières laissent échapper les gaz à + 200 ou + 225°, Cette chaleur peut être utilisée de manière à augmenter le rendement en vapeur, par le réchauffeur d’eau d’alimentation, qui dépouille les gaz de la combustion de la presque totalité de leur chaleur, et ne les laisse échapper qu’à + 100° ; on obtient alors une vaporisation de 10 litres d’eau par kilogramme de charbon brûlé.
Il existe une belle installation des générateurs de Naeyer dans les caves de l’Hôtel de ville de Paris. Cette installation qui a été faite en 1884, par MM. Geneste et Herscher, sert à fournir la vapeur nécessaire pour le chauffage, et pour les machines à vapeur actionnant les machines dynamo-électriques, les ventilateurs, etc.
Mais pour comprendre les multiples emplois de la vapeur engendrée dans les sous-sols de l’Hôtel de ville, il est nécessaire d’entrer dans quelques explications sur le système, assez compliqué, qui produit le chauffage et la ventilation simultanés, dans le vaste monument de la municipalité parisienne.
L’installation de l’aération et du chauffage, à l’Hôtel de ville de Paris, est basée sur le principe de la ventilation mécanique, opérée au moyen de machines à vapeur placées dans le sous-sol. La force mécanique de la vapeur est transmise par des câbles électriques aux ventilateurs.
La place des ventilateurs n’est pas arbitraire, elle dépend de la situation des pièces, couloirs, escaliers, salles, grandes ou petites, dans lesquelles il faut envoyer de l’air. La transmission de la force par l’électricité qui permet de distribuer à distance le mouvement aux ventilateurs disposés dans les divers étages a rendu ici un grand service.
L’insufflation de l’air se fait dans les bureaux du rez-de-chaussée, les bureaux du service financier, les salles du Conseil municipal, le cabinet du Préfet et de son service, les salons et les grandes salles de fêtes.
Pour les locaux du sous-sol, la ventilation se fait par aspiration. Dans les étages supérieurs, les bureaux sont ventilés par appel.
L’Hôtel de ville est chauffé à la vapeur, au moyen de générateurs multitubulaires et inexplosibles, placés dans les sous-sols. La vapeur est conduite directement dans les combles ; elle est ramenée alors à une pression insensible, par des appareils de descente spéciaux, et distribuée en circulant toujours par l’effet de la gravité.
Pour assurer la parfaite indépendance du fonctionnement des surfaces de chauffe, on a établi, à la sortie de chacune d’elles, un purgeur d’eau condensée et d’air. De même, à l’entrée de chaque surface de chauffe, on a placé un robinet, pour en régler ou en arrêter la marche. À la sortie du purgeur, les eaux de condensation vont se réunir dans un collecteur commun, et sont conduites dans un réservoir placé dans la chambre des générateurs de vapeur.
Les surfaces rayonnantes, placées dans les locaux mêmes à chauffer, sont situées près du sol, au bas des parois refroidissantes et notamment des parties vitrées.
Le chauffage et la ventilation étant indépendants l’un de l’autre, il y a deux séries de surfaces de chauffe : les unes envoient de l’air chaud, les autres de l’air à une température modérée pour la respiration.
Une disposition très économique permet de réduire le chauffage au minimum, en rappelant l’air des salles, lorsque ces locaux ne sont pas occupés ou qu’on ne les ventile pas.
Pour réaliser cette grandiose installation, il a fallu établir 10 générateurs de vapeur, représentant une surface de chauffe de 800 mètres carrés ; 2 moteurs à vapeur ; 3 machines électriques primaires, et 40 moteurs électriques, actionnant directement les ventilateurs.
Cette organisation, si minutieuse et si compliquée, échappe à l’œil du visiteur. On peut la comparer au réseau artériel et au réseau veineux du corps humain, le premier représentant l’arrivée de l’air pur, le second l’appel de l’air vicié : le tout caché dans la profondeur de nos organes et inaccessible aux regards.
Mais nous, curieux par nature et par profession, nous avons pris une connaissance exacte de cet intéressant ensemble, et si chacun de nos lecteurs veut suivre notre exemple, l’usine souterraine de l’Hôtel de ville n’aura plus de mystères pour lui.
Si donc le lecteur veut bien, ainsi que nous l’avons fait, demander au secrétariat des travaux publics de l’Hôtel de ville, situé au deuxième étage, une carte-permission pour visiter les caves renfermant les salles des machines et chaudières, il aura la satisfaction de connaître un des plus curieux établissements mécaniques de la capitale.
Avec la carte délivrée au secrétariat, et sous la conduite d’un employé de la ville, en casquette et livrée bleues, traversons la deuxième cour, et prenons, à droite, un petit escalier, à marches de pierre qui, bien qu’étroit et tournant, est parfaitement praticable, et nous arriverons à la grande salle que représente très exactement la figure 18. Comme on le voit, c’est une longue pièce voûtée, qui ne ressemble guère aux chantiers ordinaires de l’industrie mécaniques, noirs, enfumés et boueux, car elle est aussi bien tenue qu’un salon, et de larges baies latérales y projettent un très beau jour.
Comme le représente notre dessin, il y a deux groupes de cinq chaudières chacun, ayant un réservoir de vapeur commun, d’où la vapeur s’échappe, pour aller remplir, en plusieurs directions, ses différents offices.
Les chaudières portant les numéros 1, 2, 3, 8, 9 et 10, servent à produire la vapeur qui chauffe les galeries, salons, bureaux, etc., de l’Hôtel de ville. C’est, en effet, comme nous l’avons dit, un courant de vapeur d’eau qui est l’unique moyen de chauffage de ce vaste édifice.
L’eau de condensation de la vapeur, qui a parcouru les nombreux tuyaux servant au chauffage, descend par un conduit commun dans un réservoir, dont on peut voir une partie sur notre dessin, près de la porte d’entrée, au fond de la salle. Cette eau encore chaude, reprise par une pompe, retourne aux chaudières.
La vapeur fournie par les chaudières numéros 4 et 7 sert : 1o à actionner les petites machines à vapeur qui font agir les pompes destinées à refouler l’eau de la ville dans les mêmes chaudières ; 2o à actionner les machines à vapeur qui produisent la ventilation des différentes salles et galeries de l’Hôtel de ville.
Arrêtons-nous sur cette dernière partie de l’installation mécanique qui nous occupe, car nous allons y trouver une particularité du plus grand intérêt scientifique.
Les ventilateurs disposés dans chaque salle, pièce ou galerie de l’Hôtel de ville, se composent d’ailettes portées sur un axe mobile, qui tourne par une transmission de la force à distance, produite par l’électricité. C’est une très curieuse application pratique du principe du transport électrique de la force.
On voit sur notre dessin et près des baies éclairantes le volant de deux machines à vapeur, du système compound, de la force de 7 à 8 chevaux-vapeur, faisant tourner une machine dynamo-électrique Gramme, qui produit un courant électrique. Un fil isolé recueille ce courant, et en se ramifiant, il va distribuer l’électricité aux petits appareils dynamo-électriques qui font corps avec les ventilateurs.
Chaque ventilateur proprement dit est, en effet, une petite machine dynamo-électrique réceptrice, animée, grâce à un fil conducteur, par la machine productrice placée dans la salle inférieure, et qui engendre, comme nous l’avons expliqué, le courant primitif.
Dans un petit cabinet attenant à la grande salle, et auquel on accède par quelques marches, une série de résistances rhéostatiques sert à modérer et à activer l’intensité du courant, selon les besoins. Un simple levier parcourant un cadran, semblable aux anciens cadrans des télégraphes électriques, permet de modifier à volonté la force du courant. L’ingénieur placé dans ce petit cabinet est averti, par un appareil spécial, de l’état du courant, et il le modère ou l’accroît, selon le cas.
Voilà, assurément, une des plus intéressantes applications du transport de la force par l’électricité.
Les chaudières numéros 5 et 6, dont nous n’avons encore rien dit, servent à actionner les machines à vapeur qui produisent le courant électrique destiné à alimenter les lampes électriques à incandescence, le seul moyen d’éclairage qui existe à l’Hôtel de ville.
Si, en effet, vous quittez la salle des chaudières, et que vous gravissiez, au milieu de cette salle, un escalier de quelques marches, vous vous trouverez dans une belle pièce voûtée, à l’aspect architectural, mais quelque peu sombre, qui renferme les machines à vapeur et les machines dynamo-électriques productrices du courant destiné à fournir l’éclairage.
Il y a deux machines à vapeur, du système compound, construites par MM. Weyher et Richemond, de Pantin, et du type de celles que nous décrirons dans un des chapitres suivants, en traitant des nouvelles machines à vapeur à grande détente.
Les deux machines à vapeur, système compound, sont chacune de la force de 60 chevaux-vapeur. Elles actionnent un appareil dynamo-électrique Edison, de 500 lampes, que nous aurons à décrire, quand nous traiterons des machines dynamo-électriques, dans le Supplément à l’Électro-magnétisme.
Le courant électrique fourni par les deux appareils dynamo-électriques Edison est recueilli par un gros fil conducteur, qui va le distribuer aux lampes à incandescence.
Tels sont les multiples emplois de la vapeur produite par les cinq groupes de générateurs réunis dans la salle des chaudières.
Cette belle installation est due à MM. Geneste et Herscher, les ingénieurs-constructeurs de Paris, bien connus par leurs nombreuses entreprises de chauffage et de ventilation, et elle leur fait le plus grand honneur.
C’est également à MM. Geneste et Herscher qu’est due l’installation des chaudières de Naeyer et les différents emplois de la vapeur, à l’École centrale des arts et manufactures de Paris.
L’installation de l’École centrale est pareille à celle de l’Hôtel de ville, mais de moindre importance.
La figure 19 représente les deux chaudières de Naeyer de l’École centrale, la première étant vue en coupe, pour montrer les rapports du foyer et du réservoir d’eau et de vapeur.
Les chaudières de Naeyer servent, comme celles de l’Hôtel de ville, au chauffage des différentes pièces de l’École, à leur ventilation et à l’éclairage électrique.
Les deux générateurs fournissent de la vapeur à deux machines de MM. Weyher et Richemond, qui actionnent des dynamos Gramme et Edison, pour le service des lampes à incandescence, destinées à éclairer les amphithéâtres des cours. Ces machines dynamos servent également à transmettre la force à distance, et à actionner, sous les combles de l’École, de petites machines dynamo-électriques réceptrices, qui mettent en mouvement des ventilateurs.
La vapeur produite par les chaudières est, en outre, utilisée pour le chauffage des différentes parties de l’édifice, et pour le service des laboratoires. Ces générateurs sont placés en dehors de l’École, dans une cour vitrée placée en contre-bas de l’entrée des élèves ; de sorte qu’en cas d’explosion d’un tube, la vapeur lancée n’amènerait aucun accident.
La figure 20 représente une installation de chaudières de Naeyer faite à Anvers, pour le service des machines hydrauliques des nouveaux quais.
Les détails dans lesquels nous sommes entrés, à propos des chaudières de Naeyer, pour l’Hôtel de ville de Paris et l’École Centrale de la même ville, nous dispensent de décrire l’installation de l’usine hydraulique d’Anvers.
Nous avons fait connaître, avec les chaudières Belleville et Collet, les chaudières inexplosibles ou multitubulaires construites en France, et avec les générateurs de Naeyer, les chaudières belges. Nous ferons connaître les chaudières inexplosibles américaines, en décrivant celles de MM. Babcock et Wilcox, de Pittsburg (Pennsylvanie).
La figure ci-dessus donne une coupe de la chaudière de MM. Babcock et Wilcox.
Cette chaudière se compose d’un faisceau tubulaire incliné, communiquant, au moyen de passages verticaux, avec un réservoir cylindrique supérieur, contenant de l’eau et de la vapeur, et à l’arrière, au point le plus bas de la chaudière, avec un collecteur. Les communications ou passages sont des boîtes en fonte, d’une seule pièce, pour chaque série verticale de tubes, dans lesquelles ces derniers sont emmanchés par une de leurs extrémités.
Le faisceau tubulaire est constitué par l’assemblage d’un certain nombre de ces séries verticales, ou éléments, et grâce à la forme en serpentin des boîtes de communication, les tubes représentent un quinconce, dans l’assemblage général, c’est-à-dire que chaque série horizontale de tubes se trouve au-dessus des espaces vides de la série précédente.
C’est ce que montre la figure ci-dessus, qui donne la coupe d’un élément.
Ces éléments sont en communication avec le réservoir d’eau supérieur, et avec le collecteur inférieur, au moyen de tubulures courtes, de manière à éviter l’emploi de boulons, et à laisser un passage libre entre les différentes pièces.
La fonction du collecteur est de recevoir les dépôts calcaires précipités pendant l’évaporation, lesquels sont extraits, au repos, ou en marche, au moyen d’un robinet disposé à cet effet.
Le foyer est placé au-dessous de la partie inclinée du faisceau tubulaire ; la flamme et les produits de la combustion sont obligés, par des chicanes, de s’élever à travers une partie de la longueur du faisceau tubulaire, jusqu’à une chambre de combustion triangulaire, qui existe au-dessous du réservoir cylindrique, puis de descendre à travers la deuxième partie de cette longueur, et enfin de remonter à travers la troisième partie, avant de passer définitivement à la cheminée.
L’eau chauffée dans les tubes a une tendance à s’élever vers leur extrémité supérieure ; et d’autre part, le mélange d’eau et de vapeur, étant d’une densité moindre que l’eau du réservoir supérieur, monte par les boîtes, dans ce réservoir, où la vapeur se dégage. L’eau, refoulée à l’arrière, redescend aux tubes, en produisant ainsi une circulation continue.
La prise de vapeur se trouve à la partie la plus élevée du réservoir cylindrique supérieur, vers l’arrière de la chaudière, afin que la vapeur se soit bien séparée de l’eau, avant d’être utilisée.
D’après les constructeurs, la chaudière qui vient d’être décrite fournit 9 à 10 kilogrammes de vapeur d’eau pour 1 kilogramme de houille brûlée.
Nous pourrions faire connaître beaucoup d’autres systèmes de chaudières multitubulaires, construites en différents pays ; mais ces générateurs ne diffèrent que par des particularités secondaires de ceux que nous avons décrits, et les expliquer en détail serait nous exposer à des redites. Contentons-nous d’établir que les chaudières inexplosibles constituent un progrès fondamental dans l’emploi de la vapeur, progrès qu’il était essentiel de mettre en relief dans ce Supplément.
CHAPITRE II
La plus grande partie des explosions de chaudières à bouilleurs provient de l’abaissement du niveau de l’eau, non soupçonné par le chauffeur. C’est seulement par une surveillance constante que ce dernier peut maintenir l’eau de son générateur au niveau désiré. Quelquefois, il suffit de l’abaissement de quelques centimètres du niveau de l’eau, pour occasionner une brûlure du métal, et provoquer une explosion, quand l’eau arrivera subitement à cette portion altérée du générateur.
Mais cette cause d’accident n’est pas la seule. Il arrive souvent que les variations de pression que subit le métal préparent une explosion. Lorsque l’on fait monter rapidement la pression, une partie des parois de la chaudière est à une température très élevée, tandis que d’autres parties sont, relativement, froides. Il se produit alors un déplacement des molécules du métal, et par suite, un affaiblissement sensible des parois. Ces phénomènes se répétant à chaque élévation de pression, la ligne du point de plus grand affaiblissement arrivera un jour à se rompre. Cette rupture peut avoir peu d’étendue, mais elle peut aussi prendre de plus grandes proportions, et produire des explosions désastreuses.
Les chaudières multitubulaires étant composées d’un grand nombre de tubes en fer, d’un diamètre relativement faible, et reliés entre eux par des boîtes en fer, sans le secours de joints artificiels, offrent une très grande résistance, quelle que soit la pression. La circulation rapide de l’eau dans tous ces tubes assure une température égale dans toutes les parties ; les affaiblissements du métal, dus aux dilatations inégales, ne peuvent donc avoir lieu. La circulation de l’eau dans ces chaudières est si facile que, quand même le niveau de l’eau vient à baisser, le courant continue régulièrement dans les tubes. Si les tubes venaient à se vider complètement, ils brûleraient, sans occasionner d’explosion.
Le réservoir de vapeur situé à la partie supérieure étant placé en dehors du passage des gaz chauds, les tôles sont tout à fait à l’abri des coups de feu.
Si, par suite d’une négligence impardonnable, un tube venait à se rompre, la chaudière se viderait, sans amener d’explosion.
Les chaudières multitubulaires présentent de grandes facilités pour la visite et les réparations. Il suffit d’ouvrir une porte, pour vérifier, d’un coup d’œil, le bon état de tout l’appareil. Il n’en était pas de même dans les chaudières à bouilleurs. Comme la moindre érosion du métal de la chaudière pouvait amener les plus terribles accidents, la responsabilité des industriels était tellement grande, que c’était ordinairement l’ingénieur lui-même qui faisait la visite de la chaudière. Nous nous rappellerons toujours l’effet que cette visite produisait à un de nos amis, ingénieur d’une grande raffinerie. Quand approchait l’époque où il devait visiter la chaudière, il en était malade, et ne dormait pas, plusieurs nuits à l’avance. Le jour venu pour l’examen du générateur, il s’enveloppait de linges mouillés ; puis il s’engageait, en rampant, dans d’étroits carneaux (généralement les conduits de fumée n’ont que 0m,50 de côté). Mais les maçonneries, encore chaudes, maintenaient une température étouffante ; si bien que lorsque le malheureux sortait, couvert de suie, il s’évanouissait de fatigue.
C’est en raison de la sécurité qu’assurent les chaudières multitubulaires, qu’une loi a imposé l’usage exclusif des générateurs inexplosibles dans les villes et les maisons habitées.
Un décret du 30 avril 1880 a modifié sur plusieurs points essentiels la réglementation des chaudières à vapeur, notamment en ce qui touche leur classification par catégories et leurs conditions d’installation. Les chaudières à bouilleurs sont exclues de toute maison d’habitation, et de tout atelier surmonté d’étages. Les chaudières tabulaires, dites inexplosibles, sont seules autorisées, à l’intérieur des habitations. C’est ce qui a déterminé, dans ces derniers temps, la grande extension qu’ont prise la construction et l’emploi du nouveau genre de générateurs que nous venons de décrire.
Il ne faudrait pas croire, pourtant, que les chaudières multitubulaires soient les seules employées aujourd’hui. Les chaudières à bouilleurs et les chaudières à tubes de fumée, analogues aux générateurs de locomotive, sont encore fort en usage. En effet, les chaudières à bouilleurs, si elles ont les inconvénients que nous avons dû signaler, ont de nombreux avantages, qui sont, principalement, la facilité de conduite du feu et du nettoyage, et surtout, la qualité, si précieuse, de la stabilité dans la production de la vapeur. Le chauffeur peut négliger quelque temps la conduite du feu, sans que la pression de sa chaudière s’en ressente immédiatement ; ce qui est dû à la grande masse d’eau qui s’y trouve, et qui forme, comme le disent les mécaniciens, un volant de chaleur. On conçoit facilement que plus la masse d’eau sera considérable dans une chaudière, et plus il faudra de temps pour que sa pression varie. Par contre, il faut, avec une chaudière à bouilleurs, beaucoup plus de temps pour monter en pression. C’est ainsi qu’il faut une heure et demie à deux heures et souvent davantage, avec une chaudière à bouilleurs, pour arriver à la pression voulue, après l’allumage, tandis qu’il suffit de 7 à 8 minutes, avec une chaudière Belleville.
Mais une fois la masse d’eau parvenue à la pression et à la température de marche, dans la chaudière à bouilleurs, cette température et cette pression se maintiennent un temps fort long, quelles que soient les intermittences ou la négligence que puisse mettre le chauffeur à entretenir le feu sur la grille. De là, une grande facilité pour la conduite de la chaudière.
Dans beaucoup de cas, la chaudière à bouilleurs conserve donc ses avantages. La simplicité de sa construction, le grand volume d’eau qu’elle renferme, et qui forme, avec la masse des maçonneries, un régulateur de chaleur, permet d’apporter peu d’attention à la conduite du feu. Seulement, son rendement est déplorable. Alors qu’une chaudière multitubulaire produit, par heure, 500 kilogrammes de vapeur, par exemple, une chaudière à bouilleurs, à égalité de surface, de chauffe, n’en donne que 400 kilogrammes.
C’est ce qui s’explique sans peine, d’ailleurs. Pour utiliser convenablement le calorique produit par le combustible, il faut des générateurs capables de dépouiller rapidement de la plus grande partie de leur chaleur les gaz produits par la combustion du charbon. Lorsque la surface d’absorption du calorique n’est pas assez considérable, ou n’est pas convenablement disposée, une grande partie de la chaleur se perd par la cheminée. Les chaudières cylindriques, en général, ne sont pas économiques, par la raison bien simple que, pour avoir une surface de chauffe suffisante, il faut, même pour de petites forces, des appareils très grands, ce qui entraîne à de grandes dépenses.
Les chaudières à tubes de fumée, ou à foyer intérieur, du genre des générateurs de locomotive, ont, comme les chaudières inexplosibles, l’avantage d’une très grande puissance de production de vapeur, sous un faible volume[3] ; et en raison de la grande masse d’eau qu’elles renferment, elles assurent toute stabilité dans la production de la vapeur. Comme les chaudières à bouilleurs elles peuvent être, pendant quelque temps, abandonnées sans surveillance. La masse d’eau qu’elles renferment constitue un réservoir de chaleur, qui maintient toute la masse à une même température pendant assez longtemps.
Les chaudières du genre des locomotives, c’est-à-dire à tubes de fumée et à foyer intérieur, présentent, malheureusement, cet inconvénient, très grave, qu’il est à peu près impossible de nettoyer les tubes, pour enlever les incrustations. Il faut, avant d’introduire l’eau, la débarrasser de toute matière pouvant fournir des dépôts calcaires ou autres, c’est-à-dire la traiter par la chaux, ou par le tanin, ce qui ne laisse pas que de devenir dispendieux.
Disons aussi que tandis que la chaudière à bouilleurs ou à tubes de fumée est, comme on vient de le dire, d’une conduite très facile pour le chauffeur, les chaudières inexplosibles sont beaucoup plus délicates à diriger ; il suffit de la moindre négligence de la part du chauffeur, pour faire tomber la pression.
On voit, en résumé, que chaque type de chaudière a ses inconvénients et ses avantages. Aussi, tous les types de générateurs trouvent-ils aujourd’hui leur emploi, suivant les circonstances particulières dans lesquelles se trouve l’industriel. Nous nous réservons, dès lors, toutes les fois que cela nous paraîtra intéressant, de décrire, à propos d’une machine à vapeur, le type de chaudière qui l’alimente.
CHAPITRE III
On a vu, dans les deux premiers chapitres de cette Notice, comment les constructeurs sont arrivés, depuis l’année 1870, à produire économiquement de la vapeur, avec des chaudières perfectionnées. Nous avons à étudier maintenant les organes à l’aide desquels on transforme la force vive de cette vapeur en travail mécanique, c’est-à-dire les nouvelles machines à vapeur, dites à grande détente.
Pour bien expliquer le mécanisme et les avantages des nouvelles machines à vapeur, il faut invoquer des principes de physique assez délicats. D’un autre côté, les organes qui les composent sont compliqués. Nous sommes donc obligé de demander au lecteur toute son attention, pour les descriptions qui vont suivre. Il est bien entendu que l’on devra se reporter, pour la connaissance générale des organes de la machine à vapeur, à la Notice des Merveilles de la science, consacrée à ce sujet[4].
Il résulte des lois de la thermodynamique, que le rendement calorifique d’une machine à vapeur est d’autant meilleur que la pression de la vapeur, à son entrée dans le cylindre, est plus considérable, et que la détente, c’est-à-dire son expansion dans le vide, est plus grande.
On est, malheureusement, limité dans l’emploi de la pression et de la détente.
D’abord, on ne saurait accroître indéfiniment la pression de la vapeur. Non qu’on ne puisse construire des chaudières et des machines capables de résister à de très fortes pressions, mais parce que la température de la vapeur s’élevant, en même temps que la pression, les corps gras employés pour la lubrification des organes sont brûlés, décomposés ; ce qui rend le fonctionnement impossible.
Les grandes détentes de la vapeur, c’est-à-dire son expansion à vingt-cinq et trente fois son volume, sont également désavantageuses, dans les machines à un seul cylindre, à cause des condensations de vapeur qui se font sur les parois des cylindres.
On démontre, dans les Traités spéciaux, que le moyen de réaliser le maximum d’économie, dans les machines à un seul cylindre, consiste à introduire la vapeur à une pression de 6 kilogrammes, et à la faire se détendre de neuf à neuf fois et demie son volume.
Une détente aussi considérable ne pouvait être réalisée avec les anciens tiroirs des machines à vapeur. Il a donc fallu modifier profondément leur mécanisme, pour parvenir à pousser la détente de la vapeur à son degré extrême.
On avait fait, jusqu’à l’année 1870, beaucoup de tentatives pour réaliser en pratique les grandes détentes de la vapeur, et les résultats obtenus étaient encourageants.
C’est ainsi que MM. Weyher et Richemond, les savants ingénieurs de l’usine de Pantin, avaient construit des machines à détente parfaitement combinées, et qui procurent une grande économie de vapeur.
La machine de MM. Weyher et Richemond, qui est encore en usage dans nombre d’usines, mérite, pour cette raison, d’être décrite d’une façon particulière. Elle donne d’excellents résultats, avec une distribution très simple, et nous servira d’introduction à l’étude des machines à grande détente.
La figure 23 donne une coupe horizontale de cette machine par l’axe du cylindre et du tiroir. A est le cylindre à vapeur, B, le tiroir conduit par un excentrique, suivant le mode ordinaire et portant sa plaque de détente ; C est le condenseur, et p, la pompe à air. La tige du piston conduit une bielle qui attaque l’arbre, XY, au moyen de la manivelle, M. L’arbre de couche reçoit deux poulies-volants, VV′.
Toutes ces pièces sont semblables aux pièces correspondantes de la machine de Watt et de la machine horizontale, que nous avons décrites dans les Merveilles de la science[5].
Un perfectionnement important fut apporté au mode de distribution de la vapeur par la création du tiroir dit tiroir Farcot, du nom de son inventeur, l’éminent ingénieur de l’usine de Saint-Ouen.
La figure 24 représente ce tiroir, qui est destiné à remplacer l’ancien tiroir à coquille, dont il diffère considérablement.
Les canaux d’admission de la vapeur, aa, ont pris un élargissement considérable vers la face supérieure du tiroir, où ils débouchent par plusieurs orifices. Deux plaques mobiles, percées d’ouvertures, qui peuvent coïncider exactement avec celles du tiroir, sont appliquées sur cette face, et y sont maintenues par la pression de la vapeur et par quatre ressorts. Quand les orifices de la plaque coïncident avec ceux du tiroir, la vapeur pénètre dans le canal d’admission. Si, par un moyen quelconque, on place la glissière de manière que ses parties ne viennent plus correspondre aux ouvertures du tiroir, l’admission cesse.
Ces plaques mobiles sont simplement posées sur le tiroir, qui les entraîne dans son mouvement. Elles sont indépendantes l’une de l’autre, et portent chacune deux butoirs, e et h.
Le butoir e venant frapper contre la came, f, produit l’arrêt de la plaque, et par suite, la fermeture des orifices, tandis que le tiroir continue encore sa course.
Dans sa marche rétrograde le deuxième butoir, h, vient rencontrer l’arrêt, k, et ramène la plaque dans sa position primitive. Les orifices sont ouverts à nouveau.
La came, f, est montée sur un axe qui peut être mu par le régulateur. Les plaques sont à plusieurs orifices, de manière à avoir une course réduite.
Il faut déterminer la position pour laquelle les plaques doivent fermer les orifices pour une détente déterminée, ce qui revient à déterminer la longueur des butoirs, mais il est préférable de faire varier la longueur de la came.
Dans la détente Farcot, le tiroir proprement dit a un recouvrement très faible, juste ce qui est nécessaire pour éviter les fuites qui se produiraient, et par suite la communication entre les deux côtés du piston.
Dans ces conditions, l’angle de calage est peu différent de 90° et l’introduction se fait pendant 0,90 ou 0,95 de la course.
On arrive à démontrer par l’épure de distribution de vapeur, que la détente maximum est de 0,5. Le tiroir même doit être établi pour la plus grande détente possible ; elle est de 3,5.
En combinant ces deux détentes, cet appareil donne de très bons résultats pour des machines fonctionnant à des allures de 50 à 60 tours et à des détentes de 10.
Le tiroir Farcot donnait donc de bons résultats pour la production des grandes détentes de la vapeur. Cependant il ne fournissait pas l’entière solution du problème. C’est un constructeur américain, M. Corliss, qui est arrivé à produire, de la manière la plus remarquable, les grandes détentes de la vapeur, et la machine qu’il a créée est aujourd’hui répandue dans les deux mondes.
Comment le constructeur américain est-il parvenu à produire, avec une grande économie et une grande sûreté, une détente excessive de la vapeur ? En réussissant à obtenir une fermeture brusque des orifices d’admission de la vapeur, au moment même où l’on veut commencer à faire agir la détente. Cette fermeture, M. Corliss l’obtient au moyen d’un système de déclic et d’un ressort métallique.
La machine créée par M. Corliss (dont nous donnons une vue d’ensemble dans la figure 25) présente des dispositions caractéristiques que nous allons décrire, et que nous retrouverons plus tard dans tous les systèmes dérivés de ce bel appareil.
Cette machine, ainsi qu’on le voit, est horizontale Elle se compose, comme les machines à vapeur horizontales, déjà décrites dans les Merveilles de la science, des organes suivants :
1o Un cylindre, X, dans lequel se meut un piston. La vapeur arrivant de la chaudière par le tuyau supérieur, T, passe à travers une valve, V. Une manette commande le registre de cette valve, et permet de régler l’arrivée de la vapeur.
La vapeur se répand alors dans une boîte, bb, d’où des robinets la font passer dans le cylindre, pour la faire travailler sur chacune des faces du piston.
La vapeur, après s’être détendue, sort du cylindre par les robinets Q et Q′ (fig. 26), et se rend au condenseur, qui est placé au-dessous du cylindre, et qu’on ne voit pas dans la figure 25, parce qu’il est installé dans le sous-sol, au-dessous de la machine.
À chaque extrémité du cylindre X, se trouvent deux orifices, l’un pour l’admission VV′ (fig. 26), comme nous l’avons dit, l’autre QQ′, pour l’échappement de la vapeur. Le même conduit n’est donc pas alternativement chauffé et refroidi par le passage de la vapeur avant et après son action, défaut qui, dans les anciennes machines, déterminait alternativement une perte de chaleur et un surcroît de contre-pression, et cela d’une façon d’autant plus marquée que la condensation était mieux opérée.
Les robinets distributeurs d’admission de vapeur, VV′ (fig. 26), sont manœuvrés par déclic. Chacun, au lieu de recevoir, comme les distributeurs d’échappement, QQ′, un mouvement continu, de la part de l’arbre du volant, P (fig. 25), est constamment soumis à l’action d’une force extérieure, qui est ici un ressort en acier, H (fig. 25 et 26). Ce ressort tend à pousser le robinet vers sa position de fermeture complète. Il n’est écarté de cette position, pour ainsi dire normale, que lorsque certaines pièces, commandées par l’arbre du volant, rencontrent, dans leur parcours, d’autres pièces reliées au distributeur, et les entraînent avec elles. La rencontre a lieu au commencement de chaque période d’admission.
La transmission du mouvement du piston à l’arbre moteur se fait comme dans les anciennes machines horizontales. Le piston porte une tige qu’actionne une bielle, b (fig. 25), et cette bielle fait tourner une manivelle fixée à l’arbre, P. Cet arbre, P, porte un excentrique e, qui imprime un mouvement d’oscillation à un plateau, A.
C’est ce plateau qui commande la distribution de la vapeur. Il est relié directement par des bielles, aux robinets d’échappement, QQ′ (fig. 26), et par l’intermédiaire de ressorts H, H′, et du sabre E, aux robinets d’admission VV′.
Nous allons maintenant montrer en détail comment s’opère la détente de la machine Corliss, c’est-à-dire décrire la distribution de la vapeur.
La distribution comporte quatre tiroirs, deux d’admission, VV′, et deux d’échappement, QQ′, placés contre les cylindres, de manière à réduire le plus possible ce que l’on nomme l’espace mort, La valeur de l’espace mort n’atteint ordinairement pas 2 p. 100 du volume du cylindre.
Au lieu d’avoir une surface plane de contact, les tiroirs étant animés d’un mouvement circulaire alternatif glissent sur une surface cylindrique. C’est ce qui leur donne l’apparence de robinets. Toutefois, dans les robinets, le contact est conique et maintenu par des écrous et des vis de rappel, tandis qu’ici c’est la pression de la vapeur qui applique le tiroir contre la surface métallique. De petits ressorts placés entre le fond et l’axe assurent le contact initial.
Voici comment fonctionnent ces tiroirs.
La tige l de l’excentrique est attelée au point A du plateau oscillant autour du point central, O. L’amplitude de l’oscillation de ce plateau est égale à la course de l’excentrique. Tous les points du plateau auront, d’après un théorème de géométrie, la même oscillation angulaire.
Aux points B, C, B′, C′ correspondent les distributeurs. La transmission au tiroir d’échappement est fort simple. Deux bielles CN, C′N actionnent directement les manivelles QN, Q′N′, qui font osciller les tiroirs.
Quant à la transmission au tiroir d’admission, elle est plus compliquée.
Étudions d’abord la transmission ABK. Elle se compose d’un balancier, DF, qui oscille autour du point D (cette pièce, à cause de sa forme, est appelée sabre). Le balancier actionne, par un butoir articulé, une tige IH, laquelle est reliée, par la bielle IK, avec la manivelle du tiroir. La bielle et la tige sont reliées à un ressort appliqué derrière une nervure.
Sur la tige IH est fixé un piston qui se meut dans un petit cylindre. Ce cylindre est percé d’un petit trou qu’on peut fermer par un régulateur à vis. Quand le tiroir fonctionne pour ouvrir, le piston s’écarte du fond du cylindre, et l’air pénètre au-dessous.
Lors du rappel par le ressort, cet air est comprimé et expulsé. Mais son écoulement exige un certain temps, ce qui supprime le choc. Pour obtenir la détente à tel point que l’on veut, on n’a qu’à faire basculer la pièce PFQ que l’on appelle le doigt de détente. Le mouvement peut être donné à la main en réglant la position du couteau M, à l’aide de vis de pression. La position du couteau une fois réglée, son mouvement lui est alors donné par le régulateur qui règle ainsi la détente.
En effet, on conçoit que lorsque le doigt de détente, PFQ, rencontre le couteau M, celui-ci fait basculer le doigt de détente ; le contact des pièces Q et H n’a plus lieu et le ressort ramène brusquement en arrière la tige HI ; par suite, le tiroir V est fermé brusquement.
Un régulateur à boules, m, m′ (fig. 25), est mis en mouvement au moyen d’un engrenage d’angle, d’une poulie à gorge et d’une courroie de transmission, par l’arbre même de la machine. Suivant que la vitesse de la machine augmente ou diminue, les boules m, m′ s’élèvent ou s’abaissent, les tiges t, t′ suivent leur mouvement, et font varier, par suite, la position des couteaux ; la position de ces couteaux règle la détente.
Le régulateur en usage dans les machines Corliss est, on le voit, avec peu de changements, le régulateur de Watt, que nous avons longuement décrit dans notre Notice des Merveilles de la science.
Les avantages de la distribution de vapeur dans la machine Corliss sont :
1o De permettre la fermeture rapide des orifices d’admission, et d’éviter ainsi le laminage de la vapeur ; car cette fermeture ne dépend que de l’énergie du ressort et de la grandeur de l’orifice d’évacuation d’air dans le cylindre V ;
2o D’annuler presque complètement les espaces morts ;
3o La détente est rendue variable par le régulateur. En effet, la puissance développée par la machine doit pouvoir varier dans de très grandes limites. Autrefois on agissait sur la valve d’arrivée de vapeur par le régulateur à boules, et on faisait ainsi varier la pression. Aujourd’hui on a abandonné ce procédé, qui ne pouvait, d’ailleurs, maintenir l’allure parfaitement constante. Au contraire, le pendule conique, en agissant sur la détente, maintient le nombre de tours constant, car s’il y a une réduction dans la résistance, la machine s’accélère et soulève le pendule, lequel agit sur la détente et l’augmente. Au moment où l’allure est redevenue normale, le régulateur cesse d’agir sur la détente.
La forme des bâtis des machines Corliss est aussi caractéristique que la détente. Cette forme a servi de modèle à toutes les autres machines conçues sur le même principe. Le bâti est une poutre métallique, venue de fonte avec le palier de l’arbre, et assemblée au cylindre de la machine par des boulons. Les avantages de cette disposition sont de donner plus de légèreté et plus de rigidité au bâti, de rendre le montage plus facile et de transmettre les efforts sans fatigue pour les maçonneries.
Nous avons maintenant à décrire la deuxième partie de la machine Corliss, c’est-à-dire le condenseur.
Nous renvoyons le lecteur, pour la description détaillée du condenseur des machines à vapeur, en général, à la Notice des Merveilles de la science. En décrivant la machine de Watt, nous nous sommes étendu longuement sur le rôle du condenseur et sur les organes qui le composent[6]. Nous ne reviendrons pas sur cette description.
La figure 27 donne le dessin simplifié du condenseur de la machine Corliss, qui est placé au-dessous de la machine. La vapeur d’échappement s’y rend directement, à sa sortie du cylindre, par un tuyau, E. Elle se répand dans une capacité, C, à l’intérieur de laquelle un robinet verse continuellement une nappe d’eau froide. La vapeur se condense dans cet espace. Le mélange d’eau condensée et d’air sort par l’ouverture i. Aspirés, à travers les soupapes ss′, par la pompe à air, P, l’air et l’eau sont refoulés, à travers les clapets tt′, dans une bâche, d’où ils s’écoulent à l’extérieur, par un tuyau de trop-plein.
La transmission de mouvement est donnée à la pompe à air, P, au moyen d’un levier coudé, AB, dont une branche actionne la tige du piston de la pompe, et dont l’autre reçoit le mouvement d’une bielle, L, reliée elle-même à la manivelle, R, de la machine.
La machine Corliss que nous venons de décrire, inventée en Amérique vers 1862, se répandit très promptement dans son pays d’origine. Accueillie d’abord avec méfiance en Europe, à cause de la complication de son mécanisme, elle a fini par conquérir la première place, grâce à la perfection avec laquelle elle est construite. Elle est très économique, car dans le service courant elle ne consomme pas plus de 750 grammes de charbon, par cheval et par heure de travail.
La machine du constructeur américain, dont plusieurs constructeurs français, entre autres M. V. Brasseur, à Lille, et MM. Lecouteux et Garnier, à Paris, ont acquis le privilège, a été modifiée en Europe de bien des manières.
Les perfectionnements portent surtout sur l’emploi des ressorts. Les ressorts métalliques dont M. Corliss fait usage finissent par se détendre ; leur fermeture est irrégulière, et s’ils ne sont pas bien surveillés, cette fermeture peut même être incomplète.
On n’a pas cet inconvénient en employant un ressort de vapeur, c’est-à-dire un piston, sur lequel agit la vapeur de la chaudière.
Telle est la meilleure méthode à suivre ; mais c’est la plus coûteuse, car la perte de vapeur qui en résulte est assez appréciable.
Une autre modification importante a été apportée à la machine Corliss par un constructeur anglais, M. Wheelock.
La machine Wheelock fit sa première apparition en France, à l’Exposition de 1878. Elle y fit grand bruit, à cause de la simplicité de son mécanisme, qui a l’avantage de commander en même temps l’admission et l’échappement de la vapeur.
À chacun des orifices du cylindre, qui sont au nombre de deux, correspondent deux distributeurs, l’un servant à l’admission et à l’échappement de la vapeur, l’autre à la détente.
Nous représentons, fig. 28, l’ensemble de la machine Wheelock, avec son condenseur.
Le système de déclenchement adopté par M. Wheelock se rattache au type Corliss, avec cette différence que la fourchette de déclic est retournée sens dessus dessous, l’ergot, ou came, qui règle la détente, étant placé en dehors de la fourchette.
Les figures 29 et 30 représentent l’installation du déclic à l’extrémité gauche de la machine et une coupe correspondante du distributeur, A, et de la valve de détente, B.
Sur l’axe (fig. 29) du distributeur A est claveté un levier, E, qui reçoit un mouvement d’oscillation de la barre d’excentrique ; c’est ce levier qui conduit le distributeur d’admission.
En dehors de la ligne médiane dudit levier se trouve vissé, en E, un tourillon, qui sert d’axe de rotation à la fourchette du déclic F, et au petit guide G, qui est aplati du côté de l’axe, afin qu’il puisse se mouvoir dans une ouverture étroite pratiquée en F, dans l’épaisseur de la branche courbe de la fourchette. Au delà, le guide est cylindrique, glissant à frottement doux dans un dé d’acier placé derrière et formant douille ; ce guidage maintient constamment le dé dans la direction convenable pour que le déclic fonctionne régulièrement.
Le dé porte un tourillon mobile dans l’œil du levier H. Le bras supérieur de la fourchette est rectiligne, et il est armé d’une touche saillante, I, en acier, qui dans la position figurée se trouve en prise derrière l’arête du dé. Le contact des deux pièces est assuré par l’effet d’un contrepoids J, agissant au moyen du bras de levier K, faisant corps avec le levier H. C’est ce contrepoids qui produit la fermeture de la valve de détente B. Sur l’axe B de cette valve de détente est placé un levier L, mobile autour de l’axe ; la position de ce levier L est déterminée par le régulateur, au moyen d’une tringle, suivant le travail que la machine se trouve avoir à développer.
Le moyeu du levier L porte un ergot N, contre lequel vient buter, à chaque période de retour, la branche recourbée de la fourchette ; celle-ci est alors soulevée, et la touche I cessant d’être en prise avec le dé, la liaison entre les leviers E et H est interrompue ; le contrepoids agit alors, et ferme instantanément la lumière de détente.
On voit sur la figure 30 la coupe transversale du distributeur A qui présente la plus grande analogie avec le tiroir plan ordinaire, dit à coquille, et la coupe transversale de la valve de détente B. Ils fonctionnent absolument comme les tiroirs ordinaires des machines qui sont munies de deux distributeurs (système Saulnier, Meyer, etc.). En s’élevant, le distributeur A met en communication les deux lumières O, P, afin de produire l’échappement.
La valve B n’est, en réalité, qu’un tiroir de détente, analogue à la glissière des systèmes de détente par plaque mobile que nous venons de rappeler. Elle n’agit sur la marche de la machine qu’en arrêtant la vapeur pour produire la détente. Elle est construite selon le type ordinaire des distributeurs Corliss, sauf une petite différence : sa glace présente un évidement, qui sert à effectuer l’admission des deux côtés à la fois, comme l’indiquent les flèches (fig. 30). La vapeur arrive donc par un double orifice, ce qui permet de donner moins d’amplitude à l’oscillation de cette valve ; et le fonctionnement y gagne en rapidité. Au moment de l’admission de la vapeur au cylindre, cette valve de détente se trouve déjà en partie ouverte, comme l’indique la fig. 30.
En Q, sur la tringle du régulateur (fig. 29), se trouve un ressort, dont la tension peut se modifier à la main, par un simple écrou ; ce qui permet de régler d’une manière très simple la vitesse de la machine.
La machine Corliss modifiée par M. Wheelock, c’est-à-dire la machine Wheelock, donne de très bons résultats. Sa construction est très simple. Comme la machine n’a qu’une seule lumière très courte à chaque extrémité du cylindre, l’espace nuisible n’est que la moitié de celui des autres machines à déclic qui en ont deux. Les obturateurs, ou tiroirs, sont légèrement coniques, pour pouvoir en régler la pression contre la table des lumières. Ils sont équilibrés, pendant la course presque entière, c’est-à-dire que la vapeur ne les presse pas contre les tables des lumières. Il en résulte que, par suite, une grande partie de la force employée pour les mouvoir est économisée, et que leur usure est très faible.
L’établissement de M. A. de Quillacq, à Anzin (Nord), construit spécialement la machine type Wheelock, par suite d’un traité passé avec l’inventeur, en 1885. L’établissement d’Anzin a construit de puissantes machines Wheelock pour l’arsenal de Lyon, pour la ville de Paris et pour les grandes industries du Nord. Il construit aussi le dernier système de M. Wheelock, à tiroirs-plans équilibrés mus par le même mouvement de distribution que nous venons de décrire.
La société des anciens Établissements Cail, à Paris, construit des machines Corliss qui présentent dans la commande de la distribution de la vapeur des modifications importantes, que nous allons décrire.
Nous représentons, dans la figure 31, la machine Cail à quatre distributeurs. La figure 32 donne le détail de la distribution de la vapeur.
Le lecteur reconnaîtra immédiatement, dans le dessin de cette machine, les mêmes organes que dans la machine Corliss, en particulier les quatre distributeurs VV′, QQ′ (fig. 32). Dans la transmission du mouvement au mécanisme de distribution de la vapeur, l’excentrique communique son mouvement par un jeu de bielles ll′K, à un levier coudé boa (fig. 32, 33 et 34) fixé sur l’axe du tiroir. Sur cet axe est calé un secteur, s, portant une touche en acier, t, et relié en q au moyen d’une tige pp′, à un ressort de rappel. Sur la seconde branche du levier coudé, boa, est articulé, en a, un doigt courbe, ac, dont l’extrémité est terminée par un cran k. Un ressort, r, maintient ce doigt constamment appuyé sur le secteur. Un petit levier, d e, est articulé au pivot d, et se termine par un butoir, w.
L’extrémité du doigt étant fixe, dans le mouvement du point a de droite à gauche, le balancier entraînera le secteur, par l’intermédiaire du doigt, et l’admission se produira. Mais, pendant ce moment, le levier d e oscille autour du point d, et le butoir, w, venant appuyer sur le secteur s, dégage le déclic. Le ressort de rappel ramène alors instantanément le tiroir dans sa position primitive. Puisque la détente dépend de la position relative du butoir et du secteur, il suffira de faire varier la position du point e pour modifier la détente. Ce déplacement est produit par le régulateur qui actionne ce point par l’intermédiaire de la bielle ef et des renvois de mouvement f g h commandés par la tige M, laquelle reçoit le mouvement du régulateur, par l’intermédiaire d’un renvoi d’équerre. Les obturateurs d’échappement QQ′ sont commandés par des leviers O′B′ qui reçoivent le mouvement des bielles L′.
L’évacuation de la vapeur se fait dans le condenseur qui se trouve placé au-dessous de la machine.
Nous appellerons l’attention du lecteur sur le ressort de rappel (fig. 34). Cet appareil est composé d’un piston étanche, susceptible de se mouvoir dans un cylindre fermé à une de ses extrémités. Quand le piston est entraîné par la tige PP′ il fait le vide derrière lui ; dès que le déclenchement s’opère, il est livré à lui-même, et sollicité très énergiquement par la pression atmosphérique, il revient brusquement à sa position primitive.
Ce système est donc d’un fonctionnement des plus simples. De plus, le mouvement s’opère avec une promptitude que ne donnent jamais les ressorts métalliques, lesquels finissent par se détremper à la longue, et ne fonctionnent dès lors que d’une manière imparfaite.
Dans le cas où une rentrée d’air se produirait dans le cylindre, le fonctionnement du piston est assuré par un ressort à boudin, qui presse sur sa face antérieure.
Ce dispositif, plus ou moins modifié, est appliqué à d’autres machines ; nous aurons, du reste, l’occasion de le signaler.
La machine Corliss à quatre tiroirs, que nous représentons fig. 35, est du dernier modèle construit par M. Farcot. Elle a été exécutée un grand nombre de fois, et toujours ses résultats ont été extrêmement remarqués. Nous allons indiquer comment M. Farcot est arrivé à prolonger au besoin l’admission de la vapeur pendant les 8/10 de la course du piston ; faculté que l’on n’a pas dans les machines Corliss ordinaires.
Ce résultat remarquable est obtenu en
Fig. 36. — Détails de la machine Farcot à quatre distributeurs.utilisant, pour le déclenchement le retour ainsi que l’aller du tiroir. Le mouvement d’enclenchement, dans la nouvelle disposition, est entièrement concentrique à l’axe du tiroir.
Le mouvement continu d’oscillation imprimé par la barre d’excentrique a au plateau b (fig. 35) est transmis par la bielle c au levier d (voir les détails de la distribution à la figure 36). Le levier d est formé de deux flasques entretoisées entre elles et folles sur l’extrémité de l’axe du tiroir d’admission ; il porte, à sa partie inférieure, la pédale d’enclenchement, f, constamment poussée vers l’axe du tiroir au moyen d’un ressort extérieur.
Sur le même axe du tiroir est calée une manivelle, g, sur laquelle agit le ressort à vapeur de fermeture, et dont le moyeu présente, entre les flasques d, un grain d’acier h, correspondant au grain j de la pédale f. On comprend aisément que le tiroir se trouvera entraîné ou non dans le mouvement d’oscillation des flasques d, suivant que les grains d’acier h et j seront en prise ou non l’un avec l’autre.
Pour faire cesser cet entraînement, à un moment donné, il suffit de forcer la pédale f à s’écarter de l’axe du tiroir, en supprimant le ressort intérieur qui tend constamment à l’en rapprocher. Ce déclenchement est produit par deux cames en acier, K K′, placées à l’extrémité du support de la distribution, et susceptibles de prendre diverses positions par les bielles l l′ (coupe AB), dépendant du régulateur. Les bosses excentrées de ces cames marchant l’une vers l’autre viennent se présenter plus ou moins tôt sous l’extrémité d’un appendice latéral au doigt, m, pour écarter cette pédale de l’axe du tiroir. La came K agit directement sur le doigt m, pour amener le déclenchement pendant l’aller du tiroir, c’est-à-dire pour les petites introductions jusque vers les trois dixièmes de la course du piston et la came k′ produit au contraire le déclenchement pendant le retour du tiroir depuis trois dixièmes environ jusqu’à huit dixièmes de la course du piston, en agissant sur le doigt mobile intérieur n.
Lors de l’aller du tiroir, ce doigt mobile intérieur, n, disparaît dans l’excavation, m, poussé par un plan incliné latéral de la came K′ des grandes introductions ; il évite ainsi la bosse de cette came, qui empêcherait l’action de la première came K. Au retour, au contraire, si le déclenchement ne s’est pas produit sur la came K par suite de la position à elle imposée par le régulateur, c’est le doigt intérieur n qui, repoussé brusquement de son logement par un ressort, vient se présenter derrière la bosse de la came K, pour déclencher à son tour, plus ou moins tôt, aux grandes introductions.
Les deux doigts m et n sont en acier, comme les cames elles-mêmes.
La disposition spéciale de l’une des cames empêche tout emportement de la machine, en cas d’accident arrivé au régulateur. Car, en admettant que, pour une cause quelconque, le régulateur s’arrête et tombe en bas de sa course, la machine, au lieu de s’emporter, s’arrête, par la suppression d’introduction de vapeur, et prévient ainsi son conducteur.
Ajoutons que la machine Farcot présente des espaces morts extrêmement faibles grâce à la disposition des orifices d’admission et d’échappement qui sont pratiqués dans les couvercles du cylindre.
Pour fournir la vapeur à ses machines, M. Farcot fait usage de chaudières d’une disposition particulière, très avantageuse sous le double rapport de l’économie du combustible et de la facilité de conduite.
Nous représentons cette chaudière, en coupe, dans la figure 37. On voit que M. Farcot a réuni dans ce générateur le système à tubes de fumée et le système à bouilleurs. Le foyer est à retour de flamme ; il y a des réservoirs d’eau superposés et un faisceau tabulaire.
Les machines que construit l’usine du Creusot sont du dernier type de M. Corliss. Ces machines comportent, par conséquent, tous les perfectionnements qui ont fait l’objet des derniers brevets accordés à M. Corliss.
Nous commencerons par donner un aperçu rapide des dispositions générales de la machine, représentée par les figures 38 et 39 ; nous indiquerons ensuite les détails de construction.
La machine est à quatre distributeurs. Les obturateurs d’admission sont disposés à la partie supérieure, et ceux d’émission à la partie inférieure, de façon à réaliser la séparation des organes d’entrée et de sortie de la vapeur, et à assurer le drainage régulier de l’eau amenée par la vapeur ou condensée dans le cylindre.
Un seul excentrique entraîne toute la distribution. Les nouvelles dispositions cinématiques, très simples, adoptées pour la commande des obturateurs, produisent une ouverture excessivement rapide des orifices d’admission de vapeur ou d’échappement, et évitent ainsi tout laminage de la vapeur pendant les périodes d’admission, et toute contre-pression pendant les périodes d’échappement.
La fermeture des orifices d’admission s’opère presque instantanément, sous l’action d’un déclic et d’un appareil de rappel, composé simplement d’un piston pneumatique ; ce piston, entraîné par l’excentrique pendant l’ouverture de l’orifice, est ramené brusquement à sa position inférieure par la pression atmosphérique au moment où s’effectue le déclenchement.
La durée des périodes d’admission de vapeur, variable dans de très grandes limites, est déterminée par la position d’un régulateur à force centrifuge. Celui-ci agit, sans aucun effort, par l’intermédiaire d’une came double, de profil spécial, sur le mécanisme de déclenchement, et assure une vitesse constante à la machine, malgré toutes les variations du travail résistant.
La forme des cames actionnant le déclic permet d’obtenir de très grandes variations de la puissance des machines avec de très petits déplacements des boules du régulateur. Dans ces conditions il n’y avait plus à chercher, au moyen de dispositions compliquées, à réaliser l’isochronisme du régulateur, mais il devenait nécessaire de s’opposer à une trop grande rapidité d’action de cet organe. C’est ce qui a été obtenu à l’aide d’un frein à huile, réglable à la main.
En cas d’arrêt accidentel du régulateur, produit par exemple par la chute ou la rupture de la courroie qui le commande, celui-ci descend immédiatement à sa position inférieure d ; par une disposition particulière de la came de commande des déclics, la machine, au lieu de s’emporter, comme cela se produit dans presque tous les autres moteurs, est rapidement arrêtée, par la cessation complète de l’admission de la vapeur dans le cylindre ; de cette façon tous les accidents possibles sont évités, aussi bien à la machine elle-même qu’aux engins qu’elle conduit, et aux personnes travaillant dans le voisinage.
Le cylindre est muni d’une enveloppe de vapeur, avec purgeur automatique, et d’une garniture de tôle à l’extérieur.
L’excentrique de commande de la distribution peut être débrayé, le mécanisme étant alors aisément manœuvré à la main, il est possible de marcher en avant et en arrière et d’aider ainsi à la mise en marche de la machine.
Le condenseur est placé à l’arrière du cylindre à vapeur, et sur le même plan horizontal ; la pompe à air, à piston plongeur et à simple effet, est commandée directement par le prolongement de la tige du piston à vapeur. Cette disposition a pour but de rendre le travail absorbé par la pompe le plus petit possible, et de faciliter l’entretien. Les clapets d’aspiration et de refoulement sont logés à la partie supérieure du condenseur. Formés de rondelles minces en cuivre phosphoreux battant sur des sièges en bronze, ils sont guidés, sans aucun frottement pendant leur levée, par des ressorts hélicoïdaux, également en cuivre phosphoreux, servant aussi à les rappeler brusquement sur leurs sièges.
Ces clapets réalisent un très grand perfectionnement sur les clapets en caoutchouc ; leur grande durée simplifie considérablement l’entretien ; par leur nature, ils permettent d’opérer la condensation à une température élevée, ce qui n’est pas possible avec les clapets en caoutchouc, et ce qui est pourtant important pour le cas où l’on est limité dans la dépense de l’eau d’injection : enfin, avec ces clapets, dont la masse en mouvement est très faible, et la disposition du condenseur, la pompe à air peut fonctionner sans chocs à une très grande vitesse.
Des plateaux ménagés à la partie supérieure du condenseur permettent une visite facile des clapets. Tous les conduits d’arrivée de vapeur, d’eau d’injection et d’évacuation, sont logés à l’intérieur du condenseur et venus de fonte avec lui.
Le condenseur est muni d’un robinet spécial, avec cadran indicateur, qui permet de proportionner exactement la quantité d’eau d’injection au poids de vapeur consommé dans le cylindre, en se basant, pour cela, sur les indications d’un baromètre et d’un thermomètre, qui donnent constamment la pression dans le condenseur et la température de l’eau d’évacuation. Des tubulures sont ménagées à la partie inférieure, pour le remplissage et la vidange du condenseur.
La figure 40 représente une coupe de la machine par l’axe du cylindre.
La vapeur est amenée des chaudières, par le tuyau en fonte, I, qui aboutit à la boîte S. Celle-ci renferme une soupape à lanterne, en bronze, qui établit la communication avec les tubulures d’admission, par l’intermédiaire des coudes V. La tige de la soupape se termine par un volant à main, elle est filetée sur une partie de sa longueur et l’écrou qui lui correspond est maintenu dans une arcade, fixée elle-même sous la boîte S.
Les conduits d’introduction sont garantis contre les refroidissements extérieurs, par une double enveloppe en fonte, Y′, de 6 millimètres d’épaisseur et emprisonnant une couche d’air qui ne peut se renouveler.
Le cylindre (fig. 40) est doublé d’une enveloppe concentrique, de 25 millimètres d’épaisseur, laissant entre elle et le cylindre un intervalle de 20 millimètres en communication avec une des tubulures d’introduction de vapeur par une soupape à volant S′. Les fonds creux sont également remplis de vapeur, dont la purge s’effectue par les tuyaux K et K′ qui aboutissent, ainsi que le tuyau K2, à un purgeur automatique. Enfin une dernière enveloppe, en tôle, a pour but, en emprisonnant une couche d’air, de réduire encore la déperdition de la chaleur par les parois du cylindre.
Les obturateurs (fig. 40 et 41) sont en fonte, ils ont une longueur totale de 565 millimètres. Ceux d’admission a et a′ ont en section transversale la forme d’un rail, dont le patin, au lieu d’être plat, serait arrondi suivant un arc de cercle de 140 millimètres, ils sont terminés par deux disques circulaires, dont une partie de la circonférence aurait été enlevée et remplacée par une partie semblable a2 en bronze ; chacun de ces tasseaux, que l’on peut remplacer facilement lorsqu’ils sont usés, porte une queue ou douille glissant dans un évidement a3 de l’obturateur, que l’on voit sur la figure 40 ; un ressort à boudin logé dans cette douille a pour effet de repousser le tasseau et d’appliquer exactement l’obturateur sur son siège. La lubrification se fait au moyen de graisseurs G rapportés sur les tubulures d’introduction.
Les obturateurs d’échappement e, e′ présentent des dispositions analogues, seulement leur section est celle d’un demi-cylindre creux.
Chacun de ces quatre obturateurs a son extrémité emmanchée dans une mortaise appartenant à l’axe de commande correspondant, lequel reçoit un mouvement de rotation alternatif comme nous l’expliquerons plus loin. Cette disposition assure la fixité des axes avant et arrière des distributeurs, tout en laissant à ceux-ci la faculté de suivre le jeu résultant de l’usure.
Les axes de commande des obturateurs traversent des garnitures métalliques qui remplacent les presse-étoupes et dont l’étanchéité est parfaite. Ce qui fait l’intérêt de cette machine, c’est surtout le mode de fermeture des obturateurs d’admission.
Reportons-nous à la figure 41 qui représente l’ensemble de la commande des obturateurs d’avant.
La tige t commandée par l’excentrique actionne le levier L qui transmet son mouvement au levier à deux branches N, par l’intermédiaire de la bielle A ; ce levier est monté fou sur l’axe du distributeur : à l’une des extrémités de ce levier, en S, est articulée une touche d’acier qui entraîne un couteau fixé à l’extrémité d’une came clavetée sur l’axe de l’obturateur ; cette touche est réunie à une fourchette dont les deux branches sont reliées par un axe en acier susceptible de se déplacer dans une coulisse g articulée elle-même à la partie inférieure d’un levier D. Cette coulisse est munie d’un arrêt qui, à une certaine période du mouvement d’oscillation du levier, N, force la touche à abandonner le couteau contre lequel un ressort presse la fourchette.
La came à couteau qui est, comme nous l’avons dit, clavetée sur l’axe de l’obturateur, est rappelée constamment par le ressort atmosphérique, P, par l’intermédiaire de la bielle A′.
Le levier d, qui oscille autour d’un axe fixé sur le cylindre de la machine, est réuni en G, à la tringle b commandée par le régulateur.
Dans la position de la figure 41, la bielle de connexion A se trouve au point mort supérieur et la touche vient s’engager sous le couteau. Lorsque la bielle descendra, le balancier N oscillera, la touche se relèvera entraînant avec elle la came à couteau, ce qui détermine l’ouverture de l’orifice d’admission. Pendant toute la période d’entraînement, la touche est maintenue par le couteau contre le ressort. L’axe de la fourchette participe au mouvement de rotation, mais il arrive un instant où, la rotation continuant, cet axe vient buter contre l’arrêt de la coulisse, et fait déclencher le couteau. Le balancier de la commande N est alors ramené à la position initiale par la bielle de rappel A.
On voit que la durée d’ouverture du distributeur d’admission dépend de la distance qui existe entre l’axe de la fourchette et l’arrêt correspondant, au moment de l’enclenchement. La tige b, commandée par le régulateur, a pour effet de rapprocher ou d’éloigner le taquet de l’axe de la fourchette. Le déclenchement aura donc lieu plus tôt ou plus tard, et par conséquent la durée d’ouverture du distributeur d’admission sera augmentée ou diminuée.
CHAPITRE IV
Le type primitif des machines à vapeur à soupapes est la machine combinée par les constructeurs suisses, Sulzer frères. Cette machine, complètement inspirée de la machine Corliss, en ce qui est de la forme extérieure, a pour distribution des soupapes du système dit à manchon. Le cylindre est enveloppé de vapeur et toutes les précautions sont prises contre le refroidissement et les condensations.
Nous donnons une coupe de cette intéressante machine dans la figure 42.
Le cylindre est entouré d’une première enveloppe, en matière non conductrice, d’une deuxième enveloppe en bois, et du côté du fond, d’une enveloppe en tôle mince.
Le système de distribution de vapeur comporte deux types. Nous décrirons d’abord le type primitif.
Il comporte quatre soupapes, deux en haut pour l’admission, deux en bas pour l’échappement. Ces soupapes sont appuyées sur leurs sièges par des ressorts énergiques. Du côté de l’admission la fermeture s’opère brusquement. Le choc est évité au moyen d’un piston à coussin d’air. Un arbre parallèle à l’axe du cylindre sert à la commande des distributeurs ; il prend son mouvement sur l’arbre de la machine, au moyen de deux roues d’angle d’égal diamètre. Pour l’échappement, la transmission est invariable, une came agit sur une bielle UQ maintenue à sa partie supérieure par une bielle articulée Tn et articulée à la partie inférieure sur un levier coudé SRQ qui commande la soupape.
Pour l’admission le mouvement est pris sur l’arbre auxiliaire au moyen d’un excentrique calé à 90° de la manivelle. Le levier DEF est articulé à une tige GH portant à la partie inférieure un étrier N, l’extrémité est soutenue en H par une bielle KH, articulée sur le centre fixe K ; la bielle d’excentrique BC est composée de deux flasques parallèles réunies à leur sommet par une pièce C coulissant sur la tige GH.
Cette pièce est articulée à tourillons sur les flasques de la bielle. Pour ouvrir la soupape, il faut communiquer le mouvement descendant des deux flasques à la tringle GH. Pour cela le levier se termine par une touche N en acier très dur, et les flasques portent entre elles un butoir M également en acier. Ce butoir en forme de touche décrit une courbe ovoïde qui vient pénétrer plus ou moins dans l’étrier.
La position de M est telle que lorsque l’excentrique se trouve à mi-course et que la bielle se meut en descendant, le contact entre les touches m et n se produit. Alors la bielle BC entraîne l’étrier, par suite le levier coudé DEF et ouvre la soupape. En même temps la trajectoire curviligne se déplace par rapport à l’arête de la touche N, et il arrivera un moment où les deux touches cessent d’être en contact. Le mécanisme de rappel ferme alors instantanément la soupape.
La durée de l’ouverture est proportionnelle à la quantité dont la touche N pénètre la trajectoire de l’arête M. Pour faire varier la détente, il suffit donc de faire varier la position du centre K. K se trouve fixé à l’extrémité du petit levier mobile autour d’un axe E. Ce déplacement est obtenu par le régulateur.
Pour un bon fonctionnement, il faut employer des ressorts très énergiques. Ces ressorts amèneraient rapidement la destruction des soupapes, si leur action n’était amortie par le matelas d’air. C’est le réglage de la retombée qui constitue la partie délicate de ces machines et à laquelle on doit faire grande attention.
Nous donnons figure 43 un dessin, en élévation, de la machine Sulzer.
D’autres constructeurs ont cherché à réaliser des types plus simples.
La détente de Claparède a été surtout appliquée aux machines à deux cylindres. Dans ce système de distribution de la vapeur, les soupapes sont placées sur le fond du cylindre. Le mécanisme de la distribution présente beaucoup d’analogie avec la distribution Cail.
Sur le cylindre se trouvent deux points d’articulation. Le point inférieur sert d’axe à un levier qui commande directement la soupape au moyen d’une bielle. Il est prolongé sous la forme d’un secteur ayant un grain de détente en acier. Sur ce même axe, un autre levier porte à son extrémité la virgule de détente, qui oscille autour de ce levier. Cette virgule viendra prendre le grain placé sur le secteur, et lorsque l’excentrique agira, il y aura abaissement du secteur et soulèvement de la soupape. Mais dans le mouvement de rotation autour de l’axe inférieur, l’extrémité de la virgule de détente s’élève et viendra rencontrer une came ; par cette rencontre, il y aura oscillation du doigt de détente, et la fermeture immédiate se produira.
Nous terminerons ce chapitre par la comparaison entre les différentes machines à quatre distributeurs.
Ces machines, comme on l’a vu, comprennent deux dispositions bien différentes. Les unes sont à tiroir, ce sont les appareils Corliss, Farcot, Cail et Wheelock ; les autres sont à soupapes, et dérivées toutes de la machine Sulzer.
Dans les machines à quatre distributeurs, un trait caractéristique est la brusque fermeture des appareils d’admission.
Dans les machines à tiroir, il y a : 1o un ressort métallique, 2o un ressort de vapeur. Dans le dernier cas, ou bien la vapeur est prise sur la conduite même de la machine et absolument indépendante de la pression dans la boîte de distribution (machines Wheelock et Farcot), ou bien elle agit dans la boîte de distribution, sur le cadre même du tiroir, et est absolument dépendante de la pression dans la boîte de distribution.
De ces trois méthodes, la plus avantageuse est l’emploi d’un ressort de vapeur indépendant, mais c’est la plus coûteuse, car il y a là une perte de vapeur appréciable. Les ressorts métalliques se détendent, la fermeture est irrégulière, et s’ils ne sont pas très bien surveillés, la fermeture peut être incomplète.
Il arrive quelquefois qu’à la mise en route la pression est insuffisante. Il est prudent de ne l’employer qu’avec réserve, et de le munir toujours d’une fermeture métallique, qui viendra compléter l’effet du ressort de vapeur. Pour les machines à soupapes, les ressorts sont métalliques.
Les machines à quatre distributeurs ont deux avantages très marqués lorsqu’on vient à les comparer aux machines à détente par plaque glissante sur le dos du tiroir, c’est-à-dire les anciennes machines Farcot. Ces avantages sont :
1o Absence de laminage de la vapeur, c’est ce qu’a recherché Corliss. Dans la machine à plaque glissante sur le dos du tiroir, quand on arrive aux grandes détentes, la vitesse de fermeture est très faible ; elle va en diminuant très rapidement, tandis que la vitesse du piston s’accélère, de sorte que la fermeture s’opère avant que le piston ait quitté le point mort. La pression de vapeur diminue et au moment où la détente se produit, on a une pression très inférieure, et une perte de travail considérable. Au contraire, dans la machine à quatre distributeurs, la pression est sensiblement la même dans l’intérieur du cylindre et de la boîte à vapeur. La détente commence avec la pression maximum.
2o Ces machines n’ayant que des espaces morts très restreints, la détente effectuée a une valeur très rapprochée de la détente nominale ; c’est une condition favorable pour une consommation de vapeur restreinte. Cette machine est donc économique parce que la pression initiale est maximum et par suite de la réduction des espaces morts.
CHAPITRE V
Les machines Corliss et Sulzer présentent les plus remarquables avantages, au point de vue de l’économie dans la dépense de la vapeur et du charbon brûlé ; mais leur mécanisme est d’une complication extrême. Il faut des ouvriers spéciaux pour le réglage et la surveillance ; et si la surveillance n’est pas journalière, la consommation de charbon augmente assez rapidement.
Les inconvénients des machines à un seul cylindre, c’est-à-dire des machines Corliss et Sulzer que nous venons de décrire, peuvent être ainsi résumés :
1o Les pièces nécessaires à la transformation du mouvement (tiges de piston, bielles, manivelles, arbres) doivent être calculées pour l’effort maximum qu’elles supportent. Or, cet effort est très différent de l’effort moyen, puisqu’on admet la vapeur à pleine pression sur la face du piston, et qu’on la laisse ensuite se détendre jusqu’à neuf fois son volume. On voit que l’effort initial sera neuf fois plus considérable que l’effort final. On est donc obligé de donner au piston et au cylindre des dimensions très considérables ; par suite, il y a là une dépense de première installation, qui peut être très importante.
2o L’effort de la vapeur sur le piston étant très variable pendant la course, pour obtenir la régularité de mouvement qui est indispensable dans une usine, comme une filature, en est obligé d’avoir recours à des volants très lourds.
3o Les espaces morts jouant un rôle très important dans la consommation de vapeur, on arrive à une économie très grande, si la disposition adoptée permet de supprimer l’influence des espaces morts. C’est précisément le résultat qu’on obtient dans les machines compound à réservoir intermédiaire.
4o Les fuites de vapeur qui peuvent se produire aux tiroirs, robinets, soupapes, et pistons, donnent une perte complète, dans les machines Corliss, puisque la vapeur qui passe ainsi se rend directement au condenseur. Dans les machines à deux cylindres (Wolf et compound) la vapeur qui passe à travers les fuites du petit cylindre se rend dans le grand cylindre, où elle donne son travail en se détendant. C’est là un avantage considérable.
Nous allons maintenant essayer de montrer qu’avec les machines se composant de deux cylindres, dans lesquels la vapeur se détend successivement, on peut obtenir une détente beaucoup plus grande que dans les machines à un seul cylindre.
Dans les machines à un seul cylindre la détente ne saurait être prolongée indéfiniment, à cause des condensations de la vapeur sur les parois du cylindre. Ces condensations de vapeur sont évidemment proportionnelles aux différences de température entre la vapeur et les parois du cylindre. Les parois du cylindre prennent une température qui se rapproche de celle du condenseur, si la détente est très grande. Plus la pression, et par suite la température de la vapeur, à son arrivée dans le cylindre, sera considérable, plus la condensation sera grande. Par conséquent les condensations de vapeur à l’admission, qui forment les principales pertes dans les machines de construction soignée, augmenteront avec la détente.
Si le cylindre est à enveloppe de vapeur, il en sera de même, car la vapeur se condensera dans l’enveloppe, au lieu de se condenser dans le cylindre. On n’en a pas moins une dépense de vapeur considérable.
En résumé, dans les machines à un seul cylindre, plus la détente augmente et plus l’influence du poids de vapeur condensée est considérable, et de ces deux effets résulte un minimum de dépense, compris dans l’emploi de détentes variant de 9 à 10 volumes.
C’est pour éviter les divers inconvénients que nous venons de signaler, c’est-à-dire la nécessité d’une surveillance active, les difficultés de réglage, l’augmentation de la vapeur condensée avec l’accroissement de la pression, que l’on fait usage des machines à deux cylindres qui ont reçu le nom de machines compound, c’est-à-dire machines composées, d’après le mot anglais compand.
Le principal avantage théorique et pratique des machines compound se trouve dans la facilité de produire des détentes considérables, sans provoquer de condensation de vapeur, ou en amenant moins de condensation que dans les machines Corliss.
Dans le premier cylindre d’une machine compound, la température des parois du cylindre est bien plus élevée que celle du condenseur, et cette température est toujours plus élevée que pour les machines à un cylindre, puisqu’elle représente la température de la vapeur du réservoir intermédiaire, où la tension et par suite la température de la vapeur dépendent du degré d’introduction au petit cylindre et de la pression aux chaudières.
Les mêmes phénomènes se reproduisent pour le second cylindre, car si la température de la vapeur est basse, la température de la vapeur qui y entre est également peu élevée ; par suite, l’écart de température et les condensations sont faibles. Pour montrer combien sont variables les condensations que peut entraîner une légère différence entre les écarts de température, dans un même cylindre, nous allons donner quelques chiffres.
Supposons de la vapeur à 8ks de pression, dont la température est de + 169° et de la vapeur à 4ks, à la température de + 143°. Supposons une détente de 9 volumes. Les pressions finales seront, pour les deux cas considérés, de 0k,8 (93°) et de 0k,4 (76°). La chute de température pendant la détente sera donc, dans le premier cas, de 76° et dans le second de 67°. La différence entre ces deux chiffres est assez faible. Cependant les condensations initiales avec une pression de 8ks seront environ deux fois plus grandes qu’avec une pression de 4ks.
On peut donc admettre que la somme des condensations produites dans les deux cylindres d’une machine compound, par suite des écarts de la température, est plus faible que ne le serait la condensation résultant d’une chute de température égale à la somme des deux écarts dans le grand et le petit cylindre.
Ces principes préliminaires posés, nous pourrons aborder la description des machines à vapeur du système compound. Mais avant d’arriver à cette description, il sera nécessaire de parler de la machine, de date déjà ancienne, qui a servi de point de départ à la machine actuelle, dite compound.
La machine dont nous voulons parler, et qui a été l’origine du système compound, c’est la machine dite de Wolf. Dans les Merveilles de la science, nous avons parlé de l’emploi particulier de la vapeur dans la machine de Wolf, et décrit son double cylindre. Nous avons dit qu’elle a été imaginée pour utiliser, avec le plus d’avantage possible, la détente de la vapeur [7]. Aujourd’hui que l’on construit des machines à grande détente avec un seul cylindre, c’est-à-dire les machines Corliss, il semble que l’ancienne machine de Wolf aurait dû être abandonnée. Il n’en est rien ; cette machine fonctionne, au contraire, dans la plupart des filatures du nord de la France, de l’Angleterre et de la Belgique, en raison de la douceur de ses mouvements et de son économie. Elle rivalise avec les machines Corliss sous ce double rapport, et s’emploie en concurrence avec ce nouveau système. Il est donc nécessaire de décrire ici avec attention la machine de Wolf.
Nous prendrons pour sujet de la description de cette machine le type perfectionné que construit aujourd’hui M. Thomas Povell, à Rouen.
La disposition extérieure de cette machine présente les plus grandes analogies avec la machine de Watt, que nous avons décrite dans les Merveilles de la science (pages 126, 128, fig. 67 et 68). Nous avons, d’ailleurs, affecté aux mêmes organes les mêmes lettres dans les deux descriptions.
La figure 44 représente une machine de Wolf à balancier. A est le grand cylindre, A′ le petit cylindre. Les tiges des pistons de ces cylindres transmettent leur mouvement au balancier, DEF, à l’aide de deux parallélogrammes de Watt. Au point F du balancier est articulée la bielle G, qui anime d’un mouvement de rotation le volant V, au moyen d’une manivelle.
P est une tringle qui commande la pompe à air du condenseur, B ; la tige, R, actionne la pompe alimentaire. Un régulateur à boules, mm, actionne une tige qui fait tourner un papillon qui régularise l’arrivée de la vapeur. La vapeur arrivant de la chaudière, par le conduit a, se rend dans le petit cylindre, sort du petit cylindre et se rend dans le grand, par le conduit e ; après avoir travaillé dans le grand cylindre, elle se rend au condenseur.
Une manette permet d’agir sur un robinet qui règle l’arrivée de l’eau dans le condenseur.
Sur l’arbre du volant est calé un engrenage d’angle, qui actionne un pignon conique qui donne le mouvement à l’arbre ll′. Cet arbre porte à son extrémité un excentrique triangulaire qui donne un mouvement de va-et-vient à un cadre composé de 2 tringles verticales. Cette traverse actionne les tiges des tiroirs de distribution. Un contre-poids, M, équilibre l’ensemble des tiges et des tiroirs.
Nous donnons, dans les figures 45 et 46, la coupe des tiroirs du grand et du petit cylindre. Ce sont des tiroirs ordinaires à coquille, sans recouvrements. La vapeur venant de la chaudière se répand, à l’intérieur de la boîte du tiroir, T, du petit cylindre. Suivant ensuite l’ouverture du tiroir, elle pénètre, par le canal h′, à la partie supérieure du cylindre, ou, par le canal b′ à sa partie inférieure. Elle peut également se rendre par ces canaux, à l’échappement. La vapeur se rend alors par un conduit dans la boîte du tiroir du grand cylindre, qui est exactement pareille à celle du petit cylindre. Mais ici l’échappement se fait au condenseur.
Dans cette machine l’admission de la vapeur dans le petit cylindre se fait pendant toute la durée de la course ; le grand cylindre ayant un volume de quatre à six fois le volume de vapeur admis à chaque coup de piston. Mais ces détentes ne sont pas assez économiques, et l’on a été amené à faire commencer la détente à l’intérieur même du petit cylindre. Pour cela, on fit d’abord usage d’un simple tiroir à recouvrement, sans aucun appareil supplémentaire, fixe ou variable.
Mais ces machines, tout en donnant d’excellents résultats, au point de vue de la consommation, présentaient encore des inconvénients.
Le réglage par papillon ne permettait pas de donner aux machines une parfaite régularité de vitesse, sous toutes charges, surtout avec des machines peu chargées.
L’impossibilité d’admettre moins de cinq dixièmes de la course du petit piston avec un simple tiroir à recouvrement avait pour résultat d’amener un étranglement considérable de la vapeur par le papillon. Quand la charge à enlever ne nécessitait pas une admission de cette importance, il en résultait naturellement une consommation moins économique.
Ces considérations amenèrent MM. Powell à essayer l’application d’une détente variable par le régulateur, pour l’admission de la vapeur au petit cylindre. Ils adoptèrent le système de déclic inventé par M. Correy, leur ingénieur.
Les premières applications de ce système furent faites sur des machines existantes ; les résultats obtenus ayant été excellents, tant au point de vue de l’économie de consommation qu’à celui de la régularité de la vitesse, l’appareil fut depuis appliqué à toutes les machines de Wolf nécessitant une vitesse très régulière, ou soumises à des efforts variables.
Voici la disposition de ce dernier appareil. La forme ordinaire des boîtes à vapeur est conservée ; la vapeur arrive directement des chaudières à l’enveloppe entourant les deux cylindres et passe de là, par une valve de mise en route, à la boîte à vapeur du petit cylindre.
Le mouvement est donné au tiroir par un excentrique triangulaire comme dans la machine précédente, les tiroirs sont réglés de la même manière.
Le but de l’appareil de détente est de faire cesser l’admission de vapeur à une période quelconque de la course du petit piston, depuis 0 fermeture complète jusqu’à 0,9 de la course.
La figure 47 représente l’ensemble de la machine. Les figures 48, 49, 50 et 51 redonnent des détails de la distribution.
Le petit tiroir A, de forme plane (fig. 48 et 49), présente deux faces parallèles dressées ; la face intérieure, qui frotte sur la glace du cylindre, est disposée comme celle d’un tiroir ordinaire. Le réglage peut se faire pour permettre une admission de six à neuf dixièmes de la course du petit piston, suivant la charge maximum sous laquelle la machine doit fonctionner. La face extérieure présente deux orifices rectangulaires, dont les dimensions correspondent à la section d’orifice découverte par les bords de la face intérieure.
Deux palettes BB′ sont maintenues appuyées sur la face extérieure du tiroir par la pression de la vapeur, et peuvent en fermer complètement les deux orifices, de manière à intercepter toute communication entre la vapeur de la boîte et le cylindre.
Les palettes sont fixées à deux tiges, C′, C qui sortent de la boîte de vapeur par des presse-étoupe doubles DD′, afin d’empêcher toute perte de vapeur condensée le long de ces tiges.
Le diamètre des tiges est calculé pour que la pression de vapeur qui s’exerce sur leur extrémité supérieure, augmentée du poids des pièces, soit plus élevée que l’effort provenant de la résistance due au serrage des garnitures de chanvre dans les presse-étoupe et du frottement des palettes sur les faces du tiroir. Cette disposition, qui fait retomber les tiges et leurs palettes dès qu’elles se sont rendues indépendantes du mouvement qui élève, évite l’emploi des ressorts ou contre-poids employés pour remplir le même office.
Chaque tige porte, au-dessous des presse-étoupe, un renflement, M, formant piston, dans un petit cylindre à air EE1. L’échappement de l’air sous les pistons se règle à volonté, au moyen de petites soupapes dont la tige est filetée, et lorsque les tiges des palettes retombent brusquement, l’air se comprime sous leur extrémité de manière à supprimer complètement le choc.
Le mouvement est donné à chacune des tiges CC1 par deux excentriques circulaires FF1 calés sur un petit arbre spécial commandé par l’arbre de la machine.
Les excentriques sont articulés à deux tiges cylindriques GG1 qui passent dans un guide fixé sur la colonne, elles se meuvent à frottement doux dans deux pièces en fer HH1 qui portent le déclic, et qui sont clavetées à l’extrémité inférieure des tiges des palettes.
La partie supérieure des tiges GG1 n’est pas cylindrique ; sur une certaine longueur, elle est faite sur le tour en déplaçant l’axe du cylindre parallèlement à lui-même (fig. 50, 51 et 52) et forme un épaulement ayant la forme d’un croissant. Cette partie des tiges est en acier trempé. Une autre pièce, i, en acier trempé s’engage dans l’ouverture carrée des pièces HH1 et peut se déplacer horizontalement d’une quantité égale à l’épaulement j, quand le levier coudé et articulé K lui communique son mouvement.
La pièce en acier, i, a une ouverture intérieure, dont la forme circulaire vient s’appliquer exactement sur une demi-circonférence de la surface latérale de la tige qui la traverse, et elle est maintenue appuyée contre cette tige par un petit ressort à boudin.
Quand l’un des excentriques est à sa fin de course inférieure, la tige qu’il commande, et qui porte une palette, repose sur la rondelle en caoutchouc qui garnit le fond du cylindre à air, la palette ferme complètement l’orifice et l’épaulement j de la tige G est descendu de quelques millimètres au-dessous du verrou i. Ce jeu de trois à quatre millimètres est destiné à permettre au verrou de bien se placer sur l’épaulement de la tige. Le ressort à boudin applique le verrou sur la partie excentrée de la tige, ainsi que le représentent les figures 48 et 49.
Si l’on commence le mouvement, l’excentrique poussera d’abord l’épaulement de la tige contre le verrou, aussitôt la palette obéira et, en s’élevant, découvrira l’orifice.
Le levier coudé et articulé K s’élève avec tout le système, il porte dans la partie cylindrique inférieure et maintenue par deux écrous qui en permettent le réglage.
À un moment quelconque de la course du petit piston, le couteau viendra rencontrer une des pièces en forme de came OO1 ; l’excentrique continuant son mouvement, l’extrémité inférieure du levier décrira un petit arc de cercle autour de son articulation, jusqu’à ce que le verrou i sorte de l’épaulement de la tige en comprimant le ressort à boudin.
La palette et la tige sont alors indépendantes, la pression de la vapeur les fera retomber brusquement et la palette masquera l’orifice.
Les pièces en fonte OO1 sont calées sur un petit arbre, que fait mouvoir un système de leviers ordinaires qui le relient au manchon du régulateur, la forme à donner à ces pièces est déterminée par l’épure de réglementation.
L’effort de butée des couteaux sur les cames est très faible, puisqu’il n’a d’autre office que de faire sortir le verrou de son épaulement. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, cet effort à toutes les positions des cames n’a qu’une composante verticale qui passe par le centre de l’arbre à cames, de sorte qu’il ne peut avoir aucune influence sur le mouvement du régulateur. Celui-ci, n’ayant plus alors aucune résistance à vaincre, devient d’une sensibilité extrême, la plus petite variation de vitesse se traduit par des oscillations immédiates, trop considérables et trop rapides des bras du pendule. Pour obvier à cet excès de sensibilité, on a dû ajouter une résistance très faible et constante, au moyen d’un petit piston, suspendu à la tringle du manchon inutile et fonctionnant avec jeu dans un cylindre rempli d’huile.
Les petites tringles GG1 ont pour but de forcer les palettes à redescendre en suivant le mouvement des excentriques, quand, à l’arrêt de la machine, la vapeur n’est plus dans la boîte pour les faire retomber.
Nous n’avons pas besoin de donner une description détaillée de la figure 47 qui représente la machine de Wolf pourvue de la détente Correy. Le lecteur y reconnaîtra aisément les mêmes organes que dans la figure 44, avec le mécanisme de la détente Correy.
Telle est le machine de Wolf en usage aujourd’hui dans les filatures du nord de la France, de la Belgique et de l’Angleterre, et qui a servi de point de départ et de modèle aux machines compound, dans la description desquelles il convient d’entrer maintenant.
CHAPITRE VI
Les machines dites compound en usage dans les deux mondes présentent diverses parties nouvelles dans leurs organes accessoires. Le lecteur s’en rendra compte d’après la description que nous allons donner des différents types de ces appareils que l’on construit aujourd’hui en France.
Ces types sont principalement :
1o La machine compound horizontale et à réservoir intermédiaire, que construisent MM. Weyher et Richemond, dans l’usine de Pantin, près de Paris.
2o La machine compound de MM. Chaligny et Guyot-Sionnest, de Paris.
3o La machine compound de M. J. Boulet, de Paris.
4o La machine compound de l’usine du Creusot, dont le type le plus remarquable et le plus connu, dans le monde des ingénieurs, est celui qui a été établi dans les magasins du Printemps, à Paris, pour l’installation de la force motrice qui met en action les machines dynamo-électriques, servant à l’éclairage de ce vaste établissement.
5o La machine compound verticale et horizontale que construit, à Saint-Étienne, M. Bietrix, et qui présente plusieurs dispositions intéressantes et originales.
Nous commencerons par la machine horizontale, dite à réservoir intermédiaire, de MM. Weyher et Richemond, qui est d’un grand emploi dans les manufactures françaises.
La machine compound construite par MM. Weyher et Richemond est représentée en coupe par les figures 53 et 54, et en plan par la figure 55.Cette machine se compose d’un bâti sur lequel sont fixés deux cylindres : un petit cylindre, A, recevant la vapeur à pleine pression, et un grand cylindre, B, où se fait la détente (fig. 54). Ces cylindres sont munis d’une enveloppe de vapeur, et sont protégés contre le refroidissement par une seconde enveloppe en tôle, contenant des matières isolantes. Les fonds d’arrière sont amovibles ; ceux d’avant sont venus de fonte avec le cylindre. Ces fonds n’ont pas de circulation de vapeur ; les enveloppes de vapeur se trouvent constamment en communication avec la chaudière.
De l’enveloppe du petit cylindre, A, la vapeur passe, en la contournant, à la boîte de distribution de ce cylindre, au moyen d’une valve à clapet, commandée par un volant.
La distribution de la vapeur dans le petit cylindre s’opère par un système de tiroir double, dérivé du système Farcot et qui permet l’introduction de la vapeur de 0 à 7/10. Le lecteur est prié de se reporter à la description du tiroir Farcot ( fig. 23 et 24) qui lui donnera une idée suffisante du mode de détente variable employé ici.
La vapeur d’échappement du petit cylindre contourne l’enveloppe, à sa partie supérieure, s’y réchauffe, et se rend à la boîte de distribution du grand cylindre, B.
La distribution du grand cylindre se compose d’un tiroir à coquille ordinaire commandé par un excentrique circulaire.
De ce cylindre la vapeur se rend au condenseur.
Le condenseur, dont on voit la coupe longitudinale dans la figure 53, est formé d’une colonne verticale, C, de dimensions relativement fortes, eu égard au volume du cylindre. L’eau d’injection y arrive par une soupape, S, placée dans le bas. Deux pompes à air, P et P′, commandées par un levier, en T, actionné par une courte bielle, reliée à la tige du piston du grand cylindre, et noyées dans une bâche B, aspirent l’eau d’injection et rejettent l’eau chaude dans le haut de la bâche, d’où elle s’écoule à l’égout. La pompe alimentaire a est attelée à l’un des bras du levier commandant la pompe à air.
L’arbre du volant, V (fig. 53 et 55), est coudé et porte deux manivelles, MM′, correspondant à chacun des cylindres et placées sous un angle voisin de 90°. Trois paliers, inclinés à 45°, supportent cet arbre, deux de chaque côté en dehors des manivelles et le troisième au milieu, entre les deux. Deux poulies-volants V1 V2, en porte-à-faux, transmettent le mouvement à l’arbre de couche de l’établissement.
La vitesse de cette machine à vapeur dépend d’un régulateur, dit régulateur de Porter, agissant sur la came de détente par l’intermédiaire du compensateur Denis, appareil que MM. Weyher et Richemond appliquent à presque toutes leurs machines, et qui donne d’excellents résultats.
La figure 56-57 représente ce régulateur.
Le levier a actionne une tringle b, filetée dans le haut, et munie dans le bas d’ailettes glissant dans deux douilles, ee, venues de fonte avec les roues d’angle et portant des clavettes à l’intérieur. La tringle b peut tourner dans son attache au levier a.
La partie filetée passe dans l’écrou d’un deuxième levier, d, qui transmet le mouvement à la came de détente, par une tringle filetée suivant le système de M. Farcot, que nous avons décrit. Les douilles, ee, tournent constamment en sens contraire, au moyen d’un pignon conique, engrenant avec la roue, venue de fonte avec chacune d’elles et recevant sa commande de l’arbre du volant. Si donc la tringle b, par l’action du régulateur, monte ou descend, les ailettes seront saisies par les clefs de l’une ou de l’autre douille, et la tringle b tournera dans un sens ou dans l’autre, entraînant le levier d, qui agit sur la came. Le régulateur peut toujours revenir à sa position normale caractérisée par l’horizontalité du levier a, sans influencer celle de la came, qui conserve la sienne jusqu’à une nouvelle variation de la résistance.
Nous avons donné dans la figure 53 une vue de la machine compound de MM. Weyher et Richemond, avec la coupe verticale du condenseur, pour montrer la marche de la vapeur. Nous donnons dans la figure 58 l’ensemble et la vue extérieure de la même machine.
CHAPITRE VII
À Paris, MM. Chaligny et Guyot-Sionnest construisent des machines compound d’un très bon usage, que nous allons décrire et figurer.
Les constructeurs se sont posé ce problème : établir un moteur simple de construction, d’un entretien facile et d’un emploi économique. Ils y sont parvenus par le moyen suivant.
Leurs machines sont montées sur un bâti unique, portant les glissières et les paliers.
Le bâti est supporté à ses extrémités par deux socles en fonte, qui reposent eux-mêmes sur les massifs de fondations.
Les avantages de ce dispositif sont faciles à saisir. Le bâti, ne comportant qu’une seule pièce, n’emprunte pas sa rigidité aux fondations, qui peuvent être simplifiées. De plus, les deux socles suppriment l’emploi d’une pierre de taille, et par ce fait, rendent les fondations plus économiques.
Puisque nous parlons du bâti, nous signalerons les glissières cylindriques, dont l’emploi s’est très répandu depuis quelques années, et qui, étant alésées, présentent des garanties très grandes pour le centrage de la tige de piston, en même temps qu’elles sont d’une construction plus économique que les glissières planes.
Les deux cylindres à vapeur, de dimensions différentes, sont réchauffés par une enveloppe de vapeur. La distribution, très simple, est opérée par des tiroirs ordinaires à coquille, sans aucune complication de détente variable.
La vapeur, après avoir travaillé dans le petit cylindre, passe dans le réservoir intermédiaire qui entoure le petit cylindre, et se rend à la boîte de distribution du grand cylindre, où elle travaille à nouveau, en complétant sa détente ; ensuite elle se rend au condenseur, ou s’échappe directement à l’air libre.
L’arbre moteur porte deux vilebrequins croisés à 90°, ce qui annule les points morts ; il reçoit en outre la poulie-volant.
Un régulateur isochrone de Farcot, à bras croisés, agit sur un papillon placé dans le tuyau d’arrivée de vapeur, et assure l’uniformité de la marche.
Lorsque la machine fonctionne avec condensation, le condenseur, porté par un bâti unique, est placé à la suite du grand cylindre. Il se compose de la chambre à vide, d’une pompe à air et de sa boîte à clapet.
La pompe à air est commandée par le prolongement de la tige du grand piston, ce qui supprime tout renvoi de mouvement et simplifie les organes de la machine.
La figure 59 représente la machine de MM. Chaligny et Guyot-Sionnest avec son condenseur, et la figure 60 la même machine sans condenseur.
M. J. Boulet construit également une machine compound horizontale, qui donne des résultats très satisfaisants.
La figure 61 est une coupe transversale des cylindres de cette machine, la figure 62 en donne une coupe horizontale. L’ensemble de la machine se voit dans la figure 63.
La vapeur venant de la chaudière arrive en D, circule d’abord autour des cylindres, ainsi que dans les fonds, puis elle arrive à la boîte de distribution a, du petit cylindre A, où elle travaille avec détente.
En sortant du petit cylindre la vapeur passe dans le réservoir intermédiaire, C, ménagé dans l’enveloppe des cylindres ; puis elle se rend à la boîte de distribution b, du grand cylindre B, où elle complète son travail.
Après ce parcours, elle s’échappe par le tuyau E, soit au condenseur, soit à l’air libre.
La distribution de vapeur s’effectue dans les deux cylindres, au moyen de tiroirs à coins doubles, auxquels les constructeurs ont donné la longueur des cylindres, pour éviter les espaces nuisibles. Le tiroir de distribution du petit cylindre porte un dispositif de détente variable, soit à la main soit par le régulateur.
Au-dessus de 50 chevaux, M. J. Boulet adapte sur le tiroir du grand cylindre un appareil de détente, variable à la main.
On remarquera que les tiroirs sont placés en contre-bas des cylindres. Il en résulte que la purge se fait naturellement à chaque coup de piston.
La machine est pourvue d’un régulateur isochrone, du système Andrade, dont M. J. Boulet fait la plus large application. Cet appareil assure à la machine une vitesse régulière sous toute charge, avantage précieux pour les industries qui exigent une grande régularité d’allure.
Le condenseur et la pompe à air sont placés à volonté sous l’arbre du volant, qui imprime directement le mouvement à la pompe, soit dans le prolongement du grand cylindre. Dans ce dernier cas la pompe est commandée par un levier coudé attelé sur la tige prolongée du grand piston.
La pompe alimentaire prend l’eau chaude du trop-plein du condenseur.
CHAPITRE VIII
Nous passons à la machine compound que construit l’usine du Creusot. Le modèle le plus remarquable et le plus connu de ce type de machine a été établi par l’usine du Creusot, pour l’installation de la force motrice aux magasins du Printemps, à Paris.
Ce moteur, du type pilon, qui est de la force de 20 chevaux-vapeur, reproduit, avec quelques perfectionnements, les dispositions principales des machines compound qui furent exposées par l’usine du Creusot à Paris, en 1878. Il se compose de deux cylindres à vapeur, de diamètres différents, munis chacun d’une enveloppe de vapeur, avec purgeur automatique. La course des deux pistons est la même.
La distribution de la vapeur est obtenue dans le grand cylindre, par un seul tiroir, et dans le petit cylindre, au moyen d’un tiroir et de deux plaques de détente, du système Meyer, réglables à la main. Un régulateur à grande vitesse, du système Porter, agit sur deux soupapes à lanterne équilibrées, placées sur chacune des boîtes à tiroir.
Comme on le voit, le régulateur n’agit pas sur la détente, que l’on règle seulement à la main. On a considéré, en effet et avec raison, que pour un moteur d’une aussi faible puissance, l’adoption de la commande de détente par le régulateur eût nécessité des organes de dimensions un peu réduites, par suite trop délicats, et eût entraîné une certaine complication de la machine.
Les deux cylindres sont supportés par quatre bâtis en fonte, formant glissières et boulonnés sur une plaque de fondation unique qui porte les trois paliers de l’arbre moteur.
Cet arbre, coudé à deux manivelles faisant entre elles un angle de 90°, est construit en acier doux, ainsi que les bielles, tiges de piston et les autres pièces de la distribution.
Une soupape Z (fig. 64, 65), placée entre les deux cylindres, permet d’envoyer, à l’occasion, la vapeur des générateurs sur le grand piston, et d’aider ainsi à la mise en marche de la machine.
L’extrémité de l’arbre coudé, du côté du grand cylindre, est munie d’un manchon, A2, sur lequel vient s’assembler un arbre extérieur, A′, portant un volant-poulie, en fonte, à jante tournée. La courroie, placée sur ce volant, attaque un tambour, sur l’arbre duquel sont fixées les poulies de commande des appareils dynamo-électriques, quand la machine est appliquée à la production de la lumière électrique.
Le moteur est représenté, en élévation longitudinale et transversale, par les figures 64 et 65. La figure 66 est une coupe verticale passant par les axes des deux cylindres ; la figure 67, une coupe horizontale de cylindres, par l’axe des orifices d’échappement de vapeur.
La chemise du petit cylindre s’ajuste à l’intérieur d’une double enveloppe en fonte, D′ (fig. 66), à laquelle se rattachent : 1o les conduits et la boîte de distribution, E ; 2o le fond inférieur, F, du cylindre C, par l’intermédiaire duquel ce cylindre repose sur le bâti B.
Le piston, P (fig. 66), porte, à sa circonférence, des segments en fonte, et se trouve rivé entre un fort écrou et une embase appartenant à la tige en acier. Son mouvement est transmis à l’arbre coudé A, par la bielle, Q, également en acier.
La crosse R est réunie à la tige du piston p, par une goupille plate, R. Elle reçoit les coussinets en bronze dans lesquels tourillonne l’axe d’articulation q. Elle porte, en outre, deux patins r2 (fig. 65) par l’intermédiaire desquels elle est parfaitement guidée entre les glissières r4 supportées sur les montants du bâti B2.
Quant à la bielle Q (fig. 66), sa tête inférieure reçoit des coussinets garnis de métal antifriction, et dont l’usure peut être compensée, au moyen de cales interposées entre son extrémité inférieure et le chapeau.
Un conduit est ménagé dans la tête de bielle Q, ainsi que dans la crosse R, pour la lubrification continue des articulations. L’huile provenant d’un réservoir supérieur y est amenée par les petits tuyaux h et h2 d’où elle tombe goutte à goutte.
L’arbre A est en acier fondu ; il porte deux coudes-manivelles, placés à 90° l’un par rapport à l’autre. Cet arbre tourne à la vitesse de 100 tours par minute, dans des paliers appartenant au socle général B2, et dont les coussinets en fonte sont encore garnis de métal antifriction. Il porte, à son extrémité de droite, deux excentriques I et J, de même diamètre, calés, le premier à 129° du coude-manivelle et le second à 180°.
Ces excentriques sont montés dans des colliers, en deux pièces, garnis de métal antifriction et clavetés à l’extrémité inférieure des tiges I′ et J′, qui, elles-mêmes, sont assemblées à articulation avec les tiges M′ et N′ des tiroirs de distribution et de détente, comme l’indique en détail la figure 68, I. Cet assemblage s’effectue, pour la tige N′, par l’intermédiaire d’une articulation à lanterne j′ dans laquelle est maintenue une bague en acier J2 goupillée à l’extrémité de la tige N′. Pour la tige M′ (fig. 66), la lanterne est remplacée par une simple douille i dans laquelle est fixée, par une goupille plate, l’extrémité inférieure de cette tige. La lanterne et la douille sont en outre guidées par des glissières en bronze rapportées sur les supports G, lesquels sont boulonnés au-dessous de la boîte de distribution (fig. 68, I).
La distribution de vapeur est représentée sur la figure 68, II. Elle est du système Meyer et comporte :
1o Un tiroir de distribution, m, dont les deux faces sont cémentées. Dans celui-ci sont ménagés les deux conduits d’admission. Ce tiroir est maintenu dans un cadre en fer, goupillé sur la tige ; il est guidé par une queue cylindrique glissant dans le fourreau en bronze m′ (fig. 68, III).
2o Deux plaques glissantes, n (fig. 68, II). Chacune d’elles est maintenue par deux bossages rectangulaires, dans une plaque en bronze montée sur une tige filetée N, laquelle est réunie à la tige nn′. Le pas de vis est de sens inverse pour chacune des deux plaques, de telle sorte qu’on peut rapprocher ou éloigner celles-ci l’une de l’autre, en faisant tourner en sens convenable la tige N. Pour cela il suffit d’agir sur le volant à main, O, monté, comme l’indique la figure 68, III, sur une douille en bronze, o, qui entraîne la tige N, sans l’empêcher de glisser suivant son axe : on voit en effet que cette tige se termine par une partie carrée. C’est afin de permettre à la tige n′ de tourner qu’on ne l’a pas fixée directement sur la crosse j′, et qu’on a adopté le dispositif à lanterne que nous avons décrit précédemment.
Pour accuser à l’extérieur la position des plaques, c’est-à-dire le degré de détente qui est déterminé par leur écartement, on a ménagé, à l’intérieur de la douille o, un taraudage, auquel correspond une douille filetée o′ dont le pas de vis est le même que celui de la tige N ; cette bague, ne pouvant tourner à cause de l’index O2 qu’elle porte et qui glisse entre deux réglettes de bronze, suivra exactement les déplacements verticaux des plaques glissantes dont l’index accusera ainsi les positions.
Les glissières, au lieu d’être entraînées par le tiroir, peuvent être disposées de manière à avoir un mouvement qui leur soit propre, et qui leur est communiqué par un excentrique distinct de celui du tiroir. Les glissières de ce système fonctionnent soit par leurs arêtes externes, soit par leurs arêtes internes. Dans les deux cas la transmission de mouvement est la même, mais les calages sont différents.
Il faut que l’excentrique de la glissière soit en avance sur celui du tiroir ; cela est nécessaire pour que l’admission du tiroir soit toujours découverte par la glissière quand l’orifice du cylindre commence à ouvrir.
En effet, si le calage des deux excentriques était le même, le tiroir et la glissière conserveraient la même position relative. L’orifice du tiroir resterait donc constamment fermé s’il l’était à l’origine. Pour faire varier la détente, il suffira de modifier le calage de l’excentrique de la glissière par rapport à celui du tiroir.
En partant d’une admission fixe aux 75 centièmes de la course, l’épure de distribution montre que l’angle d’avance de l’excentrique de la glissière sur l’excentrique du tiroir peut varier de 120 à 0°, et que l’introduction théorique correspondante varierait depuis 0 jusqu’à 0,25 de la course.
Si, au contraire, les plaques agissent par leurs arêtes extérieures, l’excentrique de la glissière doit être calé en retard sur celui du tiroir, pour que l’orifice de ce dernier soit déjà découvert par la glissière quand l’orifice du cylindre commence à s’ouvrir.
Voici maintenant le chemin suivi par la vapeur.
La vapeur arrive par le tuyau v (fig. 64), dans un boisseau en fonte, V, renfermant la soupape de mise en marche. Ce premier boisseau communique avec un second, S, dont on voit la coupe verticale et la coupe horizontale sur la figure 68, IV.
Ce boisseau, S, entièrement en bronze, est fondu à l’intérieur avec une chemise cylindrique percée de trois orifices rectangulaires, et servant de siège à la soupape s, à la circonférence de laquelle sont également réservés trois orifices semblables. En amenant plus ou moins en regard les orifices correspondants, on augmente ou on diminue l’admission de la vapeur, qui se rend dans la boîte de distribution par la tubulure latérale. C’est le régulateur T (fig. 65) qui est chargé de cette fonction. Le déplacement vertical de son manchon a pour effet de faire tourner la tige de la soupape à laquelle il est relié par le levier à contrepoids T′ T′ (fig, 64), et la tringle T2.
Le régulateur T est du système Porter, que nous avons suffisamment décrit (fig. 56 et 57) pour n’avoir pas besoin de revenir ici sur son mécanisme.
L’ensemble que nous venons de décrire constitue, pour ainsi dire, la première partie de la machine ; la seconde partie est formée par le grand cylindre et les organes qui s’y rapportent. L’analogie est complète entre ces deux parties, qui ne diffèrent que par quelques dimensions, ainsi que par le mode de distribution de la vapeur.
La distribution se fait par un tiroir à coquille ordinaire, l (fig. 66 et 67). Ce tiroir est commandé au moyen des tiges K′ et L′ (fig. 66), par un excentrique K, calé sur l’arbre A de façon à faire un angle de 136° avec le coude-manivelle correspondant a′.
À sa sortie du petit cylindre, la vapeur est amenée par le gros tuyau, u′ (fig. 67), dans la boîte de distribution, e′, du grand cylindre, en passant par une soupape, S′, analogue à la soupape, S. Sur ce tuyau u′ est établie une prise de vapeur, avec robinet à volant, Z, en communication avec le tuyau z (fig. 65) sur lequel sont branchés deux autres petits tuyaux Z′ et Z2, conduisant la vapeur dans les enveloppes des deux cylindres.
La purge de la soupape d’admission des boîtes de distribution, des cylindres et de leurs enveloppes, s’effectue par les tuyaux y, y et y2 (fig. 64 et 65) qui se continuent par deux tuyaux descendant le long des montants des bâtis, pour aboutir à un purgeur automatique, placé dans les fondations.
Nous terminerons la description des types principaux de la machine compound, en parlant d’une machine nouvelle construite à Saint-Étienne, par M. L. Bietrix, et dont la disposition est intéressante et originale.
Nous représentons dans les figures 69 et 72 les deux formes de la machine de M. Bietrix.
La figure 69 représente une machine de la force de 50 chevaux.
Le petit cylindre, A, est vertical, le grand cylindre, B′, est horizontal ; un bâti robuste les relie et porte, en même temps, les glissières et le palier moteur.
La bielle verticale est attelée sur la tête de la bielle horizontale ; cette disposition a pour avantage de supprimer l’arbre coudé, et les inconvénients qu’il entraîne, surtout dans les grosses machines.
Le condenseur, C, est placé à la suite du grand cylindre, et commandé par la tige prolongée de son piston.
Un réchauffeur tubulaire, D, est placé à la suite du petit cylindre ; il réchauffe la vapeur déjà détendue, et empêche ainsi sa condensation dans le grand cylindre.
On voit que l’espace occupé par cette machine n’est pas supérieur à celui que prendrait une machine simple horizontale.
La détente se fait dans le petit cylindre, au moyen d’une disposition très originale, se rapprochant un peu du mécanisme de détente de la machine compound du Creusot ; mais ici la détente est rendue variable par le régulateur.
La figure 70 représente l’intérieur de la boîte à tiroir, la plaque de fermeture étant enlevée, et la figure 71 une coupe verticale.
Les conduits d’admission du tiroir t sont formés de rectangles parallèles, du côté du cylindre, et de deux parallélogrammes obliques, du côté du dos du tiroir.
La glissière de détente, t′, a, en plan, la forme d’un trapèze, dont les deux arêtes égales sont parallèles aux lumières inclinées du tiroir. Une sorte de griffe, q, commandée par le deuxième excentrique, communique son mouvement de va-et-vient à la glissière, sans l’empêcher toutefois de se déplacer dans le sens transversal. Cette action produira donc un changement de recouvrement.
Le mouvement transversal est donné à cette glissière par le régulateur, qui fait osciller une équerre, abc, autour de son axe, b, à l’aide d’une transmission spéciale. La longue branche, ab, de cette équerre porte un galet, qui s’engage dans une rainure ménagée dans la glissière. Si la petite branche de l’équerre s’abaisse, la glissière s’avancera vers la droite, et inversement si l’oscillation de l’équerre se fait en sens contraire. Pour équilibrer une partie de la pression, le dos du tiroir est à griffes, et porte des rainures obliques donnant passage à la vapeur.
Pour faire varier la détente, la tête de la bielle porte une came de forme particulière, ff1. Elle est prise entre les deux branches d’une bielle double f3 qui vient s’articuler sur la tige F.
La bielle double porte entre ses deux branches deux petits galets, F1, F2. La bielle f4 est reliée avec le régulateur qui peut ainsi déplacer la bielle f3 dans un sens ou dans l’autre.
En marche normale, la bielle f3 est verticale, et la came va et vient entre les deux galets sans les toucher, si la vitesse augmente le manchon du régulateur monte et la bielle f2 est déviée vers la droite. La partie convexe de la came vient alors rencontrer le galet inférieur qui en descendant produit l’oscillation de l’équerre et, par suite, l’avancement de la glissière.
La figure 72 représente la machine verticale-horizontale du deuxième type du même constructeur. La description détaillée que nous venons de donner du premier type nous dispense d’autres explications pour cette nouvelle machine.
CHAPITRE IX
Les machines à vapeur que nous avons étudiées jusqu’ici marchent à des allures relativement lentes, c’est-à-dire à 50 ou 60 tours de l’arbre moteur par minute : c’est la vitesse la plus convenable pour la transmission du mouvement aux arbres de couche des usines, ainsi qu’aux machines-outils. De plus, les organes de la machine n’éprouvent, à cette allure, qu’un frottement peu considérable, qui n’amène ni leur échauffement, ni la destruction des corps lubrifiants.
Mais une telle vitesse n’est plus suffisante pour la transmission du mouvement à certains appareils en usage aujourd’hui, tels que les machines dynamo-électriques, les ventilateurs, les pompes centrifuges et les scies circulaires, qui exigent une vitesse considérable, allant de 200 à 500 tours de l’arbre moteur par minute.
Si nous considérons, en particulier, les machines dynamo-électriques, qui servent à produire la lumière électrique, on a besoin, pour obtenir la fixité de la lumière, d’une vitesse de rotation de l’arbre moteur absolument égale. La faible vitesse des machines à vapeur ordinaires, qui nécessitent de nombreux renvois de mouvement, serait une cause de perturbation et d’oscillation dans la lumière.
Il fallait donc construire, pour répondre aux besoins nouveaux de l’industrie, des machines à vapeur ayant une vitesse de rotation considérable. Ce problème a été résolu par la création de divers types que nous allons décrire.
Cette machine, que nous représentons dans la figure 73, est verticale, le cylindre en haut (genre pilon). Tout l’ensemble est solidaire et repose sur le même socle. La boîte à tiroir se compose d’une partie cylindrique, A, dans laquelle débouchent les orifices des canaux de vapeur, BB′, venant du cylindre.
Le tiroir est formé de deux pistons, C′C′, entourés chacun d’un segment unique, DD′, ayant la hauteur nécessaire pour fournir les recouvrements déterminés par l’épure de distribution.
Afin d’assurer un parfait fonctionnement aux segments du tiroir, des barettes, E, E′, E″, E‴, existent d’un bord à l’autre des orifices BB′, qui guident ces segments pendant toute leur course. De cette façon, lorsque le tiroir fonctionne, quoique les segments de ces pistons quittent la partie cylindrique dans laquelle ils travaillent, ils ne peuvent buter, lors de leur marche rétrograde, sur les arêtes des orifices. D’autre part, il ne peut y avoir aucune fuite de vapeur entre les pistons C, C′, et la paroi de la partie cylindrique A, parce que les segments D, D′ étant tournés à un diamètre plus grand que cette partie cylindrique font ressort sur la paroi, et s’y appliquent exactement, ainsi que le font, dans les cylindres de machines à vapeur, les segments des pistons.
L’entrée de la vapeur a lieu par la capacité F ; de là, cette vapeur passe alternativement dans les canaux B, B′ pour s’échapper par les conduits I′ situés à chaque extrémité du cylindre.
L’appareil de distribution, de détente, et de régulation forme un ensemble composé d’un petit nombre de pièces, disposées comme le montre la figure 73 :
Le bout de l’arbre P, P′ reçoit une poulie fixe l, calée dans une position déterminée pour le sens dans lequel on veut marcher.
Le moyeu de cette poulie porte, du côté de la machine, un plateau à rainure dans laquelle peut glisser la règle ou la saillie M, de l’excentrique L. Dans le prolongement au-dessus de la rainure R et sous la jante de la poulie, est fixé un ressort à lames, dit à pincettes, tenant d’une part à la jante de la poulie, et boulonné de l’autre part à l’excentrique mobile L.
À l’intérieur de ce ressort (fig. 74), mais du côté de l’excentrique, est placé un poids O, d’une valeur déterminée, ce poids étant relié d’une façon invariable au ressort N.
La machine étant mise en marche acquerra une certaine vitesse, qui ira constamment en augmentant jusqu’à ce que la force centrifuge à laquelle sera soumis le poids O fasse équilibre à la tension du ressort N.
À ce moment, la vitesse ne pourra plus augmenter sans que la force centrifuge augmente, ainsi que la tension du ressort, par suite du déplacement du poids O, et sans que l’excentrique se déplace le long de la coulisse R.
Or, en se déplaçant sous l’action de la force centrifuge du poids O, cet excentrique diminue la longueur de la course du tiroir, et par suite, la durée de l’introduction, en même temps qu’il augmente la durée de la compression de la vapeur dans les espaces nuisibles.
Toutefois, les choses sont disposées pour que l’angle de calage varie, par le fait même que la course varie, et que l’avance à l’introduction soit constante.
De cette façon, il est possible de passer de la pleine introduction à la plus petite pour une différence de tours aussi petite que l’on veut, et calculée d’avance.
L’action du poids O sur l’excentrique L s’exerce sans l’intermédiaire d’aucun organe, et l’on conçoit qu’elle peut être très énergique, puisqu’elle ne dépend que de la valeur du poids O et des dimensions du ressort N ; ce poids et la tension du ressort étant d’ailleurs en relation directe et se faisant mutuellement équilibre, suivant les vitesses de marche de la machine.
Supposons par exemple que cette machine à vapeur conduise une machine dynamo-électrique ; si l’on interrompait tout d’un coup le courant électrique, ou si on le rétablissait avec toute son intensité, au lieu de le faire progressivement, la machine serait déchargée brusquement, ou éprouverait une résistance subite. Il en résulterait que le régulateur, qui est très puissant, agirait instantanément et quelquefois avec tant de force que l’admission de vapeur se trouverait brusquement augmentée ou diminuée sans passer progressivement et graduellement par toutes les introductions intermédiaires. Il serait donc à craindre par ce fait, et pendant un certain temps, que la machine ait une marche irrégulière jusqu’à ce que la vitesse nécessaire soit atteinte et maintenue.
Pour régler la puissance du régulateur, on lui a adjoint un frein hydraulique, composé d’un piston qui se meut dans un cylindre rempli d’un liquide quelconque, et disposé de telle sorte que lorsque le piston se meut dans ce cylindre, le liquide qui est devant lui passe dans le vide qu’il crée à l’arrière, non pas instantanément, mais d’une façon lente, en opposant à ce piston une résistance artificielle, variable à volonté, et qui peut être diminuée par tâtonnements, pour chacune de ces machines, suivant le travail qu’elles auront à effectuer.
On conçoit donc qu’en opposant un frein relatif à l’action instantanée du régulateur, on puisse arriver à le faire fonctionner avec une vitesse de déplacement de l’excentrique déterminée à l’avance, dans un temps donné, pour éviter que l’introduction de vapeur ne passe tout d’un coup du minimum au maximum et réciproquement, et que cette admission soit obligée de se faire suivant une progression passant par tous les points intermédiaires.
La figure 75 donne une coupe, suivant l’axe du cylindre, et un plan du frein hydraulique.
L’excentrique porte une tige T, du côté opposé au ressort et au contrepoids constituant le régulateur, et cette tige est munie elle-même d’un piston P, pouvant se mouvoir dans un petit cylindre fixé après le volant.
Le cylindre est rempli entièrement de liquide, de sorte que lorsque le piston doit se mouvoir, il faut que le liquide qui est chassé devant lui passe dans le vide laissé derrière. On conçoit donc que, si on oppose une résistance à l’écoulement de ce liquide, le piston ne se mettra en mouvement qu’avec une vitesse d’autant plus petite que la résistance sera plus grande. Il suffit, pour obtenir ce résultat, de faire varier la section d’écoulement du liquide au moyen de la vis R, selon la nature du travail que la machine doit effectuer.
La machine précédente est une machine à simple effet. Dans une machine à grande vitesse, la course du piston doit être très réduite, car la vitesse du piston ne saurait être augmentée au delà d’une certaine limite, à partir de laquelle des avaries se produiraient sur le piston et sur la chemise du cylindre, par suite de l’échauffement. Et comme le piston doit parcourir sa course pendant un tour de l’arbre de la machine, plus le nombre de tours de cet arbre sera grand, plus la durée d’une révolution sera faible, plus, par suite, la durée de la course du piston sera petite. Cette durée étant extrêmement petite, pour que la vitesse du piston ne soit pas exagérée, il convient de rendre la course du piston aussi petite que possible.
Mais nous avons dit, dans le chapitre des machines fixes, et il est d’ailleurs évident, qu’aux grandes détentes correspondent les longues courses ; la course du piston étant restreinte dans les machines à grande vitesse, la détente se trouve donc très limitée.
Il en résulte que les machines à grande vitesse monocylindriques auront des détentes très faibles, et consommeront, par suite, beaucoup de vapeur.
Comment remédier à cet inconvénient ? Comment augmenter la détente ? En construisant des machines à grande vitesse Compound. C’est le parti qu’ont adopté MM. Weyher et Richemond.
Nous donnons (fig. 76) la vue d’une machine Compound verticale, à grande vitesse, construite par l’usine de Pantin. La figure 77 représente une coupe verticale de cette machine par l’axe des cylindres.
Le lecteur reconnaîtra immédiatement les organes principaux d’une machine Compound : le grand et le petit cylindre, avec leurs pistons et leurs bielles agissant sur les vilebrequins, ou manivelles, d’un arbre coudé.
Comme dans la machine de MM. Lecouteux et Garnier, les organes de distribution sont des tiroirs circulaires. En effet, ces tiroirs, parfaitement équilibrés et guidés sur toute leur longueur, conviennent très bien pour de faibles courses avec des vitesses considérables. Une construction soignée évite le danger des fuites.
Ici la détente n’est pas variable par le régulateur. Un appareil à force centrifuge, analogue à celui de la machine de MM. Lecouteux et Garnier, agit sur une soupape équilibrée, pour régler l’entrée de la vapeur dans la boîte à tiroir.
Il convient de dire quelques mots d’une machine assez répandue aujourd’hui, et dont on fait usage dans les cas exceptionnels où l’on a besoin d’une vitesse excessive, et où l’on tient peu de compte de la dépense de vapeur : c’est le moteur Brotherhood.
C’est une machine à 3 cylindres et à distributeur rotatif (véritable robinet à 3 voies). Ces 3 cylindres sont fondus d’une seule pièce et sont à simple effet ; les 3 bielles viennent s’appliquer sur une même manivelle.
Certaines de ces machines peuvent tourner à la vitesse énorme de 1 500 tours par minute, mais avec une dépense de vapeur de 30 kilogrammes par cheval et par heure. Rappelons que les machines Corliss ne consomment que 8 kilogr. de vapeur par cheval et par heure.
Les figures 78 et 79 représentent deux vues extérieures du moteur Brotherhood, La figure 80 est une coupe verticale par le plan médian du moteur.
80
On voit qu’il se compose de trois cylindres à vapeur à simple effet, dont les bielles agissent en poussant sur le bouton de la manivelle, et l’attaquant à 120° l’une de l’autre.
Dans chacun des cylindres se meut un piston, muni de la garniture de segments des pistons ordinaires. Les bielles, attachées d’un côté au fond du piston, sont articulées, à l’autre extrémité, sur le bouton-manivelle.
La distribution se fait au moyen d’un tiroir circulaire, exactement équilibré. Ce tiroir jouit du mouvement de rotation de l’arbre moteur par la manivelle qui termine son axe. Il est percé de deux orifices, l’un d’introduction, l’autre d’échappement.
On comprend aisément le jeu du système : la vapeur arrivée dans la boîte du tiroir passe par l’orifice d’admission de ce tiroir dans le conduit qui le mène sur l’un des trois pistons. L’introduction de la vapeur dure tant que l’orifice d’admission du tiroir est en regard de l’orifice du cylindre. Le tiroir continuant sa rotation, l’orifice d’échappement vient se placer devant l’orifice du cylindre, et la vapeur qui a travaillé dans le cylindre passe par cet orifice, se dégage dans la boîte centrale des cylindres d’où elle s’échappe dans l’atmosphère. Le même jeu se reproduit pour chacun des 3 cylindres. On voit donc que les pistons travaillent à simple effet, et toujours par compression.
Ces machines sont munies d’un régulateur à force centrifuge, agissant sur une valve équilibrée. Le déplacement des masses du régulateur est transmis à la valve par l’intermédiaire d’un ressort, dont on règle à volonté la tension, de telle sorte que l’on peut donner exactement à la machine la vitesse que l’on désire.
Les avantages de la machine Brotherhood sont les suivants :
1o Fonctionnement à grande vitesse et sans vibrations ;
2o Emplacement réduit au minimum ;
3o Poids très restreint pour une force déterminée.
Cette machine est particulièrement employée pour faire fonctionner des machines dynamo-électriques et des pompes centrifuges.
La société Edison emploie, à Paris, pour actionner ses machines dynamo-électriques, le moteur à grande vitesse Armington. Cette machine, de construction américaine, n’est autre chose qu’une machine de Lecouteux et Garnier horizontale.
Nous donnons (fig. 81) un dessin de la machine horizontale à grande vitesse de MM. Locoge et Rochart. C’est une machine Compound à simple effet, c’est-à-dire que la vapeur n’agit dans le petit et le grand cylindre que sur une seule face du piston.
On reconnaît, à la seule inspection de la vue extérieure de cette machine, les organes ordinaires des machines Compound que nous avons décrites : les deux cylindres, la détente successive de la vapeur, la commande de l’introduction successive de la vapeur ; la transmission du mouvement à l’arbre moteur, le volant, le régulateur, etc., le tout reposant sur un bâti et une fondation de la plus grande solidité.
Les figures 82 et 83 donnent les vues d’un moteur de 160 chevaux système Westinghouse. Nous décrivons ce moteur à grande vitesse au moyen des figures 84, 85, 86.
Fig. 86. — Coupe du cylindre. | Fig. 87. — Coupe du tiroir. |
Les cylindres A, A (fig. 84), et la chambre des tiroirs B, sont fondus d’une seule pièce, et boulonnés sur le logement, ou boîte à manivelle, C.
Les couvercles a, a, ferment les extrémités supérieures des cylindres seulement ; les parties inférieures sont découvertes et ouvrent directement dans la chambre de la boîte à manivelle.
Les pistons, D, D, sont en forme de manchon à double fond dans le haut, pour empêcher la condensation ; ils sont ouverts dans le bas, et munis de goujons en acier cémenté. Ils sont garnis de quatre segments.
Les bielles motrices, F, F, sont creuses, avec nervures, et ne travaillent qu’à la compression ; les manivelles G, G, équilibrées par des contrepoids x, x, le goujon de la manivelle, P, et l’arbre de la manivelle, H, H, sont en acier et peuvent être changés en enlevant le couvercle de la boîte à manivelle.
Les coussinets de l’arbre de la manivelle, d, d, ont la disposition de fourreaux mobiles garnis de métal blanc anti-friction. Une chambre est ménagée dans la bride du fourreau, d, entourée par le couvercle d′. Dans cette chambre, et tournant avec l’arbre, se trouve l’essuyeur, v, v, qui recueille l’huile quand elle passe sur les coussinets et la renvoie par le tuyau, e, dans la boîte à manivelle, C. Cette disposition rend inutile toute autre lubrification et maintient la machine en parfait état de propreté. Les colliers t, t, en bronze, forment les coussinets de l’extrémité des manivelles. Des colliers de plomb empêchent les manchons coniques d’être trop élevés, ce qui ferait gripper. Un coussinet central, K, relie les deux côtés de la boîte à manivelle. Le couvercle, h, s’enlève pour permettre l’accès des manivelles.
Le tiroir V V, représenté à une grande échelle fig. 87, est d’une construction particulière. Il se compose d’une entretoise i, i, des têtes j, j, en fonte malléable et des segments, k, k, le tout assemblé par la tige et l’écrou l.
Le guide du tiroir, J, remplace un presse-étoupe prévenant l’échappement de la vapeur contenue dans les passages au-dessus. Le guide du tiroir, ainsi que le tiroir et les deux pistons, sont garnis avec des segments simples en fonte.
La tige du tiroir, m, est clavetée sur le guide, et tient le tiroir sans serrer entre l’écrou de l’extrémité supérieure et le collier de l’extrémité inférieure, ainsi qu’il est indiqué.
La boîte à manivelle est alimentée d’eau par le tuyau R, R. L’eau ne peut pas s’élever trop haut, mais on devra avoir soin qu’elle ne s’abaisse jamais jusqu’à disparaître dans l’entonnoir. Comme quelques-unes de ces machines ont une tendance à laisser échapper lentement l’eau de la boîte à manivelle, on a ajouté une conduite de vidange et une soupape u qui est laissée entr’ouverte, pour drainer les ouvertures d’échappement dans la boîte à manivelle, et maintenir ainsi l’approvisionnement.
Cette soupape ne devra pas être assez ouverte pour permettre à l’échappement de vapeur de passer au travers.
L’huile destinée à la lubrification de toutes les parties internes peut aussi être introduite par la conduite R, mais il est préférable de maintenir une alimentation constante par les graisseurs f, f, sur les coussinets principaux, assurant ainsi tout d’abord leur graissage, et l’huile est ensuite renvoyée dans la chambre par les essuyeurs, au profit du bouton de la manivelle et de tous les autres coussinets.
Il n’est pas besoin d’autre graissage que celui obtenu par ces graisseurs. Le devant de l’enveloppe cache le réservoir à huile, O (fig. 85), qui remplit tout l’espace entre les cylindres et alimente les graisseurs, f, f, par les tuyaux cachés et par les robinets, l, l. Une fois le réservoir rempli jusqu’à q, il durera longtemps, et toute la lubrification de la machine (excepté les tiroirs et les cylindres qui sont, comme à l’ordinaire, graissés par la prise de vapeur) est ainsi introduite par un seul endroit. Les robinets l, l devront rester ouverts pour assurer un écoulement constant, mais lent, de l’huile dans le graisseur.
M et N sont les conduits d’échappement et de prise de vapeur.
Le régulateur automatique I se voit dans les sections, fig. 84 et 85. Il est placé sur l’arbre H entre les manivelles, et actionne directement le tiroir. Les figures 88 et 89 feront comprendre sa construction.
Fig. 88. — Régulateur (Détente minimum). | Fig. 89. — Régulateur (Détente maximum). |
Le disque, A, est fondu avec l’une des manivelles. L’excentrique libre C est suspendu par le bras c du goujon d, autour duquel il a un certain jeu pour l’ajustage ; B, B, sont les poids du régulateur, reposant à pivot sur les goujons b, b ; un des poids est relié à l’excentrique par la bielle f, et les deux poids sont réunis pour agir à l’unisson avec la bielle e.
Les ressorts à spirales D, D, produisent la force centripète ou de rappel. L’excentrique entoure l’arbre S, l’ouverture étant élargie pour permettre le mouvement voulu.
Les arrêts s, s, limitent le mouvement des poids.
Dans la figure 88, on voit les poids du régulateur au repos ; dans cette situation, l’excentrique est projeté dans la position de la plus grande excentricité, donnant au tiroir un maximum de glissement, correspondant à une détente d’environ cinq huitièmes de course. Les pièces du régulateur restent dans cette position jusqu’à ce que la machine arrive à sa plus grande vitesse, à quelques révolutions près. La force centrifuge des poids contre-balance alors la tension des ressorts et les poids agissent plus en dehors, réduisant la course de l’excentrique et du tiroir, et conséquemment diminuant le point de détente.
La position extrême, vers le dehors, des poids est indiquée fig. 89, dans laquelle on suppose la vapeur tellement réduite qu’elle ne fait que maintenir la machine en mouvement quand elle marche à vide. Lorsque la machine est chargée pour donner une détente de un cinquième à un quart de course, elle développe sa puissance nominale, les pièces sont alors à moitié entre les positions indiquées.
Voici comment travaille la vapeur. Chaque cylindre est à simple effet descendant. L’admission de vapeur annulaire, p (fig. 87), communique avec le haut d’un cylindre, et p′ avec le haut de l’autre. La vapeur entrant en M et entrant par le tiroir, dans la chambre S, S, est admise alternativement dans le haut de chaque cylindre, attendu que les bords internes du tiroir découvrent les orifices p, p′, et la compression est réglée par les bords externes du tiroir selon le mode usuel. L’échappement de vapeur dans le haut de la chambre du tiroir passe dans le tuyau d’échappement à travers la tige creuse du tiroir.
Les dispositions spéciales de la machine Westinghouse ont pour principal objectif d’assurer la grande vitesse nécessaire pour certains cas spéciaux, comme l’éclairage électrique, la ventilation, et de concilier ces avantages avec une économie de vapeur convenable. Dans cette machine, il n’y a pas de godets graisseurs ; ainsi qu’il vient d’être dit, les coussinets de l’arbre et les articulations se lubrifient constamment d’eux-mêmes.
Les tiroirs et les pistons sont lubrifiés, comme cela se pratique maintenant par un graisseur automatique se déchargeant dans la prise de vapeur. Toutes les autres articulations sont contenues dans la chambre hermétique de la manivelle. Cette chambre est remplie d’eau, et par-dessus, surnage une certaine quantité d’huile dans laquelle, à chaque révolution, trempent les manivelles et l’excentrique. On comprend aisément que lorsqu’on marche à pleine vitesse, la chambre de la boîte à manivelle et les cylindres sont remplis d’une écume d’huile et d’eau qui atteint toutes les parties. En outre, les coussinets sont abondamment graissés par l’huile qui filtre au travers. Toute huile en excès est ramassée par les essuyeurs centrifuges et renvoyée dans la boîte à manivelle.
CHAPITRE X
Nous avons consacré, dans les Merveilles de la science, un long chapitre aux appareils et organes accessoires de la machine à vapeur [8]. Nous nous proposons, dans ce chapitre supplémentaire, de faire connaître les perfectionnements qu’ont reçus ces appareils et organes accessoires depuis quelques années.
Nous distinguerons, pour la clarté de cet exposé, les accessoires des chaudières et ceux des machines.
Indicateur du niveau de l’eau. — Dans les chaudières à bouilleurs et les chaudières à tubes de fumée et retour de flamme, il convient de maintenir le niveau de l’eau constant, et surtout de ne pas laisser ce niveau s’abaisser au-dessous d’une certaine limite ; sans cela une explosion est à redouter.
Pour se rendre compte de la hauteur de l’eau, on se sert de l’appareil dit indicateur du niveau de l’eau.
L’indicateur du niveau de l’eau se compose (fig. 90) d’un réservoir en fonte vertical, A, appelé bouteille, qui est en communication, par sa partie supérieure, avec la chaudière et la vapeur, et par sa partie inférieure avec l’eau. En vertu du principe des vases communicants, le niveau de l’eau dans ce vase doit être le même que dans la chaudière. On comprend que cette bouteille ne communiquant avec la chaudière que par des tubes étroits, l’eau y est beaucoup plus calme que dans la chaudière. Les bouillonnements, les vagues qui se produisent dans cette dernière, se transmettent difficilement à la bouteille, et l’eau y prend un niveau moyen, qui serait celui de l’eau de la chaudière si elle était calme.
Cette bouteille porte d’abord trois robinets également distants ; celui du milieu est à la hauteur du niveau d’eau normal, le robinet supérieur indique trop d’eau, le robinet inférieur indique un manque d’eau.
Ces trois robinets donnent donc un premier moyen de s’assurer du niveau de l’eau. Mais, en outre, la bouteille porte un tube de niveau d’eau, B. C’est un tube en cristal placé verticalement, et mis en communication, par sa partie supérieure, avec le haut de la bouteille, et par sa partie inférieure avec le bas. Le niveau de l’eau y est le même que dans la bouteille et par suite que dans la chaudière.
On peut contrôler le niveau de l’eau dans la chaudière, par un indicateur à flotteur.
Cet appareil connu sous le nom de flotteur Chaudré se compose d’un tube métallique, soudé par sa partie extérieure dans un bouchon vissé sur une tubulure fixée sur la chaudière. Une tige en acier soudée dans l’intérieur du tube vient fermer ce dernier et fait corps avec lui ; aucune fuite de vapeur ne peut donc avoir lieu.
Un flotteur suit les variations du niveau de l’eau, dans laquelle il est en partie plongé, et transmet ses oscillations à une tige qui entraîne, en le faisant fléchir, un tube métallique servant d’obturateur. Cette oscillation se reproduit à l’extrémité supérieure de la tige, qui la transmet à son tour à une aiguille.
Cet appareil porte un sifflet d’alarme, qui fonctionne lorsque l’eau descend au-dessous d’un certain niveau ; la tige ouvre une soupape et la vapeur s’échappe par le sifflet. Le chauffeur est ainsi averti du manque d’eau dans sa chaudière. Du reste, le sifflet d’alarme est un organe jugé indispensable à toutes les chaudières à vapeur. La figure 91 représente le sifflet d’alarme ordinaire, qui fonctionne par le courant de vapeur venant frapper la tranche d’une cloche métallique très sonore et dont il doit être fait usage en cas d’accident, ou lors de la mise en marche ou de l’arrêt du moteur d’une usine.
Nous avons maintenant à examiner comment on maintient constant le niveau de l’eau dans la chaudière. On se sert, pour cet usage, de deux appareils distincts :
1o Injecteurs d’eau ;
2o Pompes d’alimentation ;
Injecteurs. — L’injecteur est l’appareil si ingénieux imaginé par P. Giffard, et qui fit époque dans l’histoire de la machine à vapeur. Nous représentons en coupe cet appareil dans la figure 92. Il se compose, comme on le voit :
1o D’un volant A, servant à manœuvrer une tige de bronze à vis, terminée par un cône à son extrémité ;
2o D’une capacité cylindrique en bronze, C ;
3o D’un robinet d’arrivée de vapeur, D, d’un tuyau d’aspiration de l’eau, V, d’un tuyau de purge ou de trop-plein, L, enfin d’une boîte à clapet, S, qui empêche l’eau de sortir du générateur, quand l’appareil est au repos.
Voici comment fonctionne l’appareil, pour produire l’alimentation constante de la chaudière d’une machine à vapeur. On commence par tourner le volant A, de manière à ce que le cône de bronze porte bien sur son siège. On ouvre alors le robinet de vapeur, D. Puis on ramène, au moyen du volant A, la tige en arrière, jusqu’à ce qu’il ne sorte plus d’eau par le conduit L. Il arrive alors un moment où la force vive du mélange d’eau et de vapeur est telle qu’elle soulève le clapet S, et rentre dans la chaudière.
On voit que le principe de l’injecteur Giffard, c’est de communiquer à un mélange d’eau et de vapeur une force vive telle que ce mélange, agissant de dehors en dedans, puisse exercer, sur un clapet fixé à la chaudière, une pression plus grande que celle qu’exerce la vapeur contenue dans cette chaudière de dedans en dehors.
La figure 94 représente le type primitif de l’injecteur Giffard, que construisent encore aujourd’hui MM. Flaud et Cohendet à Paris. Il est horizontal, comme chacun le sait.
On donne quelquefois à cet appareil une forme verticale. Nous représentons (fig. 93) l’injecteur Giffard vertical. On reconnaît à la seule inspection de cette figure le même appareil, mais disposé dans le sens vertical.
Depuis son invention, qui remonte à l’année 1860, l’injecteur Giffard a reçu divers perfectionnements, pour éviter certains inconvénients qui étaient inhérents à son emploi. Ces inconvénients sont : 1o d’exiger un réservoir où l’eau soit en charge pour alimenter, c’est-à-dire de ne pas pouvoir aspirer l’eau sans aucune pression ; 2o de ne pouvoir injecter l’eau d’alimentation à une température dépassant + 40° centigrades.
Les plus employés des nouveaux injecteurs construits depuis Giffard sont : l’injecteur Kœrting et les injecteurs de vapeur d’échappement, qui sont en même temps de véritables condenseurs.
Pompes d’alimentation. — Les pompes alimentaires sont de deux sortes : les unes sont mues par la machine elle-même, et sont généralement placées à côté du condenseur (voir le dessin de la coupe de la machine de Watt dans les Merveilles de la science)[9].
La deuxième espèce de pompes alimentaires comprend les pompes mues par un moteur spécial : elles sont désignées dans l’industrie sous le nom générique de petits-chevaux. Elles ont l’avantage, sur les pompes mues par la machine motrice, de pouvoir alimenter la chaudière quand même la machine est arrêtée.
Les plus répandues de ces petites pompes sont les modèles créés par MM. Belleville, Tangye, Thirion, etc.
La pompe Belleville est représentée dans la figure ci-dessus.
Manomètres. — Il importe de s’assurer constamment que la pression à l’intérieur du générateur ne dépasse pas celle pour laquelle il a été construit. On se sert, pour cet usage, de manomètres. Les manomètres métalliques sont aujourd’hui exclusivement employés.
Nous donnons (fig. 96) le dessin d’un manomètre. Cet instrument se compose d’un tube élastique dans lequel agit la pression de la vapeur. L’une des extrémités du tube est fixe, l’autre est reliée à une aiguille dont la pointe se meut sur un cadran gradué. Les chiffres du cadran expriment la pression en kilogrammes par centimètre carré.
Manomètres enregistreurs. — Ces instruments ont pour but de permettre de contrôler le travail du chauffeur en inscrivant à chaque instant la pression de la vapeur.
Nous donnons (fig. 97) le dessin d’un manomètre enregistreur à cadran construit par MM. Broquin, Muller et Roger.
Cet appareil se compose des différentes pièces, tube, aiguille, cadran divisé, d’un manomètre ordinaire, dans la boîte duquel se trouve placé un mouvement d’horlogerie, entraînant dans sa rotation un cadran horaire sur lequel une pointe traçante vient décrire une courbe. La courbe ainsi tracée permet de contrôler les différentes pressions indiquées par le manomètre et de connaître les instants où les variations se sont produites.
Sur le cadran horaire se trouvent imprimés à l’avance : 1o des circonférences concentriques qui représentent les pressions 0, 1, 2… correspondant à celles du manomètre ;
2o Une série d’arcs de cercle perpendiculaires aux circonférences et qui figurent les différentes heures du jour et de la nuit avec leurs divisions.
L’aiguille indicatrice et le traceur étant fixés sur le même axe, tous leurs mouvements sont solidaires, et par suite, les pressions indiquées sur le cadran seront exactement transcrites. On a donc un contrôle exact ; d’autant plus que toutes les pièces étant renfermées dans une enveloppe fermée par un cadenas, il n’est pas possible au chauffeur ou au conducteur de la machine de fausser les indications du contrôleur.
La figure 98 représente un autre manomètre enregistreur, traçant les diagrammes des pressions pendant une semaine.
Soupapes de sûreté. — Pour s’assurer que la pression dans la chaudière ne montera jamais au-dessus d’une certaine limite, on emploie les soupapes de sûreté.
Nous donnons (fig. 99) le dessin d’une soupape de sûreté système Dulac construite par MM. Broquin, Muller et Roger, qui présente quelques avantages sur les soupapes anciennement employées.
Cette soupape se compose des organes de la soupape ordinaire, décrits dans les Merveilles de la science, et d’un compensateur, formé d’un tronc de cône, A, dont la petite base forme la soupape et dont la grande émerge au-dessus d’un ajustage conique divergent, B. Voici comment cette soupape fonctionne :
Quand la pression atteint, dans le générateur, la limite voisine de celle indiquée par le timbre, la soupape se soulève légèrement ; puis, si cette pression augmente, le soulèvement s’accentue progressivement, jusqu’à provoquer une ouverture suffisante pour limiter la pression. Si rien ne modifie le régime du générateur, la soupape reste soulevée de la quantité strictement nécessaire pour évacuer le volume de vapeur en excès.
Si la consommation de vapeur augmente ou si la production diminue, la soupape se ferme graduellement, et la pression se trouve ramenée à la limite qui a précédé le soulèvement.
Conducteur de vapeur. — On transmet la vapeur de la chaudière à la machine à l’aide d’une conduite. Cette conduite se compose d’une suite de tuyaux en fonte, en fer, ou en cuivre enveloppés de corps isolants, afin d’empêcher la déperdition de la chaleur et la condensation de la vapeur. On emploie à cet effet différents procédés d’isolement. Le plus simple consiste à entourer les conduites de plaquettes en bois ou en liège. Mais ces corps se carbonisent assez rapidement. On emploie également de la paille, qu’on enveloppe avec des torchons. Mais la paille présente le même inconvénient que le bois et le liège.
On emploie beaucoup, dans le même but, des mastics dits calorifuges, composés de paille hachée et de terre glaise. Mais la meilleure manière d’empêcher le refroidissement des conduites consiste à entourer la conduite de vapeur de tuyaux en tôle ou en fonte. La couche d’air ainsi emprisonnée conduit très mal la chaleur, et empêche tout refroidissement.
Prise de vapeur. — Sur le haut de la chaudière existe une prise de vapeur. Cette prise de vapeur est fermée par une valve, car les robinets ne conviennent plus pour des conduites dont le diamètre est considérable.
Nous donnons (fig. 100, 101) le dessin d’une valve très employée aujourd’hui, et connue sous le nom de Peet-valve.
Dans cet appareil, la fermeture s’opère au moyen de deux disques plans parallèles, et d’un coin qui se trouve entre eux, et les oblige toujours à s’appliquer sur les deux faces tournées, leur servant de sièges.
Les disques sont guidés par des rainures latérales, disposées de façon à éviter tout frottement, pendant la manœuvre de la valve entre ces disques et leurs sièges.
L’étanchéité parfaite est assurée, et la vapeur rencontre devant elle un passage droit, ce qui évite les pertes de pression.
Compensateur de dilatation. — Pour compenser la dilatation qui se produit par suite du passage de la vapeur dans des conduites qui peuvent être très longues, on emploie des compensateurs de dilatation. Le système le plus simple et le plus pratique consiste à replier le tuyau en forme d’S.
Purgeurs. — Malgré toutes les précautions que l’on prend, une partie de la vapeur se condense pendant le trajet. Il faut se débarrasser de cette eau de condensation. On purge la conduite à l’aide d’appareils automatiques.
Nous donnons (fig. 102, 103) le dessin d’un purgeur automatique à soupape, du système Legat, construit, à Paris, par MM. Broquin, Muller et Roger.
Il se compose :
1o D’un robinet R, et d’une conduite A, amenant la vapeur et l’eau de condensation ;
2o D’une conduite B, pour la sortie de l’eau condensée ;
3o D’une grille, C en tôle perforée, servant à retenir les impuretés qui peuvent être entraînées par la vapeur.
D est un tampon pour le nettoyage et la visite de l’appareil. Un flotteur en tôle d’acier, F, actionne la soupape équilibrée S. Un bouchon H permet de surveiller et de roder cette soupape sur son siège. Un levier L relie le flotteur à la soupape.
Voici, maintenant, comment fonctionne l’appareil. La vapeur et l’eau de condensation arrivant par la tubulure A pénètrent dans l’appareil, après avoir traversé la grille en tôle perforée, C. L’eau s’élève alors dans la cuve en fonte, et il arrive un moment où, le flotteur se trouvant soulevé, la soupape équilibrée S s’ouvre et l’eau de condensation s’écoule par la tubulure de sortie B. La soupape S étant constamment noyée, il ne peut y avoir aucune fuite de vapeur.
Détendeur de vapeur. — On peut avoir besoin de produire, pour certaines raisons, la vapeur dans la chaudière à une pression supérieure à celle à laquelle on l’emploie dans la machine. On emploie alors un détendeur de vapeur.
Nous avons donné la description du détendeur Belleville, dans le chapitre consacré aux chaudières inexplosibles. Nous donnons (fig. 104 et 105) le dessin d’un détendeur, système Legat.
Fig. 104. | Détendeur à vapeur, système Legat. | Fig. 105. |
Il se compose d’une capacité sphérique O, constituant le corps du détendeur. La vapeur arrive par la tubulure E, et sort par la tubulure S. Une membrane métallique extensible M joue le rôle de piston sensibilisateur de la pression et aussi le rôle de presse-étoupe, dont elle évite le frottement et les fuites. D est une soupape équilibrée, jouant le rôle d’obturateur ; elle est reliée à la membrane M, qui lui communique le mouvement, par l’effet de la pression de la vapeur détendue.
F est une tige centrale reliant l’obturateur à la membrane. H est un chapeau recouvrant la membrane, et servant à la fixer au corps du robinet O. Des ressorts-balances G, G′, équilibrent l’action de la pression extérieure sur la membrane. Ces ressorts agissent par l’intermédiaire des leviers entretoises B, B′. On règle la tension des ressorts à l’aide d’un volant A′, suivant la pression à laquelle on veut obtenir la vapeur détendue.
Voici comment fonctionne l’appareil. La vapeur arrive par l’orifice E, pénètre dans le corps du robinet O, où elle se détend, et agissant alors sur la membrane M, elle tend à faire fermer la soupape D, maintenue ouverte par la tension de deux ressorts. Si la pression augmente en E, et par suite en O ; ou si le débit de la vapeur diminue en S, ce qui entraîne, par suite, une augmentation de pression, l’action sur la membrane M augmente, la tension des ressorts est vaincue, et la soupape tend à se fermer, diminuant ainsi l’arrivée de la vapeur, et rétablissant l’équilibre. Il se produit donc une série de mouvements analogues à ceux d’une balance, et la vapeur détendue se maintient constamment, en S, à la pression pour laquelle les ressorts ont été réglés, au moyen du volant A′.
Le même effet se produit d’une façon inverse, si la pression diminue en E, ou si le débit augmente en S ; dans ce cas, la soupape D tend à se rouvrir, pour rétablir l’équilibre.
Si nous étudions maintenant les accessoires des machines, nous trouverons, en première ligne, les appareils employés pour lubrifier leurs divers organes.
Graisseurs. — Pour lubrifier le cylindre et les tiroirs, on emploie aujourd’hui des graisseurs, dits automatiques, qui introduisent dans le cylindre, à chaque coup de piston, une même quantité d’huile.
Nous donnons (fig. 106) la coupe d’un graisseur automatique dit graisseur américain.
On voit que cet appareil se compose d’une capacité cylindrique, servant de réservoir d’huile, fermée à sa partie inférieure par un robinet, et à sa partie supérieure par une vis de pression. Deux ouvertures sont pratiquées dans le robinet inférieur : l’une communique directement avec le fond du réservoir, l’autre avec un tube vertical X, qui s’élève jusqu’à la partie supérieure du réservoir, et donne passage à la vapeur.
Le fonctionnement de ce graisseur est des plus simples. Le robinet étant fermé et la vis supérieure soulevée, on verse l’huile dans ce réservoir ; il suffit ensuite de fermer la vis, puis d’ouvrir le robinet, pour que le graisseur fonctionne.
En effet, à chaque coup de piston, la vapeur pénètre dans le réservoir, vient s’y condenser et dépose, par conséquent, un même volume d’huile, qui s’écoule dans le cylindre, et vient le graisser. On obtient de la sorte un graissage continu.
Voici (fig. 107) le dessin d’un autre graisseur automatique, le graisseur Pearson.
Ce graisseur se compose d’un vase-réservoir C, contenant l’huile, d’une tige A portant un petit volant à son extrémité supérieure et une soupape à sa partie inférieure ; d’un godet B, et d’une soupape H, fermant toute communication du graisseur avec l’extérieur.
Pour faire fonctionner l’appareil, il suffit de faire descendre la soupape E sur son siège, ce qui ferme toute communication du cylindre avec le graisseur, comme la figure l’indique en pointillé ; puis de soulever la soupape H, et de verser la matière lubrifiante dans le vase C, par l’intermédiaire du godet GB. Quand le vase C est plein de graisse, si l’on ferme la soupape H, et que l’on mette le graisseur en communication avec le cylindre ou la partie à lubrifier, en soulevant la soupape E, à chaque admission de vapeur dans le cylindre, la vapeur pénétrera, par le conduit J, dans le vase C, et cette vapeur, se condensant, tombera au fond du vase à l’état d’eau.
Il est évident alors qu’un même volume d’huile entrera dans le cylindre, au moment du retour du piston, et graissera le cylindre d’une manière continue.
Les graisseurs automatiques tendent à être remplacés de plus en plus par les appareils de graissage par la vapeur, qui consistent à introduire de la vapeur grasse, c’est-à-dire contenant des corps gras vaporisés. Cette vapeur graisse tous les organes qu’elle rencontre sur son passage, et assure ainsi un frottement parfait de la machine.
Le graisseur construit par la société Ragosine, et dont nous donnons un dessin dans la figure 108, se compose :
D’un vase A, contenant de l’eau à sa partie inférieure, et de l’huile à sa partie supérieure ;
D’un bouchon à vis, D, à l’aide duquel on introduit l’eau ou l’huile dans le vase A ;
D’un robinet à deux voies, C, qui met le vase A en communication avec la vapeur condensée dans le serpentin S, et avec le tuyau de graissage ;
D’un tuyau E d’arrivée de l’eau provenant du condenseur réfrigérant ;
D’un robinet de purge, H ;
D’un tube en verre, B, rempli d’eau, que la goutte d’huile doit traverser, de sorte qu’elle soit visible.
Z est un tube de niveau d’eau et d’huile.
Voici comment fonctionne l’appareil. Si dans le vase A, rempli préalablement d’huile, on fait pénétrer une goutte d’eau, un même volume d’huile sera poussé dans le conduit A ; et comme la densité de l’huile est moindre que celle de l’eau, la goutte d’huile traversera la colonne d’eau B, et y restera visible.
La pression de la vapeur au point de départ étant la même qu’au point d’arrivée de l’huile venant du vase A, la poussée de l’huile sera due à la pression exercée par la colonne d’eau qui devra être de 0m,50 à 1 mètre. C’est la pression de cette colonne d’eau qui détermine la poussée de l’huile du vase A dans le tube en verre B et dans la conduite G.
Indicateur de pression. — On mesure le travail exercé par la vapeur sur le piston, dans une machine à vapeur, au moyen des indicateurs de pression.
Le plus simple de ces indicateurs est l’indicateur de Watt, qui est encore en usage.
Imaginons que sur le cylindre de la machine à vapeur on visse un petit cylindre en bronze, muni d’un robinet à sa partie inférieure. Un piston se meut dans ce cylindre ; il est appliqué contre celui-ci, et tend un ressort, lequel est réglé de telle manière que les déplacements du piston soient proportionnels à la pression de la vapeur.
Supposons maintenant que le piston soit muni d’un crayon, et qu’une bande de papier se déroule horizontalement devant la pointe de ce crayon, avec une vitesse égale à celle du piston de la machine. Quand la machine fonctionnera, la pointe de ce crayon tracera une ligne horizontale, qui représentera le chemin parcouru par le piston.
Si on ouvre alors le robinet de l’indicateur, et que l’on introduise la vapeur sous le petit piston, celui-ci va se mettre en mouvement. Si le papier était immobile, la pointe du crayon tracerait une ligne verticale représentant la pression dans le cylindre.
En composant ces deux mouvements, on obtient une ligne courbe fermée ; la surface limitée par cette ligne courbe représente la somme de produits de pressions de la vapeur sur le piston par les chemins parcourus par ce dernier. C’est-à-dire que cette surface représente précisément d’après les définitions de la mécanique le travail de la vapeur. C’est ce qu’on appelle un diagramme.
L’indicateur de pression que l’on construit généralement aujourd’hui, pour remplacer l’indicateur de Watt, c’est l’indicateur Thomson.
CHAPITRE XI
Nous venons de faire connaître les nombreux perfectionnements apportés, depuis l’année 1870 jusqu’à ce jour, aux machines fixes à vapeur. Pour résumer ces modifications fondamentales, nous dirons que les machines à vapeur ont été transformées dans deux parties très distinctes :
1o Dans le mécanisme de la distribution de la vapeur par les tiroirs, lesquels, se manœuvrant aujourd’hui avec une précision mathématique, permettent d’utiliser dans la plus grande mesure possible la détente de la vapeur. De là la machine Corliss et ses dérivés, c’est-à-dire les machines genre Corliss.
2o Par la réalisation absolue des avantages de la détente de la vapeur au moyen de deux cylindres à vapeur d’inégal volume, et qui sont combinés avec un système de tiroirs et de régulateurs nouveaux. De là les machines dites Compound, avec les nombreuses variantes que leur donnent aujourd’hui les constructeurs des divers pays. Nous n’avons parlé encore que des machines Compound à deux cylindres ; mais en traitant, dans la Notice supplémentaire suivante, des Bateaux à vapeur, nous aurons à décrire des machines dans lesquelles la détente de la vapeur s’opère dans trois et même dans quatre cylindres successifs (machine à triple et quadruple expansion).
C’est ainsi que la machine à vapeur s’est singulièrement perfectionnée depuis l’année 1870, et que l’on réalise aujourd’hui, dans son emploi, une économie inattendue pour la production de la force motrice. Dans les ateliers mécaniques, au lieu de brûler 7 à 8 kilogrammes de houille, comme autrefois, pour obtenir pendant une heure la force d’un cheval-vapeur, on n’en dépense aujourd’hui que 700 grammes en moyenne, à moins que l’on ne veuille produire de très grandes vitesses, ce qui sort des conditions ordinaires de l’industrie.
Pour obtenir cette réduction remarquable dans la dépense du combustible, il a fallu, comme on l’a vu, modifier considérablement les formes de la machine à vapeur ; de sorte que l’aspect des machines actuelles diffère sensiblement de celui qu’on leur voyait à l’époque où nous avons publié, dans les Merveilles de la science, notre Notice sur la Machine à vapeur. Et si nous avons multiplié, dans cette Notice supplémentaire, les dessins des machines à vapeur et de leurs accessoires, ainsi que des chaudières, c’est afin de pouvoir donner une idée exacte de l’outillage industriel actuel, en ce qui concerne les machines fixes à vapeur.
Il est deux ordres de machines dont l’ordre de notre exposition ne nous a pas permis de parler, et au sujet desquelles le lecteur a le désir sans doute d’être renseigné. Nous voulons parler des machines à vapeur oscillantes et des machines rotatives. C’est par leur appréciation que nous terminerons cette Notice supplémentaire aux machines à vapeur fixes.
Les machines oscillantes et les machines rotatives semblaient condamnées à disparaître, en présence des perfectionnements apportés, tant aux tiroirs, dans les machines Corliss, qu’aux cylindres de détente, dans les machines Compound. Cependant ces deux types de machines sont loin aujourd’hui d’être mis à l’écart. Nous verrons les machines oscillantes conservées encore à bord de plusieurs navires à vapeur ; et nous les retrouverons dans les Locomobiles, fonctionnant pour certains appareils de levage par la vapeur. L’ingénieux mécanisme des cylindres oscillants que nous avons décrit dans les Merveilles de la science [10] a été conservé, sans modifications.
Quant aux machines rotatives, ce type si remarquable en ce qu’il dispense de tout renvoi de mouvement, l’arbre moteur lui-même étant mis en action par la force de la vapeur, elles sont encore en usage, non pour la production des grandes puissances motrices, non pour distribuer la force dans des ateliers importants, mais pour actionner des machines d’ordre secondaire, empruntant leur effet moteur à la vapeur. Des pompes élévatoires pour l’eau et les liquides, des monte-charge et d’autres appareils du même genre, font usage de machines rotatives, c’est-à-dire de ces disques creux portés sur l’arbre même, et dans lesquels la vapeur venant se jouer, pour ainsi dire, à l’intérieur de ce disque, dans des cavités convenablement ménagées, actionne directement cet arbre de couche. Bien entendu que l’on tire parti, dans ce dernier appareil, des nombreux procédés aujourd’hui consacrés pour la meilleure utilisation de la détente de la vapeur. Beaucoup de pompes à eau fonctionnent par le secours de petites machines à vapeur rotatives dont les constructeurs varient les formes et les dispositions selon leurs idées particulières.
Dans les Merveilles de la science, nous avons consacré un long chapitre [11] à l’étude des machines à air chaud, c’est-à-dire dans lesquelles l’air successivement surchauffé et refroidi pousse un piston dans un cylindre, ce qui remplace l’effet mécanique du piston du cylindre à vapeur.
Les machines à air chaud inspiraient beaucoup de confiance à l’époque où nous avons écrit notre Notice sur les machines fixes à vapeur. Mais en présence des progrès immenses qu’a faits plus tard la machine à vapeur, ces appareils ont été absolument délaissés. Après une foule d’essais pour créer, dans des conditions pratiques, la machine à air chaud, essais auxquels l’américain Edison s’est lui-même consacré, sans aucun succès, ce genre d’appareils est tombé dans un discrédit complet. La machine à vapeur, modifiée suivant les principes et les découvertes résumés dans ce Supplément, reste donc la maîtresse souveraine du champ de l’industrie. Tout au plus le moteur à gaz, dans quelques conditions spéciales, et alors que la question d’économie est secondaire, vient-il se mesurer avec la machine à vapeur, pour la production de petites forces.
On peut en dire autant de la puissance mécanique de l’air comprimé, et de la pression de hautes colonnes d’eau, utilisées dans quelques grandes villes, pour certains cas particuliers, où il s’agit de distribuer commodément de petits efforts mécaniques. Mais, sauf ces cas isolés et exceptionnels, on peut dire que la machine à vapeur, grâce aux perfectionnements qu’elle a reçus, règne seule aujourd’hui dans les usines, les manufactures, les ateliers, et les bâtiments de tout tonnage, ainsi qu’on va le voir dans les pages suivantes.
- ↑ Tome I, pages 114-125.
- ↑ Merveilles de la science, Tome I, pages 239.
- ↑ Ce sont les plus légères et les moins volumineuses, pour une puissance donnée.
- ↑ La Machine à vapeur, t. I, p. 138 et suivantes.
- ↑ Tome Ier, pages 128, 129.
- ↑ Voir tome Ier, page 128, figure 68, pompe à air, etc.
- ↑ Tome Ier, pages 104-106.
- ↑ Tome I, pages 114 et suivantes.
- ↑ Tome I, page 128 (fig. 68).
- ↑ Page 134.
- ↑ Page 141 et suivantes.