Les Moineaux francs/4
DEUX ÉTOILES
ffolés et surpris comme des papillons
Heurtant la flamme,
Certes, l’été dernier, tous nous nous promettions,
Au fond de l’âme,
De n’y plus revenir jamais, jamais, jamais…
Serment vulgaire
Que, par les soirs brûlants, quand on cherche le frais,
On ne tient guère !
Vrais moutons de Panurge, avalons les fadeurs
Et les cascades
Du Café de l’Horloge et des Ambassadeurs…
Sans ambassades !
Voici, comme toujours, le théâtre en plein vent
Brillant de glaces,
Où huit dames, formant un éventail vivant,
Tiennent leurs places.
La bouche et les yeux peints, et les cheveux idem,
Ces vierges folles
Ont, sous les lambris d’or, un faux air de harem
Des Batignolles.
Sur les fauteuils de fer assis en rangs d’oignons,
Par ribambelles,
Voici nos bons gommeux qui lorgnent les chignons
Des demoiselles.
Voici le grand chanteur, le ténor favori
— Faux-col immense,
Habit noir et gants blancs, — chantant, tout ahuri,
Une romance.
Enfin, dans un frou-frou de jupons agités,
Sans rien qui voile
L’opulente splendeur de ses bras haut-gantés,
Voilà l’Étoile !
La voilà, la voilà, portant superbement
Sa tête fière,
Et, dès qu’elle paraît, c’est un enivrement,
Une lumière !
Le mot à double sens, l’à-propos polisson
Cinglant la foule
La font s’agiter toute avec un long frisson
comme une houle,
Et lorsque le refrain, bête à lever le cœur,
Enfin s’arrête,
Le public transporté, qui l’a repris en chœur,
Hurle à tue-tête.
L’Étoile reparaît à ce nouvel appel,
Ronge et joufflue…
Ô peuple de Paris, peuple spirituel,
Je te salue !
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Cependant, à travers les marronniers touffus,
Aux longues branches,
Où le gaz éclatant met un brouillard confus
De taches blanches ;
À travers la fumée épaisse qui s’en va
Sortant des lèvres ;
À travers tout ce bruit et tout ce brouhaha,
Toutes ces fièvres,
Là-haut, dans le grand ciel calme et silencieux,
Immense voile,
Brille, repos béni de l’esprit et des yeux,
Une autre étoile.
Comme une amie ancienne et dont on connaît bien
Le doux sourire,
Elle semble avec vous engager l’entretien
Et vous attire.
Elle vous dit les champs obscurs de l’infini,
Les nuits tranquilles,
Les astres pointillant l’azur du ciel uni
Comme autant d’îles.
Et les comètes d’or fendant l’immensité
Tout éperdues,
Et l’incommensurable et sombre majesté
Des étendues…
Étoile, pure étoile au sourire charmant,
Dont la lumière,
Par ces beaux soirs d’été, met un apaisement
Dans l’âme entière,
Étoile solitaire, en ton calme éternel
Toujours sereine,
Fais-nous vite oublier, chaste fille du ciel,
Ta sœur humaine !