Les Mystères de Londres/2/02

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Au Comptoir des imprimeurs unis (4p. 31-61).


II


DEUX ANGES AU BORD D’UN PRÉCIPICE.


L’homme qui venait d’entrer dans la salle basse de l’hôtel du Roi George, pouvait avoir une cinquantaine d’années et paraissait beaucoup davantage. En se débarrassant du plaid qui entourait ses épaules et couvrait en partie son visage, il laissa voir une de ces figures sanguines où la pâleur ne peut s’asseoir qu’après des années de martyre.

Cette figure était pâle, cependant.

Elle portait écrite en lisibles caractères, sur chacun de ses traits, toute une longue histoire de souffrance sans remèdes, d’indécisions cruelles, d’angoisses, d’aspirations et de mortels combats livrés au fond du cœur par la sauvage énergie de passions indomptées.

Les menteurs habiles ont soin de se rapprocher le plus possible de la vérité dans leurs inventions. Ils obtiennent ainsi une sorte de couleur locale dont les gens sans défiance sont aisément les dupes. Bob-Lantern, qui était un menteur de premier ordre, n’avait eu garde de mettre en oubli ce principe élémentaire du métier. Parmi tous les hôtels suspects où il eût trouvé des facilités égales pour l’accomplissement de son diabolique dessein, il avait choisi celui de master Gruff, parce que Angus Mac-Farlane y descendait réellement d’ordinaire dans ses voyages à Londres. Bob avait côtoyé ainsi la vérité de bien près, — de si près que le moindre hasard pouvait changer la vraisemblance en bonne et matérielle vérité.

Là était l’écueil. Bob avait compté sans le hasard, et le hasard, inopportun auxiliaire, se chargea de réaliser sa fiction. Bob se trouva avoir dit vrai bien malgré lui : le père et les filles étaient rassemblés sous le même toit.

L’homme qui venait d’entrer était en effet le laird Angus Mac-Farlane, du château de Crewe.

Il avait l’air triste et puissamment préoccupé ; mais cette tristesse n’était point de celles qu’un accident fortuit met sur un visage et que le premier bon vent de gaîté dissipe ; c’était évidemment une tristesse chronique, fruit de longs et incessants soucis. Ses yeux grands et d’un pur modèle étaient creusés et rougis, comme si ses mâles paupières eussent eu l’habitude des larmes. Son front plissé ne s’entourait plus que d’une diaphane couronne de cheveux étiolés ; sa bouche, dont les lignes se brisaient avec une régularité irréprochable, gardait à ses extrémités un pli profond, hiéroglyphe de souffrance, où il y avait bien de l’amertume et bien de la douleur.

Deux caractères contradictoires se disputaient pour ainsi dire l’expression de sa physionomie. C’était d’abord une énergie native dont le feu généreux réchauffait vivement par intervalles l’ensemble de ces traits ravagés ; — mais c’était aussi une lassitude désespérée, un découragement morne, quelque chose de cette fatigue accablante qui prend le soldat plusieurs fois terrassé.

Il avait combattu contre autrui ou contre lui-même, pour une cause juste ou non ; il avait combattu jusqu’à épuisement de forces, peut-être combattait-il encore. Mais il portait au front le signe de la défaite : c’était un soldat vaincu.

L’arrivée du laird en un pareil moment fut un véritable coup de foudre pour le digne couple. Mistress Gruff, comme nous l’avons dit, tomba sur une escabelle, tandis que son époux ouvrait de gros yeux stupides et tordait à pleines poignées les poils rigides de ses favoris roux.

Angus ne prit point garde à leur émotion. Il approcha du feu ses brodequins trempés de pluie et jeta sur la table sa toque ornée d’une branche d’if.

— Je suis las, dit-il, préparez ma chambre.

— Votre chambre ! répéta Gruff en grondant ; — votre chambre, Mac-Farlane !… Du diable si je m’attendais à vous voir ce soir… Oui, Mac-Farlane… ou Votre Honneur, comme on vous appelle maintenant, ma foi ! — Du diable si je m’y attendais !

— Ma chambre est-elle prise ? demanda le laird.

— Prise ?… Dieu merci, Mac-Farlane, il y a plus d’une chambre au Roi George… et quant à la vôtre…

— Mon ami, taisez-vous ! interrompit doucement l’hôtelière, qui avait eu le temps de se remettre et dont le sourire brillait d’un nouvel éclat.

— Ah ! Votre Honneur a voulu nous surprendre… Et comment vous portez-vous ?… et quelles nouvelles du pays, s’il vous plaît ?

Ceci fut dit avec une volubilité très grande et d’un air qui voulait être joyeusement cordial.

— Je me porte mal, répondit froidement le laird, — et je ne sais point de nouvelles… Ne voulez-vous pas préparer ma chambre ?

Master Gruff allait prendre la parole ; sa femme lui ferma la bouche d’un geste.

— On gagne sa vie comme on peut, Votre Honneur, dit-elle d’un ton insinuant où perçait pourtant une légère nuance de raillerie ; — tout le monde n’a pas reçu comme vous en héritage un bel et bon château qui rapporte plus de livres que nous ne gagnons de shellings… Votre chambre nous sert à faire un petit commerce sur la Tamise, et en ce moment même nous y avons quelques ballots…

— Ôtez-les ! dit Mac-Farlane avec impatience.

— Il y a d’autres chambres, pardieu ! gronda Gruff avec mauvaise humeur.

— Mon ami, dit mistress Gruff, — il faut vous taire… Son Honneur a bien le droit de choisir la chambre qui lui plaît, je pense… Prenez un peu de patience, monsieur Mac-Farlane… Dans une petite demi-heure tout sera prêt… Vous ferai-je servir à dîner en attendant ?

— Je mangerai dans ma chambre, dit le laird ; — que vos gens se dépêchent, madame !

— Toute ma maison est aux ordres de Votre Honneur, répliqua mistress Gruff, dont rien ne pouvait troubler l’inaltérable aménité ; — je cours et je reviens, monsieur Mac-Farlane… c’est l’affaire d’un petit quart d’heure.

Elle se leva et pinça fortement en passant le bras de son mari, qui étouffa un grognement de douleur.

— Tâchez de l’amuser, glissa-t-elle à son oreille, — et quand je tousserai là-haut, montez.

Master Gruff fit un signe d’obéissance.

Angus Mac-Farlane s’assit sur l’escabelle que venait de quitter l’hôtesse et s’approcha du feu.

— Diablement froid, le temps, aujourd’hui, Mac-Farlane, commença brusquement master Gruff, qui avait à cœur d’obéir à sa souveraine et d’amuser le laird ; — un froid de tous les diables !… Hum !… Vous me direz : c’est le temps de la saison… Mais il y a froid et froid… Hum !… hum !… et j’ai vu des jours d’hiver où le vent était doux comme… très doux, pardieu, chacun sait cela… Voulez-vous prendre une prise d’irish snuff[1], Mac-Farlane ?

Master Gruff tendit sa boîte ouverte et s’aperçut seulement alors que le laird ne l’écoutait pas. Il poussa un long soupir de soulagement.

— Le voilà parti ! murmura-t-il en souriant lourdement ; maintenant on pourrait lui voler sa main droite sans que la gauche s’en aperçût… C’est égal ! je voudrais bien que l’affaire fût faite là-haut…

Le laird avait croisé ses deux mains sur ses genoux. Sa tête se penchait en avant. Son œil morne et fixe semblait suivre la fumée épaisse et verdâtre qui s’échappait de la grille où mistress Gruff avait jeté de la poussière de houille avant de quitter la chambre, mais, en réalité, les yeux du laird ne voyaient ni la fumée, ni la grille, ni rien autre chose.

Il était absorbé dans ses pensées, et l’expression de son visage avait pris une teinte encore plus sombre que naguère. Ses sourcils s’étaient froncés ; sa respiration soulevait péniblement sa poitrine.

— Mac-Nab ! Mac-Nab ! murmura-t-il enfin d’une voix étouffée ; — pauvre frère !… Les sorts l’ont dit : mon sang doit te venger… mon sang doit le punir !…

Il s’arrêta et respira avec effort.

— J’attends du courage pour frapper, reprit-il plus bas, — j’attends… Pourquoi Dieu permet-il qu’on aime ceux qu’on devrait haïr ?…

— Ta ta ta ta ! grommela Master Gruff en bâillant ; — Dieu permet bien que mistress Gruff et moi nous nous détestions de tout notre cœur…

L’hôtesse, cependant, avait monté l’escalier à pas de loup et s’était remise en observation près de la porte de la chambre occupée par les deux sœurs.

Derrière cette porte se passait une scène étrange et faite pour émouvoir le spectateur le plus indifférent. Mais mistress Gruff était depuis long-temps cuirassée contre la pitié. Elle avait remis son œil à la serrure et regrettait fort de ne pouvoir entendre les paroles prononcées et d’assister seulement à une pantomime.

C’était en vérité perdre la moitié du plaisir.

Voici ce qui avait lieu de l’autre côté de la porte :

La bière versée par mistress Gruff, — cette bonne bière de Saint-Dunstan, — contenait, à dose assez forte, l’eau que Bob-Lantern avait reçue de Bishop le burkeur à The Pipe and Pot. Cette eau n’était autre chose que le narcotique puissant dont les résurrectionnistes avaient le secret, et qui servait à endormir les victimes de leur infernale industrie. À peine les deux sœurs eurent-elles bu quelques gorgées du scotch ale que les effets du narcotique commencèrent à se faire sentir. Elles éprouvèrent un bien-être général et comme un soudain redoublement de vie. Anna se prit à chanter un doux air du pays ; Clary donna ses pensées à leur courant ordinaire, et, pour la première fois depuis bien des jours, une lueur d’espoir éclaira son âme.

Puis toutes deux sentirent le plancher de la salle onduler sous leurs pieds. Elles étaient entraînées par de lentes et molles oscillations semblables au tangage d’un grand vaisseau par une mer tranquille.

Anna ferma les yeux en souriant, — Clary devint pâle tout-à-coup et fit effort pour reprendre l’équilibre. Un vague soupçon de la vérité venait de traverser son esprit.

Alors l’état des deux sœurs présenta des symptômes opposés. Outre la différence de leurs tempéraments, il y avait désormais entre elles un abîme : Anna, la pauvre enfant, s’endormait heureuse, et Clary venait d’entrevoir vaguement l’horreur de leur situation.

Elle se raidit, parce que son cœur était fort. Un instant elle se sentit si vaillante, qu’elle défia le sommeil. Debout, le sein soulevé, l’œil en feu, amazone armée pour combattre un invincible ennemi, elle était belle comme cette beauté guerrière que sait peindre la mâle poésie du Nord. Tout homme, en la voyant si noble au bord de l’abîme, eût senti son cœur serré par cette respectueuse douleur qui est la pitié plus l’admiration. Son aspect eût mis du dévoûment dans l’âme la plus vulgaire, et un lâche eût trouvé le courage de la défendre.

Mais cette vigueur factice exigeait une tension trop violente, et sa durée fut courte. Par hasard, les yeux de Clary tombèrent sur Anna dont la tête souriante s’appuyait déjà, renversée, au dossier de son fauteuil.

Ce fut comme un choc magnétique. Clary s’affaissa, inerte, sur son siège, et deux larmes coulèrent lentement le long de sa joue.

— Ma sœur ! ma pauvre Anna ! murmura-t-elle d’une voix déchirante.

Anna entendit ; ses lèvres s’entr’ouvrirent.

— Il y a bien long-temps que je l’aime, dit-elle de cette voix heureuse et recueillie des gens qui ont souffert et qui voient le bonheur ; — bien long-temps, Clary ! Hier, j’ai cru que tu l’aimais… Oh ! ma sœur, que j’ai pleuré pendant que tu dormais !…

Clary se pressa le front de ses deux mains crispées.

— Mon père ! mon père ! cria-t-elle avec violence ; n’êtes-vous pas là pour secourir votre enfant !… Oh ! que je sois perdue, moi, mon Dieu ! — mais qu’elle soit sauvée !

Ce fut à ce moment que mistress Gruff, quittant la salle basse, vint se poser en observation derrière la porte. En voyant les deux sœurs immobiles, elle crut que tout était fini et fut sur le point de peser sur le pêne, mais un mouvement d’Anna l’arrêta.

La plus jeune des deux sœurs se retourna en effet sur son fauteuil et tendit sa main dans le vide à un personnage imaginaire.

— Merci, merci, mon bon père, dit-elle ; mon bonheur sera votre récompense… Stephen m’aime tant ! ajouta-t-elle avec pudeur ; — et moi… oh ! moi… C’est demain la noce… Je me tairai jusqu’à demain.

Clary ne pouvait plus pleurer. Son angoisse atteignait au délire. Chacune des paroles d’Anna lui perçait le cœur.

Elle voulait parfois espérer encore et se disait que ses craintes n’avaient de fondement que dans sa timidité de jeune fille. Mais l’effet du narcotique était si palpable dans la personne d’Anna, que le doute devenait impossible.

Et, sur elle-même l’effet, pour être moins complet, n’était-il pas en quelque sorte plus terrible ? Elle résistait, mais elle était vaincue, vaincue en connaissance de cause ; c’était un combat réel ; l’ennemi plus fort étendait sur elle sa main de plomb et la domptait.

Néanmoins, elle ne cédait point encore, parce que, si puissant que fût le narcotique, la quantité prise par chacune des deux sœurs avait été trop faible pour avoir un résultat immédiatement décisif. Mistress Gruff s’impatientait et maugréait derrière la porte, craignant sans cesse qu’il ne prît fantaisie au laird de monter l’escalier.

— Si elles pouvaient boire encore, les chères petites ! se disait-elle.

En ce moment, Anna, éveillée encore ou commençant à rêver peut-être, se reprit à chanter sa chanson d’Écosse d’une voix faible et entrecoupée. Le premier son de cette voix aimée fit tressaillir Clary et rendit un peu de force à son désespoir. Elle se leva, au grand étonnement de mistress Gruff, qui n’eut que le temps de donner un tour de clé à la serrure, et se dirigea vers la porte.

— Fermée ! murmura-t-elle froidement, comme si elle se fût attendue à cette circonstance.

Ses jambes fléchissaient sous elle et son beau cou avait peine à soutenir le poids de sa tête alourdie. Elle traversa de nouveau la chambre en chancelant et s’approcha de la fenêtre.

Cette fenêtre, comme presque toutes celles de Londres, se composait de deux châssis superposés, destinés à glisser, l’un sur l’autre, de bas en haut. Clary essaya de soulever le châssis inférieur, comptant sans doute appeler du secours, mais la boiserie était bien pesante et veuve des contrepoids qui, d’ordinaire, permettent de faire jouer avec facilité ces disgracieuses et incommodes clôtures.

Clary, après deux ou trois efforts infructueux, laissa retomber ses bras le long de son corps et pencha la tête.

— Tâche, ma tourterelle, fatigue-toi, ma colombe, murmurait à part soi la bonne mistress Gruff ; — plus tu travailleras, plus vite tu t’endormiras… je connais ça, Dieu merci !

— Comme Clary est heureuse de mon bonheur ! dit en ce moment Anna qui se souleva à demi, mais sans ouvrir les yeux. — Bonne sœur ! je voudrais qu’elle aimât un homme comme j’aime mon Stephen, car cet homme l’aimerait… Elle est si belle, Clary !…

En écoutant ces mots, l’aînée des deux jeunes filles demeura debout, droite et raide, comme si son sang se fût tout-à-coup figé dans ses veines. Une pensée nouvelle venait de traverser son esprit ; et cette pensée était accablante.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! dit-elle en tombant sans force sur ses genoux ; — je ne le verrai plus… et il m’aimait !

L’idée de la mort, car c’était la mort que Clary attendait, ne l’avait frappée jusque-là que par rapport à sa sœur ; son cœur s’était navré à l’image d’Anna, livrée aux funèbres attouchements des experts de la Résurrection, cette infâme fabrique de cadavres, mais elle s’était oubliée elle-même.

Maintenant son désespoir s’accroissait de sa détresse personnelle. Son amour, ardent et jeune, passion soudaine, absolue, sans limites, que nous avons essayé de peindre dans la première partie de ce récit, venait brusquement rejeter au second plan la tendresse fraternelle. C’était vers lui, vers lui, son espoir, son Dieu, qu’allaient s’élancer désormais les dernières aspirations de son agonie. Plus de calme, plus de résignation ; — des regrets, des pleurs, des cris de douleur infinie.

Elle s’agitait, impuissante, la pauvre fille, sur la poussière humide du sol. Des cris déchirants s’échappaient de sa poitrine oppressée. Elle souffrait comme il n’est pas donné à notre périssable nature de souffrir deux fois en une vie.

Anna souriait toujours à son rêve, et murmurait par intervalles des paroles d’extatique bonheur.

Cependant, mistress Gruff, effrayée des plaintes de Clary, qui pouvaient arriver jusqu’aux oreilles du laird, descendit lestement l’escalier, et, du seuil, fit signe à son mari, qui s’approcha aussitôt.

— Prenez votre violon, dit-elle.

— Mon violon, ma bonne amie ! répéta Gruff étonné.

— Taisez-vous !… Prenez votre violon, vous dis-je. Un long cri se fit entendre au haut de l’escalier. — Master Gruff comprit.

Il saisit un violon poudreux et privé d’une de ses cordes, qui pendait au lambris, et passa de la résine sur l’archet.

— Il m’a semblé entendre un cri, dit Angus Mac-Farlane sortant de sa sombre rêverie.

— Un peu de patience, Votre Honneur, répondit l’hôtesse, — dans cinq minutes votre chambre sera prête.

Au même instant, l’archet grinça sur les cordes du violon et rendit un son diabolique.

Mac-Farlane tira de sa poche un bonnet de tartan qu’il enfonça sur ses oreilles, tandis que Gruff écorchait le pibroch des Mac-Gregor.

De sorte que aux derniers râles de la malheureuse Clary vinrent se mêler les sons de cette dérisoire musique. Sa voix se brisa bientôt sous l’effort croissant d’un invincible sommeil.

— Edward ! murmura-t-elle enfin dans un dernier sanglot ; — Edward !… je t’aimais… Je t’aime !… Oh ! tu ne sauras même pas que je meurs en t’aimant !

Elle essaya de se traîner jusqu’à sa sœur, qui, gracieusement étendue dans son fauteuil, dormait avec un sourire d’ange sur les lèvres.

— Ils vont venir, pensait-elle, car elle ne pouvait plus parler, — ils vont venir !… Du sommeil nous passerons à la mort… Pauvre sœur !… elle n’aura point de tombe où Stephen puisse venir pleurer !… Et moi !… qui portera mon dernier soupir à Edward ?…

Elle s’affaissa, paralysée, auprès de sa sœur et mit sa tête dans son sein en râlant cette plainte suprême :

— Qu’avons-nous fait, mon Dieu ! pour mourir ainsi ?

Elle ne bougea plus.

— Stephen ! mon Stephen ! dit Anna qui entoura de ses jolis bras blancs le coude sa sœur endormie ; que Dieu est bon et que nous sommes heureux !…

  1. Tabac d’Irlande, renommé par sa force et son odeur diabolique.