Aller au contenu

Les Mystères du confessionnal/Dissertation sur le sixième commandement/02

La bibliothèque libre.
Imprimerie E.-J. Carlier (p. 18-36).


CHAPITRE II

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE LUXURE NATURELLE CONSOMMÉE


La luxure est naturelle lorsqu’elle n’est pas en opposition avec la propagation du genre humain. L’union des deux sexes en dehors du mariage est donc un acte purement charnel à la condition d’être pratiqué d’une manière propre à la génération. Cet acte est accompli par le fait de l’écoulement de la matière séminale de l’homme dans l’intérieur des parties sexuelles de la femme.

On compte six espèces de luxure : la fornication, le stupre, le rapt, l’adultère, l’inceste et le sacrilège. Nous allons traiter ci-après, de chacune de ces espèces en particulier.


ARTICLE I

DE LA FORNICATION


La fornication est l’union intime et d’un consentement mutuel, d’un homme libre et d’une femme libre ayant déjà perdu sa virginité.

Nous disons : 1o d’un homme libre, c’est-à-dire qui ne soit empêché de commettre la faute par aucun lien spécial de mariage, de parenté, d’affinité, d’ordre sacré ou de vœu, mais seulement par le précepte de chasteté.

2o D’une femme libre ayant déjà perdu sa virginité, comme fornication simple, elle se distingue du stupre dont nous aurons bientôt occasion de parler.

3o D’un consentement mutuel, par ces mots, la fornication se distingue du rapt.

Il y a trois sortes de fornication : la fornication simple, le concubinage et la prostitution ; nous allons en traiter dans un triple paragraphe.


§ I. — De la fornication simple


La fornication simple est celle qui résulte d’un commerce passager avec une ou plusieurs femmes.

Les Nicolaïtes et les Gnostiques, hérétiques impurs des premiers sicles, s’appuyant sur des raisons diverses, ont prétendu que la fornication simple était licite. Durand, s’appuyant sur le droit naturel, la regardait comme un péché seulement véniel, qui ne devenait mortel qu’en présence du droit positif. Caramuel, venu après lui, disait qu’intrinsèquement elle n’était pas une action mauvaise, mais défendue seulement par le droit positif.


Proposition. — La fornication simple est intrinséquement une action mauvaise et constitue un péché mortel.


Preuve. Cette proposition, admise par tous les moralistes chrétiens, se prouve par l’écriture sainte, par le témoignage des pères de l’Église, par l’autorité des conciles et des pontifes et par la raison.

1o Par l’écriture sainte : Parmi les textes nombreux que nous pourrions rapporter, choisissons-en seulement quelques-uns : I. aux Corinth. 6. 9 et 10 : Ni les fornicateurs, ni ceux qui s’adonnent au culte des idoles, ni les adultères ne posséderont le royaume de Dieu : aux Gal. 5. 19 et 21 : comme dessus aux Eph. 55 : sachez que ni les fornicateurs ni les impurs n’auront de place dans le royaume du Christ et de Dieu. Le B. Jean, dans l’Apocalypse, 21. 81. place les fornicateurs, dans la vie future, dans un étang de feu et de souffre.

Il est certain, d’après ces textes, que la fornication, l’impureté, l’adultère et le culte des idoles, sont, intrinsèquement, des actions mauvaises, et constituent des péchés mortels.

2o Par le témoignage des pères : Saint-Fulgent, Epit. 1, chap. 4 : La fornication ne peut jamais exister sans un grave péché. Saint-Chrisost. Homélie 22. II. aux Corinth. Autant de fois tu auras fréquenté les femmes de mauvaise vie, autant de fois tu auras prononcé ta propre condamnation.

3o Par l’autorité des conciles et des souverains pontifes. Concile de Vienne, Clément, l. 5. t. 3. ch. 3, condamne cette proposition des Béguins : le baiser d’une femme, lorsque la nature n’y porte pas, est un péché mortel, mais l’acte charnel n’est pas un péché lorsque la nature commande, et surtout lorsque la tentation porte à s’y livrer. Le concile de Trente, sess. 24, ch. 8 de la réf. matr. déclare que le concubinage est un péché grave.

Innocent XI, en 1679, a condamné la proposition suivante de Caramuel : Il est de la plus haute évidence que la fornication ne porte, en soi, aucune malice, et qu’elle est seulement mauvaise, parce qu’elle est interdite, afin que toute opinion contraire paraisse tout à fait opposée à la raison.

4o Par la raison : L’union charnelle ne peut être permise que dans le but de la production de l’espèce ; c’est à cette seule fin qu’elle a été instituée ; or, il ne suffit pas de donner le jour à des enfants, il faut encore les nourrir, les soigner, les élever, les instruire ; de là, pour les parents, l’obligation naturelle de remplir des devoirs nombreux qui exigent, du reste, une longue cohabitation. Or, la simple fornication est évidemment contraire à ces devoirs, puisque, de sa nature, elle est un acte passager, et qu’un accouplement pareil n’oblige, par aucun lien, à la cohabitation. Donc, elle est intrinsèquement mauvaise.

En outre, le bonheur de la société dépend de l’honnête institution des familles ; or, l’honnête institution des familles suppose le mariage ; donc, la simple fornication qui détruit les droits, les devoirs et les avantages du mariage est très-mauvaise de sa nature.

De plus la fornication avec un infidèle ou un hérétique constitue un péché bien plus grave à cause de l’outrage fait ainsi à la véritable religion.

Mais, direz-vous : 1o Dieu ordonna à Osæ, c. 1. v. 2, de prendre pour épouse une femme débauchée ; et, d’après les actes des apôtres 15. 29. la fornication est défendue comme l’usage de la chair des victimes, des animaux étouffés et du sang ; donc la fornication n’est une action mauvaise que d’après le droit positif.

R. Je nie la conséquence. En effet : 1o Dieu ordonna à Osæ, non pas de forniquer, mais de prendre pour épouse une femme débauchée, ce qui est bien différent : 2o La fornication est expressément prohibée par les apôtres, parce que les gentils prétendaient qu’elle était licite ; et il n’est pas dit, dans les actes, qu’elle n’est pas défendue par le droit divin et naturel ; l’ancienne loi l’avait déjà plusieurs fois interdite 1o par le sixième précepte du décalogue ; 2o la jeune fille qui se laissait enlever sa virginité était lapidée, parce qu’elle avait commis une infamie dans Israël. (Deut. 22. 21.) ; 3o Dieu avait dit à Moïse que les fils d’Israël ne se livrent pas à la débauche (Deut. 23. 17.) ;

2o Ceux qui, me direz-vous, se livrent volontairement à la fornication ne font injure à personne, donc ils ne font pas une chose mauvaise de sa nature.

R. Je nie la conséquence, car la fornication est mauvaise, non parce qu’elle fait tort à quelqu’un, mais parce qu’elle viole un ordre divin.

Vous objecterez qu’il est préférable de créer des enfants par la fornication que de les laisser dans le néant et qu’ainsi on ne viole pas les ordres divins.

R. Je nie la conséquence. Nous avons déjà vu qu’il ne suffit pas d’avoir l’intention de créer des enfants ; d’un autre côté, cette allégation tendrait à prouver que l’adultère est permis, puisqu’il serait mieux d’avoir des enfants par l’adultère que de ne pas en avoir du tout.

La prostitution et le concubinage se rattachant à la fornication, nous en parlerons en peu de mots.


§ II. — Du Concubinage


Le concubinage est le commerce d’un homme libre avec une femme libre, et qui demeurant, soit dans la même maison, soit dans des maisons séparées, vivent ensemble, comme s’ils étaient mariés.

Il est certain que le concubinage ainsi compris étant un péché beaucoup plus grave que la fornication simple, à cause de la disposition au péché dans laquelle l’esprit se trouve habituellement, cette circonstance doit être dévoilée dans la confession.

Le Concile de Trente, sess. 24, c. 14 de la réf., a décrété des peines très-graves contre ceux qui vivent en concubinage, et dans la sess. 25, c. 14 de la réf., contre les clercs qui se livrent honteusement à ce vice. Mais ces peines doivent être prononcées par une sentence, et plusieurs d’entre elles n’ont jamais été admises en France, telles que l’expulsion hors de la ville ou hors du diocèse des personnes vivant en concubinage, le secours du bras séculier invoqué au besoin. Et pourtant, ce mal n’a pas été jugé moins grave chez nous que chez les étrangers.

On demande si celui qui vit en concubinage peut être absous avant d’avoir renvoyé sa concubine.

R. 1o Si le concubinage a été public, ni l’une ni l’autre des personnes qui vivent dans cet état ne peut régulièrement être absoute, bien qu’elle paraisse avoir le repentir, avant qu’une séparation publique ait eu lieu, car outre la séparation, il est nécessaire de donner une satisfaction proportionnée au scandale et, ordinairement, cette satisfaction ne peut être obtenue que par la séparation.

De là, plusieurs auteurs ont conclu que celui qui est réputé vivre en concubinage, bien qu’il soit accusé à tort, ou que les rapports intimes aient cessé depuis longtemps, n’en est pas moins tenu, à cause du scandale, de chasser ou d’abandonner la femme sur laquelle pèse une si abominable réputation. Voy. Billuart, t. 13, p. 351.

C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de clercs qui doivent soigneusement conserver leur réputation, car lorsqu’elle est une fois atteinte, ils ne peuvent la recouvrer qu’en rompant aussitôt toute relation avec la femme suspecte.

J’ai dit régulièrement parce que, si celui qui vit en concubinage se trouvant à toute extrémité ne peut renvoyer sa compagne ou s’il est tellement délaissé qu’après l’avoir renvoyée il ne trouve personne qui veuille lui faire le nécessaire, alors il doit être absous et muni des derniers sacrements, pourvu qu’il soit jugé véritablement repentant et que, devant les assistants, il promette que, rendu à la santé, il chassera cette même femme, et n’aura plus aucune relation avec elle ; dans une pareille nécessité, le scandale se répare comme il peut l’être, car à l’impossible nul n’est tenu.

À plus forte raison les sacrements de l’Église doivent être administrés à la concubine qui se repent de sa vie passée avec un ferme propos de ne plus pécher à l’avenir, si elle ne peut sortir de la maison de celui avec lequel elle vit en concubinage, ou que ses douleurs soient trop violentes, ou qu’elle se trouve dans un danger imminent de mort ou qu’elle soit privée de tout refuge.

Mais, ces cas exceptés, la séparation doit être exigée même in extremis et la confession du moribond ne doit être entendue que lorsqu’il a été donné satisfaction à Dieu et aux hommes par le renvoi de la femme ou par son départ volontaire.

R. 2o Mais si le concubinage est secret, que le commerce ait déjà cessé ou non, on doit d’abord fortement conseiller la séparation parce qu’il est moralement impossible qu’une pareille cohabitation n’amène pas quelque danger de rechute. Cependant, nous sommes d’avis qu’elle ne doit pas être exigée sous peine de refus de l’absolution, surtout si on prévoit qu’il doive en résulter un scandale, le déshonneur ou autre grave danger.

Nous supposons qu’on juge sincère la résolution de ne plus pécher et qu’on a espoir dans la persévérance. Ainsi pensent Navarrus, Billuart, St Ligori et plusieurs autres.

Si, nonobstant cette résolution, il survient des rechutes, l’absolution doit être différée et, ordinairement, la séparation doit être prescrite, car alors la persévérance est, avec raison, jugée improbable. Mais si le commerce illicite n’a pas volontairement cessé, que doit-on faire ?

R. 1o Si le pénitent est à toute extrémité et déteste ses péchés, il doit être absous et muni des autres sacrements aux conditions déjà énoncées dans l’explication du mot régulièrement, sans toutefois être tenu à la promesse devant témoins.

R. 2o Mais si la mort n’est pas imminente, le pénitent qui vit secrètement en concubinage ne doit pas, ordinairement, être absous avant que la séparation ait eu lieu, parce qu’il se trouve dans l’occasion prochaine de pécher : Dieu et la nature, du reste, nous imposent l’obligation formelle de fuir l’occasion prochaine de pécher. Aussi, Alexandre VII a-t-il condamné la proposition suivante : Celui qui vit en concubinage n’est pas obligé de renvoyer sa concubine si elle est par trop utile au charme de sa vie, vulgairement régal ; si elle venant à lui manquer, il doit tomber dans un trop grand chagrin ; si des mets préparés par d’autres doivent lui être insupportables et s’il lui est trop difficile de trouver une autre servante. Ici, on suppose la résolution de ne pas tomber dans le péché, et, cependant cette proposition est déclarée fausse.

J’ai dit ordinairement : car il y a des cas dans lesquels l’absolution doit être donnée sous la seule promesse de séparation, et même sur la seule résolution de ne plus pécher par la suite ; à savoir : 1o Si, à différents indices on reconnaît que le pénitent est véritablement repentant, et qu’au premier ou second avertissement il promette de cesser le commerce ;

2o Si du refus de l’absolution il doit résulter déshonneur ou scandale grave, si une jeune fille devait être soupçonnée de mener une mauvaise vie parce qu’elle n’approcherait pas de la sainte table, ou si un prêtre devait scandaliser le public en ne célébrant pas la messe de paroisse.

On suppose la vraie contrition.

3o On ne doit pas exiger la séparation quand elle est impossible, comme lorsque c’est une fille ou un fils de famille qui commettent le péché avec un domestique ou une servante de la maison paternelle. On éprouve d’abord ceux qui sont dans ce cas, en différant l’absolution, et s’ils éloignent l’occasion d’une faute prochaine et qu’on juge qu’ils ont le repentir sincère du péché, on devra leur donner l’absolution.

4o Lorsque deux personnes vivant secrètement en concubinage, ou seulement soupçonnées d’impudicité, ne peuvent se séparer sans grave danger de déshonneur ou de scandale, il faut faire de grands efforts pour les corriger, d’abord en refusant, ensuite en donnant l’absolution s’ils persévèrent dans leur résolution. Billuart, t. 13. p. 352, dit que, dans ce cas, il ne voudrait condamner ni le pénitent, ni le confesseur. Je ne serai pas plus rigoureux que lui.


§ III. — De la prostitution


La prostitution est un métier ou un acte comme métier, c’est la condition d’une femme prête à recevoir le premier venu et ordinairement pour de l’argent ; comme fait, c’est l’union charnelle d’un homme avec une telle femme, ou d’une telle femme avec l’homme qui se présente.

Il est certain que la femme qui se livre à la prostitution commet un plus grave péché que celle qui se livre à la simple fornication, ou même que la concubine, à cause de sa disposition d’esprit, du scandale et du préjudice causé à la propagation de l’espèce. Aussi, les courtisanes ont-elles toujours été regardées comme la lie et l’opprobre du genre humain. Il ne suffit donc pas qu’une courtisane déclare en confession le nombre de ses fornications, elle doit déclarer son état de courtisane.

Cependant, Sylvius, Billuart, Dens et d’autres théologiens enseignent comme très-probable que l’homme qui a forniqué avec une courtisane n’est pas tenu de déclarer cette circonstance, parce que toutes choses égales d’ailleurs, cette fornication, à leurs yeux, ne constitue pas une faute plus grave.

Il n’est pas inutile de rapporter ici les dispositions du code pénal contre les corrupteurs :


« Quiconque aura attenté aux mœurs, en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou de l’au tre sexe au dessous de l’âge de vingt-un ans, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans, et d’une amende de cinquante fr à cinq cents fr.

« Si la prostitution ou corruption a été excitée, favorisée ou facilitée par leurs pères, mères, tuteurs ou autres personnes chargées de leur surveillance, la peine sera de deux ans à cinq aus d’emprisonnement, et de trois cents francs à mille franes d’amende. Code pénal, art. 334. »

En outre, le tuteur sera privé de la tutelle, pour un temps déterminé, et du droit de faire partie des conseils de famille ; s’il s’agit du père ou de la mère, ils seront privés des droits énumérés dans le l. 1, Tit 9 du code civil (C. P. 335.)


On demande s’il convient de tolérer les femmes publiques.

R. Les théologiens expriment à ce sujet une double opinion.

Beaucoup disent, en effet, que la chose est permise, afin d’éviter des péchés bien plus grands, à savoir : la sodomie, la bestialité, les mouvements voluptueux et la séduction des femmes honnêtes : Faites disparaître les courtisanes, vous mettrez le trouble partout par la débauche, dit St Augustin, De l’Ordre, L. 2, chap. 4, no  12, (T. 1, p. 335). S. Thomas, Opusc. 20, L. 4, c. 24, et des auteurs nombreux se rangent à cette opinion.

Beaucoup d’autres, au contraire, soutiennent la doctrine opposée, affirmant d’après l’expérience que la tolérance de la prostitution est une occasion de ruine pour beaucoup de jeunes gens, en excitant les flammes de la passion, et qu’ainsi les péchés de luxure se multiplient au lieu de diminuer. Voy. Concina, T. 15, p. 238, et St Ligori, L. 3, no  434.

Quoique cette dernière doctrine nous paraisse la plus probable, nous sommes cependant d’avis qu’on doit absoudre les magistrats qui affirment de bonne foi se trouver dans l’impossibilité de faire disparaître cette calamité. Dans le doute, en effet, ce n’est pas au confesseur à décider de la conduite qu’ont à tenir ceux qui ont les plus difficiles missions, comme les juges, les magistrats, les généraux d’armée, les rois, les ministres, etc.

Nous traiterons la question de savoir s’il est permis de louer une maison à des courtisanes, au mot Location, dans le traité des contrats, T. 6, p. 316.


ARTICLE II

DU STUPRE


On appelle généralement stupre toute union charnelle illicite : Ainsi, dans le Lévit. 21, 9 et dans les Nomb. 5, 13, l’union charnelle de la fille d’un prêtre — à l’époque dont il est question, les prêtres se mariaient et avaient une famille, — et l’adultère sont qualifiés de la même manière. Si quelqu’un accomplit l’acte charnel en employant la violence, il tombe — pour notre diocèse — dans un cas réservé, comme le porte l’Enchiridion, p. 7, et la justice civile prononce contre lui la peine de la réclusion.


Quiconque aura commis le crime de viol ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence, contre des individus de l’un ou de l’autre sexe, sera puni de la réclusion, Code pénal, art. 332.

Si le crime a été commis sur la personne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine des travaux forcés à temps, ibid., art. 332.

La peine sera celle des travaux forcés à perpétuité, si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l’attentat, s’ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou s’ils sont fonctionnaires publics, ou ministres d’un culte, ou si le coupable, quel qu’il soit, a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes. Ibid., art. 353.


Le stupre, cependant, en tant que crime d’une nature particulière, est qualifié par beaucoup de théologiens, violence, et mieux, par d’autres, défloration illicite d’une vierge.

Par le mot vierge, on n’entend pas ici une personne qui n’a jamais péché contre la chasteté, mais celle qui a conservé l’intégrité de la chair, ou mieux ce qu’on appelle — le sceau de la virginité — et qui est aux yeux du monde d’un prix inestimable.

Il est certain que la défloration violente d’une vierge, outre l’offense à la chasteté, revêtant une grave malice et une grande injustice, il est nécessaire de préciser le cas dans la confession. Quelle est, en effet, la jeune fille honnête qui ne préférerait perdre une somme d’argent que d’être ainsi déflorée ?

S’il arrivait qu’un homme fut entraîné, par violence, dans le crime, par des femmes perdues de mœurs, ce serait un stupre ou quelque chose de semblable qu’il faudrait certainement déclarer en confession. Mais, le cas étant à peine possible, nous parlerons seulement du stupre de la jeune fille.

Par le mot violence, on entend non-seulement la violence physique, mais encore la violence morale, telle que la crainte, la fraude, les prières importunes, les grandes promesses, les caresses, les attouchements et tout ce qu’un homme rusé sait mettre en œuvre pour déterminer une jeune fille inexpérimentée à commettre le péché.

Les théologiens, cependant, ne sont pas d’accord sur le point de savoir si le stupre d’une fille vierge consentant librement à sa défloration, est un péché spécial de luxure différent de la fornication simple : D. Soto, Sanchez, Lessius, S. Ligori et plusieurs autres disent non ; ils avouent, cependant, que cette fornication est un péché d’une nature spéciale, à cause du déshonneur qui en résulte, du chagrin des parents, des rixes qu’elle peut entraîner, et de l’odieux et du scandale qui en résulte.

Le plus grand nombre des théologiens, et en particulier S. Thomas, S. Bonaventure, Sylvius, Collet, Billuart, Dens, disent qu’à leur avis elle a une malice spéciale opposée à la chasteté et ils appuyent leur décision par les raisons suivantes :

1o Elle outrage les parents de la jeune fille sous la sauvegarde desquels avait été placée cette intégrité ;

2o En commettant cette faute, la jeune fille s’expose au danger évident de ne pas trouver à se marier, et ainsi elle pèche contre la prudence ;

3o Elle entre dans la voie de la prostitution d’où la détournait la crainte de perdre le sceau de sa virginité ; ce sont les paroles de saint Thomas, 2. 2, q. 154, art. 6 ;

4o Les péchés se spécifient par opposition à la vertu contraire : Or, la virginité est une vertu spéciale, et l’intégrité de la chair est un bien spécialement attaché à cette vertu.

Ces dernières raisons ne sont détruites ni par le consentement de la jeune fille ni par celui des parents ce qui réduit à néant la raison fondamentale des défenseurs de l’autre système et qui est basée sur cet axiome partout admis : On ne saurait faire tort à celui qui sait et qui consent. En effet, il est nécessaire que celui qui sait et qui consent ait la faculté de céder son droit ; or, dans l’ordre, la jeune fille n’a pas le droit de commettre une faute contraire à la virginité. D’ailleurs, le péché dont il s’agit ne forme pas une espèce à part, à cause du déshonneur ou de l’injustice qui en résulte, mais à cause d’un désordre spécial, parce qu’il est en opposition avec une vertu particulière.

Donc le stupre, même volontaire, est un péché spécial de luxure et, comme le Concile de Trente, Sess. 14, Can. 7, a posé en principe qu’il est nécessaire d’après le droit divin, de déclarer en confession les circonstances qui changent l’espèce du péché, il se présente cette autre question qui ressort d’une pratique continuelle, à savoir, si ceux qui sont volontairement coupables de stupre, soit de fait, soit par désirs, soit par délectation, sont tenus de déclarer la circonstance de virginité. Les théologiens se prononcent, en général, pour l’affirmative, et regardent cette nécessité comme une conséquence du principe admis.

Comme cependant, dit Sylvius, T. 13, p. 835, la décision contraire ne manque pas de probabilité, nous ne croyons pas damnés ceux qui ne s’informent pas d’une jeune fille qui se confesse sur ces matières, si elle est vierge ou déjà flétrie.

Billuart, et avec lui T. 13, p. 357, Wiggers, Boudart et Daelman, soutiennent que la circonstance de virginité, dans le stupre volontaire, n’ajoute pas de malice à la simple fornication, mais seulement une faute vénielle ; que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de la déclarer en confession. En effet, si cette malice était mortelle de sa nature, à plus forte raison aurait-elle ce caractère parce que, comme dit saint Thomas, la jeune fille, par la rupture du sceau de la virginité, serait jetée dans la voie de la prostitution, ou parce qu’il en résulterait, pour ses parents, un grave déshonneur. Mais la jeune fille ne paraît pas, par ce fait, être mise dans le danger immédiat de se prostituer et si elle se prête librement au stupre, du consentement de ses parents ou à leur insu, il n’en résulte pour eux aucune injure grave.

En outre, si la malice du stupre volontaire était toujours mortelle, la jeune fille, s’accusant de jouissances vénériennes, serait tenue de déclarer si elle est vierge ou non, en sorte qu’à l’occasion d’une faute purement intérieure et peut-être douteuse, elle devrait, en quelque sorte, faire une confession générale ; de même, l’homme qui aurait désiré posséder une femme serait obligé de déclarer s’il l’avait crue vierge ou déflorée. Si le pénitent ou la pénitente ne s’expliquaient pas sur le point dont il s’agit, l’obligation de les interroger incomberait au confesseur Or, la chose deviendrait intolérable, et le commun des pénitents et des confesseurs répugne à cette pratique.

De plus, les auteurs enseignent généralement que le fait de la virginité, chez l’homme se livrant volontairement au péché, n’ajoute pas une malice mortelle à la simple fornication. Or, la différence entre la perte de la virginité chez l’homme ou chez la jeune fille ne paraît pas si grande, que le stupre soit mortel dans un cas et non pas dans l’autre. Billuart, T. 13, p. 360, déclare qu’avant de se ranger à cette opinion, il s’était créé et avait occasionné aux autres de graves ennuis, en se livrant à ces interrogatoires, et que, rarement, il en avait obtenu un résultat satisfaisant. J’avoue, moi aussi, que cela m’est arrivé plus d’une fois, dans les premières années de mon sacerdoce. C’est pourquoi je m’abstiens prudemment de ces questions honteuses, toutes les fois qu’elles me paraissent indiscrètes, en me basant sur les raisons suivantes :

1o La probabilité de l’opinion déjà exposée ;

2o La difficulté de se ranger à une autre opinion ;

3o Le danger de scandaliser les pénitents et de leur donner de l’aversion pour le tribunal sacré ;

4o La bonne foi dans laquelle sont, ordinairement, les fidèles vis-à-vis de l’obligation de déclarer une pareille circonstance.

D’ailleurs, l’intégrité de la confession n’oblige pas à s’exposer à de pareils inconvénients.


ARTICLE III

DU RAPT


Le rapt, de sa nature, est une violence faite à toute personne, ou à ses parents, dans le but d’assouvir la passion. Cette définition s’applique également au rapt par violence et au rapt par séduction, et elle est conforme aux définitions que nous avons données, de l’un et de l’autre, dans notre traité du mariage.

Nous disons : 1o Violence, supprimant la circonstance d’amener d’un lieu dans un autre que les théologiens exigent ordinairement, parce qu’il peut arriver, en effet, que la violence soit faite à la femme dans le lieu où elle se trouve. Or, la violence peut être physique, ce qui est facilement compris par tout le monde, ou morale, lorsqu’elle est faite à une mineure, par crainte grave d’une manière absolue ou relative, par prières importunes, par caresses ou autres amorces à la concupiscence.

La fornication avec une fille mineure consentante, à l’insu de ses parents, et sans qu’elle soit amenée d’un lieu dans un autre, ne constitue pas, à proprement parler un rapt, parce qu’il n’est exercé aucune violence ; mais il en résulte une véritable injure pour les parents qui avaient la garde de la chasteté de leur fille.

Nous avons dit : 2o à toute personne, parce que toute personne, qu’elle soit vierge ou débauchée, libre ou mariée, laïque ou consacrée à Dieu, mâle ou femelle, peut être l’objet d’un rapt.

De même celui qui ferait violence à sa fiancée ou qui l’entraînerait contre le gré de ses parents, si elle était encore mineure, commettrait un véritable rapt, car les fiançailles ne confèrent pas le droit de faire de telles choses.

Nous avons dit : 3o ou à ses parents : Par ces paroles on entend le rapt par séduction, ainsi que nous l’avons exposé dans le traité du mariage. Nous avons dit : 4o dans le but d’assouvir la passion, et non dans le but d’arriver au mariage, car nous avons traité ailleurs du rapt considéré à ce point de vue.

Le rapt ainsi défini forme une espèce, à part, de luxure qu’on doit déclarer en confession : car ce péché, outre qu’il est contraire à la chasteté, constitue une grave injustice envers la personne qui est l’objet de la violence.

Il diffère aussi de l’adultère, parce que l’adultère viole la justice d’une autre manière que le rapt. De même le viol d’une jeune fille endormie ou ivre constitue un grave péché contre la justice ; ce n’est pas un rapt, mais une tromperie ; il en est de même de la corruption, sans violence, d’une personne qui n’a pas l’usage de la raison ou qui ignore ce genre de péché.

Le rapt revêt donc une malice spéciale qui en fait un péché spécial contre la chasteté.

L’excommunication prononcée par le concile de Trente, Sess. 24, Ch. 6, de la ref. matr., contre les ravisseurs et ceux qui leur prêtent la main, est encourue par le seul fait de rapt par violence, mais non pas de rapt par séduction. Cette excommunication est appliquée en France.

De plus, le ravisseur est naturellement tenu de conduire la jeune fille dans un lieu sûr, si elle l’exige, ou de la doter, outre une satisfaction convenable qu’il doit lui offrir, de même qu’à ses parents.

À défaut du ravisseur, ceux qui ont efficacement coopéré au rapt sont tenus, soit envers la jeune fille, soit envers les parents, et, autant que faire se peut, à l’entière réparation de l’injustice causée.

On demande ce que doit faire une femme prise de force afin de ne pas être coupable devant Dieu.

R. 1o Elle doit intérieurement repousser toute participation au plaisir, quelle que soit d’ailleurs la violence extérieure qui lui est faite, sans quoi elle pècherait mortellement ;

2o Elle doit se défendre de toutes ses forces, avec ses mains, ses pieds, ses ongles, ses dents et tous autres instruments, mais de manière à ne pas tuer ou gravement mutiler l’agresseur. Beaucoup de théologiens pensent que la vie et les principaux membres sont plus précieux que l’honneur qu’ils supposent ici n’être que matériellement atteint. Beaucoup d’autres, cependant, soutiennent l’opinion contraire, par des raisons puisées dans notre théologie morale, T. 5, p. 392, 4e édit.

3o Si elle espère qu’il puisse lui être porté secours, elle doit crier et invoquer l’assistance d’autrui ; car si elle n’oppose pas les résistances qui paraissent en son pouvoir elle semble consentir.

Or il vaudrait mille fois mieux mourir que de céder à un pareil danger. Aussi une jeune fille qui se trouve dans cette extrémité, craignant, avec raison, de consentir aux sensations vénériennes, cst-elle tenue de crier même au péril évident de sa vie, et alors elle est martyre de la chasteté. C’est ce que décident, généralement, les auteurs contre un petit nombre de probabilistes. Mais, le danger prochain de consentement écarté, il est généralement admis que la jeune fille n’est pas tenue de crier au péril de sa vie et de sa réputation, parce que la vie et la réputation sont des biens de l’ordre le plus élevé. Mais il est presqu’impossible, comme le dit Billuart, T. 13, p. 368, que le danger n’existe pas.


ARTICLE IV

DE L’ADULTÈRE


L’adultère, comme son nom l’indique, dit St Thomas, 22, q. 154, art. 8, consiste à entrer dans le lit d’autrui. Il peut être commis de trois manières :

1o Entre un homme marié et une femme libre ;

2o Entre un homme libre et une femme mariée ;

3o Entre un homme marié et la femme d’un autre.

L’adultère, dans ce triple cas, est un péché de luxure d’une nature spéciale et certainement très-grave, ainsi que l’enseignent l’écriture sainte, les SS. Pères, la pratique de l’Église, le consentement des peuples et la raison.

1o L’Écriture sainte, Deut. 22, 22 : Si un homme a dormi avec la femme d’un autre, que l’homme et la femme adultères soient mis à mort et vous ferez disparaître un scandale dans Israël. Dans les versets précédents, une semblable punition n’est pas appliquée à la fornication, qui est cependant déclarée une action mauvaise. Dans beaucoup d’autres passages, l’Écriture distingue les fornicateurs des adultères et nous les montre comme dignes des peines les plus graves. Ex. 1 Aux Corinth. 6, 9 : Ne vous y trompez pas ; ni les fornicateurs…… ni les adultères ne posséderont le royaume de Dieu.

2o Les Saints Pères sont unanimes pour enseigner que l’adultère est un grave péché et différent des autres modes de fornication.

3o L’Église, en décrétant les peines canoniques, a décidé qu’il devait en être appliqué de bien plus graves aux adultères qu’aux simples fornicateurs.

4o Le consentement des peuples : On voit, par l’histoire de toutes les nations, que l’adultère a toujours été regardé comme une grave faute et distincte de la simple fornication.

Ainsi l’ont décidé les plus célèbres législateurs, comme Solon chez les Grecs, Romulus à Rome, et les auteurs de notre code pénal qui ont écrit dans l’art. 337 : La femme convaincue d’adultère subira la peine de l’emprisonnement pendant trois mois au moins et deux ans au plus. Le complice de la femme est passible de la même peine, et, de plus, d’une amende de 100 à 200 francs.


Le meurtre commis par l’époux sur l’épouse, ou par celle-ci sur son époux, n’est pas excusable, si la vie de l’époux ou de l’épouse qui a commis le meurtre, n’a pas été mise en péril dans le moment même où le meurtre a eu lieu. Néanmoins, dans le cas d’adultère, le meurtre commis par l’époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable. Code pénal, art. 324.

L’article 326 prononce cependant, contre le meurtrier, la peine de 1 à 5 ans d’emprisonnement.


5o Enfin, par la raison : car outre la malice qu’il ajoute à la fornication, l’adultère a pour graves conséquences la rupture de la foi conjugale et le trouble des familles, d’où il résulte une grave injustice.

Il suit de là que les relations (littéralement faire la chose) entre un homme marié et une femme libre, constituent un péché de luxure d’une gravité spéciale ; mais beaucoup plus grave, si elles ont lieu entre un homme libre et une femme mariée, à cause du danger d’introduire des étrangers dans une famille. Il est surtout beaucoup plus grave si les relations ont lieu entre deux personnes mariées, parce qu’il en résulte un double adultère. Ces circonstances doivent donc être dévoilées dans la confession.

On demande si la femme qui se livre à un autre, du consentement de son mari, commet un adultère.

R. Quelques probabilistes se sont prononcés pour la négative ; ils ont au moins prétendu que, dans ce cas, il n’était pas nécessaire de déclarer, en confession, la circonstance d’adultère. Mais Innocent XI a condamné la proposition suivante : L’union charnelle avec une femme mariée, du consentement du mari, ne constitue pas un adultère ; il suffit donc de dire, en confession, que l’on a forniqué.

Cette décision du souverain pontife est basée sur une raison évidente : En effet le mari, par la force même du contrat et de la raison qui a présidé à l’institution du mariage, a le droit de se servir de sa femme selon l’ordre de propagation de l’espèce, mais il ne peut ni la céder, ni la prêter, ni la louer à un autre, sous peine de pécher contre l’essence du mariage ; son consentement ne peut donc rien enlever à la malice de l’adultère. Le cas est semblable à celui d’un clerc qui ne peut valablement renoncer au privilége de la loi canonique qui prononce l’excommunication contre celui qui le frapperait injustement, parce que ce privilége est attaché à la cléricature elle-même.

Mais le mari, dans ce cas, est censé avoir renoncé à l’indemnité qui lui serait due, de même qu’à la réparation de l’injure qu’il a subie.

Le commerce charnel avec une personne fiancée à un autre ou de la personne fiancée avec une personne libre n’est pas, à proprement parler, un adultère, parce qu’il ne consiste pas à entrer dans le lit d’un autre ; c’est cependant un péché d’injustice d’une nature spéciale que l’on doit déclarer en confession, à cause du lien que les fiançailles ont commencé d’établir.


ARTICLE V

DE L’INCESTE


L’inceste est l’union charnelle entre parents, par consanguinité ou par alliance, aux degrés prohibés.

On doit certes, naturellement, le respect à ses parents, et par conséquent à ceux qui leur sont unis par des liens rapprochés du sang ou de l’affinité. C’est pourquoi l’union illicite avec eux revêt une double malice dont l’une est opposée à la chasteté et l’autre au respect que l’on doit à ses parents, soit par consanguinité, soit par alliance. Aussi ce péché a-t-il toujours été regardé comme une espèce particulière de luxure et d’ailleurs très-grave. Dans le Lévitique, 20, il est puni de la peine de mort. Paul, I aux Corinth. 5, 1, nous dit : On entend dire qu’il y a parmi vous des fornicateurs comme il ne s’en trouve pas chez les Gentils : Il y en a qui ne respectent pas la femme de leur père. Voilà pour quoi ce genre d’unions inspire plus d’horreur que la simple fornication.

Les théologiens ne sont pas d’accord sur le point de savoir s’il y a une seule ou plusieurs espèces d’incestes. Un grand nombre prétendent qu’ils sont de différentes espèces, parce qu’il y a une malice spéciale dans l’union charnelle entre parents par consanguinité qu’on ne trouve pas lorsqu’elle a lieu entre parents par alliance. Lorsqu’il s’agit du coït d’un fils avec sa mère ou d’un père avec sa fille, l’inceste est encore différent de l’inceste entre parents d’un degré plus éloigné de consanguinité ou d’affinité. C’est ainsi que pense Concina, qui dit, t. 15, p. 282, que cette opinion est la plus ordinaire et la plus probable.

Cependant, l’opinion contraire nous paraît beaucoup plus probable et plus ordinaire ; tous les incestes, en effet, sont contraires à la même vertu : le respect dû à ses parents. Ils different donc par leur plus ou moins de gravité, mais non par une malice particulière ; ils sont de la même espèce.

Quoiqu’il en soit de cette controverse, au point de vue spéculatif, il est certain que l’obligation existe de déclarer, en confession, si l’inceste a eu lieu entre parents par alliance ou par consanguinité, en ligne directe ou collatérale, et à quel degré sans cela, la malice de cet acte ne serait pas suffisamment dévoilée. À qui persuaderait-on, en effet, que l’union charnelle d’un fils avec sa mère, d’un frère avec sa sœur, etc., est suffisamment déclarée sous la dénomination générale d’inceste ? On doit donc déclarer les divers degrés auxquels le mariage est prohibé.

Néanmoins, plusieurs théologiens pensent, avec raison, que le pénitent ne doit pas être poussé à déclarer les degrés éloignés de la ligne collatérale, attendu que cette circonstance n’est pas mortellement aggravante, lorsqu’il s’agit par exemple des troisième et quatrième degrés de consanguinité ou d’affinité.

Il y a encore les incestes aux degrés prohibés de parenté spirituelle ou légale. Non-seulement ils sont entre eux de différente nature, mais ils se distinguent, en outre, de l’inceste entre parents par consanguinité ou par affinité ; car il est évident qu’ils sont d’une gravité différente. L’inceste dans la parenté spirituelle constitue, en effet, une irrévérence envers les sacrements de baptême ou de confirmation, tandis que l’inceste dans la parenté légale n’a qu’une certaine ressemblance avec l’irrévérence à l’égard des parents, que l’on trouve dans l’inceste aux degrés prohibés de consanguinité ou d’affinité.

L’union charnelle entre personnes qui ne peuvent contracter mariage pour cause d’empêchement d’honnêteté publique, se rapporte à l’inceste.

Certains veulent même que le péché de la chair, entre un confesseur et sa pénitente, se rapporte à l’inceste ; d’autres sont d’une opinion contraire. Mais, quelle que soit l’opinion à laquelle on se range, il est certain, cependant, que cette circonstance est très-aggravante et qu’il est, pour cela, nécessaire de la déclarer en confession, surtout si c’est à l’occasion du sacrement que le confesseur a séduit une jeune fille (ou un jeune homme), parce qu’il a commis un horrible péché contre son propre et saint ministère.

Il commettrait un péché encore bien plus grand et plus contraire à la justice, s’il induisait dans le crime une paroissienne dont il sait que le salut éternel lui a été confié. Une telle action est quelque chose de monstrueux dans l’ordre moral, qui peut être comparé au seul parricide et qui le surpasse.

De même, un tuteur qui corromprait sa pupille, commettrait une espèce d’inceste et serait tenu de dévoiler cette circonstance en confession.

Enfin, les actes vénériens accomplis entre personnes du même sexe, liées entre elles par l’affinité, la consanguinité, ou de toute autre manière, participent de la nature de l’inceste, et les circonstances d’une pareille union doivent être dévoilées.

Il convient de faire observer, ici, que l’inceste entre parents du premier ou du second degré de consanguinité ou d’affinité, constitue, pour notre diocèse, un cas réservé, ainsi que le porte l’Enchiridion, p. 7. De plus, il produit l’affinité.


ARTICLE VI

DU SACRILÉGE


Le sacrilége, en tant que péché de luxure, est la profanation d’une chose sacrée par l’acte charnel. Il constitue, indubitablement, une espèce de luxure à part, car, outre le péché contre la chasteté, il renferme évidemment quelque chose de contraire au respect dû à Dieu.

Par chose sacrée on entend : une personne consacrée à Dieu, un lieu destiné au culte, et autres objets spécialement consacrés.

1o Une personne est consacrée à Dieu par un vœu solennellement fait, de profession religieuse, par les ordres sacrés et par le vœu simple de chasteté. Celui donc qui est ainsi consacré à Dieu est coupable de sacrilége lorsqu’il commet, extérieurement ou intérieurement, un péché contre la chasteté. Il en est de même de celui qui pèche avec une telle personne ou qui désire la posséder. Si les deux personnes sont consacrées à Dieu, il en résulte un double sacrilége parce que l’obligation religieuse est doublement violée.

Les théologiens ne sont pas d’accord sur le point de savoir si le religieux qui a fait profession solennelle, c’est-à-dire le prêtre, commet un double sacrilége lorsqu’il manque à la chasteté. Un grand nombre se prononcent pour la négative, prétendant qu’un tel religieux viole à la vérité deux vœux, mais tous deux prononcés à la même fin, d’où il suit qu’il pèche contre la même vertu. D’autres, au contraire, non moins nombreux, affirment qu’en raison de ces vœux, le prêtre est tenu à la chasteté, à cause du vœu solennel et des prescriptions de l’Église ; par conséquent, s’il blesse cette vertu par un péché, il viole une double obligation et commet un double péché. Chacune de ces opinions ayant sa probabilité, on doit, dans la pratique, se ranger à la plus sûre.

Celui qui a réitéré son vœu de chasteté, ou qui a ajouté un vœu simple à un vœu solennel, ne commet pas pour cela, en le violant, un double péché, car il n’y a qu’une seule obligation. Cependant, celui qui a prononcé un vœu solennel ne s’accuserait pas suffisamment en disant qu’il a fait vœu de chasteté ; car si la circonstance de solennité dans le vœu ne change pas l’espèce, elle aggrave du moins notablement le péché. C’est l’opinion probable d’un grand nombre de théologiens.

Celui qui, par conseils, persuasion, discours déshonnêtes ou mauvais exemples, induit une personne consacrée à Dieu dans le péché contre la chasteté, est coupable de sacrilége, bien qu’il ne commette pas lui-même avec elle le péché de luxure ; car alors, suivant Dens, t. 4, p. 418, la violation du vœu d’autrui doit lui être imputée comme l’ayant causée par le scandale.

Si cependant une personne consacrée à Dieu était la cause d’un péché de luxure commis par une personne libre, elle serait coupable de scandale, mais non pas de sacrilége, attendu que c’est sa chasteté et non celle d’autrui qu’elle a fait vœu de garder. C’est l’opinion de Billuart, Dens, etc.

2o Un lieu consacré au culte ou lieu sacré : On entend par lieu sacré celui que l’autorité publique a destiné à la célébration des offices divins ou à la sépulture des fidèles ; tels sont les églises et les cimetières bénits.

Sous cette dénomination on comprend tout l’intérieur des églises, comme chapelles, confessionnaux, tribunes, etc., mais non les parties extérieures comme les murs, le toit, les degrés qui précèdent les portes, les clochers qui ne tiennent ni à l’Église ni au cimetière, les chœurs des moines séparés de l’Église. On en excepte ordinairement les sacristies, quoique quelques théologiens soient d’une opinion contraire.

Les théologiens diffèrent d’opinion sur le point de savoir si les oratoires doivent ou non être rangés parmi les lieux sacrés. Si les oratoires sont publiquement destinés à la célébration des offices divins et si les fidèles peuvent indistinctement s’y rendre au son des cloches ou par tout autre mode d’appel, ou s’ils ne sont pas l’objet d’une propriété privée, le cas ne fait pas l’objet de difficultés ; ils doivent être réputés sacrés. C’est ainsi que pensent généralement les auteurs que nous avons lus. On enseigne, d’un autre côté, que les oratoires privés ne doivent pas être rangés parmi les lieux sacrés :

1o Parce qu’ils ne sont pas compris sous la dénomination d’Église ;

2o Parce qu’ils ne jouissent pas des priviléges attachés aux églises ;

3o Et que, par la seule volonté de leurs propriétaires, ils peuvent être ramenés à un usage profane.

On ne conçoit cependant pas facilement que l’acte vénérien, accompli dans un tel lieu, ne revête pas une malice spéciale, et nous sommes d’avis avec Concina, t. 15, p. 287, qu’une telle circonstance doit être dévoilée.

On ne doit pas considérer comme lieux sacrés, relativement au sacrilége dont nous traitons ici, d’autres lieux bénits mais non destinés à la célébration de la messe et à la sépulture des fidèles, tels que maisons, monastères, certains oratoires, etc.

Tout acte vénérien accompli volontairement, même d’une manière cachée, dans un lieu sacré, entraîne la malice du sacrilége, attendu, suivant l’opinion générale, que c’est une irrévérence envers le lieu saint et envers Dieu.

Le lieu saint se trouverait souillé par la publicité de cet acte et par l’écoulement de la matière séminale, quoiqu’elle ne fût pas répandue sur le pavé ; Décrét., tit. 68, c. 3, et de la Consécr., tit. 1, c. 20. Ce n’est cependant pas par la publicité que le lieu est souillé, mais c’est par elle que la profanation est connue, et l’usage en est interdit jusqu’à la purification. Billuart, t. 13, p. 404.

Il y a beaucoup d’auteurs qui prétendent que les regards, les baisers, les discours déshonnêtes et les attouchements impurs dans le lieu sacré, même sans danger prochain de pollution, entraînent la malice du sacrilége, tant à cause du respect dû à Dieu qu’à cause du danger de pollution qui en est inséparable. D’autres appuient l’opinion contraire sur l’axiome suivant : Il ne faut pas aggraver ce qui a un caractère odieux. Et d’ailleurs, c’est seulement par l’écoulement de la matière séminale que le lieu sacré se trouve souillé. Il résulte de cette diversité même d’opinion entre les savants, que la circonstance du lieu sacré doit être dévoilée, surtout si l’acte est par trop honteux comme de regarder ou de toucher les parties vénériennes.

De plus, presque tous les théologiens affirment que de tels actes revêtent la malice du sacrilége s’ils sont de nature à exposer au danger prochain de pollution, attendu que les lois de l’Église prohibant la pollution, dans le lieu sacré, défendent, par cela même, de s’exposer au danger prochain d’une pareille infamie ; or des actes honteux et volontaires exposent évidemment à un pareil danger.

Les auteurs s’accordent au contraire, généralement, à reconnaitre que les péchés intérieurs contre la chasteté n’entraînent pas de malice spéciale par la circonstance du lieu sacré, à moins que l’on n’ait l’intention de les accomplir dans ce lieu ; attendu qu’en dehors de cette intention, il ne peut en résulter d’insulte au lieu sacré. Dens, t. 4, p. 261.

L’union charnelle, même légitime, entre époux, accomplie sans nécessité dans le lieu sacré, entraîne la malice du sacrilége ; les auteurs s’accordent généralement sur ce point d’après le tit. 68, c. 3. Si cependant cet acte est accompli dans le lieu sacré par pure nécessité comme lorsque deux époux y sont détenus en temps de guerre, et qu’ils sont en danger prochain d’incontinence s’ils ne pratiquent pas le coït, le lieu n’est pas souillé et les époux ne pèchent pas, disent un grand nombre de théologiens, car l’Église n’est pas sensée prohiber un acte en soi licite dans une pareille circonstance.

Mais l’opinion la plus ordinaire, et nous la partageons, est que l’union charnelle entre époux est, dans ce cas, illicite et sacrilége, parce qu’il est impossible que la nécessité soit telle que l’Église fléchisse sur la sévérité d’une loi qui a eu pour but le respect dû à Dieu. Chacun d’ailleurs, par la prière, le jeune et autres moyens, peut calmer les aiguillons de la chair, comme il serait tenu de le faire si sa moitié était absente, malade ou décédée. C’est cette seule opinion qu’il faut admettre dans la pratique. Voy. Billuart, t. 13, p. 406 et S. Ligori, l. 3, no  458.

3o Par choses sacrées on entend tous les objets, autres que personnes et lieux, qui sont consacrés au culte divin, comme les ornements et les vases sacrés. Il est certain que c’est un horrible sacrilége d’abuser de ces choses pour commettre des actes honteux, comme de se servir superstitieusement de l’eau bénite, des saintes huiles ou de l’Eucharistie dans un but de luxure.

Certains théologiens ont avancé que le prêtre, qui porte sur lui l’Eucharistie, ne commet pas un sacrilége, s’il pèche intérieurement ou extérieurement contre la chasteté sans qu’il y ait mépris du sacrement. Mais d’autres, plus nombreux, disent qu’il est coupable de sacrilége, car on doit traiter saintement les choses saintes : Or, dans ce cas, le prêtre traite le saint des saints non pas saintement, mais d’une manière horrible.

Ainsi encore le prêtre qui, en administrant les sacrements, en célébrant la messe, ou revêtu des ornements sacrés pour la célébrer, ou même en descendant de l’autel, se livre volontairement à la pollution, ou se délecte dans les plaisirs vénériens, ne peut être excusé d’un double sacrilége. S. Ligori, l. 3, no  463.

Concina va plus loin et affirme contre beaucoup d’autres théologiens que celui qui porte sur soi des reliques de saints est coupable de sacrilége s’il pèche intérieurement ou extérieurement contre la chasteté ; car, dit-il, la raison est la même pour les reliques que pour la sainte Eucharistie, avec cette différence qu’un sacrilége est plus grave que l’autre.

Plusieurs veulent aussi que le péché de la chair revête la malice du sacrilége par la circonstance du dimanche ou d’un jour férié. Mais beaucoup d’autres prétendent que le cas n’est pas mortel et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de le déclarer, attendu que le précepte de la sanctification du dimanche n’est pas enfreint par des actes de cette nature.


APPENDICE.

DES CLERCS QUI EXCITENT À DES ACTIONS HONTEUSES


Tous ceux qui sont animés de l’amour de Dieu et qui ont souci de l’honneur de l’Église, devraient être saisis de douleur en entendant dire qu’il se trouve des clercs, et qui plus est, des prêtres voués au service de l’autel, qui se vautrent d’une façon indigne ; qui célèbrent les redoutables mystères et tiennent dans leurs mains l’agneau immaculé, pendant qu’ils brûlent de flammes impures et se souillent de honte et d’infamie ; qui portent la mort dans les âmes dont le salut leur est confié, en faisant tourner à leur ruine le divin ministère dont ils sont revêtus. Quel est celui qui, voyant une pareille abomination dans le lieu saint, résistera à l’horreur qu’elle inspire et n’essayera pas de l’en extirper par tous les moyens ?

Plusieurs souverains pontifes ont ordonné aux pénitents, que leurs confesseurs porteraient à des actions déshonnêtes, de les dénoncer au tribunal de l’Inquisition ou aux évêques du lieu : nous citerons Paul IV, avril 1561, Pie IV, 6 avril 1564, Clément VIII, 3 décembre 1592, et Paul V, 1608, pour le royaume d’Espagne, du Portugal, etc……

Par sa constitution du 30 août 1622, Grégoire XV étendit cette obligation à tous les fidèles : Il ordonna, en effet, de dénoncer les prêtres qui, soit en confession, soit dans le lieu qui lui est destiné, en entendant la confession ou feignant de l’entendre, exciteraient leurs pénitents à des actions honteuses, ou leur tiendraient des discours déshonnêtes, etc. Il ordonna en outre, aux confesseurs, d’avertir leurs pénitents de l’obligation de faire cette dénonce.

Alexandre VII décida, le 8 juillet 1660, que le pénitent était tenu de faire la dénonce sans avoir, au préalable, employé les réprimandes fraternelles ni autres avertissements, et le 24 septembre 1665, il condamna deux propositions qui admettaient la doctrine opposée.

En 1707 et 1727, la congrégation du Saint-office répondit dans le même sens.

Enfin, Benoît XIV, par sa constitution, le Sacrement de pénitence du 1er juin 1741, ordonna :

1o De dénoncer et de punir, selon les circonstances, tous ceux qui, en confession ou à l’occasion de la confession, par paroles, signes, mouvements, attouchements, écrits à lire pendant ou après la confession, auraient excité à des actions honteuses ou tenu des propos déshonnêtes.

2o D’avertir les prêtres chargés d’entendre les confessions, qu’ils sont tenus d’exiger de leurs pénitents la dénonciation de ceux qui, de quelque façon que ce soit, les auraient excités à des actions honteuses.

3o Il défendit de dénoncer, comme coupables, les confesseurs innocents ou de les faire dénoncer par d’autres, et se réserva, pour lui et ses successeurs, le cas d’une si exécrable turpitude à moins que le coupable ne fût à l’article de la mort.

4o Il déclara que les prêtres qui se seraient souillés d’un crime aussi infâme ne pourraient jamais absoudre leurs complices, même en temps de jubilé, à moins que ce ne fût à l’article de la mort et à défaut d’autre prêtre, et prononça l’excommunication majeure réservée au Saint-Siége, contre celui qui oserait le faire.

Ces diverses constitutions pontificales n’ont jamais été publiées en France, c’est pourquoi elles n’obligent pas strictement, à moins de statuts diocésains spéciaux.

Dans notre diocèse, tout prêtre complice d’un péché commis publiquement contre la chasteté ou bien d’union charnelle, d’attouchements impudiques ou de baisers voluptueux, ne peut jamais absoudre son complice de ces péchés, si ce n’est à l’article de la mort et lorsqu’un autre prêtre approuvé ne peut pas moralement être appelé ; celui qui entrepren drait de donner l’absolution, malgré cette défense, resterait suspens par le seul fait et l’absolution donnée serait nulle.

S’il avait seulement commis un péché intérieur ou que le pénitent n’eût pas consenti à la tentation, il n’aurait pas pour cela perdu sa juridiction, quoiqu’il fût beaucoup mieux pour lui de ne plus l’entendre, dans la suite, afin de fuir le danger. Mais il ne pourrait pas l’absoudre d’un péché de luxure qu’il aurait commis avec lui avant d’être revêtu du sacordoce.

Cet énorme péché n’est pas réservé à l’égard des autres confesseurs approuvés pour entendre indistinctement les confessions ; ceux-là peuvent donc absoudre tant le prêtre complice que le sacrilége bien disposés.

On demande si l’on est dans l’obligation naturelle de dénoncer et le corrupteur et le prêtre qui s’est laissé corrompre.

R. Il faut bien se garder d’ajouter témérairement foi aux femmes qui accusent un prêtre au tribunal même de la pénitence : On en a souvent vu atrocement calomnier des clercs quoiqu’innocents, par envie, haine, jalousie ou tout autre motif pervers. C’est pourquoi l’on doit d’abord mûrement peser et examiner toutes les circonstances de personnes, d’accusations et de crime prétendu et défendre au complice de s’adresser à ce même confesseur.

Mais, si toutes choses pesées à la balance du sanctuaire, le prêtre est reconnu coupable, on doit examiner s’il ne s’agit pas de fautes déjà passées, une fois ou plusieurs fois commises et expiées, ou, au contraire, s’il s’agit de l’habitude de se livrer à ce péché ou d’exciter à le commettre ou de tout autre péché indiquant un homme perdu de mœurs. Dans le premier cas, on ne doit pas prescrire la dénonciation, supposant et présumant avec raison que le mal a cessé et ne se reproduira pas et qu’il n’y a pas raison suffisante pour nuire à la réputation d’un prêtre.

La seule difficulté est donc de savoir si, dans le second cas, il y a obligation naturelle de dénoncer


Proposition. — Celui qui sait qu’un prêtre ou un clerc commet des actions honteuses ou excite à les commettre, est tenu, par la loi naturelle, de le dénoncer à l’évêque ou au vicaire général.


Preuve. Tous les théologiens enseignent, en traitant de la correction fraternelle, que le crime secret doit être dénoncé, soit dans le but de corriger le coupable, soit dans celui d’éloigner le mal qui menace le public et les particuliers ; ainsi on doit dénoncer, sans avertissement préalable, les hérétiques qui propagent l’erreur, les voleurs, les maraudeurs, les traitres à la patrie, les empoisonneurs, les pharmaciens qui vendent des substances vénéneuses, les faux monnayeurs, les corrupteurs de garçons et de filles, ceux qui trament la mort contre quelqu’un, etc. Or, il est indubitable que la conduite d’un clerc qui s’adonne aux actions honteuses prépare sa ruine et est une source très pernicieuse de déshonneur pour les âmes et pour la religion.

Aussi l’Église, avant l’ordination, annonce-t-elle aux assistants, par la voix du pontife, que si quelqu’un a des griefs contre les ordinands, il doit, de par Dieu et pour Dieu, se montrer et le dire en toute assurance (Pontifical Romain). C’est pour cela que dans plusieurs diocèses les noms des jeunes gens qui doivent être ordonnés sont publiés à la messe, comme les bans de mariage, afin que ceux qui connaissent quelqu’empêchement à l’ordination les révèle. Donc, à plus forte raison, ceux qui savent qu’un prêtre ou un clerc commet des actions honteuses ou excite à la débauche, doivent le faire connaître. Cette doctrine est expressément enseignée par S. Thomas lorsqu’il dit dans la Sent. IV, tit. 19, q. 2, art. 3 : Mais si ce péché déteint sur les autres, il faut le signaler au prélat afin qu’il mette en garde son troupeau.

Pontas, au mot dénoncer, cas 5, enseigne la même doctrine quoiqu’au mot confesseur, cas 17, il ne donne pas la même solution dans un cas identique.

On peut objecter : 1o que les supérieurs ecclésiastiques ne peuvent pas, ordinairement, retirer le ministère sacré à un prêtre ainsi dénoncé ; 2o Qu’une telle dénonciation rend la confession odieuse ; 3o Qu’elle expose les complices au déshonneur et aux reproches ; 4o Qu’il doit tellement répugner à un complice de faire une pareille révélation, qu’il préfère souvent s’éloigner des sacrements de l’Église ; que, par conséquent, il n’est pas prudent de prescrire une pareille dénonciation.

R. À la 1re objection : Je nie la conséquence ; quoique le prêtre ainsi dénoncé ne puisse pas être aussitôt interdit, en raison des murmures, du scandale et des autres désagréments qui pourraient s’ensuivre, une telle dénonce n’est cependant pas inutile. Les supérieurs étant prévenus surveillent le prêtre ou le font surveiller ; ils le font appeler, le réprimandent, l’exhortent, lui ordonnent de fuir l’occasion du péché et d’éloigner l’objet du scandale. Ils le mettent dans un autre poste, et ne lui donnent pas l’avancement qui lui était destiné. S’il s’endurcit dans sa dépravation, ils prennent de nouveaux renseignements et, enfin, le rejettent ignominieusement du sanctuaire comme une peste.

2e Objection : Je nie l’antécédent ; en effet, celui qui réfléchira attentivement à ce qu’on doit penser, devant Dieu, d’un prêtre corrompu et corrupteur, jugera aussitôt que c’est plutôt un ministre du démon que du Christ, et qu’il est établi pour la ruine des âmes et non pour leur sanctification ; il reconnaîtra facilement qu’il est dans l’obligation naturelle de le dénoncer comme il dénoncerait un voleur ou un maraudeur, afin de rendre service à son prochain. L’obligation de dénoncer un prêtre dépravé ne rend pas la confession plus odieuse que l’obligation de dénoncer les voleurs et les maraudeurs.

3e Objection : Je nie l’antécédent. La révélation peut, en effet, être faite avec tant de prudence que le complice ne soit pas connu. C’est ordinairement ainsi qu’elle doit être faite : Si le pénitent sait écrire, il doit mettre, sur une feuille de papier, le nom seulement de celui qu’il dénonce et remettre le papier soigneusement cacheté à son confesseur ; celui-ci le transmet à l’évêque ou au vicaire général avec une lettre dans laquelle il expose le fait et donne son opinion sur la sincérité de la personne qui a fait la dénonce ; il doit avoir bien soin de ne pas faire connaître cette dernière au supérieur et lui-même ne doit pas s’enquérir du nom du prêtre corrompu.

Mais, si la personne qui a l’intention de faire la dénonce ne sait pas écrire, on doit, après lui avoir remis une lettre attestant sa sincérité, l’engager à se rendre auprès des supérieurs et à leur découvrir la vérité, sans se faire connaître, si elle désire rester inconnue.

Lorsqu’elle trouve que cette manière de dénoncer est trop pénible, elle peut désigner le prêtre impudique à son confesseur en le laissant libre de le dénoncer. Il y a encore une autre manière de dénoncer le coupable aux supérieurs : Le complice qui ne sait pas écrire peut, sous un prétexte quelconque, faire écrire le nom d’un tel prêtre en disant, par exemple, que cela lui est demandé par quelqu’un. Alors, il remettra à son confesseur le papier cacheté.

Le coupable, blâmé par son supérieur, reprochera fortement à son complice ou à sa complice de l’avoir dénoncé, mais ce désagrément peut-il être comparé au mal que peut faire un prêtre corrompu ?

4e Objection : Je nie l’antécédent ; il y a beaucoup de personnes que l’on amène à révéler les turpitudes d’un prêtre par les raisons qu’on leur fait valoir, par les prières et les exhortations, et en leur faisant entrevoir l’intérêt de la religion et le salut des âmes. D’ailleurs, si l’objection présentée avait quelque valeur, il s’ensuivrait que tant de pontifes qui ont ordonné de faire cette dénonciation ont été insensés.

Aussi, le confesseur bien pénétré des devoirs que lui impose sa charge, doit-il, dans ces cas déplorables, faire tous ses efforts pour amener prudemment la dénonciation en suspendant, ou même en refusant l’absolution. Si cependant il se rencontre un pénitent qui ne se laisse persuader, par aucune raison, qu’il est tenu de faire la dénonce, nous pensons qu’il faut finalement l’absoudre, lorsqu’on juge prudemment qu’il est dans la bonne foi : car si, dans ce cas, on n’absolvait pas le pénitent, on le priverait des sacrements et on n’obtiendrait pas la dénonciation du corrupteur. Il est donc beaucoup plus prudent que le confesseur, tout en engageant fortement le pénitent à faire la dénonce, ne lui dise pas qu’il y est tenu sous peine de péché mortel.

Sont dans la même obligation de faire connaître un prêtre corrompu, les femmes et les jeunes gens qu’il aurait excités à la débauche, ainsi que tous ceux qui auraient eu connaissance de pareilles infamies par d’autres voies que par celle de la confession.

Il est certain, par les mêmes raisons, qu’il faut dénoncer un prêtre ou autre clerc qui, par des fautes inconnues de ses supérieurs, causerait ou pourrait causer un grave préjudice à la religion et au salut des âmes.