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Les Origines de la France contemporaine/Volume 5/Livre II/Chapitre 4

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CHAPITRE IV

Les départements. — I. Exemple, la Provence en 1792. — Domination précoce des Jacobins à Marseille. — Composition du parti. — Le club et la municipalité. — Expulsion du régiment d’Ernest. — II. Expédition des Marseillais à Aix. — Le régiment désarmé. — Le directoire chassé. — Pression sur le directoire nouveau. — III. Les constitutionnels d’Arles. — Expédition des Marseillais contre Arles. — Leurs excès dans la ville et aux environs. — Invasion d’Apt, le club et ses volontaires. — IV. Les Jacobins d’Avignon. — Comment leur armée s’est recrutée. — Leurs brigandages dans le Comtat. — La municipalité d’Avignon en fuite ou en prison. Meurtre de Lécuyer et massacre de la Glacière. — Rentrée des massacreurs soutenus par leurs alliés marseillais. — Dictature des Jacobins dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône. — V. Les autres départements. — Procédé uniforme de la conquête jacobine. — Formation anticipée de l’État jacobin.

I

Si l’on veut voir la première frondaison complète de l’arbre révolutionnaire, c’est dans le département des Bouches-du-Rhône qu’il faut l’observer : nulle part elle n’a été si précoce ; nulle part les circonstances locales et le tempérament indigène n’ont été si propres à l’accélérer. — « Ciel brûlant, climat excessif, promenoirs arides, rochers… rivières dévorantes, torrents ou nuls ou débordés, » poussière aveuglante, nerfs agacés par le souffle continu du mistral ou par les bouffées intermittentes du sirocco ; race sensuelle, colérique et rude, sans lest intellectuel ni moral, en qui le mélange du Gaulois et du Latin a détruit l’humanité facile du Celte et le sérieux profond du Romain ; « des hommes faits, forts, durs, inquiets[1] », et pourtant légers, improvisateurs, parleurs, dupes de leur propre emphase, emportés tout de suite dans les espaces vides par la déclamation furibonde et par l’enthousiasme superficiel ; pour cité principale, une ville commerciale et maritime de cent vingt mille âmes, où les chances du négoce et de la navigation nourrissent l’esprit d’innovation et d’aventure, où la solidité des caractères est journellement ébranlée par l’exemple des fortunes soudaines qui se dépensent en plaisirs grossiers, où la politique, comme la spéculation, est une loterie qui promet aux audacieux ses billets gagnants ; port franc, de plus, et rendez-vous des nomades interlopes, gens sans aveu, sans loi, sans métier fixe[2], chenapans et sacripants qui, comme des algues déracinées et pourries, flottent, de côte en côte, sur tout le pourtour de la Méditerranée ; véritable sentine où se déverse la lie de vingt civilisations gâtées et demi-barbares, où s’entasse et fermente « l’écume de crimes vomis des prisons de Gênes, du Piémont, de la Sicile, de toute l’Italie enfin, de l’Espagne, de l’Archipel et de la Barbarie[3] » : rien d’étonnant si, dans une telle ville, le règne de la populace s’est établi plus tôt qu’ailleurs. — Après mainte explosion, il s’est fondé, le 17 août 1790, par la destitution de M. Lieutaud, sorte de La Fayette bourgeois et modéré, qui commandait la garde nationale. Autour de lui se ralliait la majorité de la population, tous les hommes « honnêtes ou non qui avaient quelque chose à perdre[4] ». Lui chassé, puis proscrit, puis emprisonné, ils s’abandonnent, et Marseille appartient à la plèbe, quarante mille indigents et aventuriers que conduit le club.

Pour mieux leur assurer l’empire, un mois après l’expulsion de M. Lieutaud, la municipalité a déclaré actif tout citoyen ayant une profession ou un métier[5]. En conséquence, au mépris de la loi constitutionnelle, les va-nu-pieds viennent aux assemblées de section. Par contre-coup les propriétaires ou négociants s’en retirent, et ils font sagement ; car le mécanisme ordinaire de la démagogie n’a pas tardé à opérer. « L’assemblée de chaque section est composée d’une douzaine de factieux, membres du club, qui chassent les honnêtes gens en leur présentant des bâtons et des baïonnettes. Les délibérations se préparent au club de concert avec la municipalité, et malheur à qui ne les accepterait pas dans ces assemblées ! On a été jusqu’à menacer quelques citoyens, qui voulaient faire des observations, de les enterrer sur-le-champ dans les caveaux des églises[6]. » L’argument s’est trouvé irrésistible : à présent, la classe la plus honnête et la plus nombreuse est si effrayée, si timide », que pas un des opprimés n’osera paraître aux assemblées, si elles ne sont protégées par une force publique. — « Plus de quatre-vingt mille habitants ne dorment pas tranquilles », et tous les droits politiques sont pour « cinq ou six cents individus » à qui la loi, les a refusés. Derrière eux marche la « canaille armée », la horde de brigands sans patrie[7], toujours prête piller, à égorger et à pendre. Devant eux marchent les autorités locales, qui, élues par leur influence, administrent sous leur direction. Patrons et clients, membres et satellites du club, ils forment une ligue qui se conduit à la façon d’un État souverain, et reconnaît à peine en paroles l’autorité du gouvernement central[8]. Elle dénonce comme « plébéicide » le décret par lequel l’Assemblée nationale a donné pleins pouvoirs aux commissaires pour rétablir l’ordre ; elle qualifie de « dictateurs » ces modérateurs si consciencieux et si réservés ; elle les dénonce par lettres circulaires à toutes les municipalités du département et à toutes les sociétés jacobines du royaume[9]. On agite au club la motion de venir à Aix couper leurs têtes, qui seront mises dans une malle et expédiées à Paris au président de l’Assemblée nationale, avec menace du même châtiment pour lui et pour tous les députés, s’ils ne révoquent pas leur récent décret. Quelques jours après, quatre sections dressent acte, par devant notaire, de la délibération qu’elles ont prise à l’effet d’envoyer à Aix une armée de six mille Marseillais pour se défaire des trois intrus. Impossible aux commissaires d’entrer à Marseille : on leur y a « préparé des potences, et leurs têtes y sont mises à prix ». C’est tout au plus s’ils peuvent arracher des mains de la faction M. Lieutaud et ses amis qui, accusés de lèse-nation, détenus sans l’ombre d’une preuve[10], traités comme des chiens enragés, enchaînés, enfermés dans des latrines, réduits, faute d’eau, à boire leur urine, poussés par le désespoir jusqu’au bord du suicide, ont failli vingt fois être égorgés au tribunal et dans leur prison[11]. Devant le décret de l’Assemblée nationale qui ordonne leur élargissement, la municipalité réclame, atermoie, résiste, et, à la fin, ameute ses suppôts ordinaires. Au moment où les prisonniers vont sortir, une multitude de gens armés, « sans uniforme et sans chef », incessamment « grossie d’hommes sans aveu et d’étrangers », s’attroupe sur les hauteurs qui dominent le Palais et apprête ses fusils pour tirer sur M. Lieutaud. Sommée de proclamer la loi martiale, la municipalité s’y refuse : elle déclare que « la haine publique est trop manifestée contre les accusés » ; elle exige que le régiment suisse rentre dans sa caserne et que les détenus restent dans leur prison ; tout ce qu’elle consent à leur accorder, c’est la permission secrète de fuir à la façon des coupables : ils s’esquiveront clandestinement et déguisés[12]. — Mais le régiment suisse, qui a contraint les magistrats à ne pas violer la loi, portera la peine de son insolence, et, comme on n’a pu le débaucher, on se décide à l’expulser. Pendant quatre mois, la municipalité multiplie contre lui les vexations de toute espèce[13] et, le 16 octobre 1791, les Jacobins engagent, au théâtre, une rixe contre ses officiers. Dans la même nuit, hors du théâtre, quatre d’entre eux sont assaillis par des bandes armées ; le poste où ils se réfugient manque d’être pris d’assaut ; on les mène en prison pour leur sûreté : au bout de cinq jours, ils y sont encore détenus, « quoique leur innocence soit reconnue ». Cependant, pour assurer « la tranquillité publique », la municipalité a requis le commandant du port de remplacer à l’instant les Suisses par des gardes nationaux dans tous les postes ; celui-ci cède à la force, et le régiment, inutile, insulté, menacé, n’a plus qu’à déguerpir[14]. — Cela fait, la nouvelle municipalité, encore plus jacobine que la précédente[15], détache Marseille de la France, érige la cité en république militaire et pillarde, fait des expéditions, lève des contributions, conclut des alliances et entreprend à main armée la conquête du département.

II

Au préalable, elle se décide à mettre la main, sur la capitale, Aix, où le régiment suisse est allé tenir garnison et où siègent les autorités supérieures : l’opération est d’autant plus nécessaire que le directoire du département loue hautement la fidélité des Suisses et se permet de rappeler la municipalité de Marseille au respect de la loi. Une pareille remontrance est une insulte, et, d’un ton hautain, la municipalité enjoint au directoire d’avouer ou de désavouer sa lettre : « Si vous ne l’avez pas écrite, c’est une calomnie qu’il est de notre devoir de poursuivre ; sinon, c’est une déclaration de guerre que vous faites à Marseille[16]. » — En phrases polies, avec de grands ménagements, le directoire prouve son droit et son dire, remarque que « le rôle d’acompte des impôts de 1791 n’est pas encore formé à Marseille », que la municipalité y est plus occupée à sauver l’État qu’à payer ses contributions, bref il maintient son blâme. — Puisqu’il ne veut pas plier, on le brisera, et, le 4 février 1792, la municipalité envoie Barbaroux, son secrétaire, à Paris, pour y pallier les attentats qu’elle prépare. Dans la nuit du 25 au 26, la générale bat, et trois ou quatre mille Marseillais, avec six pièces de canon, marchent sur Aix. Par précaution, ils feignent de n’avoir point de chefs, ni commandant, ni capitaines, ni lieutenants, ni même caporaux ; à les entendre, tous sont égaux, volontaires, requis par eux-mêmes : de cette façon, tous étant responsables, aucun ne l’est[17]. À onze heures du matin ils arrivent devant Aix, trouvent une porte ouverte par leurs affiliés de la populace et du faubourg, somment la municipalité de leur livrer tous les corps de garde en même temps leurs émissaires ont annoncé dans les communes voisines que la ville est menacée par le régiment suisse : en conséquence quatre cents hommes d’Aubagne arrivent en toute hâte ; d’heure en heure, on voit affluer les gardes nationales des villages environnants ; les rues s’emplissent de gens armés, des vociférations s’élèvent, le tumulte croît, et, dans la panique universelle, la municipalité perd la tête. Elle s’effraye d’un combat nocturne « entre la troupe de ligne, les citoyens, les gardes nationales et les étrangers armés, où personne ne pourra se reconnaître ni savoir qui est son ennemi ». Elle renvoie un corps de trois cent cinquante Suisses que le directoire faisait marcher peur la secourir ; elle consigne le régiment dans ses quartiers. — Là-dessus, le directoire s’enfuit ; tous les corps de garde militaires sont désarmés, et les Marseillais, poussant leurs avantages, viennent, à deux heures du matin, avertir la municipalité que, « soit qu’elle le permette, soit qu’elle ne le permette pas », ils vont sur-le-champ attaquer les casernes. En effet, ils braquent les canons, tirent plusieurs coups, tuent une sentinelle, et le régiment, cerné, est contraint d’évacuer la ville, les soldats sans fusils, les officiers sans épée. Leurs armes sont pillées, le peuple saisit des suspects, descend la lanterne et commence à les y accrocher : la bouquetière Cayol est pendue. À grand peine, la municipalité sauve un homme déjà soulevé par la corde à deux pieds de terre, et obtient pour trois autres « un asile provisoire » dans la prison.

Dès lors il n’y a plus d’autorité au chef-lieu, ou plutôt l’autorité y a changé de mains. À la place du directoire fugitif, on en installe un autre, plus maniable. Des trente-six administrateurs qui formaient le conseil, douze seulement se sont présentés pour faire l’élection. Des neuf élus, six seulement consentent à siéger ; souvent même, aux séances, il ne s’en trouve que trois, et ces trois, pour se recruter des collègues, sont obligés de les payer[18]. — Aussi bien, quoique leur place soit la première du département, ils sont plus maltraités et plus malheureux que leurs garçons de salle. Assis à leurs côtés, des délégués du club, des officiers municipaux de Marseille les font taire, parlent, et leur dictent leurs délibérations[19], « Nous avons les bras liés, écrit l’un d’eux, nous sommes entièrement asservis sous le joug de ces intrus. » — « Nous avons vu deux fois consécutives plus de trois cents hommes, dont plusieurs ayant des fusils avec des baïonnettes, s’introduire dans la salle et nous menacer de la mort si nous leur refusions ce qu’ils nous demandaient. Nous avons vu des motionnaires furieux, presque tous Avignonnais, monter sur les bureaux du directoire, haranguer leurs camarades, les exciter à l’insurrection et au crime. » — « Il faut se décider entre la vie et la mort, nous criaient-ils ; vous n’avez plus qu’un quart d’heure à délibérer. » — « Par les fenêtres de la salle, qui étaient ouvertes à cause de l’extrême chaleur, des gardes nationaux présentaient leurs sabres à ceux qui étaient autour de nous ; et leur faisaient signe de nous couper le cou. » — Ainsi fabriqué, écourté et manié, le directoire n’est plus qu’un instrument aux mains des démagogues marseillais. Les pires agitateurs et usurpateurs, Camoïn, Bertin, Rébecqui, y règnent sans contrôle. Rébecqui et Bertin, délégués aux affaires d’Arles, se sont fait autoriser à requérir des troupes pour leur défense : aussitôt ils en requièrent pour l’attaque, et le directoire a beau leur faire des remontrances, ils lui déclarent que maintenant « il n’a aucune inspection, aucune autorité sur eux, qu’ils sont indépendants, qu’ils n’ont aucun ordre à recevoir, aucun compte à rendre de leur conduite ». Tant pis pour lui s’il essaye de révoquer leurs pouvoirs : Bertin annonce au vice-président que, si l’on s’y hasarde, il lui coupera la tête. Aux observations du ministre, ils répondent avec la dernière insolence[20] ; ils s’applaudissent de leur coup de main, ils en préparent un autre, et leur marche sur Aix n’est que la première étape de la campagne longuement méditée par laquelle ils vont s’emparer d’Arles.

III

En effet, il n’y a pas de cité qui leur soit plus odieuse. — Pendant deux ans, conduite ou poussée par M. d’Antonelle son maire, elle a marché avec eux ou a été à leur suite. À plusieurs reprises, Antonelle, ultra-révolutionnaire, est allé, de sa personne, encourager les bandits d’Avignon ; pour leur fournir des canons et des munitions, il a dégarni la tour Saint-Louis de son artillerie, au risque de livrer l’embouchure du Rhône aux corsaires barbaresques[21]. De concert avec ses alliés du Comtat, avec le club de Marseille, avec ses suppôts des bourgades voisines, il domine dans Arles « par la terreur », et 300 hommes du quartier de la Monnaie, artisans ou mariniers, gens aux bras forts et aux mains rudes, lui servent de satellites. Le 6 juin 1791, de leur autorité privée, ils ont chassé des prêtres insermentés qui s’étaient réfugiés dans la ville[22]. — Mais, là-dessus, les propriétaires et les honnêtes gens », beaucoup plus nombreux et indignés depuis longtemps, ont relevé la tête : 1200 d’entre eux se sont réunis dans l’église Saint-Honorat, « ont prêté serment de maintenir la Constitution et la tranquillité publique[23] », et se sont portés au club. Conformément aux propres statuts du club, ils s’y sont fait recevoir en masse, en qualité de gardes nationaux et de citoyens actifs. En même temps, d’accord avec la municipalité, ils ont refondu la garde nationale et recomposé les compagnies : ce qui a dissous le corps des Monnaidiers et retiré à la faction toute sa force. — Dès lors, sans aucune illégalité ni violence, la majorité au club et dans la garde nationale s’est composée de constitutionnels monarchistes, et les élections de novembre 1791 ont donné aux partisans de l’ordre presque toutes les places administratives de la commune et du district. Un homme énergique, M. Loys, médecin, a été élu maire à la place de M. d’Antonelle, et on le sait capable de marcher contre l’émeute, « tenant la loi martiale d’une main et son sabre de l’autre ». — C’en est trop, et il faut maintenant que Marseille vienne subjuguer Arles, « pour réparer la honte de l’avoir fondée[24] ». Dans ce pays de vieilles cités, l’hostilité politique s’envenime de haines municipales, semblables à celles de Thèbes contre Platée, de Rome contre Veïes, de Florence contre Pise, et les guelfes de Marseille ne songent plus qu’à écraser les gibelins d’Arles. — Déjà, dans l’assemblée électorale de novembre 1791, M. d’Antonelle, président, a fait inviter toutes les communes du département à prendre les armes contre la cité anti-jacobine[25] ; 600 volontaires marseillais sont partis à l’instant, se sont installés à Salon, ont saisi le procureur-syndic du district ennemi, refusent de le rendre, et sont l’avant-garde de 4000 hommes promis par les quarante ou cinquante clubs du parti[26]. Pour les retenir, il a fallu l’ordre des trois commissaires, les arrêtés du directoire encore intact, les proclamations du roi, un décret de l’Assemblée constituante, la ferme attitude des troupes qui obéissent encore, l’attitude plus ferme des Arlésiens, qui ont réprimé une insurrection des Monnaidiers, réparé leurs remparts, coupé leurs ponts, et montent la garde, le fusil chargé[27]. — Mais ce n’est que partie remise. À présent que les commissaires sont partis, que l’autorité du roi est un fantôme, que le dernier régiment fidèle a été désarmé, que le directoire, refondu et terrifié, obéit comme un domestique, et que l’Assemblée législative laisse partout opprimer les constitutionnels par les Jacobins, on peut impunément recommencer contre des constitutionnels une expédition jacobine, et, le 23 mars 1792, l’armée marseillaise, 4500 hommes, se met en marche avec 19 pièces de canon.

En vain les commissaires des départements voisins, envoyés par le ministre, leur représentent que maintenant Arles s’est soumise, qu’elle a déposé ses armes, qu’elle est occupée par une garnison de ligne ; les Marseillais exigent que cette garnison soit retirée. — En vain la garnison se retire ; Rébecqui et ses acolytes répliquent que « rien ne les détournera de leur entreprise, qu’ils ne peuvent s’en rapporter qu’à eux-mêmes des précautions qu’ils ont à prendre pour la sûreté des départements méridionaux ». — En vain le ministre renouvelle ses injonctions et ses contre-ordres ; le directoire, par un mensonge flagrant, répond qu’il ne sait rien et refuse au gouvernement son concours. — En vain M. de Wittgenstein, commandant général du Midi, s’offre au directoire pour repousser les envahisseurs ; le directoire le requiert de « ne pas entrer avec ses troupes sur le territoire du département[28] ». — Cependant, le 29 mars, les Marseillais ont fait brèche à coups de canon dans Arles sans défense ; ses fortifications sont démolies ; une taxe de 1 400 000 livres est levée sur les propriétaires. Au mépris du décret de l’Assemblée nationale, les Monnaidiers, les hommes du port, toute la basse plèbe a repris ses armes et tyrannise la population désarmée. Quoique « le commissaire du roi et la majeure partie des juges soient en fuite, on instruit par jurés des procédures contre les absents », et les jurés sont des Monnaidiers[29]. Les vainqueurs emprisonnent, frappent et tuent à discrétion. Quantité de particuliers paisibles sont meurtris de coups, traînés en prison, plusieurs blessés mortellement ; un vieux militaire de quatre-vingts ans, retiré depuis trois mois à sa campagne, meurt après vingt jours de cachot, d’un coup de crosse dans l’estomac ; des femmes sont fouettées ; « tous les citoyens qui ont intérêt à l’exécution des lois », près de cinq mille familles, ont émigré ; leurs maisons de ville et de campagne sont pillées, et, dans les bourgades environnantes, sur toute la route qui conduit d’Arles à Marseille, les gens de sac et de corde, qui font le noyau de l’armée marseillaise, se démènent et se gorgent comme en un pays conquis[30].

On mange, on boit, on défonce les armoires, on emporte le linge et les provisions, on emmène les chevaux, on vole les objets de prix, on brise les meubles, on déchire les livres, on brûle les papiers[31] ; c’est la juste punition des aristocrates ; d’ailleurs il convient que les patriotes se dédommagent de leurs fatigues, et quelques coups de trop ne sont pas inutiles pour assurer la domination du bon parti. — Par exemple, sur le bruit faux que l’ordre a été troublé à Château-Renard, Bertin et Rébecqui y ont envoyé un détachement, et la municipalité en écharpe, suivie de la garde nationale avec drapeaux et musique, vient à sa rencontre pour lui faire honneur. Sans dire gare, les Marseillais fondent sur le cortège, abattent les drapeaux, désarment la garde nationale, arrachent aux officiers leurs épaulettes, traînent à terre le maire par son écharpe, poursuivent, sabre en main, les conseillers, mettent en arrestation le maire et le procureur-syndic, et, pendant la nuit, saccagent quatre maisons, le tout sous la conduite de trois Jacobins du lieu décrétés d’accusation pour crimes ou délits récents : désormais à Château-Renard, on y regardera à deux fois avant de décréter des patriotes[32]. — À Vélaux, « la maison de campagne du ci-devant seigneur est saccagée, tout est emporté jusqu’aux tuiles et carreaux ; » une troupe de 200 hommes parcourt le village, exige des contributions, fait souscrire aux plus aisés des citoyens des obligations pour des sommes considérables ». Le chef marseillais, Camoïn, l’un des nouveaux administrateurs du département, fait sa main sur tout ce qui est bon à prendre, et, quelques jours après, on trouvera 30 000 francs dans sa valise. — Par un entraînement naturel, ces exemples sont suivis, et l’ébranlement se propage : dans chaque bourg ou petite ville, le club en profite pour assouvir son ambition, son avidité et ses rancunes. Celui d’Apt a fait appel à ses voisins, et 1500 gardes nationaux de Gordes, Saint-Saturnin, Goult et Lacoste, avec un millier de femmes et d’enfants munis de bâtons et de fourches, arrivent un matin devant la ville. On leur demande en vertu de quel ordre ils viennent ainsi : ils répondent que « l’ordre leur a été donné par leur patriotisme ». Les fanatiques » ou partisans des prêtres insermentés ont occasionné leur voyage » : en conséquence, « ils veulent n’être logés qu’aux dépens des fanatiques ». En trois jours d’occupation, ce sera pour ceux-ci et pour la ville une dépense de 20 000 livres[33]. Pour commencer, ils brisent tout dans l’église des Récollets et en murent les portes ; puis ils expulsent de la ville les insermentés et désarment tous leurs partisans. Pendant les trois jours, le club d’Apt, qui est la seule autorité, reste en séance, « Les municipalités du voisinage viennent devant lui faire amende honorable, protester de leur civisme, demander en grâce qu’on n’envoie pas de détachement chez elles. Des particuliers sont mandés pour être interrogés ; » plusieurs sont proscrits, parmi eux des administrateurs, des membres du tribunal et le procureur-syndic ; nombre de citoyens ont pris la fuite : la ville est purgée, et, en quantité d’endroits, dans le district, hors du district, il se pratique des purgations pareilles[34]. En effet la besogne est attrayante. Elle vide la bourse des malintentionnés et remplit l’estomac des patriotes ; il est agréable d’être bien hébergé, surtout aux dépens de ses adversaires ; le Jacobin est content de sauver la patrie en faisant bombance. D’ailleurs il a le plaisir d’agir en roi chez ses voisins, et, pour ce service, non seulement on le nourrit, mais encore ou le paye[35]. — Tout cela le met en gaieté, et l’expédition, qui est un sabbat, finit par un carnaval. Des deux divisions marseillaises, l’une, ramenée à Aix, s’attable à un grand festin « patriotique », puis danse des farandoles, dont « la principale est menée par M. Le maire et par M. le commandant[36] » ; l’autre, presque le même jour, avec une allégresse et une pompe encore plus grandes, fait son entrée dans Avignon.

IV

Il n’y a pas en France un nid de brigands pareil : non qu’une misère plus grande ait produit là une jacquerie plus sauvage ; au contraire, avant la Révolution, le Comtat était un pays de cocagne : le pape n’y levait point d’impôts ; les taxes, très légères, se dépensaient sur place ; « pour 1 sol ou 2, on y avait pain, vin et viande[37] ». — Mais, sous l’administration indulgente et corrompue des légats italiens, la contrée était devenue « l’asile assuré de tous les mauvais sujets de la France, de l’Italie et de Gênes : moyennant une faible rétribution qu’ils donnaient aux agents du pape, ils en obtenaient protection et impunité ». Les contrebandiers et les receleurs de contrebande y affluaient, pour percer le cercle des douanes françaises. « Il s’y formait des troupes de voleurs et d’assassins que la sévérité des parlements d’Aix et de Grenoble ne pouvait pas extirper entièrement. Les oisifs, les libertins, les joueurs de profession[38] », les sigisbés entretenus, les intrigants, les parasites, les aventuriers, y coudoyaient les hommes marqués sur l’épaule, les vétérans du vice et du crime, « les échappés des galères de Toulon et de Marseille ». La férocité s’y dissimulait dans la débauche, comme un serpent dans sa vase, et il ne fallait qu’une occasion pour changer en coupe-gorge le mauvais lieu.

Dans cet égout, les meneurs jacobins, Tournal, Rovère, les deux Duprat, les deux Mainvielle, Lécuyer, ont aisément pêché des recrues. — D’abord, avec la canaille de la ville et de la banlieue, paysans ennemis de l’octroi, vagabonds ennemis de tout ordre, portefaix et mariniers armés de faux, de broches et de triques, ils ont fabriqué sept ou huit émeutes, chassé le légat, obligé les consuls à se démettre, pendu les chefs de la garde nationale et du parti conservateur[39], occupé les places municipales. — Puis, de leur bande, ils ont fait une armée qui, pour consigne, a la licence, et pour solde le pillage, toute pareille à celle de Tilly et de Wallenstein, « vraie Sodome errante et dont l’ancienne « eût eu horreur ». Sur 3000 hommes, on n’y compte que 200 Avignonnais ; le reste se compose de déserteurs français, contrebandiers, repris de justice, étrangers sans aveu, maraudeurs et malfaiteurs, qui, flairant une proie, sont accourus de très loin et même de Paris[40] ; avec eux marchent leurs femelles, plus immondes encore et plus sanguinaires. Pour bien marquer que chez eux le meurtre et le vol sont à l’ordre du jour, ils ont massacré comme traître leur premier général Patrix, coupable d’avoir relâché un prisonnier, et ils ont élu à sa place un ancien écumeur de grandes routes, condamné à mort par le tribunal de Valence, évadé la veille du supplice, Jourdan surnommé Coupe-tête, parce que, le 6 octobre, à Versailles, il a, dit on, coupé les têtes de deux gardes du roi[41]. — Sous un tel commandant, la troupe grossit jusqu’à former un corps de 5 à 6000 hommes, qui arrête les passants et les enrôle de force : on les appelle des Mandrins ; mais le mot est dur pour Mandrin, car ils font la guerre, non seulement comme lui aux personnes et aux propriétés publiques, mais encore aux biens, à la pudeur et à la vie des particuliers. Un seul détachement, en une seule fois, extorque à Cavaillon 25 000 livres, à Baumes 12 000, à Aubignan 15 000, à Piolenc 4800, et taxe Caumont à 2000 livres par semaine. À Sarrians, dont le maire leur offrait les clés, ils ont pillé les maisons de fond en comble, emmené trente-trois chariots chargés de butin, mis le feu, violé et tué avec des raffinements de Hurons : une dame de quatre-vingts ans, paralytique, a été fusillée à bout portant, et abandonnée dans son sang au milieu des flammes ; un enfant de cinq ans a été tranché en deux, sa mère décapitée, sa sœur mutilée ; on a coupé les oreilles du curé, on les lui a attachées sur le front en guise de cocarde, puis on l’a égorgé en même temps qu’un porc, on a arraché les deux cœurs et on a dansé dessus[42]. Ensuite, pendant cinquante jours, autour de Carpentras vainement assiégé, les instincts de cruauté gratuite qui se développeront plus tard chez les chauffeurs, les goûts d’anthropophagie qui reparaissent quelquefois chez les forçats, les sensualités perverties et surexcitées qu’on rencontre chez les maniaques, se sont donné franc jeu. À l’aspect du monstre qu’elle a nourri, Avignon s’effraye et pousse des cris d’alarme[43] ; mais la bête, qui sent sa force, se retourne contre ses anciens fauteurs, montre les dents et exige sa pâture quotidienne. Ruinée ou non, il faut qu’Avignon fournisse sa quote-part. « Dans l’assemblée électorale, Mainvielle cadet, nommé électeur, quoiqu’il n’ait que vingt-deux ans, se promène d’un air menaçant, en faisant sortir deux pistolets de sa ceinture[44]. » Pour mieux maîtriser ses collègues, Duprat, le président, leur propose de quitter Avignon et de se transporter à Sorgues ; ils refusent, sur quoi il les fait investir de canons, promet de payer ceux qui viendront avec lui, entraîne les timides et dénonce le reste à une haute-cour nationale dont il a lui-même désigné tous les membres. Vingt électeurs ainsi dénoncés sont condamnés et proscrits ; Duprat menace d’entrer par force pour les exécuter sur place, et, sous sa conduite, l’armée des Mandrins s’avance contre Avignon. — Arrêtée, puis contenue pendant deux mois par les commissaires médiateurs de la France, licenciée par eux et sur le point d’être dissoute, elle ressaisit par un coup de main sa proie qui lui échappait. Le 21 août 1791, Jourdan, avec son ramassis de coquins, s’empare du Palais ; la municipalité est chassée, le maire se sauve déguisé, le secrétaire Tissot est sabré, quatre officiers municipaux et quarante autres personnes sont jetés en prison, nombre de maisons de fugitifs et de prêtres sont pillées et fournissent aux bandits leur premier acompte[45]. — Alors commence la grande opération fiscale qui va remplir leurs poches. Cinq hommes de paille, choisis par Duprat et consorts, composent, avec Lécuyer comme secrétaire, une municipalité provisoire qui taxe la ville à 300 000 livres et, supprimant les couvents, met en rente la dépouille des églises. Les cloches sont descendues, et, toute la journée, on entend les coups de marteau des ouvriers qui les brisent. Une cassette pleine d’argenterie, de diamants et de croix d’or, est enlevée au directeur du mont-de-piété, qui l’avait en dépôt, et transportée à la commune : le bruit se répand que tous les effets précieux mis en gage par les pauvres gens viennent d’être volés par la municipalité, et que les brigands « en ont déjà fait partir dix-huit malles ». Là-dessus, les femmes exaspérées par la nudité des églises, les ouvriers sans pain et sans travail, tout le petit peuple devient furieux, s’assemble de lui-même dans l’église des Cordeliers, fait comparaître Lécuyer, l’arrache de la chaire et le massacre[46].

Cette fois le parti des brigands semble perdu ; car toute la ville, populace et bourgeoisie, est contre eux, et, dans la campagne, les paysans qu’ils ont rançonnés les fusillent quand ils les rencontrent. — Mais, par la terreur, on peut suppléer au nombre, et, avec les 350 sicaires qui leur sont restés, les Jacobins extrêmes entreprennent de dompter une cité de 30 000 âmes. Mainvielle aîné, traînant deux canons, arrive avec une patrouille, tire à l’aventure dans l’église demi-évacuée et tue deux hommes. Duprat ramasse une trentaine des bourgeois qu’il a emprisonnés le 31 août et, en outre, une quarantaine d’artisans des confréries catholiques, portefaix, boulangers, tonneliers, manœuvres, deux paysans, un mendiant, des femmes saisies au hasard et sur des dénonciations vagues, l’une d’elles « parce qu’elle a mal parlé de Mme Mainvielle ». Jourdan fournit les bourreaux ; l’apothicaire Mende, beau-frère de Duprat, les gorge de liqueurs fortes ; un commis du gazetier Tournal leur dit de « tuer tout, pour qu’il ne reste pas de témoins ». Alors, sur l’ordre réitéré de Mainvielle, Tournal, Duprat, Jourdan, avec des complications de lubricité inénarrables[47], le massacre se développe, le 16 octobre et les jours suivants, pendant soixante-six heures, sur deux prêtres, trois enfants, un vieillard de quatre-vingts ans, treize femmes dont deux enceintes, en tout soixante et une personnes égorgées, assommées, puis précipitées les unes sur les autres dans le trou de la Glacière, une mère sur le corps de son enfant, un fils sur le corps de son père, le tout achevé d’en haut à coups de pierres, puis recouvert de chaux vive à cause de l’odeur[48]. Cependant une centaine d’autres, tués dans les rues, sont lancés dans le canal de la Sorgues ; cinq cents familles se sauvent. Les bandits licenciés rentrent en foule, et les assassins en chef, intrônisés par le meurtre, instituent, au profit de leur bande refaite, un brigandage légal dont personne ne se défend plus[49].

Ce sont là les amis des Jacobins d’Arles et de Marseille ; voilà les hommes honorables que M. d’Antonelle est venu haranguer dans la cathédrale d’Avignon[50] ; tels sont les purs patriotes, qui, la main dans le sac et les pieds dans le sang, saisis sur le fait par une armée française, démasquée par une procédure scrupuleuse, condamnés par le cri universel des électeurs délivrés et par le jugement réfléchi des nouveaux commissaires médiateurs[51], sont compris par l’Assemblée législative dans l’amnistie proclamée un mois avant leur dernier forfait. — Mais les souverains des Bouches-du-Rhône n’entendent pas que l’élargissement de leurs frères et alliés soit une grâce : aux égorgeurs de la Glacière, il faut mieux que le pardon et l’oubli. Le 29 avril 1792, Rébecqui et Bertin, les conquérants d’Arles, avec trois bataillons marseillais, entrent dans Avignon[52] : en tête du cortège sont trente à quarante des principaux meurtriers, auxquels l’Assemblée législative elle-même a ordonné de réintégrer leur prison, Duprat, Mainvielle, Tournal, Mende, puis Jourdan couronné de laurier, en uniforme de commandant général, sur un cheval blanc, enfin les dames Duprat, Mainvielle et Tournal, en amazones, sur une sorte de char de triomphe ; pendant la marche on entend crier que « cette fois la Glacière sera pleine ». — À leur approche, les fonctionnaires publics se sont enfuis ; 1 200 personnes ont quitté la ville. Aussitôt, sous la protection des baïonnettes marseillaises, chaque terroriste rentre dans sa place, comme un propriétaire dans sa maison ; l’ancien juge Raphel et son greffier, tous deux décrétés de prise de corps, exercent publiquement leur office, et les parents des malheureux tués le 16 octobre, les témoins qui ont déposé au procès, sont menacés dans la rue ; l’un d’eux est tué, et Jourdan, roi du département pour une année entière, recommence en grand, à la tête de la garde nationale, puis de la gendarmerie, le métier qu’il faisait en petit lorsque, sous l’ancien régime, avec douze brigands « armés et montés », il travaillait sur les grandes routes, forçait de nuit les maisons isolées et volait 24 000 livres dans un seul château.

V

Ainsi s’opère la conquête jacobine : déjà au mois d’avril 1792, par des violences presque égales à celles qu’on vient de décrire, elle s’étale sur plus de vingt départements, et, par des violences moindres, sur les soixante autres[53]. — Partout la composition des partis est la même. D’un côté sont les déclassés de tout état, « les dissipateurs qui, ayant consumé leur patrimoine, ne peuvent souffrir ceux qui en ont un, les hommes de néant à qui le désordre ouvre la porte de la richesse et des emplois publics, les envieux, les ingrats qu’un jour de révolution acquitte envers leurs bienfaiteurs, les têtes ardentes, les novateurs enthousiastes qui prêchent la raison le poignard à la main, les indigents, la plèbe brute et misérable, qui, avec une idée principale d’anarchie, un exemple d’impunité, le silence des lois et du fer, est excitée à tout oser. » De l’autre côté sont les gens paisibles, sédentaires, occupés de leurs affaires privées, bourgeois ou demi-bourgeois d’esprit et de cœur, « affaiblis par l’habitude de la sécurité ou des jouissances, étonnés d’un bouleversement imprévu et cherchant à se reconnaître, divisés par la diversité de leurs intérêts, n’opposant que le tact et la prudence à une audace continue et au mépris des moyens légitimes, ne sachant ni se décider ni rester inactifs, calculant péniblement leurs sacrifices à l’instant où l’ennemi va leur arracher la possibilité d’en faire désormais, en un mot combattant avec la mollesse et l’égoïsme contre les passions dans leur état d’indépendance, contre la pauvreté féroce et l’immoralité hardie[54] ». — Partout l’issue du conflit est la même. Dans chaque ville ou canton, le peloton agressif des fanatiques sans scrupule, des aventuriers résolus et des vagabonds avides, impose sa domination à la majorité moutonnière, qui, accoutumée à la régularité d’une civilisation ancienne, n’ose troubler l’ordre pour mettre fin au désordre, ni s’insurger contre l’insurrection. — Partout le principe des Jacobins est le même. « Votre système, leur dit un directoire de département[55], est d’agir imperturbablement dans toutes les occasions, même après une Constitution acceptée, après que les limites des pouvoirs ont été posées, comme si l’empire était toujours en insurrection, comme si vous étiez revêtus d’une dictature nécessaire au salut de la cité, comme si vous étiez, au nom du salut public, revêtus de tous les pouvoirs. » — Partout la tactique des Jacobins est la même. Dès l’abord ils se sont attribué le monopole du patriotisme, et, par la destruction brutale des autres sociétés, ils sont devenus le seul organe apparent de l’opinion publique. Aussitôt la voix de leur coterie a semblé la voix du peuple ; leur ascendant s’est établi sur les autorités légales ; ils ont marché en avant par des empiètements continus et irrésistibles, et l’impunité a consacré leur usurpation.

« Parmi tous les agents bons ou mauvais, constitués ou non constitués, celui-là seul gouverne qui est inviolable. Or le club est trop accoutumé, depuis trop longtemps, à dominer, à vexer, à persécuter, à exercer des vengeances, pour qu’une administration locale se hasarde à ne pas le regarder comme inviolable[56]. » Il gouverne donc, et son influence indirecte se change promptement en autorité directe. — Seuls ou presque seuls à voter dans les assemblées primaires violentées et désertées, les Jacobins peuvent aisément choisir la municipalité et les officiers de la garde nationale[57]. Dès lors, par l’organe du maire, leur complaisant ou leur complice, ils ont le droit légal d’arrêter ou de lancer toute la force armée, et ils en usent. — Deux obstacles sont encore sur leur chemin. D’une part, si conciliant ou si timide que soit le directoire du district ou du département, comme il a été nommé par les électeurs du second degré, il contient ordinairement un assez grand nombre d’hommes instruits, aisés, intéressés au maintien de l’ordre, et il est moins enclin que la municipalité à tolérer les grosses violations de la loi. En conséquence, ils le dénoncent à l’Assemblée nationale comme un centre incivique et contre-révolutionnaire « d’aristocratie bourgeoise ». Tantôt, comme à Brest[58], ils désobéissent effrontément à ses ordres les plus légaux, les plus sensés, les plus réitérés, les plus formels ; après quoi, plus effrontément encore, ils demandent au ministre si, « placés dans la cruelle alternative de blesser la hiérarchie des pouvoirs ou d’abandonner la chose publique en danger, il leur était permis de balancer ». Tantôt, comme à Arras, ils imposent leur présence illégale au directoire en séance et lui jettent à la face des imputations si outrageantes, que celui-ci, par un scrupule d’honneur, se croit tenu de solliciter sa propre suspension[59]. Tantôt, comme à Figeac, ils mandent un administrateur à leur barre, le tiennent debout devant eux sous un interrogatoire de trois quarts d’heure, saisissent ses papiers et l’obligent, crainte de pis, à quitter la ville[60]. Tantôt comme à Auch, ils envahissent la salle du directoire, prennent les administrateurs à la gorge, les meurtrissent à coups de poing et de bâton, traînent le président par les cheveux et, à grand’peine, lui font grâce de la vie[61]. — D’autre part, la gendarmerie et la troupe, instituées contre l’émeute, sont toujours incommodes aux fabricants d’émeutes. En conséquence, ils expulsent, débauchent et surtout épurent la gendarmerie et la troupe. À Cahors, c’est un brigadier de gendarmerie qu’ils chassent, « alléguant qu’il ne fréquente que des aristocrates[62] ». À Toulouse, sans parler du lieutenant-colonel qu’ils menacent de mort par lettres anonymes et forcent à sortir de la ville, c’est toute la gendarmerie qu’ils déportent dans un autre district, sous prétexte « qu’elle a des principes contraires à la Constitution[63] ». À Auch et à Rennes, par l’insubordination qu’ils provoquent dans la troupe, ils extorquent aux officiers leur démission. À Perpignan, au moyen d’une insurrection qu’ils ont fomentée, ils saisissent, battent et traînent en prison le commandant et l’état-major, qu’ils accusent « d’avoir voulu bombarder la ville avec 5 livres de poudre[64] ». — En même temps, par la jacquerie qu’ils déchaînent depuis la Dordogne jusqu’à l’Aveyron, depuis le Cantal jusqu’aux Pyrénées et au Var, sous prétexte de punir les parents des émigrés et les fauteurs des insermentés, ils se font une armée propre de voleurs et d’indigents, qui, devançant les exploits de la future armée révolutionnaire, tue, incendie, pille, rançonne et travaille en pleine liberté sur le troupeau sans défense des propriétaires de toute classe et de tout degré[65].

Dans cette opération, chaque club a ses voisins pour alliés, et leur fait ou reçoit d’eux des offres d’hommes et d’argent. Celui de Caen propose à la société de Bayeux son assistance pour chasser les insermentés et pour aider les patriotes de l’endroit « à se débarrasser de la tyrannie de leurs administrateurs[66] ». Celui de Besançon déclare les trois corps administratifs de Strasbourg « indignes de la confiance dont ils ont été honorés », et se ligue publiquement avec toutes les sociétés du Haut-Rhin et du Bas-Rhin pour obtenir la liberté d’un Jacobin arrêté comme provocateur d’émeutes[67]. Ceux du Puy-de-Dôme et des départements voisins députent à Clermont et y établissent une société centrale de direction et de propagande[68]. Ceux des Bouches-du-Rhône traitent avec les commissaires de la Drôme, du Gard et de l’Hérault, pour surveiller la frontière espagnole, et font vérifier par leurs délégués l’état des fortifications de Figuières[69]. — Nul recours aux tribunaux criminels : dans quarante départements, ils ne sont pas encore installés ; dans les quarante-trois autres, ils sont intimidés, se taisent ou manquent d’argent et d’hommes pour faire exécuter leurs arrêts[70]. — Telle est la fondation de l’État jacobin, une confédération de douze cents oligarchies qui manœuvrent leur clientèle de prolétaires sur le mot d’ordre expédié de Paris : c’est un État complet, organisé, actif, avec son gouvernement central, sa force armée, son journal officiel, sa correspondance régulière, sa politique déclarée, son autorité, établie, ses représentants et agents locaux : ceux-ci administrent en fait, à côté des administrations annulées ou à travers les administrations asservies. — Vainement les derniers ministres, bons commis et honnêtes gens, essayent de remplir leur office : leurs injonctions et remontrances ne sont que du papier noirci[71]. Désespérés, ils se démettent en déclarant que, « dans ce renversement de tout ordre,… dans cet état d’impuissance de la force publique et d’avilissement des autorités constituées,… il leur est impossible d’entretenir la vie et le mouvement du vaste corps dont tous les membres sont paralysés ». — Quand un arbre est déchaussé ; il est aisé de l’abattre : à présent que les Jacobins ont tranché toutes ses racines, il leur suffira d’une poussée au centre pour faire tomber le tronc.

  1. Loménie, Les Mirabeau, I, 11. Lettre du marquis de Mirabeau.
  2. Archives nationales, F7, 7171, no 7915. Rapport sur la situation de Marseille par Miollis, commissaire du directoire près le département, 15 nivôse an V : « Beaucoup d’étrangers de France et d’Italie y avaient été attirés par l’avidité du gain, le penchant au plaisir, le besoin de travail, l’envie de se soustraire aux suites funestes de l’inconduite… Des individus de tout sexe et de tout âge, sans liens de famille ni de patrie, sans profession, sans opinions, pressés par des besoins journaliers que l’habitude de la débauche multiplie, voulant y satisfaire sans longue fatigue, en trouvant autrefois les moyens dans les nombreuses opérations manuelles du commerce, égarés pendant la Révolution et successivement l’effroi du parti dominé, habitués malheureusement à recevoir alors un salaire pour paraître dans les luttes politiques, réduits à présent, pour vivre, à des distributions presque gratuites de pain, au trafic des petites denrées, aux travaux serviles et rares du moment, enfin à l’escroquerie : telle est, pour l’observateur, la portion la plus apparente de la population de Marseille ; avide d’événements dont elle puisse tirer parti, facile à séduire, active par ses besoins, elle afflue partout et paraît très nombreuse… Le patriote Escalon avait vingt rations par jour, et le journaliste Féri en avait six, etc… Les officiers civils et les commissaires de quartier sont encore, pour la plupart, de ces hommes que la pratique révolutionnaire avait accoutumés à vivre sans travail, à reverser les bienfaits de la nation sur ceux qui partageaient leurs principes, enfin à recevoir des contributions des maisons de débauche et de jeu. Ces commissaires avertissent les exclusifs, même les escrocs, alors qu’on veut mettre à exécution les mandats d’arrêt décernés contre eux. »
  3. Blanc-Gilly, Réveil d’alarme d’un député de Marseille (cité dans les Mémoires de Barbaroux, 40, 41). Blanc-Gilly doit connaître ces drôles, car il s’est servi d’eux dans l’émeute d’août 1789 et a été décrété d’accusation à ce sujet. — Cf. Fabre, Histoire de Marseille, II, 422.
  4. Archives nationales, F7, 3197. Correspondance de MM. Debourges, Gay et Laffitte, commissaires envoyés en Provence, par décret de l’assemblée nationale, pour rétablir la paix. — Lettre du 10 mai 1791, et passim.
  5. Le maire Martin, dit le Juste, était une sorte de Pétion, vaniteux et faible. — Barbaroux, secrétaire-greffier de la municipalité, est le principal adversaire de M. Lieutaud. — L’arrêté municipal dont il s’agit est du 10 septembre 1790.
  6. Archives nationales, F7, 3197. Lettres des trois commissaires, 12 avril, 13 avril, 18 avril et 10 mai 1791.
  7. Blanc-Gilly, Réveil d’alarme, etc. (Ib.) : « Toutes les fois que la garde nationale de Marseille s’est mise en marche au dehors de ses murs, la horde des brigands sans patrie n’a jamais manqué de se jeter à la suite et de porter la dévastation dans tous les lieux de son passage. »
  8. Archives nationales, F7, 3197. Correspondance des trois commissaires. Lettre du 10 mai 1791 : « La municipalité de Marseille n’obéit qu’aux décrets qui lui plaisent et, depuis dix-huit mois ; ne paye pas un écu au trésor public. » — Proclamation du 13 avril. — Lettres des 13 et 18 avril.
  9. Archives nationales, F7, 3197. Lettre des officiers municipaux de Marseille au ministre, 11 juin 1791. — Ils demandent la révocation des trois commissaires, et voici l’un de leurs arguments : « Dans la Chine, tout mandarin contre lequel l’opinion se déchaîne est destitué : on le regarde comme un instituteur ignorant qui ne sait point concilier à un père l’amour de ses enfants. »
  10. Archives nationales. Lettre des commissaires, 25 mai 1791 : « Il est évident par la lecture des procédures d’Aix et de Marseille que les seuls coupables sont les accusateurs et les juges. » — Pétition des détenus, 1er février : « La municipalité, désespérée de notre innocence, et ne sachant comment justifier sa conduite, cherche des témoins à prix d’argent. Elle dit publiquement qu’il vaut mieux sacrifier un innocent que de flétrir un corps. Tels sont les discours du sieur Rébecqui, notable, et de la dame Elliou, épouse d’un officier municipal, chez le sieur Rousset. »
  11. Archives nationales. Lettres de M. Lieutaud aux commissaires, 11 et 18 mai 1791 : « Si je n’ai pas péri sous le fer de l’assassin, je ne dois la conservation de mon existence qu’à la sagesse et à la sévérité des consignes que vous avez fait prescrire à la garde nationale et à la troupe de ligne… Dans l’audience tenue aujourd’hui, le substitut de la commune s’est permis de menacer le tribunal de l’opinion et de la fureur vengeresse du peuple… » Le peuple, qu’on avait amené et ameuté, disait : « Il faut aller prendre Lieutaud de force ; s’il ne veut pas monter, nous lui couperons la tête. » — « La salle d’audience, les pas-perdus et l’escalier étaient remplis de gens sans aveu et pieds nus. » — Lettre de Cabrol, commandant de la garde nationale, et des officiers municipaux aux commissaires, 21 mai : « Ce piquet de 50 hommes sur la grande place n’est-il pas plutôt une occasion d’émeute qu’un moyen de la prévenir ? Cette réquisition d’envoyer quatre gardes nationaux dans l’intérieur de la prison, pour y rester jour et nuit, n’est-elle pas une insulte faite aux citoyens-soldats dont les fonctions sont de veiller au maintien des lois et non au service d’une geôle ? »
  12. Archives nationales, F7, 3197. Lettre de M. d’Olivier, lieutenant-colonel du régiment d’Ernest, 28 mai. — Extrait du secrétariat de la municipalité, 28 mai. (Barbaroux est secrétaire-greffier.) — Lettre des commissaires, 29 mai.
  13. Ib. Lettre des commissaires, 29 juin.
  14. Archives nationales, F7, 3197. Lettre de M. Laroque-Dourdan, commandant de la marine à Marseille, 18 octobre 1791 (à propos du départ du régiment suisse) : « Tous les citoyens propriétaires gémissent de ce changement. »
  15. Les élections sont du 13 novembre 1791. Martin, l’ancien maire, a paru timide, et, l’on a élu Mourraille à sa place.
  16. Archives nationales, F7 ; 3197. Lettre (imprimée) du directoire au ministre de la guerre, 4 janvier 1792. — Lettre de la municipalité de Marseille au directoire, 4 janvier, et réponse du directoire. — Barbaroux, Mémoires, 19. — (On voit ici le rôle de Barbaroux à Marseille ; Guadet en a joué un semblable à Bordeaux. Cette première période politique est essentielle pour la connaissance des Girondins.)
  17. Archives nationales, F7, 3195. Procès-verbal de la municipalité d’Aix (sur les événements du 26 février), 1er mars. — Lettre de M. Villardy, président du directoire, datée d’Avignon, 10 mars (il a failli être assassiné à Aix). — Ib., F7, 3196. Rapport des administrateurs du district d’Arles, 28 février (d’après des lettres privées d’Aix et de Marseille). — Barbaroux, Mémoires (collection Berville et Barrière), 106. (Relation de M. de Watteville, major du régiment d’Ernest. — Ib., 108. Mémoire de M. de Barbentane, général commandant.) Ces deux pièces montrent le libéralisme, la mollesse, l’indécision ordinaires des autorités supérieures, surtout des autorités militaires. — Mercure de France, no du 24 mars 1792 (lettres d’Aix).
  18. Archives nationales, F7, 3196. Lettres du nouveau directoire au ministre, 24 mars et 4 avril 1792 : « Depuis le départ du directoire, notre assemblée administrative n’est composée que de six membres, malgré les convocations successives que nous avons faites à tous les membres du conseil… Trois membres du conseil seulement consentent à s’adjoindre à nous ; la cause en est le défaut de moyens pécuniaires. » — En conséquence le nouveau directoire a pris un arrêté pour donner une indemnité aux membres du conseil. À la vérité, cela est contraire à une proclamation du roi du 15 janvier, mais « cette proclamation a été surprise à la religion du roi ; vous reconnaîtrez que, chez une nation libre, l’influence du citoyen sur le gouvernement ne doit pas être en proportion de sa fortune ; ce principe serait faux et destructible de l’égalité des droits ; nous espérons que le roi voudra bien révoquer cette proclamation ».
  19. Ib. Lettres de Borelly, vice-président du directoire, au ministre, 10, 17 et 30 avril 1792. — Lettre d’un autre administrateur, 10 mars : « On veut absolument marcher sur Arles, et nous forcer à ordonner cette marche. » — Ib. F7, 3195. Lettres d’Aix, du 12 et 16 mars, adressées à M. Verdet.
  20. Archives nationales, F7, 3195. Lettre des administrateurs du conseil du département au ministre, 16 mars : « Le conseil de l’administration est surpris, monsieur, des fausses impressions qu’on a pu vous donner sur la ville de Marseille : on doit la regarder comme le bouclier du patriotisme dans le département… Si, à Paris, le peuple n’a pas attendu des ordres pour détruire la Bastille et commencer la révolution, doit-on être étonné que, sous ce climat brûlant, l’impatience des bons citoyens leur fasse devancer les ordres légaux et qu’ils ne puissent s’assujettir aux formes lentes de la justice, quand il est question de leur sûreté personnelle et de sauver la patrie ? »
  21. Archives nationales, F7, 3197. Lettres des trois commissaires, passim, notamment 11 mai, 10 et 19 juin 1791 (sur les affaires d’Arles) : « La classe des propriétaires y était opprimée depuis longtemps… Quelques factieux dominaient par la terreur les honnêtes gens, qui gémissaient en secret. »
  22. Ib. Lettres des commissaires, 19 juin : « Un membre de la compagnie de la Monnaie fit distribuer publiquement des billets (adressés aux insermentés) portant ces mots : Si vous ne f… pas le camp, vous aurez affaire à la compagnie de la Monnaie. »
  23. Archives nationales, F7, 3198. Relation (imprimée) de ce qui s’est passé à Arles les 9 et 10 juin 1791. — Lettre de M. Ripert, commissaire du roi, 5 août 1791. — F7, 3197. Lettre des trois commissaires, 19 juin : « Depuis lors, quantité de laboureurs y ont prêté le même serment ; c’est la classe de citoyens qui désire le plus vivement le retour de l’ordre. » — Autres lettres des mêmes, 24 et 29 octobre, 14 décembre 1791. — Cf. La Révolution, IV, 176, 177.
  24. Archives nationales, F7, 3196. Lettre des membres du directoire d’Arles et des officiers municipaux au ministre, 3 mars 1792 (avec une diatribe imprimée de la municipalité de Marseille).
  25. Ib., F7, 3198. Lettres du procureur-syndic du département au ministre, Aix, 14, 15, 20 et 23 septembre 1791. L’assemblée électorale s’est déclarée permanente, « les autorités constitutionnelles sont enchaînées et méconnues ». — Lettre des membres du bureau militaire d’urgence et de correspondance au ministre, Arles, 17 septembre 1791.
  26. Ib. Lettre du commandant du détachement marseillais au directoire du département, 22 septembre 1791. : « Je sens que notre démarche n’est pas tout à fait légale ; mais c’est par prudence que j’ai cru devoir acquiescer au vœu général du bataillon. »
  27. Archives nationales, F7, 3198. Procès-verbal des officiers municipaux d’Arles sur l’insurrection des Monnaidiers, 2 septembre 1791. — Lettres de Ripert ; commissaire du roi, 2 et 8 octobre. — Lettre de M. d’Antonelle aux Amis de la Constitution, 22 septembre : « Je ne veux pas croire au contre-ordre dont on nous menace. Une telle détermination, dans la crise actuelle, serait trop inhumaine et trop dangereuse : elle ôterait l’asile et le pain à ceux de nos ouvriers qui ont eu le courage de se dévouer à la nouvelle loi… La proclamation du roi paraît faite à la hâte et porte tous les caractères de la surprise. »
  28. Dampmartin (témoin oculaire), II, 60 à 70. — Archives nationales, F7, 3196. — Lettre des deux commissaires délégués au ministre, Nîmes, 25 mars 1792. — Lettre de M. de Wittgenstein au directoire des Bouches-du-Rhône, 4 avril 1792. — Réponse et arrêté du directoire, 5 avril. — Rapport de Bertin et Rébecqui aux administrateurs du département, 3 avril. — Moniteur, XII, 379. Rapport du ministre de l’intérieur à l’Assemblée nationale, 4 avril.
  29. Moniteur, XII, 408, séance du 16 mai. Pétition de M. Fossin, député d’Arles. — Archives nationales, F7, 3196. Pétition des Arlésiens au ministre, 28 juin. — Lettres de M. Lombard, commissaire provisoire du roi, Arles, 6 et 10 juillet. « Il n’est aucun individu ni propriété qui aient été respectés depuis plus de trois mois par ces gens qui se parent du masque du patriotisme. »
  30. Archives nationales, F7, 3196. Lettre de M. Borelly, vice-président du directoire au ministre, Aix, 30 avril 1792 : « La conduite des sieurs Bertin et Rébecqui a été la cause de tous les désordres qui ont été commis dans ces malheureuses contrées… Ils n’ont d’autre but que de lever des contributions, comme ils l’ont fait à Arles, de s’enrichir et de désoler le ci-devant Comtat Venaissin. »
  31. Archives nationales, F7, 3196. Déposition du garde-champêtre du sieur Coye, propriétaire à Mouriez-les-Baux, 4 avril. — Pétition de Peyre, notaire à Maussane, 7 avril. — Exposé par Manson, bourgeois de Mouriez-les-Baux, 27 mars. — Pétition d’Andrieu, 30 mars. — Lettre de la municipalité de Maussane, 4 avril : « On épie le moment favorable pour dévaster toutes les propriétés et spécialement les maisons de campagne. »
  32. Archives nationales. Réclamation présentée aux administrateurs du district de Tarascon par les gardes nationaux de Château-Renard, au sujet de l’invasion marseillaise du 6 avril. — Pétition de Juliat, d’Eyguières, administrateur du district de Tarascon, 2 avril, à propos d’une réquisition de 30 000 livres par Camoïn sur la commune d’Eyguières. — Lettre de M. Borelly, 30 avril : « Bertin et Rébecqui ont protégé ouvertement l’infâme Camoïn et l’ont fait mettre en liberté. » — Moniteur, XII, 408. Pétition de M. Fossin, député d’Arles.
  33. Archives nationales, F7, 3195. Lettre de M. Mérard, commissaire du roi près le tribunal du district d’Apt, Apt, 15 mars 1792 (avec procès-verbal de la municipalité d’Apt, et délibération du district, 13 mars). — Lettre de M. Guillebert, procureur-syndic du district, 5 mars. (Il est en fuite.) — Lettres du directoire du district, 23 et 28 mars : « Il ne faut pas penser que, dans ce moment, le tribunal et le juge de paix puissent s’occuper du moindre acte d’instruction relatif à cet événement : une seule démarche dans cette intention nous ferait tomber, dans huit jours, 10 000 hommes sur les bras. »
  34. Archives nationales, F7, 3195. Lettre du directoire du district d’Apt, 28 mars : « Le 26 mars, 600 hommes armés des communes d’Apt, Viens, Rustrel, etc., se portèrent à Saint-Martin-de-Castillon, et, sous prétexte d’y rétablir le bon ordre, taxèrent les habitants, aux frais desquels ils se logèrent et se nourrirent. » — Les incursions s’étendent jusque dans les départements voisins : il y en a une, le 23 mars, à Sault près de Forcalquier, dans les Hautes-Alpes.
  35. Ib. Arrêté de l’administration du département. Sur la demande des pétitionnaires soldats qui sont allés à Arles le 22 mars 1792, le département (septembre. 1792) leur accorde à chacun 45 livres d’indemnité. Ils sont 1916, cela fait 86 200 livres « à prendre sur les biens et propriétés des particuliers connus pour être les auteurs, fauteurs et coupables des troubles qu’à occasionnés le parti des Chiffonistes dans la commune d’Arles ». La municipalité d’Arles désigne cinquante et un particuliers qui payent les 86 200 livres, plus 2785 livres pour le change et 300 livres pour frais de séjour et retards. — Pétition des rançonnés, 21 novembre 1792.
  36. Archives nationales, F7, 3195. Procès-verbal du directoire sur les événements arrivés à Aix les 27, 28 et 29 avril 1792.
  37. Michelet, Histoire de la Révolution française, III, 56 (d’après les récits de vieux paysans) — Mercure de France, no du 30 avril 1791. Lettre d’un habitant du Comtat. — Toutes les charges publiques ensemble (octrois et intérêts de la dette) ne dépassaient pas 800 000 livres pour 126 684 habitants. Au contraire, si le Comtat : est réuni à la France, il payera 3 793 000 livres. — André, Histoire de la Révolution avignonnaise, I, 61. Le Comtat avait des institutions représentatives, une assemblée générale annuelle, composée de 3 évêques, de l’élu de la noblesse et de 13 consuls des principales villes. — Mercure de France, no du 15 octobre 1791. (Lettre d’un Comtadin.) Il n’y avait point de milices dans le Comtat ; les privilèges nobiliaires étaient médiocres ; personne n’avait le droit exclusif de chasse ou de pêche ; les non-propriétaires pouvaient avoir des fusils et chasser partout.
  38. Archives nationales, F7, 3273. Lettre de M. Pelet de la Lozère, préfet du Vaucluse au ministre, an VIII, 30 germinal. — Ib., DXXIV, 3. Lettre de M. Mulot, l’un des commissaires médiateurs, au ministre, 10 Octobre 1791 : « Dans quel pays m’avez-vous envoyé ! c’est la terre de la duplicité. L’italianisme y a poussé de longues racines ; je crains qu’elles ne soient vivaces. »
  39. On trouvera le détail de ces faits dans André et dans Soulier, Histoire de la révolution avignonnaise. Le meurtre des sept principaux opposants, gentilshommes, prêtres, artisans, est du 11 juin 1790. — Archives nationales, DXXIV, 3. Le point de départ des insurrections est l’hostilité du janséniste Camus, député à la Constituante. Dans ce dossier, on trouvera plusieurs lettres à lui adressées, à partir d’avril 1790, par les principaux Jacobins d’Avignon, Mainvielle, Raphel, Richard, etc., entre autres celle-ci (juillet 1790) : « N’abandonnez pas votre ouvrage, nous vous en suplions (sic). C’est vous, monsieur, qui, le premier, nous avez inspiré le désir de devenir libres et de réclamer les droits que nous avons de nous réunir à une nation généreuse, dont nous la n’avons été démembrés que par la fraude. » — Quant aux moyens et appâts politiques, ce sont toujours les mêmes. Cf., par exemple, cette lettre d’un Avignonnais, protégé de Camus, à Camus, 13 juillet 1791 : « Je viens d’obtenir de la commune l’usage d’un logement dans l’intérieur du Palais, pour y exercer mon état d’aubergiste… Ma fortune est fondée sur votre bonté… Quelle distance de vous à moi ! »
  40. Archives nationales, DXXIV, 3. Rapport sur les événements du 10 octobre 1791. Ib., F7, 3197. Lettre des trois commissaires à la municipalité d’Avignon, 21 avril, et au ministre, 11 mai 1791 : « Les députés d’Orange nous ont certifié qu’il y avait dans l’armée avignonnaise au moins 500 déserteurs français. » — Les mêmes au ministre, 21 mai et 8 juin. « On ne saurait tolérer que des brigands enrégimentés établissent, au milieu d’un petit pays que la France environne de toutes parts, la plus dangereuse école de brigandage qui ait jamais avili ou torturé l’espèce humaine. » — Lettre de M. Villardy, président du directoire des Bouches-du-Rhône, 21 mai : « Plus de 2 millions de biens nationaux sont exposés au brigandage et à la destruction totale des nouveaux Mandrins qui dévastent ce malheureux pays. » — Lettre de Méglé, sergent recruteur du régiment de La Marck, arrêté avec deux de ses camarades, 21 mai : « Le corps des Mandrins qui nous avaient arrêtés nous a remis en liberté… On nous a arrêtés parce que nous avons refusé de prendre parti parmi eux, et, sur notre refus, on nous a journellement menacés de la potence. »
  41. Mortimer-Ternaux, I, 379 (note sur Jourdan, par Faure, député). — Barbaroux, Mémoires (édit. Dauban), 392 : « Après la mort de Patrix, il fut question de nommer un général ; personne ne voulait de cette place dans une armée qui venait de donner le plus grand exemple d’indiscipline. Jourdan se lève, déclare que, pour lui, il est prêt à accepter. On ne répond rien ; il se nomme lui-même, demande aux soldats si on le veut pour général. Un ivrogne devait plaire à des ivrognes ; on l’applaudit et le voilà proclamé. »
  42. Cf. André, passim, et Soulier, passim. — Mercure de France, no du 4 juin 1791. — Archives nationales, F7, 3197. Lettre de Mme de Gabriellis, 14 mars 1791. (Pillage de sa maison à Cavaillon, 10 janvier ; elle s’est sauvée par les toits avec sa femme de chambre.) — Lettre des officiers municipaux de Tarascon, 22 mai : « La troupe qui est entrée dans le district pille tout ce qu’elle trouve sur son chemin. » — Lettre du procureur-syndic d’Orange, 22 mai : « Mercredi dernier, une fille âgée de dix ans, allant de Châteauneuf à Courthezon, a été violée par l’un d’eux ; la pauvre enfant est à toute extrémité. » — Lettre des trois commissaires au ministre, 21 mai : « Il est aujourd’hui bien constaté par tous les hommes de bonne foi que les prétendus patriotes, qu’on disait avoir acquis tant de gloire à Sarrians, sont des cannibales également exécrés à Avignon et à Carpentras. »
  43. Archives nationales, F7, 3197. Lettre du directoire des Bouches-du-Rhône, 21 mai 1791. — Délibération de la municipalité d’Avignon, avec adjonction des notables et du comité militaire, 15 mai : « Frais immenses de la solde et de la nourriture des détachements… contributions forcées… Ce qu’il y a de plus révoltant, c’est que ceux qui sont chargés d’en faire la perception taxent arbitrairement les habitants, selon qu’ils les jugent bons ou mauvais patriotes… La municipalité, le comité militaire et la Société des Amis de la Constitution ont osé faire des réclamations : une proscription prononcée contre eux a été la récompense de leur attachement à la Constitution française. »
  44. Ib. Lettre de M. Boulet, ancien médecin des hôpitaux militaires de France, membre de l’assemblée électorale, 21 mai.
  45. Archives nationales, DXXIV, 16-23, no 3. Récit de ce qui s’est passé hier, 21 août, dans la ville d’Avignon. — Lettres du maire Richard et de deux autres, 21 août. — Lettre au président de l’Assemblée nationale, 22 août (cinq signataires, au nom de 200 familles réfugiées dans l’île de la Bartelasse).
  46. Archives nationales, DXXIV, 3. — Lettre de M. Levieux de Laverne pour M. Canonge, dépositaire du mont-de-piété. (L’assemblée électorale du Vaucluse et le juge de paix lui avaient interdit de remettre cette cassette à d’autres.) — Lettres de M. Mulot, commissaire médiateur, Gentilly-les-Sorgues, 14, 15, 16 octobre 1791. — Lettre de M. Levieux de Laverne, maire, et des officiers municipaux, Avignon, 6 janvier 1792. — Précis des événements arrivés à Avignon, les 16, 17 et 18 octobre (sans signature, mais écrit sur place et à l’instant). — Procès-verbal des administrateurs provisoires d’Avignon, 16 octobre. — Copie certifiée de l’affiche trouvée, en différents endroits d’Avignon, aujourd’hui 16 octobre (probablement écrite par une femme du peuple et montrant très bien l’émotion populaire). — Une lettre écrite à M. Mulot, le 13 octobre, contient déjà cette phrase : « Enfin, pour peu qu’on retarde à faire cesser leurs vols et pillages, il restera la misère et les misérables. » — Déposition de Joseph Sauton, chasseur de la garde soldée d’Avignon, 17 octobre (témoin oculaire de ce qui s’est passé aux Cordeliers).
  47. André, II, 62. Déposition de la Ratapiole. — Mort de la fille Ayme de Mmes Niel et Crouzet. — Dampmartin, II, 2.
  48. Archives nationales, DXXIV, 3. Rapport sur les événements du 16 octobre : « Deux prêtres assermentés ont été tués, ce qui prouve qu’il ne s’agit pas ici de contre-révolution… Les officiers municipaux assassinés sont au nombre de six. Ils avaient été nommés aux termes du décret, ils étaient le produit de la volonté du peuple au moment de la révolution : ils étaient donc patriotes. » — Buchez et Roux, XII, 420. Procès-verbal de la commune d’Avignon, sur les événements du 16 octobre.
  49. Archives nationales. Lettres des commissaires civils députés par la France (MM. Beauregard, Lecesne et Champion) au ministre, 8 janvier 1792. (Longue et belle lettre exposant, avec faits à l’appui, la différence des deux partis, et réfutant les calomnies de Duprat. Le parti opprimé se composait, non de royalistes, mais de constitutionnels.)
  50. Ib., F{7, 3197. Lettres des trois commissaires, 27 avril, 4, 18 et 21 mai 1791.
  51. Trois cent trente-cinq témoins avaient été entendus dans le procès. — Dampmartin, I, 266. Entrée de l’armée française à Avignon, le 16 novembre 1791 : « Toutes les personnes riches, à l’exception, d’un très petit nombre, avaient pris la fuite ou péri. Les belles maisons étaient en général vides et fermées. » — Élections pour nommer la nouvelle municipalité, 26 novembre 1791. Sur 2287 citoyens actifs, le maire Levieux de Laverne obtient 2227 voix, et l’officier municipal qui vient le dernier sur la liste en a 1890. Tous sont constitutionnels et modérés.
  52. Archives nationales, F7, 3196. Procès-verbal d’Augier et Fabre, administrateurs des Bouches-du-Rhône, Avignon, 11 mai 1792. — Moniteur, XII, 313. Rapport du ministre de la justice, 5 mai. — XII, 324. Pétition de 40 Avignonnais, 7 mai. — XII, 334. Procès-verbal de Pinet, commissaire de la Drôme, envoyé à Avignon. — XII, 354. Rapport de M. Chassaignac et autres discours, 10 mai. — XI, 741. Lettre des commissaires civils et de la municipalité d’Avignon, 23 mars.
  53. Cf. La Révolution, IV, 243 à 262, sur la sixième jacquerie, conduite partout par les Jacobins. Deux ou trois traits en montreront l’esprit et les procédés. — Archives nationales, F7, 3202. Lettre du directoire du district d’Aurillac, 27 mars 1792, avec procès-verbaux : « Le 20 mars, une quarantaine de brigands, se disant patriotes et amis de la Constitution, forcèrent, dans neuf à dix maisons de la Capelle-Viscamp, les braves citoyens honnêtes, mais pauvres, à leur donner de l’argent, en général 5 francs par personne, parfois 10 francs, 20 francs, 40 francs. » — D’autres démolissent ou pillent les châteaux de Rouesque, de Rode, de Marcolès, de Vitrac et traînent avec eux les officiers municipaux. — « Nous, maire et officiers municipaux de la paroisse de Vitrac, nous nous rassemblâmes, hier 22 mars, pour suivre l’exemple de nos paroisses voisines à l’occasion de la démolition des châteaux. Nous nous sommes transportés, à la tête de notre garde nationale et de celle de Salvetat, audit château. Nous commençâmes par arborer l’étendard national et à démolir… La garde nationale de Boisset, ne se modérant pas dans le boire et le manger, entra dans le château, s’y comporta avec la plus grande brutalité : car, soit pendules, glaces, portes, armoires, vitres, papiers, enfin tout ce qui se rencontrait devant eux, rien ne fut ménagé. Il s’en détacha même une quarantaine pour aller à un village bien patriote : elle se fit donner une certaine somme dans toutes les maisons, et ceux qui voulaient s’y refuser étaient menacés de mort. » De plus la garde nationale de Boisset emporte les meubles du château. — L’embarras des municipalités aux prises avec les expéditions jacobines est burlesque (Lettre des officiers municipaux de Cottines au directoire de Saint-Flour, 26 mars) : « Nous sommes bien aises de vous faire savoir qu’il y a un attroupement dans notre paroisse, où il y a plusieurs habitants de municipalités voisines, et qu’on s’est porté dans la maison du sieur Tassy et qu’on demande une somme dont nous n’avons pas encore connaissance, et que les habitants ne voudront pas se retirer sans cette somme, afin de pouvoir faire vivre cet attroupement, de manière que ces gens-là ne se sont rassemblés que pour maintenir la Constitution et donner plus d’éclat à la loi. »
  54. Mercure de France, nos du 1er et du 14 janvier 1792 (Articles de Mallet du Pan). — Archives nationales, F7, 3185 et 3186. Lettre du président du district de Laon (Aisne) au ministre, 8 février 1792 : « À l’égard des nobles et des prêtres, c’est avoir envie d’avoir peur que de les citer seulement comme travaillant à semer parmi nous le désordre. Tous demandent la tranquillité et le payement exact de leur pension. » — Dampmartin, II, 63 (sur l’évacuation d’Arles, avril 1792). À l’approche illégale de l’armée marseillaise, M. de Dampmartin, commandant militaire, ordonne aux Arlésiens de se lever en masse. Personne ne se présente ; les femmes rapportent, la nuit, les fusils de leurs hommes ; il ne se trouve que 100 volontaires pour agir avec la troupe de ligne.
  55. Archives nationales, F7, 3224. Discours de M. Saint-Amans, vice-président du directoire de Lot-et-Garonne au maire de Tonneins, 20 avril, et lettre du procureur général syndic à M. Roland, ministre, 22 avril : « En général, il est dans les principes du maire de Tonneins que tout ce qui lui résiste est aristocrate, et sa doctrine est que tous les propriétaires sont aristocrates. Vous jugerez facilement, monsieur, qu’il n’est pas propriétaire. » — C’est un nommé Dubois, ci-devant bénédictin et devenu ministre protestant. — Arrêté du directoire contre la municipalité de Tonneins, 13 avril ; celle-ci en appelle à l’Assemblée législative ; le maire et un conseiller municipal viennent en son nom (19 mai) porter leur plainte à la barre de l’Assemblée.
  56. Archives nationales, F7, 3198. Lettre de M. Debourges, l’un des trois commissaires envoyés par l’Assemblée nationale et le roi, 2 novembre 1791 (à propos du club de Marseille) : « Ce club a tout récemment obtenu du directoire du département, sur la plus misérable allégation, que celui-ci demandât à M. de Coincy, lieutenant général à Toulon, que le très excellent régiment d’Ernest sortît de Marseille, et M. de Coincy a cédé. »
  57. Par exemple (Guillon de Montléon, Mémoires pour servir à l’histoire de Lyon, I, 109), le commandant général de la garde nationale de cette grande ville, en 1792, est Juilliard, pauvre ouvrier en soie du faubourg de la Grande-Côte, ancien soldat.
  58. Archives nationales, F7, 3215. Affaire de Plabennec (très curieuse pour montrer l’esprit tyrannique des Jacobins et la bonne volonté foncière des paysans catholiques). — La commune de Brest expédie contre celle de Plabennec 400 hommes avec 2 canons et des commissaires choisis par le club. — Quantité de pièces, notamment : Pétition de 150 citoyens actifs de Brest, 16 mai 1791. Délibération du conseil général de la commune de Brest, 17 mai. Lettre du directoire du district, 17 mai (très éloquente). Délibération de la municipalité de Plabennec, 20 mai. Lettre de la municipalité de Brest au ministre, 21 mai. Délibération du directoire du département, 13 juin.
  59. Mortimer-Ternaux, II, 376 (séance du directoire du Pas-de-Calais, 4 juillet 1792). La pétition, signée par 127 habitants d’Arras, est présentée au directoire par Robespierre jeune et Guffroy. Les administrateurs y sont traités de fourbes, de conspirateurs, etc., et le président, entendant ces douceurs, dit à ses collègues : « Messieurs, asseyons-nous : nous entendrons aussi bien des injures assis que debout ».
  60. Archives nationales, F7, 3223. Lettre de M. Valery, procureur syndic du département, 4 avril 1792.
  61. Archives nationales, F7 ; 3220. Extrait des délibérations du directoire du département, et lettre au roi. 28 janvier 1792. — Lettre de M. Lafitau, président du directoire, 30 janvier. (L’attroupement se composait de cinq à six cents personnes. Le président a été blessé au front d’un coup d’épée et contraint de quitter la ville.) Le 20 février suivant, un député du département dénonce le directoire comme « incivique ».
  62. Ib., F7, 3223. Lettre de M. de Riolle, colonel de la gendarmerie, le 19 janvier 1792. — « Cent personnes du club des Amis de la Liberté » viennent lui demander le renvoi du brigadier. Le lendemain, après une séance du même club, « quatre cents personnes se rendent à la caserne pour renvoyer ou exterminer le brigadier ».
  63. Ib., F7, 3219. Lettre de M. Sainfal, Toulouse, 4 mars 1792. — Lettre du directoire du département, 14 mars.
  64. Ib., F7, 3229. Lettre de M. de Narbonne, ministre, à son collègue M. Cahier, 3 février 1792 : « La municipalité d’Auch a persuadé aux sous-officiers et soldats du 1er bataillon que leurs chefs prenaient des mesures pour se retirer. » — De même la municipalité et le club de Navarreins. « Tous les officiers, sauf trois, se sont vus forcés de s’éloigner et de donner leur démission. » — F7, 3225. Le même au même, 8 mars. La municipalité de Rennes ordonne l’arrestation du colonel de Savinhac et de quatre autres officiers. — Mercure de France, no du 18 février 1792. — Dampmartin, I, 230 ; II, 70 (affaires de Landau, de Lauterbourg, d’Avignon).
  65. La Révolution, IV, 243 et suivantes. Aux faits cités dans ce volume on pourrait en ajouter beaucoup d’autres. — Archives nationales, F7, 3219. Lettre de M. Niel, administrateur de la Haute-Garonne, 27 février 1792 : « Les prêtres constitutionnels et le club du canton de Montastruc ont suggéré aux habitants qu’il fallait rançonner et mettre à contribution tous les fauteurs des prêtres insermentés et les aristocrates. » — Cf. F7, 3193 (Aveyron), F7, 3271 (Tarn), etc.
  66. Archives nationales, F7, 3200. Lettre du procureur-syndic de Bayeux, 14 mai 1792, et lettre du directoire de Bayeux, 21 mai : « Les clubs doivent être l’école du patriotisme, ils en sont devenus la terreur. Si bientôt cette lutte scandaleuse contre l’autorité légitime et la loi ne vient pas à cesser, il n’est plus de liberté, il n’est plus de constitution, il n’est plus de sauvegarde pour les Français. »
  67. Archives nationales, F7, 3253. Lettres du directoire du Bas-Rhin, 26 avril 1792, et de Dietrich, maire de Strasbourg, 8 mai. (Le club de Strasbourg avait invité publiquement les citoyens à prendre les armes « pour sévir contre les prêtres et les administrateurs ».) — Lettre du club de Besançon à M. Dietrich, 3 mai : « Si la constitution dépendait du patriotisme ou de la perfidie de quelques magistrats d’un département, du Bas-Rhin par exemple, nous pourrions faire quelque attention à vous, et tous les hommes libres de l’empire s’abaisseraient alors à vous écraser. » — Là-dessus les Sociétés jacobines du Haut-Rhin et du Bas-Rhin envoient trois députés à la Société de Paris.
  68. Moniteur, XII, 558, 19 mai 1792. « Lettre adressée par la voie des journalistes patriotes à toutes les Sociétés des Amis de la Constitution par l’assemblée patriotique centrale formée à Clermont-Ferrand. » (Même centralisation à Lyon et à Bordeaux.)
  69. Archives nationales, F7, 3198. Rapport des commissaires Bertin et Rébecqui, 3 avril 1792. — Cf. Dumouriez, livre II, ch. v. Le club de Nantes veut envoyer des commissaires pour inspecter les fonderies de l’île d’Indret.
  70. Moniteur, X, 420. Rapport de M. Cahier, ministre de l’intérieur, 18 février 1792 : « Dans tous les départements, la liberté des cultes a été plus ou moins violée… Les dépositaires du pouvoir sont traduits au tribunal du peuple comme ses ennemis. » — Sur l’impuissance foncière et croissante du roi et de ses ministres, cf. Moniteur, XI, 11 (31 décembre 1791). — Lettre du ministre des finances. — XII, 200 (23 avril 1792). Rapport du ministre de l’intérieur. — XIII, 53 (4 juillet 1792). Lettre du ministre de la justice.
  71. Mortimer-Ternaux, II, 369. Lettre du directoire des Basses-Pyrénées, 25 juin 1792. — Archives nationales, F7, 3200. Lettre du directoire du Calvados au ministre de l’intérieur, 3 août : « Nous ne sommes pas les agents du roi ni des ministres. » — Moniteur, XIII, 103. Déclaration de M. Dejoly, ministre, au nom de ses collègues (séance du 10 juillet 1792).