Les Pères de l’Église/Tome 3/Livre V/Chapitre VI

La bibliothèque libre.


Texte établi par M. de GenoudeSapia (Tome troisièmep. 508-510).


CHAPITRE VI.


Le Chrétien, dans le séjour de l’immortalité, sera un homme entier et complet, composé d’un corps et d’une âme ; objet de l’amour du Verbe, il sera orné des dons du Saint-Esprit, dont nos corps sont ici-bas les temples, suivant le langage de l’Église.


Dieu se trouvera glorifié dans sa créature, quand cette créature, par le mérite du salut, sera devenue une copie et comme un reflet de son Verbe. Mais afin que l’homme arrive à être la ressemblance de Dieu, il faut qu’il soit un homme complet, et non point seulement une partie de l’homme. Or, l’âme et l’esprit sont bien une partie de l’homme, mais ne peuvent être l’homme complet. L’homme complet est formé par l’union de l’âme, qui est le souffle de l’esprit de Dieu, avec le corps, qui est fait à l’image de Dieu ; c’est ce qui fait dire à l’apôtre : « Nous prêchons néanmoins la sagesse aux parfaits ; » il appelle parfaits ceux qui ont reçu l’esprit de Dieu, à qui cet esprit a accordé le don de toutes les langues, comme il les connaît lui-même. Quant à nous, nous avons connu plusieurs de nos frères en Jésus-Christ qui jouissaient de cette perfection, ayant le don de prophétie et celui des langues, et révélant les pensées les plus cachées des hommes et expliquant les mystères de Dieu, quand cela était utile à faire ; c’est là les hommes que l’apôtre appelle spirituels, mais il l’entend par l’union de l’esprit avec la chair, et non point purement avec l’esprit. Car si, en parlant d’un homme, on fait abstraction de son corps, et si on ne considère que son esprit, alors on ne désigne plus par-là un homme spirituel, et on indique seulement l’esprit de l’homme ou l’esprit de Dieu, qui est en lui. Mais lorsque ce souffle de Dieu anime une âme qui est unie à un corps, alors cette union présente ce qu’on entend par un homme parfait et spirituel, parce que l’esprit de Dieu s’est répandu sur lui : et c’est là ce qu’il faut entendre par l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Quand l’âme au contraire n’est pas animée par l’esprit de Dieu, c’est bien toujours un homme, mais ce n’est qu’un homme imparfait : cet homme a bien l’image de Dieu, mais il n’est pas à sa ressemblance, parce qu’il lui manque le souffle divin. Et réciproquement, si l’on fait abstraction de ce qui constitue l’homme un être à l’image de Dieu, sans y joindre l’idée de la ressemblance, on ne peut plus dire que c’est un homme complet, mais une partie d’homme, ou quelque chose d’une espèce différente. Car le corps par lui-même ne constitue pas tout l’homme ; il n’en est qu’une partie : de même, l’âme toute seule ne constitue pas tout l’homme ; elle n’en est qu’une partie. L’esprit non plus n’est pas à lui seul l’homme ; car on l’appelle l’esprit et non pas l’homme. C’est donc la réunion de ces deux choses qui constitue l’homme parfait. Aussi, lorsque saint Paul, développant toute sa pensée, explique ce qu’il entend par l’homme parfait et spirituel, sous le rapport du salut, dans sa première épître aux Thessaloniciens, il dit : « Que le Dieu de paix vous donne une santé parfaite, afin que tout ce qui est en vous, l’esprit, l’âme et le corps, se conservent sans tache pour l’avénement de notre Seigneur Jésus-Christ. » Or, pourquoi recommandait-il de conserver sans tache ces trois choses, l’esprit, le corps et l’âme, si ce n’était pour certifier que ces trois éléments de notre personnification seront ressuscités et réunis pour le même salut, lors de la résurrection ? Voilà donc pourquoi il appelle parfaits ceux qui peuvent se montrer au Seigneur purs de corps, d’âme et d’esprit, conservant fidèlement leur foi en Dieu et observant la justice envers le prochain.

Delà, il vient à dire ensuite que la créature est le temple de Dieu : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’esprit de Dieu habite en vous ! Or, si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra ; car le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple. » C’est le corps qui est le temple que l’esprit habite. C’est dans ce sens que notre Seigneur a dit : « Renversez ce temple-ci, et dans trois jours je le relèverai ; » car il parlait du temple de son corps. De plus, l’apôtre dit, non-seulement que nos corps sont un temple, mais il ajoute qu’ils sont le temple de Jésus-Christ, dans ce passage de son épître aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres de Jésus-Christ ? Arracherai-je donc à Jésus-Christ ses propres membres, pour en faire les membres d’une prostituée ? » Et en parlant ainsi il n’entend pas parler de l’homme tout spirituel, car l’expression de prostituée, serait alors sans application ; mais c’est notre corps qu’il appelle les membres de Jésus-Christ (c’est-à-dire notre chair, tant que nous la maintenons en pureté et en sainteté) ; et quand nous la souillons, nous faisons de notre corps les membres d’une prostituée : c’est ce qui fait dire à l’apôtre, que si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra. Or, comment pourrait-on dire, sans le plus grand blasphème, que ce qui est le temple de Dieu, habité par l’esprit du Père, ce qui est les membres du Christ, ne serait pas susceptible du salut, et serait destiné à l’anéantissement ? Oui, les corps ressusciteront, non pas par leur propre vertu, mais par l’action de la puissance de Dieu ; c’est pourquoi saint Paul dit aux Corinthiens : « Le corps n’est point pour la fornication ; il est pour le Seigneur et le Seigneur est pour le corps. Car, comme Dieu a ressuscité le Seigneur, il nous ressuscitera de même par sa puissance. »