Les Pères de l’Église/Tome 3/Livre V/Chapitre VII

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Texte établi par M. de GenoudeSapia (Tome troisièmep. 510-512).

CHAPITRE VII.


Le Christ est ressuscité avec notre chair, d’où il résulte que nous devons ressusciter avec elle également. La promesse de résurrection qui nous a été faite ne pouvant d’ailleurs se rapporter aux esprits qui sont immortels de leur nature, cette promesse implique la résurrection des corps.


Le Christ, après sa mort, est ressuscité avec la chair de son corps, aussi a-t-il montré à ses disciples les marques des clous qui l’avaient percé, et l’ouverture faite à son côté par un coup de lance (voilà bien des preuves matérielles que c’était son corps qui était ressuscité d’entre les morts) ; c’est ainsi, et avec notre corps, qu’il nous ressuscitera par sa toute puissance. Voici ce que saint Paul disait encore aux Romains : « Si donc l’esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite en nous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ, rendra aussi la vie à vos corps mortels. » Or, que veut-il dire par ces corps mortels ? Voudrait-il parler des âmes ? Mais les âmes sont immatérielles, si on les compare aux corps qui sont matériels ; « car Dieu répandit sur son visage un souffle de vie, et l’homme eut une âme vivante. » Or, ce souffle de vie était celui de la vie incorporelle. Ce souffle de vie n’est donc pas quelque chose de mortel ; c’est pourquoi David dit : « Et mon âme vivra, » parce que l’âme est d’une substance immortelle. Mais ce n’est pas à l’esprit que peuvent s’appliquer les mots de corps mortels. Alors, de quoi veulent donc parler les Écritures, en disant que le corps qui est mortel ressuscitera, si ce n’est de cette chair, dont il est ici question, qui sera ressuscitée par la puissance de Dieu ? Car c’est elle qui meurt, qui tombe en dissolution, et non point l’esprit ni l’âme. Qu’est-ce que mourir, si ce n’est perdre la faculté de vivre, devenir sans mouvement et inanimé, et perdre toutes les qualités par lesquelles on avait commencé d’être ? Or, ces accidents restent étrangers à l’âme, car elle est le souffle de vie ; ils n’atteignent pas l’esprit, car il est simple et non composé, il n’est pas susceptible de dissolution, et il est la vie des substances auxquelles il se mêle. Il ne reste donc que la chair sur laquelle la mort puisse exercer sa puissance : lorsque l’âme en est sortie, elle devient inanimée et sans mouvement, elle se dissout ensuite dans le sein de la terre, d’où elle a été tirée. Cette chair est donc mortelle, c’est d’elle que l’apôtre parle, quand il dit : Dieu rendra la vie à vos corps mortels. C’est encore de la résurrection de la chair, qu’il veut parler, quand il dit dans la première épître aux Corinthiens : « Il en est de même de la résurrection des corps. Le corps est semé dans la corruption, et il ressuscitera incorruptible. » « Car, dit-il encore, ce que vous semez ne prend point vie, s’il ne meurt auparavant. »

Pourquoi cette comparaison du grain de froment, que l’on sème et qui se dissout dans la terre, si ce n’est pour nous donner une image juste des corps humains, qui sont déposés dans la terre comme la semence du froment ; c’est ce qui fait dire à l’apôtre : « Il est semé dans l’ignominie, et il ressuscitera dans la gloire. » Et, en effet, qu’y a-t-il de plus misérable que le corps, quand il est privé de vie ? Mais aussi, quand il ressuscite et qu’il entre dans l’immortalité, y a-t-il rien de plus glorieux ? « Il est semé dans la faiblesse, et il ressuscitera dans la force ; » dans la faiblesse, parce qu’étant dans la terre, il s’assimile à la terre ; dans la force, c’est-à-dire la puissance de Dieu, qui le tire du tombeau. « Il est semé corps animal, et il ressuscitera corps spirituel. » L’apôtre, par ces mots, nous fait bien voir que ce qu’il vient de dire n’est relatif ni à l’âme ni à l’esprit, mais aux corps qui ont subi la mort ; car ce sont bien là des corps animaux, suivant son expression, c’est-à-dire qu’une âme a animés, et qui périssent aussitôt qu’ils sont privés de sa présence. Ensuite, ressuscitant par l’esprit, ils deviennent des corps spirituels, afin qu’étant éternellement animés par l’esprit, ils ne cessent plus d’être ; « car ce que nous avons maintenant de science et de prophéties, dit saint Paul, est très-imparfait ; mais alors nous verrons Dieu face à face. » Saint Pierre dit aussi à ce sujet : « Lui que vous aimez, quoique vous ne l’ayez pas vu, et en qui vous croyez, quoique vous ne le voyiez point encore ; et c’est parce que vous croyez, que vous serez comblés d’une joie ineffable et glorieuse ; » car notre face verra la face du Dieu vivant, et nous éprouverons un bonheur ineffable de la vue de notre propre bonheur.