Les Patins d’argent/XIX
Le lendemain fut un jour très-affairé pour les Brinker.
Il fallut d’abord conter à Raff l’histoire dans son complet des mille florins, comment ils avaient été perdus pendant sa longue maladie, puis heureusement retrouvés. De telles nouvelles ne pouvaient sûrement pas lui faire de mal. Puis, tandis que Gretel s’efforçait d’obéir aux injonctions de sa mère, c’est-à-dire de nettoyer la maison et de la rendre aussi claire qu’un bassin tout neuf, Hans et sa mère partirent pour se donner la joie, si oubliée d’eux, d’acheter des provisions de toutes sortes.
Hans se montrait très-satisfait, sans inquiétude de l’avenir ; sa mère remplie d’anxiétés délicieuses. Que de souhaits raisonnables et déraisonnables ne pourrait-elle pas réaliser désormais avec cette fortune qui lui semblait devoir suffire à tout et qui avait poussé pour elle et les siens en une nuit comme des champignons sur une couche. La bonne femme parla de telles magnificences le long de la route, et rapporta après tout de si petits paquets, dont elle avait si bien débattu tous les prix, qu’une fois de retour à la maison, Hans, tout étourdi, s’appuya au chambranle de la cheminée et, se grattant le front, se demanda si la vérité du proverbe qui disait : « Plus large la sacoche, plus serré le cordon, » n’allait pas être démontrée une fois de plus par sa mère.
« À quoi songes-tu, grands yeux ? demanda gaiement la mère, devinant à moitié ses pensées, tout en trottant par la chambre pour préparer le dîner. Croiriez-vous, Raff, que l’enfant s’imaginait rapporter la moitié d’Amsterdam sur sa tête ! Dieu nous bénisse ! Il aurait acheté assez de café pour en remplir ce pot à feu. Non, non, mon garçon, lui dis-je, ce n’est pas le moment d’ouvrir une voie d’eau aux flancs de notre navire alors qu’il est chargé. Il fallait voir quels yeux il ouvrait ! Juste comme en ce moment. Allons donc, garçon, remuez-vous un peu ; vous vous souderez à la cheminée, si vous y restez collé comme cela. Maintenant, Raff, voici votre chaise au haut bout de la table, à sa vraie place d’ailleurs, car il y a un homme à la maison aujourd’hui ; je le soutiendrais à la face du roi lui-même. Bien, c’est cela, appuyez-vous sur votre fils, mon mari, il est fort assez pour vous soutenir ! Et il grandit comme une mauvaise herbe ; pas plus tard qu’hier ce n’était encore qu’un petit trottillon aux jambes courtes et arquées, mais aujourd’hui, du train dont il va, c’est à croire qu’il surpassera même son père. Asseyez-vous, mon homme, asseyez-vous !
— Vous rappelez-vous, femme, dit Raff en s’asseyant avec précaution sur la grande chaise, la merveilleuse boîte à musique qui vous égayait pendant que vous travailliez dans la grande maison d’Utrecht ?
— Oui, oui, répondit la dame, trois tours d’une clef de cuivre, et la sorcière vous faisait, avec sa musique, tressaillir de la tête aux pieds. Je me la rappelle fort bien. Mais, Raff, ajouta-t-elle, en devenant tout à coup sérieuse, vous ne voudriez pas gaspiller nos guilders à acheter une chose pareille ?
— Non, non, femme, car le Seigneur m’a déjà donné, gratis, une boîte à musique. »
Et tous trois se regardèrent vivement d’un air effrayé, Raff perdait-il encore une fois l’esprit ?
« Oui, oui, et une boîte à musique que je ne vendrais pas pour une sacoche remplie d’argent, fit Raff en insistant. Seulement c’est un manche à balai qui la met en mouvement. Elle glisse et se promène par la chambre, passant comme l’éclair et éparpillant sa musique jusqu’à ce qu’on se figure que les oiseaux sont de retour.
— Bienheureux saint Bavon ! cria la dame, qu’est-ce qui lui prend maintenant ?
— Des consolations et de la joie, femme, voilà ce qui me fait parler ! Demandez à Gretel, demandez à ma petite boîte à musique, Gretel, si les consolations ont manqué à votre homme aujourd’hui.
— Certainement, mère, fit Gretel en riant. Père a été, lui aussi, ma boîte à musique. Tant qu’a duré votre absence nous avons chanté ensemble. Quel bon chanteur que Père !
— Ah ! vraiment ! dit la dame grandement soulagée. Vous avez bien fait, mais vous recommencerez bien quelquefois vos chansons pour votre femme, n’est-ce pas, mon Raff, pour votre femme plus vieille de dix ans, mais que votre résurrection va rajeunir.
— Je le crois bien, dit Raff, que je vais m’en donner de chanter à présent et de travailler, donc ! »
Mme Brinker, qui avait l’œil à tout, l’interrompit.
« Attention, Hans ; vous n’avalerez jamais un morceau pareil, mon garçon, et vous avez les yeux plus grands que le ventre. »
Et comme Hans hésitait :
« C’est pour rire, garçon ; ne te retiens pas. Tu as souffert, toi aussi ! Tiens, Gretel, prends encore un morceau de saucisson ; cela mettra du sang sur tes joues.
— Mère, fit Gretel en riant et tendant vivement son assiette, ce n’est pas du sang qui vient sur les joues, ce sont des roses. N’est-ce pas, Hans, que ce sont des roses ! Regardez quelle bonne mine a notre mère !
— Eh bien, du sang ou des roses, c’est tout un pour moi, dit la dame, pendant que Hans se dépêchait d’avaler sa bouchée monstrueuse, afin de pouvoir faire une réponse convenable.
— Eh mais, femme, dit Raff, Gretel a raison, tu es plus fraîche et plus vive en ce moment que nos deux enfants mis ensemble. »
Bien que cette observation parût excessive à la modestie de dame Brinker, comme Hans et Gretel s’étaient empressés d’y applaudir, elle remplit néanmoins la bonne femme d’une immense satisfaction.
Le repas se passa donc de la manière la plus délicieuse.
Hans venait de repousser son tabouret, s’apprêtant à se rendre chez mynheer Van Holp, pour le travail dont il l’avait chargé, et la mère se levait pour remettre la montre dans sa cachette, lorsqu’ils entendirent frapper et ouvrir en même temps.
« Entrez ! balbutia dame Brinker, cherchant à cacher la montre dans son giron. Ah ! c’est vous, mynheer Boekman. Soyez le bien venu. Le père est à peu près rétabli, comme vous voyez. Je regrette que la maison ne soit pas en état de vous recevoir, mynheer ; les restes du dîner ne sont pas encore enlevés ! »
Le docteur Boekman ne parut pas entendre les excuses de la dame. Il était évidemment pressé.
« Hem ! fit-il, je vois qu’on n’a plus besoin de moi ici. Le malade se refait promptement.
— Vos soins y sont pour tout, mynheer, et le bonheur aussi. On ne doit pas avoir de secret pour son docteur, Raff, et rien ne m’empêchera de raconter à M. Boekman qui vous a sauvé, que, pas plus tard qu’hier, nous avons retrouvé mille florins que nous avions perdus depuis dix ans. »
Le docteur Boekman ouvrit les yeux.
« Oui, mynheer, dit Raff, la femme aura raison de vous tout raconter, bien qu’il s’agisse encore d’un secret, vous êtes plus capable que n’importe qui de tenir les lèvres closes. »
Le docteur fronça le sourcil ; il n’aimait pas à être l’objet de remarques aussi personnelles.
« Maintenant, mynheer, ajouta Raff sans s’apercevoir qu’il s’était mal embarqué, vous pouvez recevoir de nous ce qui vous revient à bon droit. Vous l’avez bien gagné, Dieu le sait, si toutefois rendre au monde et à sa famille un pauvre instrument comme moi peut être regardé comme une action méritoire. Soyez assez bon pour dire à la femme ce que nous vous devons, mynheer ; elle vous paiera de bien bon cœur, car nous savons que dans votre intention c’est gratis que vous avez cru me sauver.
— Ne parlons pas d’argent, dit le docteur avec bonté, et gardez vos florins pour vous ; vous en avez plus besoin que moi, mes amis. On me paye souvent en cette monnaie, mais en reconnaissance, c’est plus rare, et c’est cependant le prix que je préfère. Le « merci » de ce garçon – il indiquait Hans d’un signe de tête – m’a assez payé.
— Peut-être que vous avez un fils aussi, » fit dame Brinker ravie de voir le grand homme se montrer si cordial.
La bonne humeur du docteur s’évanouit en un instant. Gretel a raconté depuis qu’elle avait cru voir un épais nuage couvrir tout d’un coup ses traits. Mais il ne répondit pas.
Brinker voulant venir au secours de sa femme :
« Ne croyez pas, lui dit-il, que la femme ait voulu se mêler de ce qui ne la regardait pas ; oh ! non. Mais, quand vous êtes entré, elle était très-préoccupée de ce qu’avait pu devenir un jeune homme qu’une circonstance malheureuse a séparé de sa famille, qui n’est plus là, lui, ni peut-être nulle part ailleurs sur cette terre, et dont les parents ont quitté le pays pour aller on ne sait où, ce qui est bien fâcheux, car j’aurais quelque chose à leur remettre de la part de leur fils.
— Ils s’appellent Boomphoffen, dit vivement la dame. Connaissez-vous cette famille, mynheer ? »
La réponse du docteur fut brève et rude.
« Oui, des gens désagréables. Ils sont partis pour l’Amérique.
— Peut-être, Raff, fit la dame en insistant timidement, peut-être le docteur connaît-il quelqu’un dans ce pays, quoiqu’on m’ait dit que ce sont presque des sauvages ; s’il pouvait faire parvenir la montre aux Boomphoffen, avec le dernier message de leur pauvre garçon, ce serait une bien bonne action.
— Ne soyons pas indiscrets, femme. Pourquoi ennuyer le docteur de nos affaires, pendant qu’hommes et femmes à la mort l’attendent de tous côtés ? D’ailleurs, comment savez-vous que c’est bien là le nom ?
— J’en suis sûre, répliqua-t-elle ; ils avaient un fils nommé Lambert, et il y a sur la montre un L qui ne peut vouloir dire que Lambert, et un B pour Boomphoffen ; il y a bien un drôle de J aussi. Mais le docteur peut voir lui-même. »
Disant ces mots, elle présenta la montre au docteur.
« L. J. B. ! s’écria le docteur en s’élançant vers elle. Vous êtes bien sûre que c’est de ces trois lettres et dans cet ordre qu’il s’agit ? »
Comment décrire la scène qui s’ensuivit ? Je me contenterai d’ajouter qu’après dix ans le message du fils put être ce soir-là remis enfin entre les mains du père, et que, cela fait, le grand médecin se mit à sangloter comme un enfant.
« Laurens ! mon Laurens ! criait-il, regardant avec des yeux avides la montre qu’il tenait tendrement dans sa main. Dieu tout-puissant ! Si je l’avais su plus tôt ! Quoi, Laurens, mon bien-aimé enfant, serait depuis dix ans errant à l’étranger ! Il a souffert ce martyre de l’exil, il le souffre encore. Peut-être en meurt-il en ce moment ! Réfléchissez, Brinker, rappelez tous vos souvenirs. Où mon fils a-t-il dit que son père aurait dû lui écrire ? »
Raff secoua tristement la tête.
« Faites un effort, mon bon Raff, fit le docteur d’un ton suppliant. Demandez à Dieu de compléter la grâce qu’il vous a faite de vous rendre la mémoire et d’achever la cure si bien commencée. Prions-le tous, tous ardemment, et il ne voudra pas que le souvenir vous fasse défaut dans un moment comme celui-ci !
— Hélas ! hélas ! dit Brinker en se pressant le front dans ses deux mains, hélas ! tout est parti, mynheer. Je ne peux pas, je ne peux pas ! Et le Père céleste de là-haut sait pourtant que pour vous rendre votre fils je consentirais à mourir à l’instant. »
Hans, oubliant toute distinction d’âge et de rang et ne voyant qu’une chose, c’est que son ami le docteur était abîmé dans une douleur sans fond, vint lui jeter les bras autour du cou.
« Je trouverai votre fils, mynheer. S’il est vivant, il est quelque part. La terre n’est pas si grande. Tout ce qui me reste de jours à vivre sera consacré à le chercher. Mère peut se passer de moi maintenant, mynheer ; envoyez-moi où vous voudrez. »
Gretel, qui était toute pâle du chagrin de leur sauveur, entendant les paroles de Hans, se sentit le cœur brisé. Elle approuvait Hans, cela n’était pas douteux, Hans avait raison de vouloir partir, mais comment feraient-il pour vivre sans lui ?
Le docteur ne répondit pas. Il ne repoussa pas Hans non plus. Ses yeux anxieusement fixés sur Raff Brinker semblaient vouloir aller chercher au plus profond de son âme ce qui n’en pouvait plus sortir. Tout à coup, comme si une idée lui était instantanément survenue, il porta la montre plus près de ses yeux et, l’ayant examinée à son tour, il s’efforça de l’ouvrir. Le ressort, que le manque d’usage avait rendu moins élastique, céda à la fin ; le couvercle sauta et il en tomba une petite enveloppe de fin papier de soie, contenant… quelques myosotis ! Raff, voyant une ombre de cruel désappointement sur le visage du docteur, s’écria :
« Il y avait autre chose dans cette boîte, mynheer, mais le jeune homme l’a enlevé avant de me donner la montre, et je l’ai vu l’embrasser et le mettre dans sa poche.
— Ce devait être le portrait de sa mère, répondit le docteur en gémissant. Elle était morte alors qu’il n’avait que dix ans. Dieu soit loué ! l’enfant ne l’avait pas oubliée ! »
Après quelques instants du plus douloureux silence, rempli par une méditation profonde, le docteur se leva et, les yeux levés vers le ciel :
« Non, le fils n’a pas pu mourir après la mère ; ce double deuil n’a pas pu m’être infligé par Celui qui est l’infinie bonté. Mon fils vit, j’en suis… oui, j’en suis certain… En douter serait une impiété ! Écoutez-moi : Laurens était mon élève. Il prépara un jour, sur mon ordre, pour un de mes malades, une potion, se trompa d’ingrédients, et l’on remit à la famille du malade, au lieu du breuvage salutaire, un poison mortel. Mais, grâce au ciel, quand ce poison arriva dans la chambre du malade, j’étais là ; je m’aperçus à temps de l’erreur et il va sans dire qu’il ne fut pas administré : je restai toute la nuit auprès du mourant, espérant le sauver. Il n’en fut rien ; la maladie, plus forte que la science, emporta le moribond. Le bruit de cette mort se répandit en un instant dans la ville et arriva jusqu’à mon fils. Voulant se rendre compte du peu d’effet produit par la potion que je lui avais fait préparer, il s’aperçut alors, en examinant la petite dose qu’il avait gardée dans son laboratoire, de l’erreur fatale qu’il avait commise. Il perdit la tête et, s’accusant à tort de la mort de mon malheureux client, il disparut.
« Lorsque je rentrai à la maison, mon fils depuis quelques heures était parti, parti pour ne pas revenir, et poursuivi par le remords d’une faute qui n’avait pas été commise.
Et j’accusais son silence ! Et je maudissais mon enfant ! s’écria le docteur en s’abandonnant à son désespoir. Je le maudissais de n’avoir pas songé un instant à son père dans les premières heures de son égarement, ni depuis, quand au contraire, après vous avoir confié son message, c’est lui qui a dû croire à mon inflexible cruauté ! »
Dame Brinker se hasarda à parler. Elle ne pouvait supporter de voir le docteur pleurer.
« C’est une grande consolation que Dieu vous a laissée, mynheer, que de savoir du moins le fugitif innocent. Ah ! le pauvre jeune monsieur ! On comprend, Raff, ce qu’il vous disait : que, bien qu’il fût pur de tout crime, il avait été la cause de la mort d’un homme. Mais notre Gretel aurait pu en faire autant !
— Chut ! femme, fit rudement Brinker.
— Pauvre Laurens ! répétait le docteur, quel concours de fatalités !
— Mynheer, lui disait Hans tout bas, je retrouverai votre fils. Je vous ramènerai votre Laurens, aussi vrai que vous nous avez rendu notre père. »
Et on peut dire que son cœur faisait trouver là au brave Hans les seules paroles qui pussent calmer l’affliction du docteur.
« Sois béni, mon enfant ! dit le docteur en saisissant la main du jeune homme. Espérons que Dieu nous guidera dans nos recherches. Quant à ce qui est de vous, Brinker, dit-il en s’adressant au père de Hans, il n’est pas impossible qu’une lueur se refasse un jour dans votre esprit sur ce sujet. Vous me le ferez dire tout de suite, n’est-ce pas ?
— Oh ! docteur, dit Gretel, nous irons tous vous le dire.
— Les yeux de votre garçon, reprit le docteur en se tournant vers dame Brinker, ressemblent étrangement à ceux de mon fils. La première fois que je le rencontrai, j’eus un frémissement ; il me sembla que mon fils lui-même était devant moi.
— Ah ! mynheer, répondit l’orgueilleuse mère, j’ai remarqué que vous aviez une grande prédilection pour l’enfant. »
Pendant quelques instants le docteur demeura absorbé par ses réflexions, mais revenant enfin à lui :
« Pardonnez-moi, Raff Brinker, dit-il, de n’avoir pu vous cacher mon émotion, et ne vous reprochez rien en ce qui me concerne. Dites-vous que je quitte aujourd’hui votre maison plus heureux que je ne l’ai été depuis de longues années, puisque j’emporte la certitude que mon fils, même en cette journée funeste, n’avait du moins pas oublié son père.
— Cette montre, docteur, vous le rappellera par chacun de ses battements, dit Brinker.
— Oui, oui, répondit le docteur, regardant son trésor avec le singulier froncement de sourcils qui lui était habituel, car son visage n’avait pu, en un instant, se défaire de ses mauvais plis. Oui ! oui ! Et maintenant il faut que je m’en aille. Le malade ici n’a plus besoin du médecin, il ne lui faut que la paix et la gaieté, et ni l’une ni l’autre ne lui manqueront. Le ciel vous bénisse, mes bons amis. Je vous serai toujours reconnaissant.
— Le ciel vous bénisse aussi, mynheer, et puissiez-vous trouver bientôt le cher jeune monsieur, dit dame Brinker avec chaleur, après avoir essuyé ses yeux à la hâte avec le coin de son tablier. »
Raff fit entendre un Amen sorti du fond du cœur, et Gretel jeta au docteur un regard si plein de sympathie, qu’il lui caressa les cheveux en se retournant avant de sortir de la chaumière.
Hans l’accompagna au delà de la porte :
« Quand vous jugerez que je puis vous être utile, mynheer, je suis prêt.
— Je le sais, mon garçon, répliqua le docteur avec une douceur toute particulière. Dites-leur, là-dedans, de ne rien conter à personne de ce qui s’est passé. En attendant, Hans, lorsque vous serez avec votre père, observez-le, vous avez du tact. Il peut, à un moment donné, se rappeler tout.
— Je n’y manquerai pas, mynheer.
— Au revoir, mon garçon, cria le docteur en sautant dans son carrosse.
— Dieu merci ! dit Hans en le voyant s’éloigner, le docteur possède plus de vie et d’élasticité que je ne croyais. Il a monté dans ce carrosse comme un jeune homme. »